Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 94 I 451



94 I 451

62. Extrait de l'arrêt du 3 juillet 1968 dans la cause Commune de Lausanne
contre Grand Conseil du canton de Vaud. Regeste

    Gemeindeautonomie.

    1.  In ihrer Eigenschaft als Trägerin öffentlicher Gewalt ist
eine Gemeinde legitimiert, staatsrechtliche Beschwerde zu führen wegen
Verletzung ihrer Autonomie, nicht dagegen wegen Verletzung des Art. 4 BV
(Erw. 1).

    2.  Begriff der Gemeindeautonomie und ihrer Verletzung auf dem Gebiete
der Rechtsetzung; Entwicklung der Rechtsprechung (Erw. 3).

    3.  Wenn der Bereich der durch die Kantonsverfassung gewährleisteten
Gemeindeautonomie nicht durch die Kantonsverfassung selber, sondern durch
das Gesetz bestimmt wird, ist der Gesetzgeber nicht endgültig gebunden
an die von ihm einmal vorgenommene Aufteilung der Aufgaben; er kann sie
jederzeit ändern, sofern er dabei den Verfassungsgrundsatz nicht missachtet
(Erw. 4).

    4.  Die waadtländischen Gemeinden sind inbezug auf die Entlöhnung
der Primarlehrer nicht autonom (Erw. 5).

Sachverhalt

    A.- Dans le canton de Vaud, l'enseignement primaire incombe, selon
l'art. 17 Cst. cant., à l'Etat et aux communes. Réglée par une loi
cantonale en 1806 déjà, la matière fait actuellement l'objet de la loi du
25 mai 1960 "sur l'instruction publique primaire et l'enseignement ménager
postscolaire" (en abrégé: LIP). Les instituteurs ont été de tout temps
nommés par les communes, sous réserve d'approbation par le Département
cantonal de l'instruction publique. Quant à la rémunération du corps
enseignant, elle était entièrement à la charge des communes pendant la
première moitié du 19e siècle, la loi cantonale se contentant de fixer
le minimum du traitement annuel et de prévoir la mise à disposition d'un
appartement et d'un jardin, ou le versement de leur valeur en argent. Dès
1857, le canton prit à sa charge les augmentations de traitement dues
aux instituteurs en raison des années de service. La loi de 1920 fixa
le minimum à payer à titre d'indemnité de logement (600 fr. pour les
instituteurs et 400 fr. pour les institutrices) et précisa que dans les
localités importantes, cette indemnité devait tenir compte du prix des
loyers et de la cherté de l'existence. Plusieurs communes, notamment
celle de Lausanne, payèrent des indemnités sensiblement plus élevées que
le minimum fixé par la loi.

    En 1947, le personnel enseignant fut soumis, par la loi du 9 juin
1947, au statut général des fonctions publiques cantonales et rangé dans
l'échelle des traitements. Les montants qui y étaient prévus, sensiblement
plus élevés que les traitements versés jusqu'alors, constituaient la
rémunération totale, de sorte que la valeur des prestations en nature
(logement, chauffage, jardin) était déduite pour le calcul du montant à
verser en espèces. Il n'était plus prévu d'indemnité de logement. Pour
éviter cependant que les instituteurs au bénéfice de telles indemnités
ne perdent l'avantage procuré par les améliorations de traitement du
nouveau statut, le Département de l'instruction publique conseilla
aux communes, par circulaire du 17 mai 1948, de continuer à verser de
telles indemnités, ce que firent plusieurs d'entre elles. Augmentées
au cours des années, ces indemnités atteignirent finalement à Lausanne,
en 1967, le montant maximum de 3910 fr. pour une personne mariée et 3175
fr. pour un célibataire. La rémunération du corps enseignant primaire
présentait ainsi de grosses différences entre la ville et la campagne.
L'Union des communes vaudoises s'est élevée à plusieurs reprises contre
cette situation et demanda la suppression des compléments communaux à
l'occasion de la révision de l'échelle des traitements.

    B.- La nouvelle classification adoptée en 1967 apporta aux
instituteurs une sensible amélioration de traitement, qui se traduisit
par une augmentation de 1381 fr. pour le traitement minimum et de 3223 fr.
pour le traitement maximum. Parallèlement à cette nouvelle classification,
le Grand Conseil modifia par une loi du 11 décembre 1967 les art. 116 à
118 de la LIP de 1960: l'art. 116 fixe les éléments de la rémunération
(traitement de base, allocation complémentaire variant avec le coût de
la vie, allocation de ménage); l'art. 117 précise qu'elle est calculée et
versée par l'Etat (comme auparavant), les communes devant lui rembourser
50% de la rémunération totale (jusqu'ici 80% du traitement de base, sans
les allocations). Les compléments communaux sont entièrement supprimés
par l'art. 118, qui précise:

    "Les communes ne sont pas autorisées à compléter, sous quelque forme
que ce soit, la rémunération prévue à l'art. 116.

