Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 93 II 97



93 II 97

18. Arrêt de la Ire Cour civile du 21 mars 1967 dans la cause Viatte
contre Ribaux. Regeste

    Grundstückkauf. Pachtvertrag.

    1.  Nichtigkeit des Kaufvertrags über ein Grundstück, wenn in
der öffentlichen Urkunde nicht der wirkliche Kaufpreis angegeben wird
(Art. 216 OR). Rechtsmissbrauch (Art. 2 ZGB)? (Erw. 1).

    2.  Teilnichtigkeit des Pachtvertrages, der einen höheren als den von
der zuständigen Kontrollbehörde bewilligten Pachtzins vorsieht (Art. 20 OR;
Vo des BR über die Kontrolle der landwirtschaftlichen Pachtzinse, vom 30.
Dezember 1953 und vom 28. Dezember 1956 - AS 1953 S. 1281 ff. und AS
1956 S. 1644 ff. -, sowie BG über die Kontrolle der landwirtschaftlichen
Pachtzinse, vom 21. Dezember 1960 - AS 1961 S. 275) (Erw. 2 a und b).

    3.  Rückforderungsrecht des Pächters für den den bewilligten Pachtzins
übersteigenden Betrag? (Erw. 2 c).

    4.  Teilweiser Nachlass des Pachtzinses bei Zerstörung der Fruchtbäume
eines Baumgartens durch Frost (Art. 287 OR) (Erw. 3).

    5.  Anspruch des Pächters auf Rückerstattung der Kosten für die
Wiederbepflanzung, die Bewirtschaftung und die Wiederinstandstellung des
durch Frost beschädigten Baumgartens (Art. 278, 298 OR)? (Erw. 4-6).

Sachverhalt

    A.- Le 28 décembre 1955, Alfred Viatte a vendu à Jean-Claude Ribaux
un domaine arboricole de 41 960 m2 sis à Pramagnon, sur le territoire
de la commune de Grône, comprenant une surface à flanc de coteau que le
vendeur avait défrichée et plantée en 1954 et 1955 de 1222 abricotiers,
une vigne de 169 m2 et des taillis. L'acte authentique de vente indiquait
un prix de 105 000 fr. En réalité, les parties avaient fixé le prix à
155 000 fr. La différence a été payée de la main à la main.

    Le même jour, les parties ont conclu un contrat de bail à ferme par
lequel Ribaux donnait à bail à Viatte, pour dix ans dès le 1er janvier
1956, le domaine que celui-ci venait de lui vendre. Le fermage a été
arrêté à 9000 fr. par an, soit 6000 fr. indiqués dans le contrat et 3000
fr. que Viatte s'est engagé à payer à Ribaux par une reconnaissance de
dette du 20 janvier 1956.

    Le contrat de bail renfermait notamment sous ch. VI les clauses
suivantes:

    "1. Le fermier renonce à toute indemnité ou remise de fermage en
cas de gel ou d'autres accidents naturels comme il renonce aussi à toute
récompense à la fin du bail pour amélioration ou plus-value provenant de
ses impenses ou de son travail.

    2. Cependant, en cas d'éboulements provoqués par des causes étrangères
au domaine lui-même, les arbres endommagés seront remplacés aux frais
du propriétaire et le fermage sera diminué de Fr. 7.50 par arbre, et par
année, durant 5 ans, dès le remplacement de l'arbre."

    Le bail a été approuvé le 4 janvier 1956 par le Service cantonal du
contrôle des loyers.

    Durant l'hiver 1955/1956 et plus particulièrement en février 1956,
un gel violent a causé de graves dégâts aux abricotiers, dans le canton
du Valais. Une action de secours aux sinistrés a été entreprise et Viatte
a reçu une indemnité de 1290 fr. pour la perte de 169 arbres. Les effets
de ce gel se sont manifestés ultérieurement encore: de nombreux arbres,
affaiblis en février 1956, ont péri définitivement un an ou deux ans plus
tard. Un second gel survenu en février et mars 1958 a causé de nouveaux
dégâts aux arbres en sève. La plus grande partie des abricotiers plantés
sur le domaine affermé a dû être remplacée.

