Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 94 I 224



94 I 224

34. Extrait de l'arrêt du 18 juin 1968 dans la cause X. contre Conseil
d'Etat du canton du Valais. Regeste

    Art. 4 und 31 BV. Apothekergewerbe.

    Die Kantone können die Ausübung wissenschaftlicher Berufsarten
ausser vom Ausweis der fachlichen Befähigung von weiteren polizeilichen
Anforderungen abhängig machen (Bestätigung der Rechtsprechung) (Erw. 2).

    Handelt eine kantonale Behörde willkürlich, wenn sie sich darauf
beschränkt, in ihrer Entscheidung die tatsächlichen Feststellungen, die in
von ihr eingeholten Amtsberichten enthalten sind, kurz zusammenzufassen?
Frage für den vorliegenden Fall verneint (Erw. 3).

    Es kann ohne Willkür angenommen werden, dass ein Apotheker, der
sich aus seiner Apotheke sehr häufig entfernt, ohne sich durch einen
diplomierten Kollegen vertreten zu lassen, seine beruflichen Pflichten
schwer vernachlässigt (Erw. 4).

Sachverhalt

                        Résumé des faits

    A.- Titulaire du diplôme fédéral de pharmacien, X. a dirigé une
pharmacie à Fribourg; depuis 1957, il est établi comme pharmacien dans
une localité valaisanne. Dès 1959, il fit l'objet de plaintes. On lui
reprochait d'être constamment absent de son officine. Le Service de la
santé publique lui fit savoir, par lettre du 11 septembre 1959, qu'il ne
pouvait pas tolérer cette situation. A la fin de 1961 ou au début de 1962,
le même service effectua un contrôle sans trouver X., qui fut invité, par
lettre du 29 janvier 1962, à prendre les mesures nécessaires pour mettre
fin à ses trop fréquentes absences et au désordre général qui régnait
dans ses locaux. Lors d'une nouvelle inspection, au printemps 1962,
on constata qu'il y avait toujours du désordre et que le contrôle des
stupéfiants était insuffisant. Par lettre du 25 avril, X. fut invité une
fois encore à y mettre bon ordre. Au printemps 1964, un médecin genevois
en séjour dans la localité se plaignit au médecin cantonal de la façon
dont la pharmacie X. était tenue.

    A la suite de nouvelles plaintes, le chef du Département de la santé
publique enjoignit à X., par lettre du 23 décembre 1966, de s'assurer
immédiatement la collaboration d'un pharmacien diplômé. Envisageant
la possibilité d'un retrait de l'autorisation de pratiquer, il requit,
à fin décembre 1966, le Conseil de santé et la Chambre des professions
médicales de formuler leur préavis, au sens de l'art. 23 de la loi sur
la santé publique, du 18 novembre 1961 (LSP).

    Le 11 mars 1967, le Conseil de santé proposa que l'autorisation
délivrée à X. lui fût retirée "jusqu'à sa réhabilitation sociale". Le 17
juillet 1967, la Chambre des professions médicales - qui avait donné à
X. l'occasion de déposer un mémoire et d'offrir des preuves - prononça
contre lui une réprimande sévère et proposa au Conseil d'Etat de lui
retirer l'autorisation de pratiquer jusqu'au 30 mai 1969. Elle admit que
X. s'était fort peu soucié de la direction effective de son exploitation,
qu'il négligeait de la tenir en ordre et qu'il s'adonnait à l'alcool,
toutes choses qui portaient atteinte à sa dignité professionnelle.

    Se fondant sur ces deux préavis, le Conseil d'Etat du canton du Valais,
par décision du 20 octobre 1967, retira à X. l'autorisation d'exploiter une
pharmacie sur le territoire du canton, du 30 novembre 1967 au 30 mai 1969.

    B.- X. a déposé contre cette décision un recours de droit
public. Invoquant les art. 4, 31 et 33 Cst, il conclut à son annulation.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                       Extrait des motifs:

Erwägung 2

    2.- De jurisprudence constante, les professions libérales -
au nombre desquelles figure celle de pharmacien - jouissent de la
protection de l'art. 31 Cst. (RO 93 I 521, 91 I 460, 83 I 253,
79 I 121). Les restrictions que le droit cantonal peut apporter à la
liberté constitutionnelle se limitent aux mesures de police justifiées
par l'intérêt public. Il est ainsi admis que les cantons peuvent faire
dépendre l'octroi de l'autorisation de pratiquer non seulement de la
preuve des capacités professionnelles du requérant (art. 33 Cst.), mais
encore d'autres qualités personnelles. Ils peuvent notamment exiger
que le requérant jouisse d'une bonne réputation, qu'il ait l'exercice
des droits civiques, qu'il soit un homme honorable et digne de confiance
(RO 83 I 254). Ces restrictions doivent toutefois se limiter à ce qui est
nécessaire pour garantir l'ordre, la santé et la moralité publics, ainsi
que le maintien de relations de confiance avec le public (même arrêt). Des
motifs de politique économique ne suffisent pas à les justifier (RO 91
I 308; 462 et les arrêts cités). Dans le cas particulier du pharmacien,
les conditions posées par le droit cantonal ne doivent pas excéder ce
qu'exigent la protection du public à l'égard de personnes incapables ou
négligeant leurs devoirs professionnels et le maintien de la confiance
que le public témoigne généralement aux membres de la profession.

    Comme le relève avec raison le recourant, le Tribunal fédéral examine
librement si la décision attaquée méconnaît la garantie constitutionnelle
de la liberté du commerce et de l'industrie, mais ne revoit que sous
l'angle restreint de l'arbitraire les constatations de fait de l'autorité
cantonale et l'interprétation qu'elle donne du droit cantonal (RO 79 I
122 et les arrêts cités).

Erwägung 3

    3.- La décision attaquée se réfère aux résultats de l'enquête ordonnée
par le chef du Département de justice, police et santé publique, à un
rapport de police du 16 janvier 1967, ainsi qu'aux préavis du Conseil de
santé et de la Chambre des professions médicales. Selon le Conseil d'Etat,
il résulte notamment de ces enquête, rapport et préavis que le recourant
était fréquemment absent de sa pharmacie et qu'il a commis des négligences
graves et répétées dans son exploitation. Encore que les faits considérés
comme établis ne soient pas indiqués dans le détail, ces constatations
succinctes apparaissent fondées. Dès 1959 en effet, des plaintes se sont
fait entendre au sujet des absences trop fréquentes du recourant. Plusieurs
témoins entendus dans l'enquête de la Chambre des professions médicales
ont confirmé que X. n'a pas modifié son comportement par la suite. Le
même grief a été évoqué à plusieurs reprises dans les séances de la
Société valaisanne de pharmacie, où l'on a ajouté que le comportement de
X. portait atteinte à la considération de la profession. Dans son préavis,
établi après une enquête approfondie, la Chambre des professions médicales
constate que X. s'est voué beaucoup plus à des occupations accessoires,
notamment au commerce de terrains, qu'à sa pharmacie, sans veiller à ce que
celle-ci soit tenue en son absence par un confrère diplômé, jusqu'au moment
où le chef du Département de la santé publique lui a enjoint de le faire;
elle constate encore qu'un désordre inadmissible régnait dans l'officine,
que le contrôle des stupéfiants n'était pas tenu avec exactitude et que
les livraisons étaient souvent effectuées avec retard. Enfin, l'ensemble
des preuves recueillies permet de conclure à l'intempérance du recourant.

    Les objections présentées par celui-ci à l'encontre des constatations
de fait du Conseil d'Etat ne suffisent pas à les faire paraître
insoutenables. Si certains faits relevés dans l'enquête du Service de la
santé publique sont dénaturés, voire totalement inexacts, ils sont pour la
plupart sans intérêt pour la cause. Ainsi en va-t-il des relations entre
les époux X. et des indications personnelles relatives aux employés de
la pharmacie. Si c'est bien à tort que l'on a tout d'abord attribué des
conséquences graves à une confusion de médicaments faite par dame X.,
la Chambre des professions médicales a rendu sa réelle importance à
cette affaire. Rien n'indique que le Conseil d'Etat aurait négligé de
tenir compte de la rectification, que le préavis met particulièrement
en évidence. Au reste, les conséquences de la confusion ne sont pas
déterminantes. En revanche, le recourant est malvenu à contester qu'il
ait reçu des avertissements sérieux. Le Service de la santé publique
lui a écrit les 11 septembre 1959, 29 janvier 1962 et 25 avril 1962
des lettres lui enjoignant de réformer son comportement. De plus, le 21
septembre 1959, la Société valaisanne de pharmacie lui a signalé qu'à dire
de tiers, il n'exploitait pas personnellement son officine et qu'aucun
pharmacien diplômé ne s'y trouvait; elle l'a engagé à faire en sorte que
ces reproches ne puissent plus lui être adressés.

    Le recourant relève une contradiction entre la décision attaquée et
le préavis de la Chambre des professions médicales. Alors que le Conseil
d'Etat lui reproche des "négligences graves", la chambre constate au
contraire "qu'il n'est pas établi qu'il ait commis des négligences graves
dans l'exercice de sa profession". Ces citations sont exactes. Mais
la chambre ajoute que pratiquement X. n'exerce plus ou presque plus sa
profession. La contradiction provient essentiellement d'une conception
différente de la notion de "négligences graves". La chambre considère comme
telles les fautes grossières commises dans l'exercice même du travail
professionnel, tandis que le Conseil d'Etat entend par là l'infidélité
habituelle aux devoirs d'état. Il s'agit donc moins d'une divergence dans
les constatations de fait que d'une interprétation juridique différente
de faits identiques, soit d'une question de droit, qu'il y aura lieu
d'examiner encore.

    L'autorité cantonale jouit d'une large indépendance dans l'appréciation
des preuves. La chambre de céans n'intervient que si les constatations
de fait sont évidemment fausses ou arbitraires ou reposent sur une
inadvertance manifeste (RO 83 I 9). Vu l'instruction complète et le
préavis détaillé de la Chambre des professions médicales, vu aussi les
enquêtes du Service de la santé publique et de la police, le Conseil d'Etat
n'était pas tenu de reproduire en détail le résultat de l'administration
des preuves. Ses constatations de fait succinctes n'apparaissent pas
manifestement insoutenables au sens de la jurisprudence, malgré les
objections du recourant. Il est notamment sans conséquence que X., dont le
comportement habituel est inadmissible, se soit occasionnellement montré
bon pharmacien. Sur ce point, le recours est mal fondé.

Erwägung 4

    4.- En droit, le Conseil d'Etat fonde sa décision sur les art. 22 et
23 LSP. Aux termes de la première de ces dispositions, l'autorisation de
pratiquer peut être refusée:

    "a) à toute personne condamnée pour des contraventions graves ou
répétées aux lois et règlements sur l'exercice des professions médicales,
ainsi qu'à celles qui sont convaincues d'indignité d'ordre professionnel
ou personnel;

    b) à celles qui ne jouiraient pas de la plénitude de leurs droits
civils;

    c) à celles qui présenteraient des tares physiques ou psychiques
incompatibles avec l'exercice de leur profession."

    Quant à l'art. 23, il dispose:

    "L'autorisation de pratiquer peut être retirée par le Conseil d'Etat
en tout temps, à titre temporaire ou définitif, pour l'un des motifs
mentionnés à l'art. 22 ci-dessus. Elle peut aussi être retirée dans les
cas où l'intéressé a fait preuve d'incapacité ou de négligence grave dans
l'exercice de sa profession;..."

    X. conteste qu'aucune des conditions légales du retrait soit remplie.

    Selon l'art. 47 LSP, le pharmacien est tenu d'assurer personnellement
la surveillance de l'exploitation. Il n'est pas douteux qu'avant
l'entrée en vigueur de la loi (1er janvier 1963) le pharmacien avait
déjà le devoir de diriger et de surveiller lui-même l'exploitation de
son officine, quand bien même l'ancien règlement du 26 août 1942 sur la
profession des pharmaciens, des droguistes etc. prévoyait seulement, en
son art. 4, que "l'autorisation de diriger et d'exploiter une pharmacie
est personnelle". La responsabilité qui incombe au pharmacien n'autorise
pas d'autre interprétation. S'il est moins souvent qu'autrefois appelé
à préparer lui-même des remèdes, en raison de la multiplication des
spécialités élaborées par l'industrie, le pharmacien conserve un rôle de
premier plan dans la sauvegarde de la santé publique. Il lui incombe de
conseiller ses clients dans le choix des nombreux produits qui s'obtiennent
sans ordonnance médicale. Il a même le devoir, contre son propre intérêt
matériel, d'empêcher l'abus des médicaments. De toute évidence, il n'a
pas le droit de se décharger habituellement de ces soins sur des employés
qui ne sont pas eux-mêmes pharmaciens. Sans doute n'est-il pas absolument
indispensable qu'il se trouve sans interruption aucune dans son officine
durant toute la durée d'ouverture de celle-ci. Mais le pharmacien qui
s'absente très souvent et abandonne la direction de sa pharmacie à
des personnes non diplômées manque à ses devoirs. Le Conseil d'Etat
n'a donc pas interprété arbitrairement l'art. 23 LSP en admettant que
par son comportement le recourant avait fait preuve de négligence grave
dans l'exercice de sa profession. Il y a au contraire de bonnes raisons
d'adresser ce reproche non seulement au pharmacien qui n'apporte pas
tout le soin voulu à son travail, mais aussi à celui qui n'exerce pas
régulièrement dans son exploitation l'activité dirigeante qui lui est
prescrite dans l'intérêt de la santé publique. L'avis divergent exprimé
par la Chambre des professions médicales repose sur une conception
différente de la négligence, qui ne mérite pas d'être préférée à celle
du Conseil d'Etat. Au reste, dans le préavis qu'elle a déposé à propos de
la requête de reconsidération de X., la chambre s'est ralliée à l'opinion
du gouvernement.

    Dès lors que le Conseil d'Etat pouvait sans arbitraire interpréter le
comportement du recourant comme une négligence grave dans l'exercice de
sa profession, le moyen pris de la violation du droit cantonal est mal
fondé. Il n'est donc pas nécessaire de rechercher si X. a été convaincu
d'indignité d'ordre professionnel...