Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 94 II 5



94 II 5

2. Arrêt de la IIe Cour civile du 17 juin 1968 dans la cause C. contre J.
Regeste

    Unsittliche Verfügung von Todes wegen. Art. 519 Abs. 1 Ziff.  3 ZGB.

    1.  Der Berufungskläger kann zur Unterstützung seiner
Rechtsausführungen ein Rechtsgutachten vorlegen, muss das aber bei Gefahr
des Ausschlusses vor Ablauf der Berufungsfrist tun (Erw. 1).

    2.  Nachlass eines in der Schweiz gestorbenen Griechen; anwendbares
Recht (Art. 22 und 32 NAG; Art. 10 Abs. 3 des Niederlassungs- und
Rechtsschutzabkommens zwischen der Schweiz und Griechenland vom 1. Dezember
1927; Erw. 2).

    3.  Anforderungen an den Beweis des behaupteten Konkubinats zwischen
dem Erblasser und der von ihm als Erbin eingesetzten Person (Erw. 3 und 4).

    4.  Das Bundesgericht überprüft die Auslegung des. ausländischen
Rechtes nicht (Erw. 5 am Anfang).

    5.  Bei Beurteilung der Frage, ob eine Verfügung von Todes wegen
im Sinne von Art. 519 Abs. 1 Ziff. 3 ZGB unsittlich sei, stützt sich der
Richter auf die in der Schweiz geltenden Moralbegriffe; es ist unerheblich,
dass der Erblasser in seinem Leben die Verhaltensregeln verletzt hat, die
das Kirchenrecht seiner Konfession und sogar ein ausländisches Zivilgesetz
an die von ihm abgelegten religiösen Gelübde knüpfen (Erw. 5).

Sachverhalt

    A.- Le 9 mars 1963 est décédé à L. Mgr V., de nationalité hellénique,
né en 1881. Le défunt était depuis 1912 archimandrite de l'Eglise orthodoxe
grecque St-G., à L., qui relève du Patriarcat de Constantinople. En cette
qualité, il avait fait le voeu de célibat. Il était domicilié à P. où
il occupait une villa. Mgr V. a rédigé de sa main trois testaments
datés, le premier du 4 janvier 1928, confirmé le 12 août 1946, le second
du 10 février 1953 et le troisième du 30 mars 1962. Il instituait comme
héritière universelle dlle J. en reconnaissance de l'aide qu'elle lui avait
apportée dans son ministère. Aux termes du testament de 1962, il laissait
à son héritière instituée "le soin de penser et de donner aux oeuvres de
bienfaisance en Suisse et en Grèce" et lui recommandait "surtout de ne
pas oublier les aveugles", ni sa nièce Marie C., ni sa famille.

    Née en 1892 à Smyrne, dlle J. avait fait la connaissance du jeune
ecclésiastique V. pendant ses études dans cette ville. Plus tard,
elle a suivi comme lui les cours de la Faculté des lettres à L. Depuis
son installation comme archimandrite, elle était sa gouvernante et sa
collaboratrice dans l'accomplissement de son ministère.

    B.- Dame Marie C., épouse d'un médecin établi à Athènes et nièce de
Mgr V., a introduit le 6 mars 1964 une action en annulation de testament
contre dlle J. Elle a conclu, avec dépens, à ce qu'il soit prononcé:

    "I. Que les dispositions pour cause de mort émises les 4 janvier 1928,
12 août 1946, 10 février 1953 et 30 mars 1962 sont contraires aux moeurs
et, partant, nulles et de nul effet.

    II. Que la succession est dévolue selon les règles de la succession
ab intestat.

    III. Qu'à défaut d'autres héritiers légaux, la demanderesse recueille
l'entier de la succession.

    IV. Subsidiairement à III:

    Qu'en concours avec un autre héritier légal, la demanderesse recueille
la moitié de la succession".

