Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 93 II 407



93 II 407

53. Arrêt de la 1re Cour civile du 11 octobre 1967 dans la cause
Caisse Nationale Suisse d'assurance en cas d'accidents contre
Winterthur-Accidents. Regeste

    Art. 41 lit. c Abs. 2 OG.

    1.  Die SUVA ist zum Abschluss einer Gerichtsstandsvereinbarung befugt
(Erw. 1a).

    2.  Der Streit über die der SUVA auf Grund von Art. 100 KUVG,
sowie Art. 80 und 88 SVG zustehenden Ansprüche ist eine zivilrechtliche
Streitigkeit (Erw. 1 b).

    Art. 88 SVG.

    1.  Art. 88 SVG ist auch auf das Rückgriffsrecht der
Sozialversicherungsanstalten anwendbar (Erw. 2 a und 4 a).

    2.  Gemäss Art. 88 SVG - der ausschliesslich die dem SVG
unterstehenden Fälle erfasst - steht dem aus einer Versicherung
anspruchsberechtigten Geschädigten, der den haftpflichtigen Dritten oder
dessen Haftpflichtversicherer belangt und dabei mit seinem eigenen, kraft
Subrogation vorgehenden Versichererin Konkurrenz tritt, bis zur Höhe seines
vollen effektiven Schadens die Priorität zu, und zwar selbst im Falle
eines - leichten oder schweren - Mitverschuldens des Verunfallten. Sein
Versicherer kann nur Rückgriff nehmen, wenn und insoweit seine Leistungen
und die vom haftpflichtigen Dritten geschuldeten Schadenersatzleistungen
zusammen den effektiven Schaden übersteigen (Erw. 2-6).

Sachverhalt

    A.- Le 16 novembre 1962, Heusser, assuré auprès de la Caisse nationale
suisse d'assurance contre les accidents (en abrégé: la Caisse nationale),
a été tué par une voiture automobile légère, que conduisait son détenteur.

    Le 9 janvier 1963, la Caisse nationale a décidé d'indemniser la veuve
et les trois enfants mineurs de la victime par le versement d'une rente
calculée sur la base d'un gain annuel de 12 000 fr., maximum admis par
la loi selon le texte alors en vigueur. La rente s'élève à 240 fr. par
mois pour la veuve et à 120 fr. pour chacun des enfants. La valeur de
ces prestations, capitalisée au jour du décès, se monte à 105 000 fr.

    La Winterthur-accidents (en abrégé: la Winterthur) avait assuré le
détenteur de la voiture impliquée dans l'accident contre les conséquences
de la responsabilité civile qu'il assumait en cette qualité. Elle fixa à
171 000 fr. le dommage issu de la perte de soutien pour la femme et les
trois enfants, à l'exclusion d'autres éléments du préjudice, non litigieux.
Réduisant cette somme d'un tiers en raison d'une faute commise par la
victime, elle reconnut devoir 114 000 fr. Sur cette somme, elle versa 66
000 fr. aux survivants et 48 000 fr. à la Caisse nationale subrogée dans
les droits de ceux-ci.

    B.- Le 9 novembre 1964, la Caisse nationale et la Winterthur ont
passé une convention sur les points suivants: Elles ont arrêté - à 171
000 fr. le dommage subi du fait de la perte de soutien, - à un tiers,
en raison de la faute commise par la victime, la réduction de l'indemnité
due par la Winterthur, de sorte que la dette de celle-ci se monte à 114
000 fr., - à 105 000 fr. la valeur capitalisée des rentes dues par la
Caisse nationale, - à 66 000 fr. le montant du dommage pour perte de
soutien non couvert par la Caisse nationale - et à 48 000 fr. la somme
versée par la Winterthur à la Caisse nationale, subrogée, selon l'art. 100
LAMA, dans les droits des assurés. Pour simplifier, les parties ont fixé
globalement le montant du dommage issu de la perte de soutien, comme si
une seule personne était lésée.

    La Caisse nationale entend exercer son recours contre la Winterthur
pour la totalité de ses prestations, soit 105 000 fr., sous déduction des
48 000 fr. qu'elle a déjà touchés. La Winterthur estime être entièrement
libérée par son versement de 48 000 fr.

