Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 93 II 453



93 II 453

58. Arrêt de la Ire Cour civile du 19 décembre 1967 dans la cause Grobéty
contre S.I. Pont Bessières-Terrasse SA Regeste

    Miete. Abtretung. Wert der Kundschaft.

    1.  Der Vertrag über die Überlassung von Geschäftsräumlichkeiten zum
Gebrauch ist eine Miete (Erw. 1 und 4).

    2.  Die Weigerung des Vermieters, eine von seiner Zustimmung abhängig
gemachte Abtretung der Miete zu gestatten, muss durch ernsthafte Gründe
gerechtfertigt sein. Anforderungen an den Schadensnachweis gemäss Art. 42
Abs. 2 OR. (Erw. 2).

    3.  Ist der Vermieter beim Ablauf der Mietdauer ungerechtfertigt
bereichert um den Wert der Kundschaft des vom Mieter betriebenen
Geschäftes? (Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- Par contrat du 3 juin 1952, la S.I. Pont Bessières-Terrasse SA
a remis à bail à dame Jaquet, dans l'immeuble no 4 de la rue Curtat à
Lausanne, des locaux destinés à un caférestaurant devant porter l'enseigne
de "Café de l'Evêché". Deux ans auparavant, le café exploité au même
endroit avait été fermé et durant cet intervalle l'immeuble avait été
démoli puis reconstruit. Le bail a été conclu pour une durée de douze ans
dès le 24 juin 1952. Il était renouvelable d'année en année par tacite
reconduction, si aucune des parties ne le résiliait, moyennant un congé
donné six mois avant son expiration. Sous réserve d'un minimum annuel de 11
000 fr., le loyer était arrêté à 8 1/2% du chiffre d'affaires. La locataire
prenait à sa charge l'ameublement et l'installation de l'établissement
dont les locaux étaient nus. Elle a investi de ce chef une somme de
66.841 fr. 90. Le contrat renfermait sous chiffre 6 la clause suivante:
"La locataire exploitera elle-même le café-restaurant ... Elle ne pourra
faire gérer son établissement par un tiers sans le consentement écrit de
la société propriétaire".

    Dès 1955, dame Jaquet a cherché à remettre le café de l'Evêché. Les
pourparlers engagés à ce sujet avec dame Charpilloz, disposée à lui payer
105 000 fr., n'ont pas abouti. L'année suivante, Vallotton s'est intéressé
à la reprise du café-restaurant. Dame Jaquet exigea un prix de 120 000 fr.
Vallotton désirait aussi racheter l'immeuble. Il a renoncé à cette affaire
et reprit un autre établissement.

    Par lettre de son avocat du 29 octobre 1958, la société a informé
le mandataire de dame Jaquet qu'elle consentirait éventuellement à une
"cession du bail" à un tiers et serait alors d'accord de payer à sa
locataire la contre-valeur de l'agencement du café, qui serait fixée par
des experts, ainsi qu'un montant de 15 000 fr. pour le goodwill. Cette
offre n'a pas été acceptée.

    Au printemps 1960, dame Jaquet est tombée malade. Des pourparlers
furent engagés pour examiner comment une remise de l'établissement
pourrait intervenir. Ils n'ont pas abouti à un accord. La société désirait
procéder elle-même à l'opération, quitte à verser un "goodwill équitable"
à dame Jaquet. De son côté, celle-ci préférait réaliser l'affaire pour
son compte et s'entendre par la suite avec la société au sujet d'une
"ristourne éventuelle". En janvier 1961, les parties ont fait appel à un
expert. Au mois de juin, celui-ci leur a suggéré de se mettre d'accord sur
un programme qui permettrait de réunir les conditions les plus favorables
en vue de la remise du café. Sa proposition impliquait la conclusion d'un
bail de longue durée. Elle ne convint pas à la société.

    Le 7 octobre 1961, dame Jaquet a informé la société que Clément
s'intéressait à la reprise du café pour 170 000 fr. moyennant la signature
d'un bail de quinze ans. Le 10 novembre, la société lui fit savoir qu'elle
ne désirait entrer en pourparlers ni avec Clément, ni avec quiconque
d'autre. Elle disait vouloir s'en tenir au contrat de bail en vigueur,
en particulier à sa clause 6. Par lettre du 23 novembre, le conseil de
dame Jaquet a avisé la société que l'état de santé de sa cliente était
devenu alarmant et qu'il était urgent de trouver un acquéreur si l'on
voulait éviter la fermeture de l'établissement. Eu égard à la position
qu'elle avait adoptée le 10 novembre, il l'a sommée de s'occuper elle-même
de cette remise à des conditions qui seraient agréées par sa cliente. Il
ajoutait: "A ce défaut nous nous verrons obligés de rendre la société
responsable du dommage résultant pour Mme Jaquet du fait qu'elle n'aura
pas pu remettre son établissement et qu'elle se trouvera ainsi exposée
à perdre à la fois le montant de ses investissements et la valeur de la
clientèle créée par ses soins". La société a répondu le 11 janvier 1962
qu'elle entendait que dame Jaquet exécutât le bail jusqu'à son expiration,
au besoin avec l'aide d'un gérant pendant sa maladie.