    A l'appui de sa demande, dame C. a allégué, en substance, que la
défenderesse avait été la concubine du défunt pendant des décennies
et qu'elle avait eu connaissance des libéralités à cause de mort dont
il l'avait gratifiée. En la désignant comme héritière universelle, le
testateur a voulu atteindre un résultat contraire aux moeurs, savoir le
maintien du concubinage: "à tout le moins, il a pu prévoir et accepter
que cela favoriserait entièrement ou partiellement l'obtention, puis le
maintien dudit résultat". Le concubinage d'un prêtre astreint au célibat
est considéré par le droit canonique de l'Eglise orthodoxe chré.. tienne
comme immoral et, de ce chef, illicite. L'Eglise orthodoxe chrétienne
étant l'Eglise officielle de l'Etat hellénique, ce dernier fait application
de l'art. 178 du code civil (grec) en pareille espèce. En outre, le seul
fait que l'archimandrite V. vivait sous le même toit que la défenderesse
et faisait ménage commun avec elle était contraire au droit canonique
orthodoxe et à la loi civile hellénique; selon le 5e canon du VIe Concile
oecuménique, dit Concile de Constantinople (680-681), confirmant le
3e canon du 1er Concile oecuménique de Nicée (325), il est interdit à
tout membre du clergé d'introduire chez lui une femme, en qualité de
domestique, servante, gouvernante ou cuisinière, si ce n'est sa mère,
sa soeur ou sa tante. Un testament fait par un ecclésiastique en faveur
d'une telle femme est contraire aux règles canoniques et aux bonnes moeurs;
il est annulable selon les art. 1782, 178 et 180 du code civil hellénique.

    La demanderesse a produit des certificats de coutume et un avis de
droit du Professeur A. de l'Université d'Athènes, au sujet des règles
canoniques et des dispositions du code civil grec invoquées.

    Dlle J. a conclu, avec dépens, au rejet de la demande.

    C.- Par jugement du 23 janvier 1968, notifié aux parties le 24 janvier,
le tribunal cantonal a débouté la demanderesse de ses conclusions et
mis les frais à sa charge. Il a considéré, en bref, que l'instruction de
la cause n'avait pas établi que la défenderesse eût été la concubine du
testateur. Les règles du droit canonique orthodoxe et du droit civil grec
invoquées par la demanderesse doivent être tenues pour désuètes, s'agissant
d'un archimandrite qui exerçait son ministère dans un pays occidental. Même
si elles étaient applicables, on ne saurait considérer une conduite comme
contraire aux moeurs selon l'art. 519 al. 3 CC uniquement parce qu'elle
enfreint une prescription du droit civil ou ecclésiastique étranger.

    D.- Dame C. a recouru en réforme au Tribunal fédéral par acte du 13
février 1968. Elle reprend les conclusions de sa demande.

    L'intimée dlle J. a conclu au rejet du recours.

    E.- Le 29 mai 1968, la recourante a produit un avis de droit
rédigé en langue grecque par Me N., avocat près la Cour de cassation,
à Athènes, accompagné d'une traduction officielle établie par le Bureau
des traductions du Ministère des affaires étrangères du Royaume de Grèce.

    L'intimée s'est opposée à cette production, qu'elle estime tardive.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon l'art. 55 al. 1 litt. c OJ, la production de nouveaux moyens
de preuve n'est pas recevable en instance de réforme. La jurisprudence
admet cependant qu'un avis de droit destiné à étayer l'argumentation
juridique d'une partie soit produit devant le Tribunal fédéral, car il ne
constitue pas une preuve nouvelle visant à établir la réalité d'un fait
allégué (WEISS, Die Berufung an das Bundesgericht, p. 165; BIRCHMEIER,
Bundesrechtspflege, p. 207; RO 82 II 245 consid. 2, 58 II 60 consid. 2,
57 II 617; arrêts non publiés Hohl et consorts c. Larol-Trust et consorts,
du 19 juin 1961, consid. 4, Junod et cons. c. Graber, du 13 février 1962,
consid. 1, non publié au RO 88 II 31). Encore faut-il que l'avis de droit
soit déposé dans les délais prescrits.