    B.- Viatte a payé intégralement le fermage des années 1956 et 1957,
soit 18 000 fr.

    Devant l'ampleur des dégâts, il refusa de payer le fermage à partir de
l'année 1958 et tenta, mais en vain, de prendre un arrangement avec Ribaux.
Celui-ci lui intenta le 6 avril 1959 une première poursuite en paiement du
fermage contractuel de l'année 1958, par 6000 fr. Viatte forma opposition.
Ribaux obtint la mainlevée provisoire. Le 28 avril 1959, Viatte introduisit
une action en libération de dette. Ribaux conclut au rejet de la demande.

    Le 17 mars 1960, Ribaux fit notifier à Viatte un second commandement
de payer de 6000 fr. représentant le fermage de l'année 1959. Le débiteur
forma opposition. Le créancier ne requit pas la mainlevée.

    Le procès en libération de dette fut suspendu, puis repris à la
requête de Ribaux.

    Celui-ci fit notifier à Viatte, le 18 mars 1964, deux nouveaux
commandements de payer. L'un tendait au paiement de 5 fois 6000 fr.,
soit 30 000 fr., représentant le fermage des années 1959 à 1963, selon
le contrat de bail. Cette troisième poursuite englobait donc la seconde,
qui visait seulement le recouvrement du fermage de l'année 1959. L'autre
commandement de payer du 18 mars 1964 - la quatrième poursuite - tendait
au paiement de 6 fois 3000 fr., c'est-à-dire 18 000 fr., représentant le
fermage supplémentaire des années 1958 à 1963, selon la reconnaissance
de dette du 20 janvier 1956. Viatte forma opposition aux deux nouvelles
poursuites. Ribaux fit prononcerla mainlevée provisoire.

    Ayant obtenu à cette fin le renvoi d'une audience appointée dans le
premier procès, Viatte introduisit le 21 avril 1964 une seconde action en
libération de dette. Les deux procès furent joints. Le demandeur prit des
conclusions additionnelles. Il contestait devoir le fermage réclamé par son
bailleur, vu le dépérissement catastrophique des arbres auquel les parties
n'avaient pas pensé lors de la conclusion du contrat. Il réclamait en outre
la restitution des fermages payés, ainsi que le remboursement des frais de
culture et de remise en état de la propriété qu'il avait assumés sans tirer
de l'exploitation arboricole le profit escompté à la signature du bail.

    Ribaux conclut au rejet de l'action et forma une demande
reconventionnelle. Il invoqua notamment, d'abord à titre subsidiaire,
puis à titre principal, la nullité de la vente en raison du vice de forme
de l'acte authentique qui indiquait un prix inexact. Il en déduisait
par voie de conséquence la nullité du bail. Dans cette éventualité,
il réclamait la restitution du prix payé à Viatte, sous déduction du
fermage encaissé pour deux ans. Si l'acte de vente était déclaré valable,
le défendeur exigeait l'exécution du bail, en particulier le paiement du
fermage des huit dernières années.

    Les parties modifièrent plusieurs fois leurs conclusions en cours
d'instance. En dernier lieu, Viatte conclut à ce qu'il plût au Tribunal
cantonal valaisan prononcer: "1. Les montants de Fr. 30.000.-- et de
Fr. 18.000.-- réclamés par commandements de payer de l'Office de Sion
Nos 48431 et 48432, ainsi que les accessoires y relatifs, ne sont pas
dus par M. Alfred Viatte à M. Jean-Claude Ribaux.

    2. Par conséquent, l'opposition faite aux commandements de payer Nos
48431 et 48432 de l'Office de Sion est définitivement maintenue.

    3. M. Jean-Claude Ribaux est reconnu débiteur de M. Alfred Viatte
des montants suivants:

    a)  des loyers payés, soit Fr. 18.000.--, avec intérêts au 5 %
pour Fr. 9.000.-- dès le 1er janvier 1957 et pour Fr. 9.000.-- dès le
1er janvier 1958

    b)  des frais de culture et de remise en état de la propriété par Fr.
88.948.60 avec intérêt au taux de 5 % dès le:

    - 1.1.57 pour Fr. 10 837.05

    - 1.1.58 pour Fr. 10 717.50

    - 1.1.59 pour Fr. 11 460.40

    - 1.1.60 pour Fr. 12 151.70

    - 1.1.61 pour Fr.  6 657.45

    - 1.1.62 pour Fr.  7 350.60

    - 1.1.63 pour Fr.  6 888.45

    - 1.1.64 pour Fr.  6 885.45

    - 1.1.65 pour Fr.  8 000.--

    - 1.1.66 pour Fr.  8 000.--

    4. Modifications après expertise et après décision du Service cantonal
des fermages réservées.

    5. La demande reconventionnelle, tant principale que subsidiaire,
est écartée.

    6. En tout état de cause, M. Jean-Claude Ribaux est condamné à tous
les frais de la procédure et du jugement."

    Ribaux a pris les conclusions suivantes:

    "I. Principalement et reconventionnellement:

    L'acte de vente et le bail signés le 28.12.1955 sont annulés. En
conséquence:

    a)  Viatte remboursera à Ribaux le prix de vente, soit Fr. 155 000.--
avec intérêts à 5 % l'an dès le 28.12. 1955.

    b)  Les deux locations 1956/1957, soit Fr. 18 000.-- seront déduites
de ce montant.

    c)  Viatte redeviendra propriétaire des parcelles décrites dans l'acte
du 28.12.1955 moyennant exécution de ce qui précède sous lettres a et b.

    II. Subsidiairement:

    1/  Viatte paiera à Ribaux les locations échues de 1958 à 1965
inclusivement, soit Fr. 72 000.-- (9000 x 8) avec intérêts à 5 % l'an
dès les échéances respectives.

    2/  Les oppositions aux poursuites y relatives sont levées
définitivement.

    III. Très subsidiairement:

    Le Tribunal se prononcera sur la restitution du 'dessous de table'
de Fr. 50 000.-- avec intérêts à 5 % l'an dès le 28.12. 1955.

    IV. Toutes les conclusions prises par Viatte sont écartées.

    V. Viatte est condamné à tous les frais de procedure et de jugement."

    Aux débats du 3 novembre 1966, Viatte a précisé qu'il contestait
devoir à Ribaux, outre les montants des poursuites en cours, tous les
loyers annuels jusqu'à la fin du bail.

    C.- Statuant le 3 novembre 1966, le Tribunal cantonal valaisan a
rendu le jugement suivant:

    "1. Alfred Viatte paiera à Jean-Claude Ribaux Fr. 38 290.--, avec
intérêts à 5 % dès le 1er janvier 1962 et l'opposition faite aux poursuites
No 48431 et 48432 de l'OP de Sion est levée à concurrence de ce montant;
l'action en libération de dette est admise pour le surplus.

    2. Il est donné acte à Jean-Claude Ribaux qu'Alfred Viatte est prêt
à lui transférer la propriété de l'art. 3486, fo. 32, No 8 du cadastre
de Grône, taillis de 3370 m2 et plantation arborisée de 3800 m2 sis à
Pramagnon-Clotto. Provenance: Henri Jacquod P. J. 7288/56.

    3. Chaque partie gardera ses propres frais.

    4. Toutes autres conclusions sont rejetées."

    Dans ses considérants, l'autorité cantonale admet la recevabilité, au
regard de la procédure civile valaisanne, des conclusions additionnelles
que Viatte avait jointes à son action en libération de dette, soit du
cumul de demandes, ainsi que celle des conclusions reconventionnelles
de Ribaux. Elle estime que la renonciation contractuelle du fermier à
toute indemniité ou remise du loyer en cas de gel ne vise que le gel de
printemps qui porte atteinte à la récolte d'une année et ne s'applique pas
au gel d'hiver qui provoque le dépérissement des arbres, et partant la
perte de la substance même d'un domaine arboricole. Elle relève que les
experts unanimes ont reconnu le caractère exceptionnel et l'importance
du gel d'hiver survenu en février 1956 et aggravé par celui de février
et mars 1958: de mémoire d'homme, un gel comparable à celui de 1956 ne
s'était produit en Valais qu'en 1929, sauf erreur. Les parties admettent
du reste qu'elles n'avaient pas envisagé, lors de la conclusion du bail,
que le 50% ou même le 80% des abricotiers pourraient périr à cause du
gel. Le remplacement des arbres détruits constitue une "grosse réparation"
au sens de l'art. 278 CO qui, en l'absence de convention contraire,
doit être supportée par le bailleur. De plus, la perte de rendement du
domaine autorise le fermier à bénéficier d'une remise proportionnelle du
fermage en vertu de l'art. 287 al. 1 CO. Subsidiairement, la perte de
la majeure partie des arbres et la diminution du rendement qui en est
résultée justifieraient la revision du contrat selon les règles de la
clausula rebus sic stantibus. Déterminant le montant de l'indemnité due
par le bailleur, la Cour cantonale a déduit des 972 arbres qui ont dû être
remplacés la proportion normale à dire d'experts, soit le remplacement de
6% de la plantation par an, qui reste à la charge du fermier en vertu du
contrat ou, s'il ne le prévoit pas, de la loi. Elle a dès lors reconnu au
fermier le droit au remboursement de 900 arbres à 8 fr. pièce, soit 7200
fr.; elle a ajouté une indemnité arbitrée ex aequo et bono à 800 fr. pour
les suppléments d'engrais et de fumure nécessaires à la croissance des
jeunes arbres; de la somme, 8000 fr., elle a déduit le subside de 1290
fr. que Viatte avait reçu de l'aide générale aux personnes lésées par
le gel de l'hiver 1956; elle a finalement condamné Ribaux à payer 6710
fr. pour le remplacement des arbres.

    Quant à la réduction du fermage, la juridiction valaisanne a appliqué
le montant de 7 fr. 50 par arbre que les parties ellesmêmes avaient fixé
dans le contrat pour le cas où les abricotiers seraient endommagés par des
éboulements. Elle a fixé équitablement à 4 ans la durée pendant laquelle
la récolte des arbres remplacés n'était pas normale. Sur la base de 900
arbres à raison de 7 fr. 50 par an, la réduction annuelle s'élevait à 6750
fr., soit 27 000 fr. pour 4 ans. Le compte de la somme due par Viatte à
Ribaux se présentait dès lors ainsi:
                  Fr.

    Fermage de 8 ans à 9000.-- par an:            72 000.--

    Dont à déduire:

    Réduction de fermage: 27 000.--

    Remplacement des arbres:      6 710.--
                  33 710.--

    Solde         38 290.--

    Le Tribunal cantonal a condamné Viatte à payer ce montant à Ribaux,
avec intérêt à 5% l'an dès la date moyenne du 1er janvier 1962. Il a refusé
au demandeur la restitution des fermages payés pour les années 1956 et
1957 (18 000 fr.), ainsi que le remboursement des frais de culture et
d'exploitation pendant 10 ans (88 948 fr. 60 au total) qui demeuraient
à sa charge en vertu d'une clause du contrat.

    Passant à l'examen de la demande reconventionnelle, la juridiction
valaisanne a considéré que Ribaux abusait de son droit en invoquant
la nullité de l'acte de vente, pour le motif que le prix indiqué était
inexact. Il avait proposé lui-même cette fraude et il ne saurait s'en
prévaloir après coup pour se soustraire aux effets d'un contrat exécuté. Il
réclamait du reste simultanément à Viatte le fermage du domaine qu'il
lui avait donné à bail sitôt après le lui avoir acheté. Le défendeur
n'était pas fondé non plus à exiger la restitution du "dessous de table"
de 45 000 fr.; sa prétention était contraire aux règles de la bonne foi.

    Viatte avait vendu en fait à Ribaux deux parcelles de 3370 et 3800
m2 dont il n'était pas propriétaire et qui n'ont pas été incluses dans
l'acte de vente du 28 décembre 1955. Il les a acquises par la suite et
s'est déclaré prêt à les céder à l'acheteur par un nouvel acte notarié. La
Cour cantonale a donné acte à Ribaux de cette offre.

    D.- Viatte recourt en réforme au Tribunal fédéral. Il maintient
les conclusions de la demande formée devant la juridiction cantonale,
à l'exception de la déclaration réservant une modification du chiffre de
ses prétentions à la suite d'une expertise ou d'une décision du Service
cantonal des fermages.

    E.- L'intimé Ribaux a déposé un recours joint et repris ses conclusions
finales en instance cantonale. Il renonce toutefois à sa conclusion
"très subsidiaire" en restitution du "dessous de table" payé lors de la
vente immobilière.

    F.- Chaque partie conclut au rejet des prétentions de son adversaire.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon la jurisprudence, le contrat de vente immobilière conclu
en la forme authentique doit mentionner, en particulier, le prix exact
que l'acheteur s'engage à payer; si l'indication figurant dans l'acte ne
correspond pas à la réalité, le contrat est nul. Toutefois, la partie
qui invoque la nullité du contrat commet un abus de droit au sens de
l'art. 2 CC lorsque son comportement apparaît manifestement contraire aux
règles de la bonne foi. Le juge en décide dans chaque espèce sur le vu
des circonstances qu'il apprécie librement. Les exigences de la sécurité
du droit, d'une part, le fait que les contractants ont le plus souvent
agi l'un et l'autre d'une manière moralement répréhensible, d'autre part,
interdisent en effet de poser des normes rigides en cette matière (RO 90
II 156 s., 296 s.; 92 II 323 ss., consid. 3).

    Le Tribunal fédéral attache une importance particulière, mais
pas nécessairement décisive, à l'exécution volontaire et réciproque du
contrat entaché d'un vice de forme (arrêts cités). L'intimé soutient qu'en
l'espèce, le recourant n'a pas exécuté ses obligations contractuelles. Mais
il fait allusion au défaut de paiement du fermage à partir de l'année 1958,
c'est-à-dire à l'inexécution du contrat de bail. En revanche, l'acte de
vente du 28 décembre 1955 a été entièrement exécuté de part et d'autre. Le
transfert de la propriété des immeubles vendus a été inscrit au registre
foncier il y a plus de dix ans. Le prix convenu a été payé intégralement
lors de la conclusion de la vente. Le domaine a été affermé par l'acquéreur
au vendeur, qui en a joui conformément au bail. Le nouveau propriétaire a
encaissé le fermage des deux premières années. Il a poursuivi son fermier
en paiement du fermage ultérieur. Ses poursuites sont à l'origine du procès
qui divise les parties. Ribaux persiste en effet à s'opposer à l'action
en libération de dette introduite par Viatte. C'est dire qu'il maintient
sa prétention au paiement du fermage. En plaidant simultanément la nullité
du contrat de vente, d'abord à titre subsidiaire, puis à titre principal,
l'intimé adopte une attitude contradictoire et abuse manifestement de
son droit d'invoquer le vice de forme affectant l'acte authentique par
lequel il a acquis le domaine affermé.

Erwägung 2

    2.- En dépit de la connexité des deux contrats conclus le 28 décembre
1955, le rejet de l'exception tirée de la nullité de l'acte de vente
n'entraîne pas nécessairement le rejet des conclusions de l'intimé qui
tendent à faire prononcer la nullité du bail à ferme.