    Par la suite, l'état de santé de dame Jaquet s'est amélioré. La
société l'a laissée poursuivre l'exploitation du café-restaurant jusqu'au
31 octobre 1964 après avoir résilié le bail pour le 30juin.

    Elle a refusé de lui payer un goodwill et lui a acheté le matériel et
le mobilier de l'établissement pour 22 000 fr. Dès le 1er novembre 1964,
le café de l'Evêché a étéloué à un nouveau preneur, qui n'a versé aucune
indemnité à titre de reprise du fonds de commerce, ni à la société ni à
dame Jaquet.

    B.- Le 13 novembre 1964, dame Jaquet a assigné la S.I.  Pont
Bessières-Terrasse SA devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois
en paiement de 100 000 fr. avec intérêt à 5% dès le 1er novembre 1964. La
défenderesse a conclu au rejet de la demande.

    Une expertise a été ordonnée, afin notamment de déterminer la valeur
vénale de l'entreprise au terme du bail. L'expert l'a fixée à 48 000 fr. Ce
montant comprend 5000 fr. pour le stock de marchandises, 22 900 fr. pour
le mobilier et le matériel et 20 100 fr. pour le fonds de commerce.

    Le 18 juillet 1966, la demanderesse est décédée. Son fils Jean-Pierre
Grobéty a pris sa place au procès.

    Par jugement du 4 septembre 1967, la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois a rejeté la demande.

    C.- Agissant par la voie du recours en réforme, le demandeur prie le
Tribunal fédéral de lui allouer 20 000 fr. avec intérêt à 5% dès le 1er
novembre 1964. La défenderesse conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le bail à ferme porte sur un bien ou un droit productif (art. 275
CO). Il se distingue par son objet du bail à loyer où la chose est louée
sans égard à sa productivité. Lorsqu'une personne loue des locaux pour
y exploiter une entreprise, les profits qu'elle peut ainsi réaliser
ne découlent pas de l'usage même de la chose mais de l'exercice de son
activité. On est alors en présence d'un bail à loyer (RO 33 II 604/605,
68 II 239 consid. 1). La situation est différente si le preneur des locaux
afferme du bailleur l'entreprise que celui-ci y exploitait. Dans un tel
cas, le contrat se rapporte notamment à un ensemble de droits productifs
et l'on a affaire à un bail à ferme (OSER/SCHÖNENBERGER, n. 3 des remarques
préliminaires ad art. 253-304 CO; BECKER, n. 3 ad art. 275 CO).

    Partant, en l'espèce, les relations entre les parties sont régies
par les règles du bail à loyer.

Erwägung 2

    2.- L'autorité cantonale a considéré que l'échec des pourparlers
engagés en 1955 avec dame Charpilloz puis l'année suivante avec Vallotton
n'était pas dû au fait de la défenderesse. Ce point n'est pas remis
en cause par le recourant. Celui-ci admet aussi qu'en 1961 Clément ne
s'intéressait pas à la simple cession de son bail, résiliable au 24 juin
1964, puisqu'il désirait un bail d'une durée de quinze ans.

    Par lettre du 10 novembre 1961, la défenderesse a informé dame
Jaquet qu'elle ne désirait entrer en pourparlers ni avec Clément ni
avec quiconque d'autre. Le recourant fait valoir qu'en refusant dès
ce moment-là de consentir à toute cession de bail, la défenderesse lui
a causé un dommage que le juge devrait fixer conformément à l'art. 42
al. 2 CO. La cour cantonale a estimé que la clause 6 du contrat du 3 juin
1952 n'avait pas pour effet d'interdire la cession du bail. Il n'est pas
nécessaire d'examiner si cette opinion est fondée, car, comme on va le
voir, les dommages-intérêts que le recourant réclame sur la base d'une
violation de l'art. 264 CO ne sauraient lui être alloués.

