Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 94 II 122



94 II 122

19. Arrêt de la Ire Cour civile du 7 mai 1968 dans la cause Herren
contre Poncet. Regeste

    Klage auf Auflösung einer einfachen Gesellschaft. Art. 530 ff.  OR.

    Bestreitet der Beklagte das Bestehen einer einfachen Gesellschaft, so
beläuft sich der Streitwert auf den Gesamtwert des gemeinsamen Vermögens
(Erw. 1).

    Ein bloss eventuelles rechtliches Interesse des Berufungsklägers
rechtfertigt das Eintreten auf die Berufung (Erw. 2).

    Liegt ein Gesellschaftsvertrag vor, wenn jemand sich verpflichtet,
von einem andern herausgegebene Bücher zu verkaufen gegen Bezahlung einer
nach Massgabe des erzielten Umsatzes berechneten Vergütung? Verneinung
dieser Frage für den vorliegenden Fall (Erw. 3 und 4).

Sachverhalt

    A.- La demanderesse Suzanne Herren exploite au Montsur-Lausanne une
entreprise de diffusion et d'édition de livres de luxe. La défenderesse,
Anne-Marie Poncet, exploite à Yverdon une entreprise d'édition d'ouvrages
de luxe sous la raison individuelle "La Rose des Vents".

    Dame Poncet a pris contact avec dame Herren en vue d'une collaboration
dans l'édition et la vente de livres de luxe. Elle lui a soumis un projet
de convention intitulé "contrat de société simple", rédigé par son neveu,
avocat à Genève. Dame Herren a fait des annotations sur le projet et biffé
notamment le titre et les articles où figure le terme de "société". Faisant
part à son neveu du point de vue de dame Herren, dame Poncet lui exposait,
dans une lettre du 25 octobre 1959, que celle-ci n'était pas d'accord
avec ce projet d'association, étant déjà associée avec un tiers, François
Daulte - lequel était en fait commanditaire d'une société Herren et Cie,
qui fut dissoute en automne 1959. Selon dame Poncet, dame Herren désirait
limiter le contrat à ceci: elle diffuserait tous les livres édités par
dame Poncet, moyennant une commission, sans s'engager à les acheter ferme.

    B.- Le 1er avril 1960, dame Herren a rédigé un projet de contrat. Le 14
du même mois, les parties ont signé une convention reprenant les clauses
principales de ce projet. Dame Herren s'engageait à diffuser un ouvrage
de grand luxe édité par dame Poncet moyennant une commission d'un tiers
du produit des ventes, une fois les frais d'édition couverts.

    C.- Dame Poncet a édité un livre de luxe de Jean Arp, puis trois autres
ouvrages. Les parties ont reconnu en procédure la reconduction tacite de
leur contrat pour ces livres. Jusqu'en 1965, dame Herren a remis à dame
Poncet des décomptes mentionnant le nombre d'ouvrages qu'elle conservait
"en dépôt" ou "en stock".

    La défenderesse a confié encore à dame Herren pour la vente divers
objets d'art, tels que sculptures, peintures et dessins.

    D.- En 1965, dame Poncet a constaté que dame Herren avait vendu des
ouvrages ou des objets d'art qui lui étaient confiés, conservant par
devers elle la totalité du produit de ces ventes. Le 22 décembre 1965,
les parties ont signé une "convention" par laquelle dame Herren reconnaît
devoir un solde de 25 443 fr. "correspondant à des comptes arrêtés... ou au
prix d'oeuvres confiées à elle pour la vente et dont elle a disposé". Ces
oeuvres sont énumérées et comprennent des livres confiés en vertu du
contrat et d'autres objets d'art.

    Le 9 mars 1966, par l'entremise de son avocat, relevant que les
mensualités prévues par l'accord du 22 décembre 1965 n'étaient pas payées,
dame Poncet a mis dame Herren en demeure de lui délivrer tous les livres
et objets encore en sa possession et de régler compte.

    La collaboration entre parties a cessé à fin 1965 et le stock des
ouvrages remis à dame Herren a été restitué à dame Poncet.

    E.- Par demande du 17 février 1967, dame Herren a assigné dame Poncet
devant le Président du Tribunal du district de Lausanne, aux fins de faire
prononcer que la société simple formée entre parties par le contrat du
14 avril 1960 est dissoute en application de l'art. 545 CO.

    La défenderesse a conclu au rejet de la demande, contestant qu'il
s'agît d'un contrat de société.

    Par jugement du 5 juillet 1967, admettant en principe la thèse de la
demanderesse, le Président du Tribunal civil du district de Lausanne a
ordonné la liquidation de la société.

    Le 14 novembre 1967, statuant sur recours de dame Poncet, le Tribunal
cantonal vaudois a adopté l'argumentation du premier juge et admis
l'existence d'une société. Il a toutefois réformé le jugement en ce sens
que, vu les conclusions de la demande, il a prononcé la dissolution de
la société.

    F.- Dame Poncet recourt en réforme contre cet arrêt et conclut au
rejet de la demande. Elle conteste l'existence d'un contrat de société.

    L'intimée conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'action tend à la dissolution d'une société simple. La
défenderesse et recourante conteste l'existence même d'un contrat de
société. Par analogie avec la solution de l'arrêt Steiner (RO 86 II 455),
où le droit au partage d'une succession était contesté, c'est la valeur
totale des biens communs qui représente la valeur litigieuse. Il ressort
du dossier que cette valeur atteint au moins 8000 fr.

Erwägung 2

    2.- Conclue pour la diffusion d'un livre de luxe, la convention du
14 avril 1960 a été étendue ultérieurement à trois autres ouvrages. En
revanche, ainsi que l'a constaté souverainement le premier juge, elle ne
vise pas les peintures, dessins, sculptures et autres objets confiés à
la demanderesse pour être vendus. En tant qu'ils concernent ces objets,
les rapports entre les parties sont en dehors du présent procès.

    Dame Poncet est rentrée en possession des ouvrages invendus. La
convention définit de façon précise les modalités du règlement de comptes
entre les parties. On peut dès lors se demander si la recourante a un
intérêt juridique à faire juger que la convention n'est pas un contrat de
société. Il n'est pas exclu toutefois qu'au cours du règlement de comptes,
la qualification du contrat revête une certaine importance. Or il suffit
d'un intérêt éventuel pour justifier l'entrée en matière.

    Le recours est ainsi recevable.

Erwägung 3

    3.- Les parties sont en désaccord sur la qualification du
contrat. Vu l'art. 18 CO, il convient de rechercher leur réelle et
commune intention, sans s'arrêter aux expressions inexactes dont elles
ont pu se servir. Ainsi que le relève le jugement de première instance,
auquel le Tribunal cantonal se réfère, le fait que dame Herren a biffé,
dans le projet Poncet, l'intitulé et les clauses contenant le terme de
société n'est pas en soi déterminant. Il se peut en effet que, ce faisant,
elle n'ait pas altéré le sens du projet, dont les clauses principales ont
passé en grande partie dans la convention du 14 avril 1960. Néanmoins, la
comparaison du projet et du contrat met en évidence ce que les parties,
délibérément, ont voulu exclure. C'est là un élément d'appréciation qui
paraît avoir échappé aux juridictions cantonales.

Erwägung 4

    4.- Il y a contrat de société lorsque les parties conviennent d'unir
leurs efforts ou leurs ressources en vue d'atteindre un but commun
(art. 530 CO).

    a) Dans le projet, la mise en commun des moyens était prévue de
manière non équivoque. Selon l'ensemble du texte et notamment l'art. 10,
dame Poncet se chargeait de l'édition et en avançait les frais, mais
pour le compte des deux associées, qui devenaient propriétaires en
main commune du stock de livres qu'en cas de mévente elles devaient se
partager dans la même proportion que le bénéfice ou le déficit. S'il
y avait une répartition des attributions des sociétaires, eu égard aux
connaissances différentes dont elles faisaient apport à la société, le
but commun était lui aussi clairement défini. Selon l'art. 1 en effet,
les parties convenaient de créer entre elles une société simple "en vue
de l'édition de livres de luxe".

    b) Ces éléments - caractéristiques de la société - font défaut dans
le contrat du 14 avril 1960. Celui-ci commence par constater un fait:
dame Poncet édite un ouvrage de grand luxe dans sa collection "La Rose
des Vents". Elle n'assume pas l'obligation de procéder à cette édition, ni
celle de faire apport à un fonds commun des exemplaires du livre édité. La
clause 2, qui suit immédiatement, prévoit que dame Poncet "cède à Madame
Herren, qui accepte, la diffusion de ce livre". Viennent ensuite des
dispositions fixant les modalités selon lesquelles dame Herren se charge
de chercher des amateurs et déterminant les conditions de sa rémunération.

    Il apparaît ainsi que l'objet du contrat n'est plus que la "diffusion",
soit la vente d'un stock de livres édités par dame Poncet seule. L'édition
elle-même est en dehors de l'accord des parties. Celles-ci ne conviennent
plus de mettre en commun ressources ou efforts. Au contraire, dame Herren
seule s'oblige à réaliser le but du contrat, la diffusion du livre, contre
rémunération. Sans doute, les parties ont-elles toutes deux intérêt
à vendre le plus grand nombre d'exemplaires possible au prix le plus
élevé. Cette convergence des intérêts n'est cependant pas un but commun
et n'est au reste nullement propre au contrat de société.

    c) Certes, il y a dans l'accord des parties deux éléments qui le
rapprochent d'un contrat de société. La rémunération de dame Herren est
aléatoire et lui fait partager dans une large mesure les risques et les
profits de l'entreprise. Cet élément, caractéristique de tous les contrats
partiaires, ne suffit cependant pas pour qu'il y ait société. Un agent
(RO 83 II 38), un courtier (RO 23 II 1063 consid. 3) peuvent être rémunérés
par une participation au gain sans entrer en société avec leur commettant
(cf. SIEGWART, Vorb. 74 ad art. 530-551 CO; CROME, Die Partiarischen
Rechtsgeschäfte, Fribourg-en-B. 1897, p. 406, 438, 454). Le contrat
d'édition fixant les honoraires de l'auteur en pour-cent de la vente
n'est pas davantage un contrat de société (art. 389 al. 2 CO).

    Les parties sont convenues que les prix à demander seraient fixés
entre elles. Cet accord n'implique pas, comme le pense le juge de première
instance, que dame Poncet ait abandonné partiellement ses attributions
d'éditeur. S'il est vrai qu'en vertu de l'art. 384 CO, l'éditeur fixe
le prix de vente, cette disposition légale vise uniquement les relations
contractuelles entre l'éditeur et l'auteur, qui ne sont pas en cause ici.

    Même réunis, ces deux éléments qui pourraient rapprocher le contrat
d'une société ne sauraient l'emporter sur le fait, décisif, que seule
dame Herren s'est engagée à mettre son activité au service du but visé
par la convention, à savoir la vente des livres contre rémunération. Les
parties n'ont pas mis en commun des biens ni joint leurs efforts, ni adopté
une organisation commune. Dame Herren organisait librement son activité.
La convention prévoit un échange de prestations. Elle revêt le caractère
d'un contrat synallagmatique et non celui d'une société.

    d) Cette solution est confirmée par la manière dont le contrat a été
exécuté. Tant qu'a duré la collaboration des parties, dame Herren a remis à
dame Poncet des reçus et des décomptes mentionnant les ouvrages conservés
par elle "en consignation", "en dépôt" ou "en stock". La convention du
22 décembre 1965 ne fait aucune distinction entre les livres objet du
contrat litigieux et les oeuvres d'art qu'en dehors de ce contrat, dame
Poncet a confiées à dame Herren pour la vente. Enfin, les invendus ont
été restitués à dame Poncet.

    Au demeurant, c'est dame Herren elle-même qui, après avoir refusé de
constituer une société et exigé la modification du projet de convention,
plaide aujourd'hui l'existence d'une société. Si les expressions dont
usent les parties dans leur contrat ne sont pas déterminantes, elles
jouissent néanmoins d'une certaine présomption d'exactitude (SIEGWART,
Vorb. 66 et 71 ad art. 530-551 CO). Le refus clairement manifesté par
dame Herren est donc un élément de plus à l'encontre de sa thèse.

Erwägung 5

    5.- La cour de céans n'a pas à qualifier le contrat en cause.
L'inexistence d'un contrat de société justifie à elle seule l'admission
du recours et le rejet de la demande.

Entscheid:

Par ces motifs le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et réforme l'arrêt attaqué en ce sens que la demande
est rejetée.