    a) L'affermage du domaine tombait sous le coup de l'ordonnance du
Conseil fédéral concernant le contrôle des fermages agricoles du 30
décembre 1953 (ROLF 1953 p. 1310 ss.), qui était en vigueur lors de la
conclusion du bail, le 28 décembre 1955. Cette ordonnance a été abrogée
par celle du 28 décembre 1956 sur le même objet (ROLF 1956 p. 1751 ss.),
valable jusqu'au 31 décembre 1960, mais les décisions rendues en vertu
de la législation antérieure sont restées en vigueur (art. 13). La loi
fédérale sur le contrôle des fermages agricoles du 21 décembre 1960 (ROLF
1961 p. 282), entrée en vigueur le 15 avril 1961, statue à son art. 14 que
les faits survenus sous l'empire des dispositions antérieures demeurent
régis par cellesci. Tous ces textes législatifs prescrivent que le fermage
autorisé est fixé par l'autorité compétente d'après la valeur de rendement
des immeubles affermés et que le fermier ne peut pas renoncer d'avance
à la protection de la loi. Les deux ordonnances de 1953 (art. 6 al. 2)
et de 1956 (art. 7 al. 2) disposaient expressément que les conventions
étaient nulles dans la mesure où elles renfermaient des clauses moins
favorables au fermier que les textes officiels. La loi de 1960 ne contient
aucune disposition semblable, mais les travaux préparatoires montrent que
le législateur a jugé cette précision inutile, du moment que les art. 19
et 20 CO sont applicables aux baux à ferme soumis au contrôle (Message du
Conseil fédéral du 19 juillet 1960 ad art. 7 du projet de loi, FF 1960 II
p. 501). En vertu de l'art. 20 CO, le contrat qui renferme une disposition
contraire à la loi est frappé de nullité partielle; le fermage excessif
doit être ramené au niveau légal (RO 47 II 464; JEANPRETRE, Le contrôle des
fermages agricoles et le droit civil, Mélanges Roger Secrétan, p. 142 s.).

    b) Conformément à l'art. 3 de l'ordonnance de 1953, le fermage aurait
dû être fixé en principe à 4 1/2% de la valeur de rendement du domaine et
non pas à 6% du prix d'achat, taux exigé par Ribaux. Désirant éluder le
contrôle officiel, les parties ont passé le 28 décembre 1955 un contrat
de bail en la forme authentique, dans lequel elles ont indiqué un fermage
de 6000 fr. par an et qui a été approuvé par l'autorité compétente le 4
janvier 1956. En sus du fermage considéré comme licite, Viatte s'est engagé
à payer à Ribaux un supplément de 3000 fr. par an, selon la reconnaissance
de dette du 20 janvier 1956. Contraire aux prescriptions impératives sur le
contrôle des fermages, cette reconnaissance de dette est nulle. L'intimé
n'est pas fondé à exiger du recourant plus que le fermage autorisé de
6000 fr. par an. La conclusion en paiement du supplément annuel de 3000
fr. pour les huit dernières années du bail doit être rejetée et l'action
en libération de dette du recourant admise de ce chef à concurrence de
24 000 fr.

    c) Le recourant demande en outre la restitution du supplément de
3000 fr. qu'il a payé pour les deux premières années du bail, soit 6000
fr. La loi de 1960 ni les ordonnances de 1953 et 1956 ne précisent si le
fermier qui a payé une dette inexistante peut répéter son paiement. Dans
son message à l'appui du projet de loi, le Conseil fédéral répond par la
négative (ad art. 12 du projet, FF 1960 II 503). Il fonde son opinion sur
l'art. 12 qui confère au juge pénal saisi d'une poursuite contre l'auteur
d'une infraction à la loi la faculté de condamner le bénéficiaire de
l'acte illicite à payer une somme correspondant à l'avantage reçu
et d'ordonner la dévolution au fermier de tout ou partie de cette
somme. Mais un auteur objecte que le pouvoir ainsi donné au juge pénal
n'exclut pas nécessairement une action en répétition de l'indu, portée
devant le juge civil. Et si le législateur voulait exclure l'application
des art. 62 ss. CO, il eût été préférable qu'il édictât à cette fin une
disposition expresse (cf. JEANPRÊTRE, op.cit., p. 144 s.). Point n'est
besoin, toutefois, de résoudre la question. En effet, le paiement des
deux suppléments de fermage dont le recourant demande la restitution a
été effectué sous l'empire des ordonnances de 1953 et 1956. Ces textes
ne renferment aucune disposition semblable à l'art. 12 de la loi de
1960. Ils ne dérogent pas non plus expressément au droit commun. La
demande de restitution est dès lors soumise aux règles ordinaires du
droit des obligations.

    En vertu de l'art. 63 al. 1 CO, celui qui a payé volontairement une
somme qu'il ne devait pas ne peut demander la restitution du montant versé
que s'il prouve son erreur sur l'existence de la dette. Dans le cas d'un
loyer ou d'un fermage excessif, le demandeur doit établir qu'il croyait,
par erreur, que le montant payé correspondait au loyer ou au fermage licite
(cf. RO 85 IV 105, consid. 2 lettre a). Or le recourant n'a même pas
allégué qu'il se soit trompé sur ce point. De même que son cocontractant,
il savait que le supplément de fermage de 3000 fr. n'était pas admissible
au regard des prescriptions de contrôle en vigueur. C'est à dessein qu'il a
souscrit pour ce montant une reconnaissance de dette distincte du contrat
de bail. Il a payé le supplément pour les deux premières années du bail
le sachant et le voulant. La répétition étant exclue en vertu de l'art. 63
al. 1 CO, il est superflu d'examiner si elle se heurterait de surcroît à la
règle de l'art. 66 CO qui prohibe la répétition des prestations fournies en
vue d'atteindre un but illicite ou contraire aux moeurs (cf. RO 85 IV 106).

Erwägung 3

    3.- Le recourant demande la remise totale du fermage en alléguant
que des circonstances extraordinaires - le gel d'hiver - ont provoqué la
perte de la majeure partie des abricotiers plantés sur le domaine affermé
et qu'il n'a tiré pratiquement aucun revenu de ce domaine pendant toute la
durée du bail. L'intimé lui oppose la renonciation anticipée du fermier à
toute indemnité ou remise de fermage en cas de gel ou d'autres accidents
naturels, ainsi qu'à toute récompense à la fin du bail pour amélioration
ou plus-value provenant de ses impenses ou de son travail, qui figure à
l'art. VI ch. 1 du contrat. La renonciation convenue souffre toutefois
une exception en cas d'éboulements provoqués par des causes étrangères
au domaine luimême. L'art. VI ch. 2 du contrat dispose en effet que,
dans cette éventualité, les arbres endommagés seront remplacés aux frais
du propriétaire et que le fermage sera diminué de 7 fr. 50 par arbre et
par année, durant cinq ans, dès le remplacement de l'arbre.

    En vertu de l'art. 287 al. 2 CO, la renonciation anticipée du
fermier à la remise proportionnelle du fermage fondée sur l'al. 1
de cette disposition n'est valable que si les parties, en fixant le
fermage, ont envisagé les accidents et les calamités extraordinaires
qui diminueraient notablement le rapport habituel du bien affermé, ou
si le dommage est couvert par une assurance. Il incombe au bailleur qui
se prévaut de la renonciation du fermier d'apporter la preuve que les
parties contractantes ont fixé le fermage à un montant inférieur à la
norme locale, pour tenir compte de cette renonciation (BECKER, n. 9 ad
art. 287 CO). Or l'intimé ne l'a même pas allégué. Le fermage convenu est
du reste supérieur à la norme fixée par l'autorité chargée du contrôle. Il
n'est pas établi non plus que le dommage fût couvert par une assurance. La
renonciation souscrite par le fermier n'est donc pas valable. Au surplus,
la juridiction cantonale constate que le gel d'hiver est très rare dans
cette région. Elle en déduit que les parties n'ont pas envisagé cette
éventualité. Fondée non seulement sur l'expérience générale, mais aussi
sur les conditions climatiques du Valais central que les juges du fait
sont mieux placés pour apprécier, le cas échéant à l'aide des expertises,
cette constatation lie la juridiction de réforme (art. 63 al. 2 OJ).

    La remise proportionnelle du fermage que l'art. 287 al. 1 CO
permet en cas de calamités extraordinaires est en réalité une réduction
équitable opérée par le juge (RO 20 p. 1036; BECKER, n. 8 ad art. 287
CO; BOREL/NEUKOMM, FJS 834, p. 6; OSER/SCHÖNENBERGER, n. 8 ibidem,
admettent que la réduction peut même aller jusqu'à la remise totale du
fermage). L'adaptation du contrat aux circonstances postérieures à sa
conclusion étant ainsi prévue par une disposition spéciale de la loi,
il n'est pas nécessaire de recourir à la théorie de l'imprévision ou de
la clausula rebus sic stantibus.