    a) La cession du bail au sens de l'art. 264 CO consiste dans la
faculté du preneur de céder son droit d'usage à un tiers. Elle ne confère
pas au preneur le droit d'exiger du bailleur qu'il le libère de ses
obligations. Elle crée des rapports contractuels directs entre le bailleur
et le cessionnaire. Ces effets se produisent de par la loi, indépendamment
du consentement du bailleur (RO 81 II 349 consid. 1). L'art. 264 CO
ne subordonne pas la cession du bail à l'assentiment du bailleur. Il
importe peu par conséquent que la défenderesse ait déclaré à ce propos
qu'elle entendait ne plus entamer de pourparlers avec personne. La cession
pouvant intervenir sans son accord, elle n'était pas tenue de le donner, ni
d'engager des pourparlers à ce sujet. Du moment où la demanderesse estimait
être au bénéfice du droit de céder son bail, elle n'avait qu'à l'exercer.

    b) Du point de vue de l'art. 264 CO, la responsabilité contractuelle de
la défenderesse ne pourrait être engagée que dans l'hypothèse où, de par la
volonté des parties, la cession du bail eût été soumise à l'autorisation
du bailleur. Dans un tel cas, la jurisprudence exige que le refus du
bailleur de consentir à la cession soit justifié par des motifs sérieux
(Sem.jud. 1950 p. 534). Si l'autorisation sollicitée est indûment refusée,
il est possible, suivant les circonstances, que le locataire éprouve de
ce fait un certain préjudice.

    En l'espèce, la lettre de la défenderesse du 10 novembre 1961 constitue
un refus pur et simple de consentir à une cession du bail. Selon la
cour cantonale, ce refus n'a pas causé de dommage à la demanderesse, car
celle-ci n'a pas démontré qu'elle aurait eu depuis lors la possibilité
de remettre son commerce à un tiers en lui cédant son bail. Le recourant
critique ce point de vue. Il fait valoir qu'en raison de l'attitude
de la défenderesse, toute recherche d'amateurs était d'emblée vouée à
l'échec et requiert l'application de l'art. 42 al. 2 CO. Le comportement
de la défenderesse, il est vrai, pouvait, le cas échéant, dissuader dame
Jaquet de poursuivre ses démarches et l'empêcher ainsi de réaliser un
gain. Le fait qu'elle n'ait pas prouvé d'autres occasions de céder son
bail n'est donc pas décisif. En vertu de l'art. 42 al. 2 CO, applicable
non seulement à la détermination du montant du dommage mais aussi à
sa survenance, le préjudice est tenu pour établi lorsque les indices
fournis par le dossier permettent, en considération du cours ordinaire
des choses, de conclure à son existence (RO 81 II 55). Cette conclusion,
cependant, doit s'imposer avec une certaine force (RO 40 II 355, 42 II
135 consid. 2, 60 II 131). Il ne suffit pas que la résiliation du dommage
paraisse simplement vraisemblable.

    La demanderesse a allégué que, dès le printemps 1960, la difficulté
de remettre l'établissement était due à l'expiration relativement proche
du bail. De même, dans sa lettre du 23 novembre 1961, le conseil de
dame Jaquet a relevé que l'opposition de la société à une prolongation
du bail rendait les propositions de l'expert pratiquement irréalisables;
le jugement déféré constate également qu'à l'époque où dame Jaquet était
malade, la cession était subordonnée à la prolongation du bail. D'autre
part, alors que la défenderesse lui avait déjà manifesté son intention
de ne pas consentir à une prolongation du bail, la demanderesse lui a
présenté, en octobre 1961, un amateur qui exigeait la signature d'un
bail d'une durée de quinze ans. Enfin, selon l'appréciation de la cour
cantonale, il est très peu vraisemblable qu'un tiers se fût intéressé à
la cession du bail dès le mois de novembre 1961, si son échéance était
maintenue. Ces éléments ne permettent pas de dire que la demanderesse
ait sérieusement envisagé de remettre son commerce à un tiers à partir
de 1961, en lui cédant un bail résiliable au 24 juin 1964, ni d'établir
par conséquent que l'attitude prise par la société le 10 novembre 1961
l'ait réellement dissuadée de tenter cette opération. Cela étant, on ne
peut admettre que le refus de la société de consentir à la cession du
bail ait causé un dommage à la demanderesse.

