Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 94 I 459



94 I 459

63. Extrait de l'arrêt du 5 juin 1968 dans la cause Bourgeoisie de
Dorénaz contre Commission valaisanne de recours en matière d'améliorations
foncières. Regeste

    Staatsrechtliche Beschwerde. Anfechtbare Entscheide.

    Wer mit staatsrechtlicher Beschwerde einen Entscheid anficht, der
von einer mit beschränkter Prüfungsbefugnis ausgestatteten kantonalen
Rechtsmittelinstanz gefällt wurde, kann gleichzeitig noch den Entscheid
der untern kantonalen Instanz anfechten, und zwar auch mit Rügen, welche
bei der kantonalen Rechtsmittelinstanz nicht erhoben werden konnten
(Änderung der Rechtsprechung).

Sachverhalt

                        Résumé des faits

    La loi valaisanne du 2 février 1961 "sur les améliorations foncières
et les autres mesures en faveur de l'économie agricole" (LAF) dispose en
son article 58, relatif à la Commission cantonale de recours (CCR):

    "La Commission tranche sans appel, les parties entendues ou dûment
convoquées, les cas qui lui sont soumis.

    Les recours contre le nouvel état en matière de remaniement parcellaire
sont, sauf erreur matérielle constatée, résolus par une indemnité en
argent, à l'exclusion d'une compensation en terram.

    ..."

    La Bourgeoisie de Dorénaz, propriétaire de vingt parcelles dans le
périmètre du remaniement parcellaire de la commune, s'est vu attribuer
trois parcelles dans le projet de nouvel état, mis à l'enquête publique
du 22 août au 10 septembre 1966. Parmi les surfaces attribuées dans la
région des "Ilettes" se trouvaient notamment deux anciennes parcelles
dont les propriétaires demandèrent, par la voie de la réclamation,
qu'elles leur restent attribuées dans le nouvel état. La Commission
d'exécution fit droit à leur demande. La Bourgeoisie recourut à la CCR
afin d'obtenir que sa parcelle des Ilettes soit replacée dans l'état
prévu par le premier projet mis à l'enquête le 22 août 1966; à l'appui
de sa demande, elle soutenait entre autres qu'il y avait erreur manifeste
dans la confection du nouveau plan et se plaignait de ce que la nouvelle
répartition l'empêchait de réaliser ses projets d'aménagement de places
d'utilité publique. Son recours fut écarté le 11 août 1967.

    Agissant par la voie du recours de droit public, la Bourgeoisie de
Dorénaz requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision de la CCR du
11 août 1967.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La recourante conclut à l'annulation de la décision prise
par la CCR le 11 août 1967, laquelle aurait, selon ses dires, commis
un acte d'arbitraire et une inégalité de traitement en appliquant les
dispositions cantonales, et violé également la garantie constitutionnelle
de la propriété. Son recours, déposé dans le délai et motivé conformément
aux exigences de l'art. 90 OJ, est recevable et la cour de céans doit
examiner ces griefs.

    Il ressort cependant de la motivation du recours que la Bourgeoisie de
Dorénaz vise à obtenir subséquemment, grâce à l'annulation de la décision
de la CCR, une modification de la répartition des parcelles. Or, selon
l'art. 58 al. 2 LAF, la CCR ne peut pas toucher à cette répartition, sauf
le cas d'erreur matérielle constatée; elle doit examiner si la Commission
d'exécution a fait une saine application des dispositions légales;
si elle arrive à la conclusion que ladite commission a violé la loi,
elle ne peut pas modifier la répartition - sous la réserve cidessus -,
mais seulement attribuer une indemnité en argent.

    La recourante avait allégué, dans son recours à la CCR, l'existence
d'une erreur manifeste, mais elle nel'a pas démontrée, ni même indiqué
en quoi elle aurait consisté; elle n'a pas davantage démontré, dans son
recours de droit public, que la CCR jouissait d'une pleine cognition
et pouvait, en raison d'une erreur matérielle constatée, modifier la
répartition des parcelles. Ainsi la Commission d'exécution apparaît comme
étant l'autorité de dernière instance cantonale en matière de répartition
des parcelles. Si donc la recourante voulait obtenir l'attribution des deux
parcelles litigieuses, elle devait s'en prendre aussi à la décision de la
Commission d'exécution. Pouvait-elle encore le faire dans son recours
de droit public déposé le 14 septembre 1967, soit plus de trente jours
après la communication de cette décision?

Erwägung 2

    2.- Sous réserve des exceptions énumérées à l'art. 86 al. 2, 2e phrase,
OJ et de celles qu'a formulées la jurisprudence (RO 93 I 21 et les arrêts
cités), les recours pour violation des droits constitutionnels des citoyens
ne sont recevables qu'après que les moyens de droit cantonal ont été
épuisés (art. 86 al. 2, 1re phrase, OJ); c'est également ce qui ressort
de l'art. 87 OJ, relatif aux recours pour violation de l'art. 4 Cst.

    D'autre part, l'art. 89 OJ prévoit que l'acte de recours doit être
déposé dans les trente jours dès la communication de la décision attaquée.

    La notion de moyens de droit cantonal est large; elle comprend non
seulement les voies de recours ordinaires et extraordinaires, mais, d'une
façon générale, toutes les voies de droit qui sont ouvertes au recourant
lui-même afin de faire disparaître le préjudice juridique allégué et
qui sont de nature à obliger l'autorité saisie à statuer (RO 92 I 30
consid. 2; 90 I 204 et 230; 88 I 153). Si le moyen de droit cantonal
oblige l'autorité saisie à s'occuper de l'affaire et permet d'éliminer le
préjudice juridique allégué dans le recours de droit public, ce moyen -
même s'il est extraordinaire - doit être utilisé avant que le Tribunal
fédéral ne soit abordé, sinon le recours de droit public est déclaré
irrecevable pour défaut d'épuisement des instances cantonales (RO 89 I
127 consid. 1).

    a) Lorsque l'autorité cantonale de recours jouit d'un plein pouvoir
d'examen, sa décision remplace celle de l'autorité inférieure et peut
seule être attaquée par la voie du recours de droit public (RO 93 I 326;
91 I 27, 166 et 281).

    b) En revanche, la situation se présente différemment lorsqu'il s'agit
de voies de droit extraordinaires où le pouvoir d'examen de l'autorité
de recours est limité.

    aa) Si le grief de violation d'un droit constitutionnel peut être
porté devant l'autorité cantonale de recours, le justiciable utilisera
d'abord cette voie et, s'il n'obtient pas satisfaction, il pourra attaquer
devant la Chambre de droit public et la décision de l'autorité de recours
et celle de l'autorité qui a statué dans l'instance inférieure (RO 92 I
274 consid. 1; 87 I 64; 84 I 235; 81 I 148), alors même que le délai de
trente jours dès la communication de la décision de l'autorité inférieure
est déjà écoulé.

    bb) En revanche, si le moyen qu'il entend faire valoir dans le
recours de droit public ne peut pas être invoqué dans le pourvoi cantonal
extraordinaire, le lésé doit, selon la jurisprudence adoptée jusqu'ici
(RO 81 I 148; 90 I 21; 91 I 34), recourir immédiatement au Tribunal
fédéral contre le jugement au fond, alors même que sur d'autres points la
voie cantonale extraordinaire lui est ouverte. Ainsi le recourant doit,
dans de tels cas, déposer à la fois un recours de droit public auprès
du Tribunal fédéral et un recours extraordinaire auprès de l'autorité
cantonale de recours.

    Une telle solution, si elle est théoriquement satisfaisante, n'en
présente pas moins une sérieuse complication pour le justiciable,
peu rompu aux subtilités de la jurisprudence relative au recours de
droit public. En effet, il n'est pas toujours facile de distinguer, in
concreto, entre les griefs que l'on peut faire valoir dans un recours
extraordinaire cantonal et les autres que l'on doit porter directement
devant le Tribunal fédéral. Ainsi en l'espèce, un propriétaire peut
invoquer devant la Commission cantonale de recours une violation des
prescriptions sur la répartition des parcelles, et la commission peut
examiner un tel grief; mais, si elle estime qu'il est fondé, elle ne peut
pas modifier la répartition, elle ne peut qu'accorder une indemnité en
argent. Faudrait-il dès lors obliger le propriétaire, s'il tient à obtenir
une répartition différente des parcelles, à recourir directement contre
la décision de la Commission d'exécution auprès du Tribunal fédéral, et
soumettre à ce dernier le même grief de violation des prescriptions sur la
répartition que doit également examiner la Commission cantonale de recours?

    Pour des raisons de simplification et d'économie de la procédure, il se
justifie de permettre à un recourant d'attaquer, par la voie d'un recours
de droit public déposé contre la décision sur recours extraordinaire et
dans le délai de trente jours dès la communication de cette dernière,
également la décision de l'autorité inférieure, même sur des points où
une telle décision ne pouvait pas être soumise à l'autorité cantonale de
recours. Il faut cependant, pour que la décision de l'autorité inférieure
puisse être revue par le Tribunal fédéral, que le recourant en demande
l'annulation totale ou partielle, en même temps qu'il attaque la décision
sur recours. D'autre part, le Tribunal fédéral ne pourra pas entrer en
matière - sous réserve des règles de jurisprudence relatives aux moyens
nouveaux - sur des moyens que le recourant n'aurait pas fait valoir
devant l'autorité cantonale de recours alors qu'il en avait la possibilité
(RO 84 I 235).

    (Le recours a néanmoins été rejeté sur le fonds).