    Sous l'empire de l'ancienne loi du 22 mars 1893 sur l'organisation
judiciaire fédérale (anc. OJ), modifiée en ce qui concerne la valeur
litigieuse par la loi du 25 juin 1921, le Tribunal fédéral a jugé
dans l'arrêt Meyer c. P. Ringier & Cie, du 8 décembre 1931, consid. 1
(RO 57 II 617), que la partie qui avait recouru en réforme n'était pas
tenue de produire, dans le délai de recours, un avis de droit ou une
consultation technique dans un procès relatif à un brevet d'invention,
mais qu'il suffisait que ce document fût déposé dans un délai convenable
avant l'audience de jugement, de manière que l'intimé puisse en prendre
connaissance assez tôt pour sauvegarder ses droits. Cette jurisprudence
découlait de l'ancienne réglementation concernant l'exercice du recours
en réforme. Selon l'art. 67 al. 1 et 2 anc. OJ, le recours en réforme
s'exerçait par le dépôt d'une déclaration écrite indiquant dans quelle
mesure le jugement était attaqué et mentionnant les modifications
demandées. Dans les causes où il y avait des débats (art. 71 anc. OJ),
c'est-à-dire dans les contestations qui portaient sur un droit de nature
pécuniaire et dont la valeur litigieuse était de 8000 fr. au moins ou dont
l'objet n'était pas susceptible d'une estimation en argent, le recourant
n'était pas tenu de motiver son recours par écrit, mais pouvait exposer ses
moyens oralement devant la juridiction de réforme. Ce n'est que dans les
causes où la valeur litigieuse n'atteignait pas 8000 fr. que le recourant
devait joindre à sa déclaration un mémoire motivant son recours (art.
67 al. 4 anc. OJ). Aussi bien, lorsqu'il y avait des débats. comme dans
les causes jugées par les arrêts publiés au RO 30 II 542 consid. 3, 39
II 344 consid. 5, 57 II 617 consid. 1, le Tribunal fédéral admettait la
production d'un avis de droit après l'expiration du délai de vingt jours
fixé à l'art. 65 anc. OJ pour déposer la déclaration de recours en réforme,
mais dans un délai convenable avant l'audience de jugement.

    La réglementation est différente dans la loi d'organisation
judiciaire du 16 décembre 1943 actuellement en vigueur; il n'est plus
fait de distinction entre les causes où il y a des débats, conformément
à l'art. 62 OJ (contestations civiles portant sur un droit de nature
non pécuniaire ou sur un droit de nature pécuniaire lorsque la valeur
litigieuse atteignait 15 000 fr. dans la dernière instance cantonale),
d'une part, et les affaires où il n'y a pas de débats, d'autre part. Dans
tous les cas, le recours en réforme s'exerce par un mémoire contenant
non seulement l'indication exacte des points attaqués de la décision et
des modifications demandées (art. 55 al. 1 litt. b OJ), mais encore les
motifs à l'appui des conclusions, lesquels doivent exposer quelles sont
les règles de droit fédéral violées et en quoi consiste cette violation
(art. 55 al. 1 litt. c OJ). Lorsque les motifs font défaut, le recours
est irrecevable (RO 81 II 278 consid. 9, 83 II 261 consid. 7, 84 II 486
consid. 2, 87 II 183 consid. 10, 262 consid. 5, 89 II 221 consid. 6, 334
consid. 3, 92 II 67). Le délai de recours de l'art. 54 al. 1 OJ expiré,
les motifs ne peuvent pas être complétés par la production d'un nouveau
mémoire (cf. RO 92 II 67). Il en résulte qu'à l'instar des expertises
en matière de brevets d'invention (RO 86 II 197), un avis de droit doit
être produit, sous peine d'irrecevabilité, par le recourant dans le délai
de recours (art. 54 al. 1 OJ), et par l'intimé dans le délai de réponse
(art. 61 al. 1 OJ).

    En l'espèce, l'avis de droit de Me N. a été produit après l'expiration
du délai de recours. Il est dès lors irrecevable.

Erwägung 2

    2.- En vertu de la loi fédérale sur les rapports de droit civil des
citoyens établis ou en séjour, du 25 juin 1891 (LRDC), la succession des
étrangers en Suisse est soumise à la loi du dernier domicile du défunt
(art. 22 al. 1 et 32 combinés), sauf disposition contraire des traités
internationaux (art. 34; cf. RO 52 II 431 consid. 1).

    L'art. 10 al. 3 de la convention d'établissement et de protection
juridique entre la Suisse et la Grèce, conclue le 1er décembre 1927
et entré en vigueur le 30 novembre 1928 (RS 11 p. 638), dispose: "La
succession du ressortissant d'une des parties contractantes décédé sur
le territoire de l'autre partie sera régie par la loi nationale du défunt
en vigueur au moment du décès pour ce qui concerne la question de savoir
quels sont les héritiers légaux et leurs quotes-parts et dans quelle
mesure ils sont réservataires".

    En l'absence de professio juris (art. 22 al. 2 LRDC), la loi grecque
n'est donc applicable à la succession d'un ressortissant grec décédé
en Suisse où il avait son dernier domicile qu'en ce qui concerne la
vocation des héritiers légaux, l'étendue de leurs droits et leur réserve
héréditaire. Pour le surplus, la succession est régie exclusivement par
le droit suisse (MAX PETITPIERRE, Le droit applicable à la succession des
étrangers domiciliés en Suisse, Recueil de travaux offert par la Faculté
de droit de l'Université de Neuchâtel à la Société suisse des juristes,
1929, p. 270).

    En l'espèce, V., de nationalité hellénique, était domicilié en Suisse
au moment de son décès. Dans aucun de ses trois testaments le défunt n'a
déclaré soumettre sa succession à la loi de son pays d'origine. Il s'ensuit
que, pour toutes les questions qui ne sont pas expressément visées à
l'art. 10 al. 3 de la convention d'établissement et de protection juridique
entre la Suisse et la Grèce, c'est le droit suisse qui est applicable,
en vertu des art. 22 et 32 LRDC. La loi suisse régit en particulier la
validité quant au fond des dispositions pour cause de mort du défunt
(cf. SCHNITZER, Handbuch des internationalen Privatrechts, volume II, 4e
édition, 1958, p. 533). La juridiction cantonale a dès lors appliqué avec
raison l'art. 519 al. 1 ch. 3 CC à l'action en nullité des testaments de
V., pour cause d'illicéité ou d'immoralité des dispositions, introduite
par la recourante, héritière légale en vertu de l'art. 1814 du code civil
grec, contre l'héritière instituée.

Erwägung 3

    3.- V. a fait successivement trois testaments olographes.  Le premier
est daté du 4 janvier 1928 et porte une confirmation du 12 août 1946;
le deuxième est du 10 février 1953 et le troisième, du 30 mars 1962.
Chacun d'eux institue héritière universelle dlle J. Le testament du 10
février 1953 ne fait nulle allusion à celui du 4 janvier 1928, confirmé
le 12 août 1946, ni ne le révoque expressément. De même, le troisième
testament, du 30 mars 1962, ne dit rien des deux précédents ni ne les
révoque d'une façon explicite.

    La validité quant à la forme des trois testaments n'a pas été mise
en cause par la recourante. Dame C. ni l'intimée ne se sont d'autre part
préoccupées des rapports entre ces trois actes au regard de l'art. 511
al. 1 CC, selon lequel les dispositions postérieures qui ne révoquent
pas expressément les précédentes les remplacent dans la mesure où elles
n'en constituent pas indubitablement des clauses complémentaires. Les
conclusions du recours tendent à l'annulation des trois testaments pour
cause d'immoralité, en vertu de l'art. 519 al. 1 ch. 3 CC. L'intimée
conclut à la confirmation du jugement entrepris, qui a rejeté la demande
en nullité. Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral est lié
par les conclusions des parties (art. 63 al. 1 OJ). Il n'a donc pas
à examiner si et dans quelle mesure les dispositions postérieures ont
remplacé les précédentes.

Erwägung 4

    4.- Selon l'art. 519 al. 1 ch. 3 CC, les dispositions pour cause de
mort peuvent être annulées lorsqu'elles sont illicites ou contraires aux
moeurs, soit par elles-mêmes, soit par les conditions dont elles sont
grevées. Invoquant cette disposition, la recourante prétend que les
testaments de Mgr V. instituant l'intimée héritière universelle sont
contraires aux moeurs, et partant doivent être annulés, parce que la
bénéficiaire était la concubine du disposant. La juridiction cantonale
a considéré toutefois que l'instruction n'avait pas apporté la preuve du
concubinage allégué. Il s'agit là d'une constatation de fait qui repose
sur l'appréciation souveraine des preuves et lie dès lors le Tribunal
fédéral en instance de réforme, à moins que des dispositions fédérales
en matière de preuve n'aient été violées (art. 63 al. 2 OJ).

    La recourante estime que le tribunal cantonal a violé la règle fédérale
de preuve selon laquelle, dans l'action en divorce ou en recherche de
paternité, il n'est pas nécessaire d'établir l'adultère ou la cohabitation;
il suffit de prouver des faits qui, d'après l'expérience de la vie,
engendrent une violenta praesumptio dont il résulte avec une vraisemblance
confinant à la certitude qu'il y a eu des relations charnelles (cf. en
particulier pour l'adultère: RO 25 II 761, 47 II 250, 81 II 486 s.; pour
la cohabitation dans la recherche de paternité: RO 43 II 564, 52 II 109
s., 57 II 393, 66 II 82, 75 II 104); des circonstances qui donneraient
simplement naissance à un soupçon grave ne suffisent cependant pas pour
fonder la présomption (RO 81 II 487).

    a) La recourante prétend que la cour cantonale aurait dû admettre le
concubinage sur le vu de l'un ou l'autre des faits constatés, sinon de ces
faits pris dans leur ensemble. Elle relève en particulier que dlle J., qui
avait été l'élève du jeune ecclésiastique V. au Lycée Homerion, à Smyrne,
est venue avec sa soeur à L., en 1911, pour suivre les cours de la Faculté
des lettres où il était également inscrit et s'est installée dans la même
pension que lui. Ces circonstances ne font pas nécessairement naître le
soupçon d'une liaison intime, du moment qu'une pareille conclusion n'est
pas corroborée par d'autres faits prouvés.

    Si le patriarche Z., oncle de V., avait observé que son neveu hésitait,
entre 1904 et 1906, à embrasser le sacerdoce, on ne saurait en inférer que,
devenu prêtre, Mgr V. a entretenu plus tard des relations charnelles avec
sa gouvernante et collaboratrice.

    L'enquête sur la vie privée de Mgr V., ouverte à une date non
précisée par le patriarcat de Constantinople dont il relevait, n'a pas
eu de suite. Elle ne constitue dès lors pas un indice propre à emporter
la conviction que le prélat ait entretenu une liaison coupable avec
l'intimée, même si elle a été classée grâce à l'intervention de P.,
comme l'a déclaré sa veuve. On ne sait d'ailleurs rien de précis sur
cette affaire, le Patriarche de Constantinople ayant refusé de produire
le dossier requis par la recourante.

    Ainsi que l'observe le jugement attaqué, le fait que l'intimée a
tenu le ménage de Mgr V. et l'a aidé dans son ministère pendant plus
de cinquante ans ne saurait fonder la violenta suspicio fornicationis:
un ecclésiastique, qui a fait voeu de célibat, peut avoir recours à une
femme pour s'occuper de sa maison et collaborer avec lui dans l'exercice
de sa mission, sans que cette situation permette de conclure qu'il y ait
entre eux un concubinage.

    L'utilisation du terme "Madame" dans la désignation de l'intimée,
soit par Mgr V., notamment dans son testament du 30 mars 1962, soit par
d'autres personnes dans leurs lettres, n'est pas non plus l'indice d'une
liaison immorale. Si l'on appelle "Madame" toute femme qui est ou a été
mariée, on donne également ce titre par déférence à des femmes mariées ou
non à qui l'on témoigne du respect (cf. ROBERT, Dictionnaire alphabétique
et analogique de la langue française, tome 4, p. 349).

    Que l'intimée ait reçu des lettres sous le nom de V. ne signifie pas
que ses correspondants la considéraient comme la concubine du prélat dont
elle était la gouvernante et la collaboratrice.

    On ne saurait voir non plus l'indice d'un concubinage dans
l'inscription "V. C. (-J.)" qui figure dans l'annuaire téléphonique. Cette
désignation a pu être donnée en son temps par Mgr V. lui-même, par mesure
de simplification, de manière que l'on sache que l'intimée J. pouvait
être atteinte au téléphone au même numéro que lui, et ne pas avoir été
modifiée après son décès.

    Enfin, il n'y a rien de surprenant dans la circonstance que l'intimée
n'ait pas été mentionnée dans la brochure commémorative consacrée à Mgr
V. par la Communauté orthodoxe de L. De toute façon, contrairement à ce
qu'allègue la recourante, ce silence n'a pas "le poids d'une condamnation".

    b) Les faits relevés avec insistance par la recourante ne doivent
pas être isolés des autres constations de la cour cantonale, qui retient
notamment ce qui suit:

    Après l'installation de Mgr V. comme archimandrite de l'Eglise St-G. en
1912, l'intimée est devenue sa gouvernante et sa collaboratrice. Elle
l'aidait dans l'accomplissement de son ministère, faisant preuve d'un
très grand dévouement. Elle préparait et dirigeait les choeurs pour les
grandes fêtes religieuses. Elle chantait dans la plupart des cérémonies
importantes. Les membres de la colonie grecque de L. et de Suisse
ont témoigné à l'intimée respect et affection. A la fin de l'année,
de 1939 à 1963, le Comité de l'Eglise orthodoxe grecque lui a exprimé
ses remerciements pour la peine qu'elle se donnait en faveur du choeur
de l'Eglise. Il lui faisait chaque fois un cadeau pour lui manifester
sa reconnaissance.

    Après le décès de l'archimandrite, l'intimée a reçu de nombreux
témoignages de sympathie et d'affection émanant de la colonie grecque
de L., de Suisse et de l'étranger. La recourante elle-même lui a adressé
deux lettres de sympathie très affectueuses; son mari a également écrit
à l'intimée. Auparavant, elle entretenait des relations affectueuses avec
Mgr V., son oncle, et avec l'intimée.

    Durant tout son ministère à L., Mgr V. a été l'objet de très nombreuses
marques de respect, de fidélité et d'amitié tant de la part d'autorités
ecclésiastiques et civiles que de personnes privées. Il a reçu du roi
Paul Ier de Grèce, le 30 décembre 1955, la "Croix d'or de la légion de
Georges Ier" et, au début de 1963, une médaille royale en reconnaissance
de dons importants faits à V., sa commune d'origine dans l'île de C. En
mars 1964, l'association de l'Eglise orthodoxe grecque St-G. à L. a édité
une brochure célébrant la mémoire de son fondateur et chef spirituel,
l'archimandrite V. Cette brochure a été distribuée aux fidèles de l'Eglise
orthodoxe grecque de L., notamment le dimanche 8 mars 1964, à l'issue
d'une messe de requiem célébrée à la mémoire du défunt.

    c) Sur le vu de ces constatations, on doit admettre que Mgr V. était
hautement estimé et respecté par ses coreligionnaires et par les autorités
ecclésiastiques et civiles, d'une part, et que l'intimée était appréciée
pour son dévouement et sa collaboration au ministère du prélat, d'autre
part. La cour cantonale pouvait dès lors considérer, sans violer aucune
règle du droit fédéral, que les faits invoqués par la recourante ne
fondaient pas, d'après l'expérience de la vie, une violenta praesumptio
d'où l'on dût conclure avec une vraisemblance confinant à la certitude
que le défunt avait vécu en concubinage avec l'intimée.

Erwägung 5

    5.- Indépendamment du concubinage qui n'a pas été prouvé, la
recourante affirme que le seul fait que Mgr V. vivait sous le même toit
que sa gouvernante, l'intimée, constitue une infraction au droit canonique
orthodoxe et à la loi civile grecque et que, pour ce motif, les testaments
litigieux sont nuls selon l'art. 519 al. 1 ch. 3 CC, parce que contraires
aux moeurs. Devant la cour cantonale, elle a produit un avis de droit du
professeur A., titulaire de la chaire de droit canonique à l'Université
d'Athènes, qui déclare qu'un archimandrite est destitué par le tribunal
ecclésiastique en vertu du 5e canon du VIe Concile oecuménique et du 3e
canon du Concile de Nicée, s'il introduit sous son toit en qualité de
domestique, de servante ou de cuisinière une femme qui n'est pas sa mère,
sa soeur ou sa tante; le professeur A. observe en outre qu'en droit civil
grec un testament fait en faveur d'une telle femme serait annulé en vertu
des art. 1782, 178 et 180 du code civil hellénique.

    Le tribunal cantonal a jugé douteux que les règles invoquées par
le professeur A. soient encore appliquées pratiquement, en tout cas
lorsqu'il s'agit d'un archimandrite exerçant son ministère dans les pays
occidentaux. La recourante s'élève en vain contre cette opinion, qui
relève de l'interprétation du droit étranger (droit canonique de l'Eglise
orthodoxe grecque qui est l'Eglise officielle de l'Etat hellénique et droit
civil grec) et qui échappe dès lors au contrôle du Tribunal fédéral saisi
d'un recours en réforme (art. 43 OJ; RO 91 II 125, 72 II 410; BIRCHMEIER,
op.cit. p. 79).

    La question n'est d'ailleurs pas décisive. La recourante s'efforce
de démontrer l'immoralité de la disposition pour cause de mort dont elle
demande l'annulation en se référant à la loi nationale du défunt. Elle
perd de vue que la succession litigieuse est régie par le droit suisse,
en vertu de la convention d'établissement et de protection juridique
conclue entre la Suisse et la Grèce (cf. consid. 2 ci-dessus). Or le
droit suisse n'admet pas que l'exercice des droits civils soit restreint
par des prescriptions de nature ecclésiastique ou religieuse (art. 49
al. 4 Cst.). En particulier, les voeux religieux ne restreignent en
aucune manière la capacité civile de la personne qui les prononce (RO
28 I 18; BURCKHARDT, Kommentar zur Bundesverfassung, 3e éd., p. 448;
FLEINER/GIACOMETTI, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, p. 326 s.; AUBERT,
Traité de droit constitutionnel suisse, tome II, no 2020 p. 714; EGGER,
n. 15 ad art. 11 CC). La recourante ne saurait dès lors tirer aucun
argument en faveur de sa thèse ni des canons de l'Eglise orthodoxe grecque,
ni des règles du droit canonique de l'Eglise catholique romaine sur les
bénéfices ecclésiastiques, notamment du canon 1473, qu'elle invoque hors
de propos.

    Pour juger si les dispositions pour cause de mort de Mgr V. sont
contraires aux moeurs, le juge suisse doit donner une appréciation fondée
sur les conceptions morales reçues au sein de la population du ressort où
il siège (cf. OSER/SCHÖNENBERGER, n. 29 ad art. 20 CO et BECKER, n. 70
ad art. 19 CO). Or il est fréquent et communément admis en Suisse qu'un
ecclésiastique tenu au célibat par les voeux religieux qu'il a prononcés,
vive sous le même toit que sa gouvernante. Point n'est besoin d'examiner si
la situation devrait être appréciée différemment au cas où la conduite des
intéressés donnerait lieu à des soupçons et serait une occasion de scandale
au sein de la communauté religieuse à laquelle ils appartiennent. En effet,
il ne résulte pas des faits constatés par la juridiction cantonale que la
vie sous le même toit de Mgr V. et de l'intimée ait provoqué un scandale
au sein de la communauté orthodoxe grecque. Au contraire, l'un et l'autre
ont été l'objet de la part de leurs coreligionnaires de nombreuses marques
d'affection, de reconnaissance et de respect. L'archimandrite a même
reçu à sa table, en présence de sa gouvernante. non pas le patriarche de
Constantinople luimême, comme le relève le jugement attaqué (à la suite
d'une inadvertance manifeste qui doit être rectifiée d'office conformément
à l'art. 63 al. 2 OJ), mais de hauts dignitaires de l'Eglise orthodoxe,
à savoir le Métropolite de Sardes M. et l'archiman drite G. P.

    Dans ces circonstances, on ne saurait tenir pour immoral au regard du
droit suisse le testament confirmé en dernier lieu par un ecclésiastique
âgé de 81 ans en faveur de sa gouvernante âgée alors de 70 ans, qui a
tenu sa maison et l'a assisté dans son ministère pendant 50 ans.

    Le recours est dès lors entièrement mal fondé.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral: Rejette le recours et confirme le
jugement attaqué.