    En cas de violation de cette règle, le Conseil d'Etat peut augmenter,
jusqu'à 75 % au maximum, la part que la commune en cause doit rembourser
à l'Etat en application de l'article précédent."

    Pour éviter que la nouvelle rémunération ne soit inférieure à
celle touchée antérieurement par certains membres du corps enseignant,
l'art. 156 bis prévoit des dispositions transitoires qui assurent à tout
instituteur une rémunération globale au moins égale à celle reçue en 1967,
complément communal compris; d'autre part, ceux qui ont encore droit à
des augmentations annuelles, mais dont la rémunération globale de 1967
dépasse celle à laquelle ils auraient droit selon l'art. 116 nouveau,
ne toucheront dorénavant que la moitié de l'augmentation annuelle. Les
montants supplémentaires découlant de ces dispositions transitoires sont
payés par l'Etat, qui en demande le remboursement total aux communes
intéressées. Un art. 156 quater prévoit pour les prestations à payer en
régime transitoire une disposition semblable à celle de l'art. 118.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public, la commune de
Lausanne requiert le Tribunal fédéral

    a) de déclarer anticonstitutionnelle la loi vaudoise du 11 décembre
1967, "dans la mesure où elle interdit aux communes d'allouer un complément
de salaire aux membres du personnel enseignant";

    b) d'annuler ladite loi, subsidiairement les décisions qu'elle
contient, en tant qu'elle supprime les allocations de complément de
salaire et les interdit sous peine de sanctions.

    Elle se plaint de la violation de l'autonomie communale garantie
par l'art. 80 Cst. vaud., ainsi que d'arbitraire. Elle soutient que les
communes sont compétentes en cette matière, où leur autonomie découle
de la constitution et d'une pratique vieille de 150 ans. A son avis, le
nouveau régime créé par la loi attaquée constitue, par son égalitarisme
qui ne tient pas compte des conditions de vie - notamment de logement -
plus onéreuses en ville qu'en campagne, une inégalité de traitement qui
viole l'art. 4 Cst.

    Les arguments particuliers seront repris ci-dessous dans la mesure
utile.

    D.- Au nom de l'Etat de Vaud, le Conseil d'Etat conclut au rejet du
recours dans la mesure où il est recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La recourante requiert le Tribunal fédéral de déclarer
inconstitutionnelle la loi du 11 décembre 1967 "dans la mesure où elle
interdit aux communes d'allouer un complément de salaire aux membres
du corps enseignant", partant d'"annuler cette loi, subsidiairement les
décisions contenues dans la loi... en tant qu'elle supprime les allocations
de complément de salaire communal ... et interdit ... d'allouer désormais
un tel complément ... sous peine de sanctions". Ainsi le recours est
dirigé uniquement contre cette interdiction, prévue à l'art. 118, de même
qu'à l'art. 156 quater pour les dispositions transitoires. La recourante
n'attaque pas formellement les dispositions transitoires de l'art. 156
bis, mais se contente de les critiquer, en ce sens qu'elle voudrait voir
les compléments communaux maintenus dans les autres cas également.

    a) Les instituteurs sont des fonctionnaires publics cantonaux (et
aussi communaux, affirme la recourante). Les compléments de traitements
versés par la commune le sont en vertu du droit public et non du droit
privé. Leur suppression touche la recourante en tant que détentrice de
la puissance publique. A ce titre, elle n'a qualité pour recourir que si
elle défend son autonomie ou si elle attaque des décisions qui mettent en
cause son existence ou l'état de son territoire (RO 93 I 66). Soutenant
que la loi attaquée viole l'autonomie qui lui est reconnue depuis plus de
150 ans en matière d'indemnité de logement, la commune de Lausanne a ainsi
qualité pour soulever ce grief par la voie du recours de droit public.

    b) En revanche, elle n'a pas qualité, selon la jurisprudence,
pour se plaindre d'une violation de l'art. 4 Cst., dans la mesure
où elle fait valoir ce grief à titre indépendant, et non seulement
pour renforcer le grief de violation de l'autonomie communale. Or,
en l'espèce, la recourante ne fait pas valoir seulement que le Grand
Conseil interprète arbitrairement les dispositions cantonales relatives à
l'autonomie communale, mais encore que la loi attaquée crée une inégalité
de traitement entre les membres du corps enseignant et entre les communes
elles-mêmes, ce qui constitue un grief différent de celui de la violation
de l'autonomie communale. La recourante demande cependant que le Tribunal
fédéral revoie sa jurisprudence dans le sens proposé par la thèse de MATTER
("Die Legitimation der Gemeinde zur staatsrechtlichen Beschwerde", Berne
1965, notamment p. 72/73), en mettant les communes sur le même pied que
les autres collectivités et en leur reconnaissant le droit d'invoquer la
violation d'autres droits constitutionnels.

    Mais cette thèse méconnaît la nature du recours de droit public et
des droits constitutionnels des citoyens. Le recours de droit public est
destiné essentiellement à protéger les citoyens et les collectivités
contre les abus du pouvoir. Or la commune est elle-même détentrice de
la puissance publique; à ce titre, elle n'est pas titulaire des droits
constitutionnels des citoyens dont le recours de droit public permet
d'assurer la protection. Si la qualité pour recourir lui est néanmoins
reconnue dans certains cas où elle agit en tant que détentrice de la
puisssnce publique, c'est que l'autonomie communale, garantie en général
par les constitutions cantonales, est considérée par la jurisprudence comme
un droit subjectif des communes, analogue aux droits constitutionnels
des citoyens (RO 65 I 131 consid. 2). C'est donc uniquement lorsqu'elle
se plaint d'une violation de son autonomie - ou lorsqu'elle attaque une
décision qui met en cause son existence ou l'état de son territoire,
bases et conditions de son autonomie (RO 89 I 206/7) - que la commune a
qualité, en tant que détentrice de la puissance publique, pour agir par
la voie du recours de droit public (RO 93 I 66, 157, 431).

    La qualité pour soulever, à titre indépendant, le grief de violation
de l'art. 4 Cst. doit dès lors être déniée à la commune de Lausanne; de
toute façon, elle n'aurait pas qualité pour se plaindre d'une inégalité
de traitement dont seraient victimes certaines catégories d'instituteurs.

Erwägung 3

    3.- L'autonomie communale ne peut être violée que dans la mesure
où elle existe, c'est-à-dire dans les domaines où les communes sont
effectivement autonomes. En l'espèce, il s'agit de savoir si les communes
vaudoises jouissent de l'autonomie en matière de rémunération du corps
enseignant primaire et, si oui, dans quelle mesure.

    D'après la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, autonomie
communale signifie compétence des communes d'accomplir de façon
indépendante certaines tâches publiques, tant sur le plan de la
législation que de l'administration. On admettait autrefois que cette
autonomie n'existait que dans les affaires qui relèvent de la compétence
propre des communes, et non dans celles qui relèvent de leur compétence
déléguée (Ro 83 I 123/4; 84 I 230 et encore 89 I 111 consid. 1). Puis on a
recherché le critère de distinction dans le pouvoir de libre appréciation
(freies Ermessen) reconnu aux communes par la constitution et la loi en
matière législative et administrative, et dans leur faculté de l'exercer
sans être soumises au contrôle de l'Etat (RO 89 I 111/2 consid. 2, 91 I
42 consid. 3, 92 I 375 consid. 2 a et les arrêts cités).

    Dans ses tout derniers arrêts, le Tribunal fédéral a abandonné
ces deux critères pour la détermination de l'autonomie communale; il
a également rejeté comme peu satisfaisante la notion - proposée par la
doctrine - fondée sur l'usage et les caractéristiques intrinsèques (innere
Kennzeichnung) de certaines matières qui en font traditionnellement des
tâches de compétence locale. Il admet que l'autonomie existe également - du
moins en ce qui concerne la législation - lorsque le droit cantonal, tout
en réglant une certaine matière de façon plus ou moins détaillée, laisse
cependant aux communes une liberté de décision relativement importante
(RO 93 I 160 consid. 5 et 431 consid. 3; 94 I 65). Dans les deux derniers
arrêts cités, il a examiné s'il y avait lieu d'étendre au domaine de
l'application du droit la nouvelle jurisprudence adoptée en matière de
législation communale; il a cependant laissé cette question ouverte. Il
n'est pas non plus nécessaire de la trancher ici où, s'agissant de savoir
si les communes vaudoises peuvent compléter la législation cantonale sur
la rémunération du corps enseignant par l'octroi de suppléments communaux,
on est en présence d'une matière qui relève de la législation.

Erwägung 4

    4.- La constitution vaudoise traite de la position des communes
vis-à-vis de l'Etat en son art. 80, ainsi rédigé:

    "L'existence des communes est reconnue et garantie.

    Les communes sont subordonnées à l'Etat, avec lequel elles concourent
au bien de la société.

    Elles jouissent de toute l'indépendance compatible avec le bien de
l'Etat, son unité et la bonne administration des communes ellesmêmes."

    Elle reconnaît ainsi une certaine autonomie aux communes, mais ne
la délimite pas elle-même. En matière d'enseignement, elle précise à
l'art. 17 al. 1: "L'Etat et les communes ont l'obligation de donner aux
établissements d'instruction publique le degré de perfection dont ils sont
susceptibles, eu égard aux besoins et aux ressources du pays." Ainsi la
constitution n'établit pas elle-même la répartition des tâches, qui est
laissée aux soins du législateur.

    Or si le législateur peut accorder des pouvoirs aux communes et
délimiter le domaine de leur autonomie, il ne les leur garantit qu'à
l'égard des autres autorités de l'Etat et non pas envers lui-même. Il
est maître de la loi et n'est pas définitivement lié par une répartition
des tâches qu'il a une fois établie; il peut au contraire la modifier en
tout temps, sous réserve de respecter la disposition - assez vague - de
l'art. 80 al. 3 Cst. cant. Le fait que des lois cantonales antérieures
aient laissé les mains libres aux communes dans un certain domaine
n'empêche pas une limitation subséquente de cette liberté, pourvu que
les normes constitutionnelles soient respectées.

Erwägung 5

    5.- En ce qui concerne la rémunération du corps enseignant primaire,
le législateur n'a pas restreint l'autonomie des communes par la loi du 11
décembre 1967; en effet, le canton s'est de tout temps réservé le dernier
mot en cette matière, même lorsque les communes devaient supporter seules
la charge des traitements; il l'a fait en tout cas de façon expresse dès
le régime de 1947.

    La première loi scolaire de 1806 prescrivait déjà aux communes un
salaire minimum à verser aux maîtres primaires, leur laissant la faculté
d'exiger une modique contribution des parents des élèves; les communes
devaient également fournir un logement et un jardin ou verser une indemnité
correspondante, les autres points étaient déterminés par les municipalités,
sous réserve de recours au Petit Conseil. Une réglementation semblable
se trouve dans les lois scolaires postérieures de 1834, 1846 et 1865,
avec cette différence que la rémunération fixée par les communes devait
être soumise à l'approbation du Conseil de l'instruction publique puis,
dès 1865, du Département de l'instruction publique. Les lois scolaires
de 1889, 1906 et 1930 ont repris sensiblement le même système, tout en
augmentant le montant minimum du traitement; en outre, les deux dernières
lois ont prévu des augmentations de traitement, à la charge de l'Etat,
à partir de la troisième année de service.

    Une importante modification intervint en 1947, en ce sens que les
membres du corps enseignant furent soumis au statut des fonctionnaires,
qui venait d'être mis sur pied, et incorporés dans la classification des
fonctions. Ainsi le canton ne se contentait plus de fixer un traitement
minimum, mais fixait luimême le traitement de base, avec minimum, maximum
et augmentations annuelles; les prestations en nature faisaient partie du
traitement et devaient être portées en déduction du salaire en espèces. Il
n'était donc plus possible de verser, à côté du traitement légal, une
indemnité en argent pour remplacer le logement gratuit. Si plusieurs
communes, malgré cette prescription, versèrent de telles indemnités en
argent, elles violaient ainsi cette prescription; elles le faisaient donc
non pas seulement praeter legem, mais contra legem. A cela ne change rien
le fait qu'une telle façon de procéder leur ait été recommandée par une
circulaire du Département de l'instruction publique du 17 mai 1948: le
département n'avait pas le pouvoir d'accorder aux communes des compétences
que la loi ne leur reconnaissait pas; il ne pouvait pas davantage lier
le législateur et l'empêcher d'adopter plus tard une disposition qui
interdise expressément, sous peine de sanctions, l'octroi de compléments
communaux. Ainsi n'existe-t-il pas, en cette matière, d'autonomie communale
qui puisse être violée par cette disposition.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours dans la mesure où il est recevable.