Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 93 II 82



93 II 82

16. Arrêt de la IIe Cour civile du 11 mai 1967 dans la cause Masse en
faillite de Timor Watch Co SA contre Société de banque suisse. Regeste

    Hypothekarobligationen auf den Inhaber. Verpfändung. Art.  901 ZGB.

    1.  Kollokationsklage auf Anerkennung eines Pfandrechts für eine
Forderung, die als solche nicht bestritten ist. Streitwert (Erw. 1).

    2.  Verpfändung von Eigentümerpfandtiteln (hier: von
Hypothekarobligationen auf den Inhaber, die noch nicht in Umlauf gesetzt
worden waren). Notwendigkeit der öffentlichen Beurkundung? (Erw. 2-4).

    3.  In welchem Zeitpunkt überträgt der Schuldner den Besitz an auf
den Inhaber lautenden Hypothekarobligationen, die er unterzeichnet
und unmittelbar einem Notar anvertraut hat, der beauftragt ist, das
Grundpfandrecht im Grundbuch eintragen zu lassen und hierauf die Titel
dem Pfandgläubiger zu übergeben? (Erw. 5 und 6).

Sachverhalt

    A.- Le 21 décembre 1962, la Société de banque suisse (en abrégé:
SBS), succursale de La Chaux-de-Fonds, ouvrit à Timor Watch Co SA (en
abrégé: Timor), qui avait son siège en ladite ville, un crédit de 250 000
fr. Le remboursement du prêt devait être garanti, notamment, par trois
obligations hypothécaires au porteur d'un montant global de 100.000 fr.,
grevant en deuxième rang les immeubles immatriculés sous les articles 318,
320 et 322 du cadastre de la commune de Montilier (canton de Fribourg),
dont Timor était propriétaire. Dans une lettre du 27 décembre 1962,
ladite société chargea le notaire Friolet, à Morat, d'établir les titres
et de les remettre à la créancière. Le notaire confirma à la banque, par
lettre du 18 mars 1963, le mandat qu'il avait reçu de Timor. Il fallait
toutefois obtenir le consentement d'un créancier hypothécaire en troisième
rang. Les négociations engagées à cette fin n'arrivèrent pas à chef. Le 3
septembre 1963, la SBS accepta de recevoir des obligations hypothécaires
en quatrième rang, quitte à les faire avancer plus tard en deuxième rang.

    Le 23 septembre 1963, Me Friolet instrumenta trois obligations
hypothécaires au porteur créées en quatrième rang, avec droit de profiter
des cases libres, savoir deux titres de 32 500 fr. chacun, grevant
respectivement les immeubles immatriculés sous les articles 318 et 320 du
cadastre de la commune de Montilier, et une obligation hypothécaire au
porteur de 35 000 fr., grevant l'article 322 dudit cadastre. Chacun des
trois titres renferme la clause suivante: "Cette obligation hypothécaire
possède le caractère d'un papier-valeur".

    Le même jour, le notaire dressa un "avis d'instrumentation" dans lequel
il déclare qu'il a instrumenté les actes en question et s'oblige à les
faire inscrire au registre foncier, puis à en remettre une expédition à
la créancière dans un délai de six mois. Il devait en effet déposer les
actes au registre foncier dans les trente jours et il escomptait que le
conservateur les lui retournerait un'deux ou trois mois plus tard.

    Le 26 septembre, Me Friolet envoya l'avis d'instrumentation à la SBS,
qui en accusa réception le 30 septembre.

    Le 23 octobre, le notaire prénommé déposa les trois obligations
hypothécaires au bureau du registre foncier de Morat. Le conservateur les
inscrivit le jour même au journal et le 29 octobre au grand livre. Le
lendemain dans l'après-midi, le notaire Friolet se rendit au bureau du
registre foncier pour reprendre les titres. Le conservateur refusa de
les lui remettre: la faillite de Timor avait été prononcée le 30 octobre
à 9 heures par le Président du Tribunal de district de La Chaux-de-Fonds.