Erwägung 3

    3.- Le recourant prétend que la société a agi avec "une mauvaise
foi évidente, dans l'unique but de s'approprier sans bourse délier le
commerce créé par dame Jaquet". C'est pour cette raison qu'elle n'aurait
pas pris en considération les offres de reprise du bail. Ce grief est sans
pertinence. En effet, on a vu que le refus de consentir à une cession du
bail, dans la mesure où il n'était éventuellement pas justifié, n'a pas
causé de dommage à la demanderesse.

    Selon le recourant, la "mauvaise foi" de la société consiste aussi
dans le fait que "jusqu'au moment de l'expiration du bail, elle a toujours
laissé dame Jaquet dans l'idée qu'une certaine somme lui serait payée
pour la valeur du fonds de commerce". La société, il est vrai, avait
offert le 29 octobre 1958 de verser un montant de 15 000 fr. pour le
goodwill. En 1960 également, elle avait proposé de se charger de la remise
du commerce, quitte à payer un goodwill équitable. Mais ces offres n'ont
pas été acceptées. Au demeurant, elles concernaient le cas d'une remise de
l'établissement en cours de bail et il ne ressort pas dujugement déféré
que la société ait jamais pris l'engagement de payer à la demanderesse
une indemnité quelconque à l'expiration du bail.

Erwägung 4

    4.- Le recourant fonde enfin son action sur l'art. 62 CO. Il prétend
que la société s'est enrichie de la valeur du fonds de commerce que
l'expert judiciaire a fixée à 20 000 fr. Ce montant représenterait la
valeur de la clientèle créée par dame Jaquet.

    Pour un commerçant, la clientèle consiste dans la possibilité de
fournir ses prestations à un nombre indéterminé de personnes. Source
principale de son revenu, elle représente à ses yeux une valeur
certaine. Celle-ci dépend de divers éléments. Elle est afférente en
premier lieu à la personne du commerçant. Suivant le genre de commerce,
elle est due aussi à l'emplacement ou à d'autres facteurs propres aux
locaux dans lesquels une activité économique est exercée. Lorsque les
locaux sont loués, la part de la valeur de la clientèle qui leur est ainsi
attachée appartient au bailleur (RO 68 II 240). En revanche, celle qui
tient uniquement aux qualités personnelles de l'exploitant le suivra et
s'éteindra avec lui. Cela étant, on ne voit pas comment la défenderesse
aurait pu s'enrichir d'une valeur qui, dans la mesure où elle ne lui
appartenait pas entièrement, a disparu avec le départ de dame Jaquet.
Certes un bailleur peut avoir intérêt à ce que le locataire exploite son
commerce. Il est possible, en effet, suivant les circonstances, que la
valeur de la clientèle inhérente à la chose louée se détériore dès que
le locataire cesse son activité (RO 41 II 730 consid. 3, 68 II 240). Il
n'est donc pas exclu que, par l'exploitation du café de l'Evêché, dame
Jaquet ait procuré un certain avantage à la défenderesse. Toutefois et
pour autant qu'elle soit concevable, une telle attribution ne serait pas
sans cause. Elle trouverait son fondement dans l'obligation d'exploiter
que la clause 6 du contrat lui imposait.

    La jurisprudence considère que le bail à loyer qui porte sur des locaux
affectés à un usage commercial est à la limite du bail à ferme (RO 28 II
243). Examinées à la lumière des dispositions qui régissent ce contrat,
les prétentions du recourant doivent aussi être rejetées. En effet,
selon l'art. 298 al. 3 CO, le fermier n'a droit à aucune récompense pour
les améliorations qui sont uniquement le résultat des soins qu'il devait
à la chose. Il ne peut donc réclamer une indemnité que si la plus-value
résulte de soins dépassant ses obligations (RO 75 II 46). Cette condition
n'est pas remplie en l'espèce. Il n'est pas prétendu ni établi que la
demanderesse soit allée au-delà de ses obligations et que les locaux mis
à sa disposition aient de ce fait acquis une plus-value.

    Il convient enfin de relever qu'au contraire de certaines législations
étrangères, le droit suisse ignore la notion de la propriété commerciale,
qui assure une protection particulière à celui qui exerce une activité
commerciale dans des locaux loués. Les initiatives prises en faveur
d'une réglementation légale du bail commercial n'ont pas abouti jusqu'à
maintenant (JEANPRETRE, Le bail commercial, Rapport établi à la demande
du Département fédéral de justice et police, 1958). L'absence de cette
institution en droit suisse ne constitue pas une lacune que le juge
devrait combler.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours et confirme le jugement rendu le 4 septembre 1967
par la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois.