Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 94 I 235



94 I 235

36. Arrêt de la IIe Cour civile du 8 février 1968 dans la cause Boujon
contre Genève, Département de justice et police. Regeste

    Anerkennung in der Schweiz eines Scheidungsurteils, das ein
schwedisches Gericht in einem Prozess zwischen einer Schwedin und ihrem
schweizerischen Ehemann gefällt hat. Abkommen zwischen der Schweiz
und Schweden über die Anerkennung und Vollstreckung von gerichtlichen
Entscheidungen und Schiedssprüchen vom 15. Januar 1936 (BS 12 S. 373 ff.).

    1.  Zulässigkeit der Verwaltungsgerichtsbeschwerde gegen einen
Entscheid der kantonalen Aufsichtsbehörde, der die Eintragung eines
schwedischen Scheidungsurteils in die schweizerischen Zivilstandsregister
anordnet. Beginn der Beschwerdefrist. Art. 99 I lit. c, 103 und 107 OG,
Art. 20 und 137 ZStV (Erw. 1).

    2.  Wann ist dem Beschwerdeführer eine Frist zur Ergänzung der
Beschwerde einzuräumen? Art. 93 Abs. 2 und 107 OG (Erw. 2).

    3.  Im Unterschied zu andern von der Schweiz abgeschlossenen
internationalen Vereinbarungen über die Anerkennung gerichtliche
Entscheidungen nimmt das Abkommen mit Schweden auf die Staatsangehörigkeit
der Parteien nicht Bezug, so dass es bei einem Scheidungsurteil nicht
darauf ankommt, dass der eine Ehegatte schweizerisch-schwedischer
Doppelbürger ist (Erw. 3 und 4).

    4.  Ist in der Schweiz nach dem erwähnten Abkommen ein Säumnisurteil
anzuerkennen, das ein schwedisches Gericht auf Begehren einer mit einem
Schweizer verheirateten Schwedin gefällt hat, die in ihr Heimatland
zurückgekehrt ist, nachdem die schweizerischen Gerichte die von ihr
an ihrem frühern Wohnsitz eingeleitete Scheidungsklage abgewiesen
hatten? (Erw. 4-8). Prüfung der Voraussetzungen betreffend:
   -  die Zuständigkeit des angerufenen Gerichts (Erw. 4);

    - die gehörige Ladung des beklagten Ehemannes (Erw. 5);

    - den Vorbehalt des schweizerischen ordre public (Erw. 6);

    - die Vereinbarkeit des angewendeten materiellen Rechts mit dem Rechte,
das nach dem schweizerischen internationalen Privatrecht anwendbar ist
(Erw. 7).

Sachverhalt

    A.- Gérald François Frédéric Boujon, originaire de Genève, a épousé
dans cette ville le 6 octobre 1956 Ulla Marianne Gullander, d'origine
suédoise. De leur union sont issus deux enfants: Françoise Anne Catherine
Ulla, le 26 novembre 1957, et Maurice Antoine Gunnar, le 21 mars 1959.
Par exploit du 6 février 1961, l'épouse introduisit une action en divorce
fondée sur l'art. 142 al. 1 CC. Le mari s'opposa à la demande. Statuant
le 8 mai 1962, le Tribunal de première instance de Genève prononça la
séparation de corps pour une durée de deux ans.

    Chacune des parties interjeta un appel et conclut au divorce. Par
arrêt du 27 novembre 1962, la Deuxième Chambre de la Cour de justice du
canton de Genève débouta l'épouse de sa demande. Elle déclara la demande
reconventionnelle du mari irrecevable, par le motif qu'elle n'avait pas
été soumise au juge de première instance.

    Saisi par dame Boujon d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
le rejeta le 9 mai 1963, confirmant l'arrêt attaqué.

    A la mi-décembre 1962, l'épouse, qui avait conservé sa nationaltié
d'origine, avait quitté définitivement Genève pour s'établir en Suède
avec ses deux enfants mineurs. Le 3 mars 1964, elle introduisit devant
le Tribunal de première instance de Stockholm une nouvelle action en
divorce. Par acte du 13 avril 1964, le mari fut cité à comparaître à
l'audience d'instruction du 16 juin 1964. La citation lui a été notifiée
par l'entremise du consulat de Suède à Genève. Le 5 juin 1964, il écrivit
au président du tribunal qu'il ne comparaîtrait pas à l'audience du 16
juin et qu'il renonçait à s'y faire représenter par un mandataire. Il
s'opposait à la demande en divorce de son épouse et revendiquait, pour
le cas où l'action serait admise, la puissance paternelle sur les deux
enfants. Il soulevait en outre l'exception de chose jugée en se référant à
l'arrêt du Tribunal fédéral du 9 mai 1963. Il déclinait enfin la compétence
du juge saisi par dame Boujon.

    Le 18 juin 1964, le mari fut cité à l'audience du 17 août 1964. Ce
jour-là, la Deuxième Chambre du Tribunal de première instance de Stockholm
prononça le divorce des époux Boujon- Gullander, attribua les enfants à
la mère et condamna le père à verser pour l'entretien de chacun d'eux une
pension alimentaire de 300 couronnes par mois dès le 1er janvier 1963 et
jusqu'à ce que les bénéficiaires aient atteint l'âge de 18 ans révolus.

    Le jugement n'ayant pas été frappé d'appel, il devint définitif et
exécutoire le 25 août 1964.

    B.- Le 20 décembre 1966, le Service fédéral de l'état civil transmit
au Département de justice et police du canton de Genève, en sa qualité
d'autorité de surveillance de l'état civil, une copie du jugement suédois
précité, en priant le département d'examiner s'il pouvait autoriser
la transcription de ce jugement, conformément à l'art. 137 OEC. Le 14
avril 1967, le département fit savoir au Service fédéral de l'état civil
qu'après un examen approfondi, il autorisait la transcription du jugement
de divorce prononcé à Stockholm.

    Le jugement fut communiqué le 18 avril 1967 par l'autorité cantonale
de surveillance à l'officier de l'état civil de Genève, qui l'a reçu le
20 avril. Il a été transcrit au registre des mariages par une mention
marginale du 21 avril 1967 (art. 52 ch. 3 OEC); au registre des familles,
par une inscription au feuillet de l'époux (art. 117 al. 2 ch. 1 OEC)
et par l'ouverture d'un feuillet à la femme divorcée (art. 115 al. 1
ch. 2 OEC).

    Gérald Boujon étant lui-même officier de l'état civil de Genève,
la transcription a été opérée par son suppléant. Estimant que le secret
de fonction auquel il est tenu (cf. art. 15 OEC) l'empêchait de faire
état, comme particulier, d'une communication reçue dans l'exercice
de ses attributions officielles, il a écrit à l'autorité cantonale de
surveillance, le 2 mai 1967, pour lui exposer les motifs de son opposition
à la transcription du jugement de divorce. Il a demandé la communication
d'une décision écrite et motivée, contre laquelle il puisse interjeter
un recours de droit administratif.

    L'autorité cantonale de surveillance lui a répondu le 22 mai 1967 que
la transcription du jugement de divorce avait été autorisée conformément
à la convention relative à la reconnaissance et l'exécution de décisions
judiciaires et de sentences arbitrales conclue à Stockholm le 15 janvier
1936 entre la Suisse et la Suède (RS 12 p. 343). Elle s'est référée en
outre à l'arrêt du Tribunal fédéral du 6 juin 1963 en la cause Baumberger
(RO 89 I 303). Elle a relevé que la communication écrite d'une décision
de transcription n'était prévue par aucune prescription ni connue de
la pratique.

    C.- Par acte du 18 mai 1967, Gérald Boujon a interjeté un recours de
droit administratif au Tribunal fédéral. Il requiert l'annulation de la
décision par laquelle l'autorité de surveillance du canton de Genève a
autorisé la transcription du jugement de divorce rendu le 17 août 1964
par la Deuxième Chambre du Tribunal de première instance de Stockholm.

    Le recourant estime qu'en l'espèce, la reconnaissance du jugement
suédois est contraire à l'ordre public suisse, du moment que son épouse
a introduit une action en divorce dans son pays d'origine quelques mois
après avoir été déboutée par la juridiction suprême de la Suisse.

    A titre subsidiaire, Gérald Boujon demande qu'un délai lui soit
imparti, après communication de la réponse de l'autorité cantonale,
pour présenter un mémoire complétant son argumentation.

    D.- L'autorité cantonale de surveillance et le Département fédéral de
justice et police concluent, dans leurs observations, au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Aux termes de l'art. 99 ch. I litt. c OJ, le recours de droit
administratif est recevable contre les décisions des autorités cantonales
de surveillance en matière de registre de l'état civil. Lorsque l'autorité
cantonale reçoit un jugement de divorce étranger et statue sur le point
de savoir s'il doit être transcrit ou non en vertu de l'art. 137 OEC,
elle exerce une compétence exclusive, qui ne laisse aucune place à une
procédure cantonale d'exequatur (RO 64 II 76, 87 I 470, consid. 4). La
décision portant sur la reconnaissance d'un jugement de divorce étranger
peut être déférée au Tribunal fédéral par la voie du recours de droit
administratif. La jurisprudence ancienne déclarait toutefois le recours
de droit administratif irrecevable, une fois la transcription opérée;
elle n'admettait plus alors qu'une action en rectification fondée sur
l'art. 45 al. 1 CC ou la rectification par l'autorité de surveillance
des inexactitudes résultant d'une inadvertance ou d'une erreur manifestes
(art. 45 al. 2 CC; cf. RO 87 I 470 s., consid. 4 et arrêt non publié du
27 juin 1946 dans la cause Weber c. Genève, mentionné dans la Revue de
l'état civil 1946, p. 227). La jurisprudence récente est plus nuancée:
elle admet la recevabilité du recours de droit administratif, nonobstant
l'exécution de la décision attaquée, pourvu qu'il soit formé dans le délai
légal; l'autorisation de transcrire le jugement de divorce étranger n'est
donc pas définitive tant que le délai pour interjeter un recours de droit
administratif n'est pas expiré et s'il a été déposé, tant que le Tribunal
fédéral n'a pas statué; si le recours est admis, l'autorité cantonale
ordonnera la radiation de l'inscription faite à tort, conformément à
l'art. 51 al. 2 OEC (RO 91 I 367, consid. 1).

    A la suite de cet arrêt, les autorités de l'état civil ont envisagé
de procéder à des inscriptions provisoires, mais elles y ont renoncé pour
éviter des complications (cf. rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée
fédérale sur sa gestion en 1966, p. 142). On peut se demander s'il ne
serait pas opportun de suivre la procédure que la Chambre des poursuites
et des faillites du Tribunal fédéral a suggérée aux offices en matière
de poursuite pour dettes et de faillite (cf. RO 78 III 58): l'officier
de l'état civil qui reçoit la décision de l'autorité cantonale de
surveillance admettant la transcription devrait attendre, avant de
procéder à l'exécution, que le délai fixé par la loi pour interjeter un
recours de droit administratif soit expiré et, si un recours est déposé,
que le juge ait statué, le cas échéant, sur la demande d'effet suspensif
(cf. art. 106 OJ).

    Encore faudrait-il que la décision de l'autorité cantonale de
surveillance soit communiquée aux intéressés, afin de ne pas rendre
illusoire leur droit de recours. Comme le Tribunal fédéral l'a déjà
suggéré dans un arrêt non publié rendu le 6 juillet 1967 en la cause
G. (consid. 3), il serait désirable de compléter les art. 137 et 137
bis OEC en ce sens que les autorités cantonales de surveillance doivent
communiquer leurs décisions aux intéressés.

    Selon les art. 107 OJ et 20 OEC, le recours de droit administratif
s'exerce dans les trente jours dès la réception de la communication
écrite de la décision. S'agissant d'une décision de l'autorité cantonale
de surveillance relative à la transcription d'actes étrangers, le délai
court dès la communication de l'ordre de transcription à l'officier de
l'état civil qui doit l'exécuter (RO 91 I 370, consid. 3). En l'espèce,
le recourant a eu connaissance de la décision, en sa qualité d'officier
de l'état civil de Genève, le 20 avril 1967. Expédié sous pli mis à la
poste le 18 mai 1967 à l'adresse du Tribunal fédéral, le recours a été
déposé en te mps utile.

    Gérald Boujon est évidemment atteint dans ses droits par la
reconnaissance en Suisse et la transcription dans les actes de l'état civil
du jugement de divorce obtenu par sa femme en Suède. Il a dès lors qualité
pour recourir selon l'art. 103 al. 1 OJ. Le recours est donc recevable.

Erwägung 2

    2.- Aux termes de l'art. 93 al. 2 OJ, applicable au recours de
droit administratif en vertu du renvoi de l'art. 107 OJ, lorsque les
considérants à l'appui de la décision attaquée ne sont énoncés que dans
la réponse de l'autorité, un délai peut être imparti au recourant pour
lui permettre de présenter un mémoire complétif. Gérald Boujon a demandé à
bénéficier de cette faculté. Sans doute n'avait-il pas reçu communication
de la décision autorisant la transcription, ni des motifs invoqués par
l'autorité cantonale de surveillance dans sa lettre du 22 mai 1967,
lorsqu'il a déposé son recours, le 18 mai 1967. Toutefois, il savait
fort bien que la question avait été tranchée sur la base de la convention
conclue entre la Suède et la Suisse au sujet de la reconnaissance et de
l'exécution des jugements, d'une part, et de la jurisprudence du Tribunal
fédéral en matière de transcription d'actes étrangers de l'état civil,
d'autre part. Juriste de formation et officier de l'état civil d'une grande
ville, Gérald Boujon était en mesure de présenter ses arguments dans son
recours de droit administratif, ce qu'il a fait d'ailleurs. Il n'était
donc pas nécessaire de lui donner la faculté de répliquer à la réponse
de l'autorité cantonale de surveillance par le dépôt d'un nouveau mémoire.

Erwägung 3

    3.- A l'encontre des conventions conclues par la Suisse avec la France
ou l'Allemagne, la convention entre la Suisse et la Suède relative à la
reconnaissance et l'exécution de décisions judiciaires et de sentences
arbitrales du 15 janvier 1936 (RS 12 p. 343 ss.) ne fait aucune allusion à
la nationalité des parties (cf. PROBST, Der Vollstreckungsvertrag zwischen
der Schweiz und Schweden vom 15. Januar 1936, RSJ XXXIII, 1936/37,
p. 194 II no 3). En particulier, elle ne contient aucune disposition
semblable à l'art. 3 de la convention germanosuisse du 2 novembre 1929
(RS 12 p. 327 ss.), qui subordonne la reconnaissance du jugement rendu par
les tribunaux de l'autre Etat dans une cause non pécuniaire, à laquelle un
ressortissant de l'Etat dans lequel la décision est invoquée est partie,
à la condition que, d'après la législation du second Etat, un tribunal
du premier ait été compétent pour trancher le litige (cf. ALEXANDER, Die
internationale Vollstreckung von Zivilurteilen, insbesondere im Verhältnis
zu den Nachbarstaaten, RJB 1931, p. 1 ss., 14). Ainsi, le juge suisse
appelé à statuer sur la reconnaissance ou l'exécution d'un jugement de
divorce rendu par un tribunal allemand entre deux époux dont l'un au
moins possède la nationalité suisse, examinera si, selon les règles du
droit suisse, un tribunal allemand était compétent (Message du Conseil
fédéral à l'Assemblée fédérale du 9 décembre 1929, FF 1929, III, p. 562;
RO 73 II 93, consid. 2, 86 II 308 à 310). S'il admet cette compétence,
il est tenu de reconnaître le jugement allemand en vertu de l'art. 3 de
la convention. La première phrase du considérant 1 de l'arrêt Baumberger
(RO 89 I 303 ss., 306) est donc trop absolue et doit être précisée en ce
sens: les parties étant de nationalité suisse (le mari ne possédant que
la nationalité suisse), l'art. 3 de la convention n'oblige la Suisse à
reconnaître le jugement de divorce rendu en Allemagne que si, en vertu
du droit suisse, un tribunal allemand était compétent pour connaître de
la demande de la femme.

Erwägung 4

    4.- Pareille restriction n'existe pas quant à l'application de la
convention conclue entre la Suisse et la Suède. Peu importe dès lors
que dame Boujon ait eu la double nationalité suédoise et suisse. Selon
l'art. 6 de la convention, les autorités de l'Etat dans lequel la décision
est invoquée se borneront à examiner si les conditions indiquées dans
les articles précédents sont remplies.

    a) L'art. 4 ch. 1 de la convention subordonne la reconnaissance à
la condition que la décision émane d'une juridiction compétente selon
les dispositions de l'art. 5. En matière d'état, de droit de famille
ou de droit de succession, l'art. 5 al. 2 dispose que la compétence du
tribunal de l'Etat où la décision a été rendue sera reconnue lorsque, dans
des conditions analogues, la juridiction de l'Etat où elle est invoquée
aurait été compétente. Pour appliquer ce principe, on examine si, dans
un cas analogue (ou plus exactement inverse), les tribunaux de l'Etat où
l'exécution est requise seraient compétents en vertu des règles du droit
international privé de cet Etat qui régissent la compétence; il s'agit donc
de rechercher si, dans un cas déterminé, en substituant les mots "Suisse,
citoyen suisse, suisse" à ceux de "Suède, citoyen suédois, suédois",
les tribunaux de l'Etat où l'exécution est requise, en l'occurrence
la Suisse, se déclareraient compétents en vertu de leur loi nationale
(Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 14 avril 1936,
FF 1936 I p. 697 ss., notamment 700 s.). Or une Suissesse domiciliée
en Suisse peut introduire une action en divorce devant le juge de son
domicile (art. 144 CC), même si elle possède une double nationalité et
quel que soit le domicile de son mari (RO 89 I 312, consid. 5).

    b) On pourrait certes se demander si dame Boujon était domiciliée
en Suède à l'époque de l'introduction de l'action en divorce. Ainsi que
le Tribunal fédéral l'a jugé dans l'arrêt Baumberger (RO 89 I 303 ss.),
la question de la compétence se pose autrement en matière internationale
lorsqu'une femme possédant la nationalité suisse et une nationalité
étrangère a bien son domicile légal (domicile dépendant) en Suisse selon
l'art. 25 al. 1 CC, mais vit en réalité continuellement séparée de son
mari dans l'autre pays dont la législation, qui attache de l'importance
à la durée du séjour dans un endroit donné, l'autorise également à
porter l'action en divorce devant les tribunaux de ce pays. En outre, la
notion de domicile comprend des éléments juridiques qui diffèrent d'une
législation à l'autre. Pour déterminer la compétence à raison du lieu, il
convient en règle générale de considérer la "résidence habituelle" d'une
personne comme une circonstance de rattachement équivalente au "domicile"
et en particulier à un domicile dépendant et fictif. Il est, d'autre part,
conforme à la LRDC, lorsqu'il s'agit d'une femme qui possède la nationalité
suisse et une nationalité étrangère et qui vit habituellement dans son
autre pays d'origine (fût-ce sans être autorisée à vivre séparée de son
mari),d'admettre que les tribunaux des deux pays sont également compétents
pour connaître de l'action en divorce (arrêt cité, p. 314 s., consid. 5).

    Lorsqu'elle a introduit son action en divorce, le 3 mars 1964,
dame Boujon résidait en Suède, son pays d'origine, avec ses enfants,
depuis plus d'une année. Elle avait en effet quitté Genève et la Suisse
en décembre 1962. Or le droit suédois permet à l'époux qui possède la
nationalité suédoise et qui est domicilié en Suède depuis au moins un
an de porter son action en divorce devant les tribunaux suédois (loi du
8 juillet 1904 réglant certains rapports de droit international privé
en matière de mariage, de tutelle et d'adoption, chapitre 7, § 2 al. 2,
dont le texte allemand est reproduit dans BERGMANN, Internationales Ehe-
und Kindschaftsrecht IV, 3e édition, sous "Schweden", p. 12). Et la notion
du domicile adoptée par la convention s'écarte de celle du Code civil
suisse en ceci qu'elle ne considère pas le domicile fictif de la femme
mariée; c'est le domicile de fait qui est déterminant (Message cité,
FF 1936 I 699 s.; PROBST, loc.cit., RSJ XXXIII, 1936/37, p. 195 III no
2; STORCK, Das Abkommen der Schweiz mit Schweden über die Anerkennung
und Vollstreckung von gerichtlichen Entscheidungen und Schiedssprüchen,
thèse Zurich 1938, p. 32).

    Il s'ensuit que le Tribunal de Stockholm était compétent, en vertu
de l'art. 5 al. 2 de la convention, pour statuer sur l'action en divorce
introduite par dame Boujon.

Erwägung 5

    5.- Le Tribunal de Stockholm atteste - et le recourant ne conteste
pas - que le jugement du 17 août 1964 est passé en force de chose jugée
d'après la loi suédoise, comme l'exige l'art. 4 ch. 4 de la convention.

    S'agissant d'un jugement rendu par défaut, l'art. 4 ch. 5 de la
convention subordonne la reconnaissance à la condition que la citation
ait été remise en temps utile à la partie défaillante. Le recourant
admet qu'il a été cité régulièrement. Dans sa lettre du 5 juin 1964, il
a informé le président qu'il renonçait à comparaître personnellement et
à se faire représenter devant le tribunal saisi par sa femme. Il a même
pris position quant au fond du procès et soulevé l'exception de chose
jugée. Toutefois, il faut examiner d'office si la citation ne violait
pas les règles essentielles de procédure de l'ordre juridique suisse,
et partant l'ordre public suisse (RO 76 III 66).

    En principe, la notification d'actes et documents judiciaires est un
acte officiel de procédure que le juge ne peut pas accomplir en dehors
du territoire de son Etat. Son exécution sans l'autorisation expresse des
autorités nationales compétentes constitue une atteinte à la souveraineté
territoriale de l'Etat dans lequel elle a lieu (Jurisprudence des autorités
administratives de la Confédération, 1956, p. 26 no 5; RO 90 IV 53,
consid. 2). En règle générale, la Suisse ne tolère pas non plus que des
consulats étrangers accomplissent des actes de procédure en Suisse dans
l'intérêt des tribunaux de leur Etat (GULDENER, Das internationale und
interkantonale Zivilprozessrecht der Schweiz, p. 17 et 20).

    Plusieurs conventions conclues par la Suisse avec d'autres Etats au
sujet de la reconnaissance et de l'exécution des décisions judiciaires
exigent que la citation ait été notifiée à la partie défaillante par
la voie de l'assistance judiciaire ou entraide judiciaire réciproque
(cf. art. 4 al. 3 de la convention avec l'Allemagne du 2 novembre 1929,
RS 12 p. 327; art. 1er ch. 4 de la convention avec l'Italie du 3 janvier
1933, RS 12 p. 338; art. 1er ch. 4 de la convention avec l'Autriche du
16 décembre 1960, ROLF 1962, p. 270). En revanche, ni la convention avec
la République tchécoslovaque du 21 décembre 1926 (RS 12, p. 348 et RO
56 I 541; voir toutefois pour ce pays l'accord concernant l'assistance
judiciaire réciproque en matière civile et commerciale du 21 décembre
1926, RS 12, p. 303; cf. RO 76 II 76), ni la convention conclue entre la
Suisse et la Suède ne posent pareille exigence. Chacun de ces deux Etats
conserve donc la faculté de faire opérer directement, par la poste, par
les fonctionnaires de l'Etat où se trouve le destinataire ou par les soins
de ses propres agents diplomatiques ou consulaires, les significations
destinées aux personnes se trouvant sur le territoire de l'autre Etat,
conformément à l'art. 6 de la convention relative à la procédure civile
conclue à La Haye le 1er mars 1954, qui lie les deux pays (cf. ROLF 1957
p. 467 et 1958 p. 132; dans le même sens, STORCK, op.cit., p. 47 s.).

Erwägung 6

    6.- L'art. 4 ch. 2 de la convention réserve le cas où la reconnaissance
serait manifestement incompatible avec l'ordre public de l'Etat où
la décision est invoquée. Les parties contractantes ont voulu éviter
une interprétation extensive de l'ordre public (Message cité, p. 699);
son application est limitée aux cas où l'exécution léserait les intérêts
fondamentaux de la vie publique de l'Etat où cette exécution est requise
(PROBST, loc.cit., p. 197 ch. III no 7).

    a) Quoi qu'en pense le recourant, il n'est pas contraire à l'ordre
public suisse qu'un tribunal suédois accueille une demande de divorce
formée par un conjoint dont l'action avait été rejetée par la juridiction
suisse. S'il est vrai qu'en règle générale, l'exception de chose jugée fait
obstacle à la reconnaissance d'un jugement étranger (cf. p.ex. l'art. 1er
ch. 2 des conventions conclues par la Suisse avec l'Autriche et l'Italie),
il ne faut pas perdre de vue qu'en matière de divorce, le principe de
l'autorité de la chose jugée ne s'applique pas d'une façon absolue (RO 78
II 403, consid. 2, 85 II 59, consid. 2). Il n'y a pas chose jugée lorsque,
dans le second procès, on invoque des faits importants survenus depuis le
premier jugement ou antérieurs à ce dernier mais non allégués la première
fois. Les faits postérieurs au premier jugement sont importants si, pris
en soi ou concurremment avec les faits allégués dans le premier procès,
ils sont de nature à justifier la demande (RO 85 II 59 consid. 2, 2e
al.). Il se peut aussi qu'un état de fait, dont la gravité n'avait pas
été reconnue ou n'avait pas été admise dans le premier procès, ait par
la suite rendu impossible la continuation de la vie commune (RO 85 II 61).

    Dame Boujon, qui avait ouvert action en divorce le 6 février 1961,
s'est annoncée en août 1961 comme domiciliée à Vernier. Le bureau
du contrôle des habitants lui a établi une fiche personnelle à titre
de femme séparée le 28 août 1961. En fait, elle a vécu séparée de son
mari depuis le début de l'année 1961. Le Tribunal de première instance
de Genève avait prononcé la séparation de corps des époux pour une durée
de deux ans. En appel, les deux conjoints avaient conclu au divorce. Si,
après le rejet de la première action de l'épouse par le Tribunal fédéral,
un second procès avait été introduit en Suisse, le juge aurait probablement
retenu la longue séparation de fait des conjoints comme une preuve du
caractère irréparable de la désunion (cf. HINDERLING, Das schweizerische
Ehescheidungsrecht, 3e édition, p. 228).

    b) Le recourant estime qu'en invoquant à l'appui de sa demande
en divorce le fait qu'elle avait abandonné le domicile conjugal,
dame Boujon a fait entériner par le tribunal suédois une sorte de
répudiation unilatérale, de telle sorte que le jugement de Stockholm
aboutirait à un résultat contraire à l'ordre public suisse. L'objection
n'est cependant pas fondée. Point n'est besoin de rechercher si, après
l'arrêt du Tribunal fédéral du 9 mai 1963, dame Boujon avait de justes
motifs de ne pas réintégrer le domicile conjugal. Du 6 février 1961 au
9 mai 1963 en tout cas, elle était autorisée à vivre séparée en vertu de
l'art. 170 al. 2 CC. Le recourant n'a pas été reconnu époux innocent. Le
Tribunal fédéral a simplement relevé dans son arrêt du 9 mai 1963 que,
sur le vu des faits constatés par la juridiction cantonale, le désaccord
entre les époux n'apparaissait pas si grave qu'on ne pût raisonnablement
exiger d'eux, en premier lieu de dame Boujon, l'effort nécessaire pour
surmonter les difficultés rencontrées par le mariage. Et même si l'épouse
avait commis une faute en refusant de reprendre la vie commune après le
rejet définitif de l'action en divorce qu'elle avait introduite en Suisse,
cela ne l'empêchait pas de former une nouvelle demande en divorce fondée
sur le droit suisse. Les restrictions que l'art. 142 al. 2 CC apporte
à l'action du conjoint coupable ne sont pas de droit impératif et n'ont
pas été instituées dans l'intérêt de l'ordre public, mais elles doivent
être invoquées par l'époux défendeur (RO 84 II 336). Il est d'ailleurs
manifeste que la rupture de l'union conjugale est antérieure au départ
de l'épouse pour la Suède.

    Le Tribunal de Stockholm a fondé sa décision sur le chapitre 11, § 4 de
la loi suédoise du 11 juin 1920 sur le mariage qui dispose, en substance:
Si, sans qu'un jugement de séparation de corps ait été prononcé, les époux,
par suite de désaccord, ont vécu séparés depuis trois ans au moins, chacun
d'eux pourra obtenir le divorce; néanmoins, le divorce ne doit pas être
prononcé à la seule demande de l'un des époux si, à cause de sa conduite
ou d'autres circonstances particulières, la dissolution du mariage peut
lui être raisonnablement refusée (texte français reproduit dans l'ouvrage
"Divorce et séparation de corps dans le monde contemporain", publié sous
la direction de G. LE BRAS, première partie, Les législations positives,
I Europe, Paris 1952, p. 277; texte allemand dans BERGMANN, op.cit., p. 21
s.). Rien n'empêchait donc le recourant de se prévaloir de l'attitude,
qu'il estime fautive, de son épouse. Toute comparaison avec l'institution
juridique de la répudiation unilatérale apparaît ainsi déplacée. Bien
que la loi suisse soit plus sévère en ce sens qu'une séparation de fait,
fûtelle de longue durée, constituerait seulement un indice de la désunion
et non pas une cause déterminée de divorce, la disposition du droit
suédois appliquée par le Tribunal de Stockholm n'est pas manifestement
contraire à notre sentiment de la justice ni aux règles fondamentales de
notre ordre juridique.

    c) Enfin, on ne saurait reprocher à dame Boujon un abus de droit,
qui serait répréhensible du point de vue de l'ordre public (RO 89 I 315,
consid. 6). Il n'est pas établi que, se trouvant en désaccord avec son
mari, elle se soit rendue en Suède uniquement dans le dessein de faire
prononcer le divorce que les tribunaux suisses lui avaient refusé. La
Suède est son pays d'origine; elle y a vécu avant son mariage; elle y a
rejoint sa famille et elle y vit encore à l'heure actuelle.

Erwägung 7

    7.- En vertu de l'art. 4 ch. 3 de la convention, une décision en
matière de droit de famille ne sera pas reconnue si elle est fondée sur une
loi dont les dispositions sont contraires à celles de la loi applicable
d'après le droit international privé de l'Etat où la reconnaissance
est demandée. Il faut donc examiner tout d'abord si le droit appliqué
est bien celui que prévoit le droit international privé de l'Etat où la
décision est invoquée; un autre droit a-t-il été appliqué, on étudiera si
ses dispositions sur la matière concordent avec celles de la législation
applicable d'après le droit international de cet Etat (Message cité,
p. 699). S'agissant d'une action en divorce introduite en Suède par une
femme qui y réside et qui possède la nationalité suédoise à côté de la
nationalité suisse, le droit international privé suisse n'exige pas que
le droit suisse soit appliqué quant au fond (RO 89 I 315, consid. 6 in
fine). Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner si les dispositions du
droit suédois sur lesquelles est fondé le jugement de divorce concordent
avec le droit matériel suisse (STORCK, op.cit., p. 57).

Erwägung 8

    8.- Le jugement de divorce rendu par le Tribunal de Stockholm devant
être reconnu en Suisse, c'est à juste titre que l'autorité genevoise
de surveillance en a autorisé la transcription dans les registres de
l'état civil.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral: Rejette le recours.