    Le conservateur du registre foncier de Morat remit ensuite les trois
obligations hypothécaires à l'Office des faillites de La Chaux-de-Fonds.

    B.- Dans la faillite de Timor, la SBS a produit notamment une créance
de 120 258 fr. 65 et revendiqué un gage mobilier sur les trois obligations
hypothécaires au porteur constituées le 23 septembre 1963 par le notaire
Friolet. Le 13 juillet 1964, l'administration de la faillite écarta le
droit de gage et colloqua la créance en cinquième classe. Elle décida que
les titres en question seraient radiés de l'état des charges et cancellés
conformément à l'art. 75 OOF.

    Le 22 juillet 1964, la SBS introduisit une action en contestation
de l'état de collocation. Elle conclut à la reconnaissance de son droit
de gage.

    La masse en faillite de Timor conclut au rejet de la demande.

    Statuant le 5 décembre 1966, le Tribunal cantonal de Neuchâtel
ordonna la rectification de l'état de collocation en ce sens que la SBS
devait être colloquée comme titulaire d'un droit de gage sur les trois
obligations hypothécaires reçues le 23 septembre 1963 par le notaire
Friolet, à Morat, qui grèvent les immeubles formant les articles 318,
320 et 322 du cadastre de la commune de Montilier.

    Les juges neuchâtelois ont admis dans les motifs de leur jugement que
la demanderesse avait acquis, par l'intermédiaire de son représentant
Me Friolet, la possession des titres précités avant l'ouverture de
la faillite, de telle sorte que le droit de gage avait été constitué
valablement.

    C.- La masse en faillite de Timor recourt en réforme au Tribunal
fédéral et reprend ses conclusions libératoires. Subsidiairement, elle
demande le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle
décision.

    D.- La SBS, intimée, conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le procès en contestation de l'état de collocation qui divise les
parties a été introduit par l'intimée dans le délai de dix jours fixé par
l'art. 250 al. 1 LP. L'action tend à la reconnaissance d'un droit de gage
pour une créance qui n'est pas contestée comme telle. La valeur litigieuse
correspond, en pareil cas, à la différence entre le montant qui serait
attribué au créancier si le droit de gage qu'il revendique était reconnu,
d'une part, et le dividende probable que recevrait le demandeur si sa
créance était colloquée en cinquième classe (ou éventuellement dans une
classe privilégiée), d'autre part (RO 81 III 76 s., 85 II 201). Sur le vu
des renseignements fournis par l'office des faillites de la Chaux-de-Fonds,
le jugement entrepris constate qu'en l'espèce, cette différence s'élèverait
à 60 000 fr. Le recours en réforme est dès lors recevable au regard de
l'art. 46 OJ.

Erwägung 2

    2.- Avec raison, la recourante ne conteste pas la validité des
obligations hypothécaires au porteur créées par Timor. Sanctionnant
une pratique largement répandue, le Tribunal fédéral a admis que le
propriétaire d'un immeuble peut constituer valablement une hypothèque
en garantie d'une créance exprimée dans un titre au porteur (RO 49 II 21
ss., 77 II 364). Si le titre est rédigé de telle sorte qu'il réponde aux
exigences de l'art. 965 CO, il revêt la qualité de papier-valeur (RO 77 II
364; JÄGGI, Kommentar, Die Wertpapiere, n. 285 ad art. 965 CO; A. BONNARD,
L'obligation hypothécaire au porteur, thèse Lausanne 1955, p. 31 ss.). La
possession d'une obligation hypothécaire au porteur n'emporte cependant
aucune présomption quant à l'existence de l'hypothèque (RO 77 II 364,
84 II 354).

    Les titres instrumentés le 23 septembre 1963 par le notaire Friolet
sont expressément déclarés papiers-valeurs. Ils expriment une créance en
faveur du porteur. Cette créance est garantie par une hypothèque, inscrite
par le conservateur du registre foncier le 23 octobre 1963 au journal
et le 29 octobre au grand livre. Conformément à l'art. 972 al. 2 CC,
l'effet de l'inscription remonte à la date de l'inscription au journal. Les
hypothèques ont donc été constituées valablement avant l'ouverture de la
faillite de Timor, prononcée le 30 octobre 1963 à 9 heures.