    Quant à la mesure de la réduction du fermage, la Cour cantonale s'est
fondée avec raison sur la clause contractuelle relative aux éboulements.
Assurément, cette clause n'est pas applicable directement. Mais les parties
l'ont insérée dans leur contrat en vue de régler les effets d'une autre
calamité naturelle qui, tout comme le gel d'hiver, pouvait endommager
ou même faire périr une partie des abricotiers plantés sur le domaine,
et partant priver le fermier de la récolte de ces arbres. La diminution
du fermage a été arrêtée d'un commun accord à 7 fr. 50 par an pour chaque
arbre endommagé et remplacé, pour les cinq ans durant lesquels les jeunes
arbres ne donnent pratiquement aucune récolte. Cette norme conventionnelle
l'emporte sur les règles de droit supplétif énoncées à l'art. 277 CO. Du
moment que 900 arbres ont dû être remplacés, la réduction de fermage
s'élève à 900 x 7 fr. 50=6750 fr. par an pendant cinq ans, soit 33 750 fr.

Erwägung 4

    4.- L'art. 278 CO met à la charge du bailleur les "grosses réparations"
qui doivent être faites à la chose affermée pendant la durée du bail. Au
surplus, l'art. VI ch. 2 du contrat prévoit le remplacement aux frais du
propriétaire des arbres détruits par les éboulements. Comme on l'a vu,
cette clause conventionnelle s'applique par analogie à la perte des arbres
due au gel d'hiver. L'intimé doit par conséquent rembourser au recourant
les frais de repeuplement de la plantation d'abricotiers endommagée par
le gel de l'hiver 1956. La juridiction valaisanne a fixé le montant de ces
frais à 7200 fr. pour le remplacement de 900 arbres à 8 fr. la pièce. Elle
a ajouté 800 fr. pour les frais de fumure supplémentaires. De la somme,
8000 fr., elle a déduit l'indemnité de 1290 fr. qu'Alfred Viatte a reçue
grâce à l'action de secours organisée en Valais à la suite du gel de
l'hiver 1956. Avec raison, les parties ne critiquent pas le montant de
6710 fr. alloué de ce chef au fermier par les premiers juges.

Erwägung 5

    5.- Le recourant persiste à réclamer à l'intimé une indemnité de 88
948 fr. 60 pour frais de culture et de remise en état pendant toute la
durée du bail. Il oublie qu'il a renoncé expressément à toute récompense
à la fin du bail pour l'amélioration ou la plus-value provenant de ses
impenses ou de son travail, selon l'art. VI ch. 1 in fine du contrat. Au
surplus. l'art. 298 al. 3 CO dénie au fermier le droit à une récompense
pour les améliorations qui sont uniquement le résultat des soins qu'il
devait à la chose. Or il est normal qu'un terrain affecté à l'arboriculture
fruitière soit restitué, à la fin du bail, planté d'arbres productifs et
bien soignés. Pour qu'il soit fondé à réclamer une indemnité à Ribaux en
vertu des règles de l'enrichissement illégitime, il faudrait que Viatte
ait donné une plus-value au domaine affermé par des soins qui dépassent
les obligations du fermier (cf. RO 75 II 46; BOREL/NEUKOMM, FJS 838, p. 1
s.; BECKER, n. unique ad art. 298 CO in fine). Or le jugement attaqué ne
renferme aucune constatation de cette nature.

Erwägung 6

    6.- Le compte des montants dus par le recourant à l'intimé se présente
dès lors comme il suit:
                  Fr.

    Fermage: 8 ans à 6000.--              48 000.--

    Dont à déduire:

    Réduction du fermage: 33 750.--

    Frais de repeuplement:        6 710.--        40 460.--

    Solde         7 540.--

    S'agissant d'un règlement de comptes à la fin du bail à ferme,
l'intérêt de cette somme est dû à partir de l'expiration du contrat,
soit dès le 1er janvier 1966.

Entscheid:

              Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    1. Admet partiellement le recours principal et le recours joint;

    2. Réforme le jugement rendu le 3 novembre 1966 par le Tribunal
cantonal valaisan en ce sens que le recourant principal Alfred Viatte
paiera à l'intimé et recourant par voie de jonction Jean-Claude Ribaux
la somme de 7540 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 1er janvier 1966;

    3. Maintient ledit jugement pour le surplus.