Erwägung 3

    3.- La jurisprudence a déclaré valable la mise en gage de titres au
porteur par le débiteur de ceux-ci (RO 38 II 160) et plus spécialement
le nantissement de cédules hypothécaires créées au nom du propriétaire de
l'immeuble grevé (RO 41 III 236 ss., 52 III 159). La même règle vaut pour
les obligations hypothécaires au porteur que le débiteur, propriétaire
du fonds grevé, remet en gage sitôt après qu'il les a souscrites ou,
du moins, sans qu'il les ait préalablement mises en circulation (RO 78
III 94). De pareilles obligations constituent en effet des titres de
gage du propriétaire (OFTINGER, Kommentar, Das Fahrnispfand, n. 136 in
fine ad art. 901 CC). En dépit des critiques formulées par les auteurs
(cf. OFTINGER loc.cit. n. 134 et A. BONNARD, op.cit., p. 97 ss. et
les références citées), le nantissement de ces papiers-valeurs, qui
correspond à une pratique bancaire bien établie, n'est pas contraire au
droit civil (cf. PIOTET, Quelques considérations sur l'acquisition des
cédules hypothécaires, lettres de rente et obligations hypothécaires,
JdT 1959 I 457 ss., notamment 466 à 469). L'objet du gage est la créance
incorporée dans le titre (OFTINGER, n. 137 ad art. 901 CC), droit qui
n'avait jusqu'alors qu'une existence formelle (cf. JÄGGI, op.cit.,
n. 19 ad art. 967 CO, qui envisage le premier transfert du titre) et
dont le propriétaire du fonds grevé dispose au moment où il le remet en
nantissement (cf. RO 41 III 237 s., PIOTET, loc.cit.).

    Il n'est pas nécessaire d'examiner les critiques formulées par les
auteurs (cf. notamment GUISAN, Le nantissement et la saisie des cédules
hypothécaires et lettres de rente appartenant au propriétaire même de
l'immeuble grevé, JdT 1926 I 194 ss., ainsi que la note publiée au JdT
1931 II 72 ss. et les références citées) contre la jurisprudence qui admet
la poursuite en réalisation d'un gage mobilier lorsque le débiteur est
soumis à l'exécution spéciale (RO 52 III 159, 78 III 95, 89 III 45). Dans
la faillite, en effet, l'art. 76 OOF interdit la réalisation séparée du
titre de gage mis en nantissement et l'art. 126 ORI règle la collocation
de façon à empêcher que le créancier nanti ne reçoive un montant supérieur
à celui de la créance garantie par le gage mobilier.

Erwägung 4

    4.- A l'appui de son recours, la masse en faillite de Timor soutient
que la SBS n'a pas acquis un droit de gage sur les trois obligations
hypothécaires litigieuses, parce que les parties ont omis de passer un
contrat de gage immobilier en la forme authentique exigée par l'art. 799
al. 2 CC. Mais l'arrêt publié au RO 71 II 262, dont elle entend tirer
argument, vise le nantissement d'une cédule hypothécaire qui doit être
constituée au nom du propriétaire de l'immeuble grevé ou au porteur. Le
Tribunal fédéral n'exige pas, en revanche, que la convention portant
mise en gage d'une obligation hypothécaire au porteur revête la forme
authentique; il se contente d'une déclaration unilatérale du débiteur
relative à la constitution de l'hypothèque (RO 49 II 26, consid. 3 a;
cf. A. BONNARD, op.cit., p. 64 ss.). Une fois que l'hypothèque a été
constituée par l'inscription au registre foncier, le débiteur peut mettre
l'obligation hypothécaire au porteur en nantissement en vertu d'un accord
conclu sans forme spéciale avec le créancier gagiste (cf. OFTINGER,
n. 138 ad art. 901 CC).

Erwägung 5

    5.- Conformément à l'art. 901 al. 1 CC, le nantissement des titres au
porteur s'opère par leur seule remise au créancier gagiste. La loi n'exige
pas un transfert matériel du papiervaleur, mais seulement le transfert de
la possession, selon les règles applicables au nantissement des choses
mobilières. Sous réserve des restrictions imposées par les art. 884
al. 3 et 717 CC, tous les modes de transfert de la possession prévus aux
art. 922 à 925 CC sont admissibles (RO 81 II 340 s.). Ainsi, la remise
du titre peut être faite au représentant du créancier gagiste, ou à un
possesseur pour autrui (Besitzdiener) qui joue le rôle d'intermédiaire
pour la possession de celui-ci (OFTINGER, op.cit., n. 34 ad art. 901;
n. 212 ss. ad art. 884 CC). Lorsque l'intermédiaire a reçu une chose pour
le créancier gagiste, sans mandat ni procuration de celui-ci, mais que
le créancier ratifie ensuite son acte, le droit de gage est réputé avoir
pris naissance au moment où la possession de la chose a été transférée
au représentant (OFTINGER, op.cit., n. 217 ad art. 884 CC).

    En l'espèce, le président du conseil d'administration de Timor a
remis les trois obligations hypothécaires au porteur, sitôt après les
avoir constituées en y apposant sa signature, au notaire Friolet qui
était chargé de faire inscrire les hypothèques au registre foncier,
puis de transmettre les titres à l'intimée. Timor n'avait donc plus
la maîtrise effective des papiers-valeurs en question. Le notaire
Friolet ne les possédait pas pour son propre compte. En vertu de l'acte
d'instrumentation qu'il avait rédigé et signé le 23 septembre 1963, jour
de la constitution des titres, puis communiqué à la SBS le 26 septembre,
il s'était engagé à les transmettre à la créancière gagiste une fois que
les hypothèques seraient inscrites. Même s'il n'avait pas reçu de mandat
ni de procuration de l'intimée, il possédait les obligations hypothécaires
au porteur comme représentant de la SBS (cf. art. 923 CC). Celle-ci a
ratifié la possession acquise par son intermédiaire en accusant réception,
le 30 septembre 1963, de l'avis d'instrumentation. De plus, selon la
déposition du notaire Friolet, à laquelle se réfère le jugement attaqué,
une personne de la SBS lui a demandé par téléphone, le 28 octobre 1963,
de retirer les titres au bureau du registre foncier dès que possible. Le
dépôt des titres à ce bureau, en vue de l'inscription des hypothèques,
n'a pas interrompu la possession que le notaire exerçait pour le compte de
la créancière gagiste (cf. RO 81 II 204 consid. 7, al. 1; 52 II 52). Dès
lors, la juridiction cantonale a admis avec raison que l'intimée avait
acquis la possession des titres, par son représentant, le jour même de
leur constitution ou au plus tard le 27 septembre 1963, lorsqu'elle a
reçu l'avis d'instrumentation.

Erwägung 6

    6.- Contrairement à l'opinion soutenue par la recourante, la Cour
cantonale n'a pas violé le droit fédéral en invoquant, à l'appui de son
jugement, l'arrêt publié au RO 88 II 162 ss. Peu importe que ce prononcé
vise des cédules hypothécaires au porteur, alors qu'en l'espèce le gage
porte sur des obligations hypothécaires au porteur. Dans les deux cas,
le notaire chargé par le débiteur de remettre les titres au créancier
après leur création, aux fins de nantissement, conserve le droit de se
libérer en exécutant l'obligation ainsi contractée, même si le débiteur
révoque le mandat dans l'intervalle (RO 88 II 169, consid. 4). Il en
résulte que le débiteur qui passe une convention de ce genre ne garde
pas la maîtrise des titres au porteur qu'il a confiés au notaire, lequel
s'est engagé à les remettre au créancier. L'hypothèse envisagée n'est
du reste pas réalisée, puisque Timor n'a pas révoqué le mandat qu'elle
avait conféré au notaire Friolet.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours et confirme le jugement rendu le 5 décembre 1966
par le Tribunal cantonal neuchâtelois.