    Les parties sont enfin convenues, selon l'art. 41 lit. c al. 2 OJ,
de saisir de ce litige le Tribunal fédéral pour qu'il statue en instance
unique.

    C.- La Caisse nationale a déposé une demande, datée du 23 décembre
1965; elle conclut à ce qu'il plaise au Tribunal fédéral condamner la
Winterthur à payer à la demanderesse 57 000 fr. avec 5% d'intérêts à
compter du 17 septembre 1962.

    Dans sa réponse du 28 avril 1966, la Winterthur a conclu au rejet de
la demande.

    Dans la réplique du 15 juin 1966 et dans la duplique du 11 août 1966,
puis enfin dans leurs plaidoiries de ce jour, les parties ont persisté
dans leurs conclusions.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- En matière de contestations civiles, lorsque la valeur litigieuse
est d'au moins 20 000 fr., l'art. 41 lit. c al 2 OJ autorise les parties
à saisir d'un commun accord le Tribunal fédéral pour qu'il statue en
instance unique à la place des juridictions cantonales.

    a) La Caisse nationale, personne morale autonome (art. 41 LAMA), a
qualité pour agir en justice. Elle avait donc aussi qualité pour consentir
à une élection de juridiction.

    b) Le présent litige porte sur l'étendue de la subrogation de la Caisse
nationale dans les droits des personnes qu'elle a indemnisées pour le
dommage causé par un accident de la circulation. Ce droit existe de par la
loi (art. 80 et 88 LCR). Il s'agit cependant de savoir dans quelle mesure
la Caisse nationale est fondée à exercer des droits qui sont manifestement
de nature civile. On est donc en présence d'une contestation civile au
sens de l'art. 41 lit. c al. 2 OJ. Le Tribunal fédéral en a toujours jugé
ainsi, du moins implicitement en se saisissant des recours en réforme
(matière où la notion de contestation civile est la même qu'à l'art.
41: BIRCHMEIER, n. 2 et 9 ad art. 41 OJ) dans les litiges où la Caisse
nationale exerçait les droits que lui confère l'art. 100 LAMA (sur le
principe: MAURER, Recht und Praxis der schweizerischen obligatorischen
Unfallversicherung, 2e éd., p. 344 s.).

    c) La valeur litigieuse atteint 57 000 fr.; elle est donc supérieure
au minimum de 20 000 fr., fixé par l'art. 41 lit. c OJ.

    La demande est recevable.

Erwägung 2

    2.- Au fond, l'art. 80 LCR donne en principe aux personnes assurées
auprès de la Caisse nationale la faculté de faire valoir les prétentions
découlant de la loi précitée, mais réserve le droit de recours de la
Caisse nationale, recours prévu par l'art. 100 LAMA. Selon cet article,
la Caisse nationale est subrogée, pour le montant de ses prestations,
aux droits de l'assuré ou des survivants contre tout tiers responsable de
l'accident. Mais, selon l'art. 88 LCR, lorsqu'un lésé n'est pas couvert
complètement par des prestations d'assurances, son assureur ne peut faire
valoir son droit de recours contre la personne civilement responsable ou
contre l'assureur de la responsabilité civile de cette dernière "que si
le lésé n'en subit aucun préjudice".

    La demanderesse estime que le lésé est "couvert complètement" et ne
subit plus "aucun préjudice" dès qu'il a reçu, non pas nécessairement une
prestation correspondant au dommage effectif, mais l'indemnité à laquelle
il a droit, compte tenu, le cas échéant, de la réduction opérée en raison
d'une faute imputable à la victime; qu'en l'espèce, cette indemnité se
montant à 114 000 fr. et la Caisse nationale ayant accordé 105 000 fr.,
valeur capitalisée des rentes servies, les lésés ne peuvent plus réclamer
que 9 000 fr. à la Winterthur, de sorte que la Caisse nationale est fondée
à exercer son droit de recours pour 57 000 frs.

    La défenderesse aflirme en revanche que le lésé n'est "couvert
complètement" et ne subit plus "aucun préjudice" que lorsqu'il a touché
l'équivalent du dommage effectif; qu'il a droit à cette indemnisation
totale, dans le cas visé par l'art. 88 LCR, même si une faute de la
victime entraîne, en principe, une réduction de la responsabilité du
détenteur. Ainsi, en l'espèce, le dommage effectif se montant à 171 000
fr. et les lésés ayant reçu 105 000 fr. de la Caisse nationale sous forme
de rente, la Winterthur leur devrait encore 66 000 fr., somme qu'elle
leur a payée, de sorte que la Caisse nationale ne pourrait exercer son
droit de recours que pour 48 000 fr., somme qu'elle a effectivement
reçue. C'est pourquoi la défenderesse conclut au déboutement.

    a) L'art. 88 LCR vise le cas où la personne lésée au sens des art. 58
ss. LCR peut demander réparation non seulement à la personne civilement
responsable ou à l'assureur de la responsabilité civile de celle-ci,
mais à un autre assureur encore; il règle le droit de recours de celui-ci
contre les deux premiers. L'assureur qui exerce ce droit peut être une
compagnie privée ou un institut d'assurance sociale; le texte ne fait
aucune distinction à cet égard et les débats parlementaires montrent
que cela était voulu. S'agissant de la Caisse nationale, l'art. 80 LCR
prévoit que ses assurés peuvent faire valoir les prétentions découlant
de cette loi; il réserve à la Caisse nationale le droit de recourir
en vertu de l'art. 100 LAMA. Mais, lorsque la responsabilité civile
relève de la loi sur la circulation routière, la caisse ne peut exercer
son droit que dans les limites de l'art. 88 LCR, quelle que soit, par
ailleurs, l'interprétation qu'appelle l'art. 100 LAMA dans d'autres
domaines. Autrement dit, l'art. 88 LCR régit aussi le recours exercé en
vertu de l'art. 100 LAMA lorsque c'est la Caisse nationale qui exerce ce
droit pour avoir couvert un dommage pour lequel la responsabilité relève
des art. 58 ss. LCR (MAURER, op. cit., p. 350; OFTINGER, Schweizerisches
Haftpflichtrecht, 2e éd., II 2, p. 839).

    b) Le texte français de l'art. 88 LCR formule l'hypothèse
envisagée comme celle où le lésé "n'est pas couvert complètement" par
des prestations d'assurance. Ces termes visent le dommage effectif,
bien plutôt que le droit à la réparation, car si, selon l'usage, on
dit qu'un dommage est couvert, on n'emploiera pas le même terme pour un
droit à une indemnité. De même, lorsque le texte subordonne le recours
de l'assureur à la condition que le lésé n'en subisse "aucun préjudice ,
il se réfère aussi au dommage effectif, car le mot "préjudice" couvre une
notion économique ou morale. Si l'on avait entendu réserver uniquement
le droit du lésé à une réparation, il aurait fallu soumettre le recours
de l'assureur à la condition qu'il ne porte pas atteinte aux droits du
lésé. Le texte italien appelle une interprétation identique. Mais le texte
allemand est plus précis encore; il s'exprime en ces termes: "Wird einem
Geschädigten durch Versicherungsleistungen der Schaden nicht voll gedeckt
...". Le mot "Schaden" est univoque; il désigne le dommage lui-même, non
le droit à des dommages-intérêts. De plus, là où le texte français par
le de préjudice, le texte allemand emploie le verbe "benachteiligen",
qui, lui aussi, ne couvre qu'une notion économique et morale et ne
saurait désigner une atteinte portée aux droits de quelqu'un. Y voir une
imprécision rédactionnelle, y substituer le terme "Schadenersatz", comme
le voudrait la demanderesse, serait faire violence au texte allemand et
obliger, pour le mettre en accord avec les textes français et italien,
à solliciter ceux-ci par une interprétation tendancieuse.

    On remarquera du reste que, dans son commentaire de l'art. 72 LCA
(ROELLI-JAEGER, t. II Schadensversicherung, p. 564, n. 38), visant le
cas de sous-assurance, JAEGER emploie les termes "benachteiligen" et
"Benachteiligung" pour désigner le préjudice économique que subirait
l'ayant droit si l'assureur était en tout cas subrogé pour une part
proportionnelle du dommage non couvert; le commentateur admet, nonobstant
le silence de la loi, que la subrogation n'intervient qu'après que le
dommage de l'ayant droit a été entièrement couvert.

    c) Il est vrai que l'interprétation littérale n'est pas nécessairement
décisive. Le juge doit rechercher le sens véritable de la loi et, au
besoin, en étudier la genèse qui peut confirmer le sens du texte même
et fournir ainsi des éclaircissements décisifs (RO 83 I 177, consid. 4;
87 II 231).

    L'avant-projet de loi sur la circulation routière, déposé par
le Département fédéral de justice et police au mois de janvier 1952,
excluait clairement, par le texte français de son art. 77, tout recours
de l'assureur "aussi longtemps que le lésé n'aura pas obtenu entière
réparation du dommage" alors que le texte allemand, bien différent,
l'excluait: "solange die Geschädigten für die ihnen zustehenden Ansprüche
nicht voll gedeckt sind". La sous-commission extra-parlementaire chargée
des problèmes de la responsabilité civile et d'assurance s'opposa à ce
projet et demanda au département prénommé d'établir un rapport sur la
question. Mais il ressort des déclarations de MM. Maurer, alors chef
de la division juridique de la Caisse nationale, et Bussy, membre de la
sous-commission, que la disposition visait d'autres cas encore que celui
de la sous-assurance et tendait à n'admettre la subrogation de l'assureur
qu'à titre purement subsidiaire.

    Le nouveau projet de rédaction, daté du 9 avril 1953, visait
expressément le seul cas de la sous-assurance. Néanmoins, la
sous-commission décida de le supprimer et la commission plénière rejeta,
les 7 et 8 septembre 1953, une proposition tendant à le réintroduire.

    C'est la commission du Conseil national chargée d'étudier le projet de
loi sur la circulation routière qui, dans sa séance des 13 et 14 février
1957, adopta à l'unanimité, sur proposition du conseiller de Courten,
une disposition qui est devenue l'actuel art. 88. M. de Courten releva
alors que le recours de la Caisse nationale faisait parfois courir aux
victimes "le risque de ne pas obtenir entière réparation des dommages
subis" et que certains auteurs estimaient "que l'existence du droit de
recours par un assureur ne devrait être possible que si le lésé n'en
subit aucun préjudice".

    La commission du Conseil des Etats adhéra à ce projet le 14 janvier
1958.

    La proposition de Courten fit l'objet, le 4 mars 1957, d'un rapport
que le Département fédéral de justice et police rédigea (en allemand)
à l'intention des rapporteurs des Chambres. Ce rapport relève notamment
que lorsque la subrogation est instituée par la loi, comme c'est le
cas pour la Caisse nationale ou l'Assurance militaire fédérale, on peut
justifier aussi bien une priorité du lésé dans son droit à une indemnité
réduite de la part de la personne civilement responsable qu'une répartition
proportionnelle de cette indemnité entre le lésé et la caisse publique. Il
formule finalement trois propositions différentes, parmi lesquelles celle
du conseiller de Courten, sur laquelle il s'exprime en ces termes:

    "Die im Antrag de Courten gewählte Formulierung gewährleistet dem
Geschädigten die Priorität, bis sein Schaden voll gedeckt ist, also auch
für den Fall reduzierter Ersatzpflicht, sowohl in der Privatversicherung
als auch in der Sozialversicherung. [...]

    Wollte man dem Geschädigten die Priorität auch gegenüber dem Regress
der SUVA und der Militärversicherung zweifelsfrei gewährleisten, so
wäre etwa folgende Formel zu wählen: "Solange einem Geschädigten durch
Versicherungsleistungen der Schaden nicht voll gedeckt ist, können
Versicherer ihre Rückgriffsrechte ... nicht geltend machen."

    Cette proposition ne saurait être plus claire. Elle tend à assurer au
lésé une priorité totale, jusqu'à concurrence du dommage effectivement
subi ("Schaden") - et non seulement jusqu'à concurrence de son droit à
des dommages-intérêts; elle dispose que les prestations de la personne
civilement responsable ou de l'assureur de la responsabilité civile vont
en premier lieu au lésé et complètent celles du bénéficiaire éventuel
de la subrogation jusqu'à concurrence du dommage effectivement subi;
c'est seulement s'il reste un solde après paiement total de ce dommage
et au plus pour le montant de ce solde que le recours est admissible.
De ce texte est issu l'art. 81 bis du projet, disposition qui est devenue
l'actuel art. 88 LCR.

    C'est donc en pleine connaissance de cause que l'auteur de la
proposition et les rapporteurs du Conseil national ont défendu, dans le
sens que l'on vient d'indiquer, l'introduction de l'art. 81 bis et que le
Conseil national l'a adoptée sans opposition, le 20 mars 1957 (Bull. stén.,
CN, 1956, p. 287 ss.). Quant au Conseil des Etats, il s'est prononcé dans
le même sens, le 13 mars 1958, après une brève déclaration liminaire de
son raporteur. Vu la netteté du rapport élaboré par le Département fédéral
de justice et police, on ne saurait attacher une importance décisive
à l'imprécision, voire à l'impropriété de certains termes employés par
plusieurs orateurs au cours des débats parlementaires, pas plus du reste
au fait qu'au cours des débats on a essentiellement envisagé le cas de
la sous-assurance et celui de l'insolvabilité du tiers responsable.

    Il est hors de doute que les Chambres fédérales, en introduisant
l'art. 81 bis dans le projet, ont entendu réagir contre la jurisprudence
du Tribunal fédéral touchant l'interprétation de l'art. 100 LAMA. Cette
jurisprudence a connu plusieurs états successifs. Jusqu'en 1928, le
Tribunal fédéral a admis, en vertu de cette disposition, une subrogation
globale avec priorité absolue en faveur de la Caisse nationale; il
se bornait ainsi à additionner les divers articles qui composaient les
dommages-intérêts dus par le responsable, en soustrayait les prestations de
la Caisse nationale et n'allouait que le reste à l'ayant droit (RO 49 II
371; 51 II 520 consid. 1; 53 II 180 et 501). Il a cependant amendé cette
jurisprudence par son arrêt Wider et Wey, du 12 décembre 1928 (RO 54 II
464), restreignant la subrogation aux éléments du dommage de même espèce
que ceux pour lesquels la Caisse nationale fournissait des prestations. Par
la suite, il a de plus admis que la subrogation n'intervient, même pour
un élément du dommage couvert par la Caisse nationale, que pour la seule
part assurée de cet élément; il a aussi jugé que lorsque l'indemnité est
réduite en vertu des art. 43 ou 44 CO ou de dispositions analogues de lois
spéciales, les droits de la Caisse nationale sont réduits dans la même
proportion (RO 58 II 230; 60 II 36 et 157; 63 II 345; 64 II 426). Enfin,
dans son arrêt Berra et consorts c. Cirlini, du 28 septembre 1959 (RO 85
II 256), il a abandonné le principe posé précédemment et selon lequel
la subrogation de la Caisse nationale n'a lieu, pour chaque élément du
dommage qu'elle assure, que dans la mesure où le tiers responsable doit
réparation selon le droit civil (réduction proportionnelle). Depuis lors,
il s'est plusieurs fois prononcé dans le même sens (v., par exemple:
RO 86 II 154; 88 II 111; 90 II 79 et 186).

    C'est le second état de cette jurisprudence qu'ont visé les Chambres
fédérales par l'art. 88 LCR, à savoir les principes selon lesquels la
subrogation n'avait lieu que pour les éléments du dommage assurés et
seulement dans la mesure où le dommage était couvert de par le droit
civil. En effet, les conseillers nationaux de Courten, auteur de la
proposition, et Guinand, rapporteur (Bull. stén. CN 1957, p. 262 s.),
se sont l'un et l'autre expressément référés aux arrêts Heinzelmann
(RO 58 II 230) et Karton- und Papierfabrik Deisswil (RO 60 II 150),
qui posaient ou maintenaient ces principes. Le législateur a donc
voulu améliorer la situation de l'ayant droit et supprimer même ces
prérogatives de l'assureur. Il ne saurait être question qu'il ait pu
tenir compte de la jurisprudence postérieure, en particulier de l'arrêt
Berra c. Cirlini, pour revenir simplement, par l'art. 88 LCR, comme le
pense la demanderesse, aux principes plus favorables à l'ayant droit,
qu'il avait admis précédemment. Il n'a même pas mentionné l'arrêt Lauper
c. Laurens "Le Khédive SA" (RO 81 II 38), qui était déjà publié lors
des débats parlementaires et dont il n'y a pas lieu de discuter ici la
portée (cf. E. Thilo, note sur l'arrêt Lauper, JdT 1955 I 437). Ces faits
confirment que l'art. 88 LCR a effectivement soumis la subrogation de la
Caisse nationale à la condition que le dommage effectif du lésé ait été
entièrement couvert.

Erwägung 3

    3.- En doctrine, les avis sont partagés, mais les auteurs s'expriment
parfois avec peu de netteté (OFTINGER, Schweizerisches Haftpflichtrecht,
2e éd., II 2, p. 837 s., 839, 809, 836 ch. 3, 838, cf. 484 i. i.).
L'interprétation restrictive que plusieurs donnent de la lettre du texte,
comme des débats parlementaires, est d'autant moins décisive que personne
ne semble avoir connu le rapport du Département fédéral de justice
et police, du 4 mars 1967, qui éclaire toute la question et ne laisse
subsister aucun doute.

    Au nombre des avis les plus nets, on compte celui de MAURER, qui
défend la même thèse que la demanderesse dans la présente espèce. Il
estime que la lettre de l'art. 88 LCR permet les deux interprétations
et que les travaux parlementaires ne dictent aucun choix, mais que,
s'agissant d'une disposition exceptionnelle par rapport à l'art. 100 LAMA,
l'interprétation restrictive s'impose (A. MAURER, Recht und Praxis der
schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung, 2e éd., p. 350). Cette
argumentation n'est pas convaincante. Tout d'abord, on a montré que le
texte lui-même, aussi bien que les travaux préparatoires et parlementaires
dans leur ensemble, révèlent nettement la volonté de favoriser le lésé en
n'admettant la subrogation que dans la mesure où le dommage effectif est
couvert. Secondement, du fait qu'une disposition est exceptionnelle, on ne
saurait conclure en général qu'entre plusieurs interprétations possibles il
faille nécessairement choisir la plus restrictive (arrêt Berra et consorts
c. Cirlini, 28 septembre 1959, RO 85 II 261 lit. b). Dans l'arrêt dont il
s'agit, le Tribunal fédéral a rappelé ce principe à propos de l'art. 100
LAMA. Cette disposition est du reste elle-même une règle exceptionnelle
en ce qu'elle introduit la subrogation en matière d'assurance contre les
accidents, qui est une assurance de personnes, catégorie où la subrogation
est en principe exclue.

    PFYFFER (Schadenersatzansprüche der Geschädigten und Regressrechte
der Versicherer, Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung,
1966, p. 81), interprétant la lettre du texte, affirme tout d'abord que
l'art 88 LCR ne limite en rien la subrogation de la Caisse nationale,
telle que l'institue l'art. 100 LAMA, mais seulement son exercice en le
soumettant à une condition; le titre marginal le confirmerait ("Conditions
pour recourir"). Il s'ensuit, dit-il, que le lésé ne peut réclamer,
au responsable ou à son assureur, les dommages-intérêts qu'ils doivent
en vertu du droit civil que dans la mesure où la Caisse nationale n'a
pas déjà reconnu devoir, pour chaque article de l'indemnité, une somme
correspondante. Pour le surplus, le lésé ne possède plus de droits,
puisque la Caisse nationale est subrogée. L'art. 88 LCR ne fait donc
que paralyser l'action de la caisse lorsque, par suite de sous-assurance
ou d'insolvabilité du responsable, le lésé, en concours avec la caisse,
ne peut obtenir pleine satisfaction pour la part de ses droits qu'il n'a
pas perdue par l'effet de la subrogation. Dans ce cas, ses droits priment
ceux de la caisse.

    Cette interprétation ne tient pas compte de la lettre du texte,
laquelle vise le cas où "un lésé n'est pas couvert complètement". ("Wird
einem Geschâdigten ... der Schaden nicht voll gedeckt ...") et exige
que le lésé ne subisse aucun "préjudice" ("... nicht benachteiligt
wird"). Contrairement à ce qu'affirme PFYFFER, et comme on l'a montré, le
lésé n'est pas complètement couvert et subit un préjudice, aussi longtemps
qu'il n'a pas reçu le montant du dommage effectif; il ne suffit pas qu'il
ait reçu au total l'indemnité qui lui revient selon le droit civil. De
plus, la solution proposée par PFYFFER enlèverait pratiquement presque
toute portée à l'art. 88 car, en matière de responsabilité civile dans
la circulation routière, les cas de sous-assurances sont très rares,
aujourd'hui tout au moins. Dans tous les autres cas, on appliquerait les
principes posés par la jurisprudence relative à l'art. 100 LAMA. Or c'est
précisément, on l'a montré, ce que le législateur a voulu éviter. Il n'a
même pas admis qu'en cas de réduction de l'indemnité en raison d'une faute
commise par la victime, les prétentions de la caisse soient réduites dans
la même proportion que celles du lésé, ce qui était le système adopté
par la jurisprudence au moment où fut créé l'art. 88 LCR. Par conséquent,
l'interprétation de PFYFFER ne peut être reçue; elle révèle seulement une
certaine contradiction dans les termes de l'art. 99, mais le vrai sens de
cette disposition ne peut néanmoins faire de doute. PFYFFER reconnaît du
reste lui-même (op. cit., p. 106) que l'art. 88 LCR introduit le principe
"nemo subrogat contra se" dans le domaine de l'assurance sociale en
matière d'accidents de la circulation. Or ce principe exclut la subrogation
elle-même, non pas son exercice.

    Sont, de même, partisans d'une interprétation restrictive, mais
sans apporter d'argumentation nouvelle et importante: WYNIGER (Über
die Regressrechte der SUVA nach dem neuen Strassenverkehrsgesetz,
Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung, 1963, p. 126 ss.);
BREHM (Assurance automobile casco, Fiches juridiques suisses, no 569,
p. 12, n. 75).

    Sont en revanche d'avis que l'art. 88 LCR ne subroge l'assureur public
ou privé dans les droits du lésé contre la personne responsable ou son
assureur qu'autant que le lésé a été indemnisé jusqu'à concurrence du
dommage effectif: YUNG (La responsabilité civile d'après la loi sur
la circulation routière du 19 décembre 1958, Mémoires publiés par la
Faculté de droit de Genève, 1962, no 15, p. 44 s.), KELLER (Kommentar zum
schweizerischen Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, t.IV, 2e éd.,
Berne 1962, p. 172 n. 3 implicitement, cf. 176 s. et 178 n. 5), sTEIN
(Einige Bemerkungen zur neueren Haftpflicht- und Sozialversicherungspraxis
des Bundesgerichts, RSJ 1961, p. 108 s., qui défend en général, sans
se référer spécialement à l'art. 88 LCR, le principe que pose cette
disposition), BUSSY (La responsabilité civile automobile XI, Fiches
juridiques suisses, no 915 a, en général, mais sans viser expressément
le cas où les prestations du tiers responsable ou de son assureur ne
suffisent pas à couvrir le total du dommage effectif), BADERTSCHER et
SCHLEGEL (Strassenverkehrsgesetz, Zurich 1964, comm. ad art. 88, p. 251),
EGGER (Der Einfluss des Art. 88 SVG auf den Regress der Versicherer,
thèse Berne 1968, actuellement seule étude exhaustive de la question).

Erwägung 4

    4.- La solution à laquelle conduit l'examen du texte même, des travaux
parlementaires et que n'infirme nullement l'argumentation essentielle des
auteurs n'a au surplus rien d'exorbitant et ne se heurte à aucun principe
fondamental du droit.

    a) L'art. 88 LCR ne crée lui-même aucun droit de recours; il règle
seulement l'exercice de celui que d'autres dispositions légales confèrent
à l'assureur. Celui-ci peut avoir assuré soit des dommages (assurances
dite casco, assurance de la responsabilité civile), soit des personnes
(assurances contre les accidents).

    Dans le premier cas, l'assureur privé est subrogé aux droits du Iésé
de par l'art. 72 al. 1 LCA et l'on admet généralement, tant en doctrine
qu'en pratique, que cette subrogation ne saurait entraîner d'effets
préjudiciables pour le lésé, selon l'adage nemo subrogat contra se (JAEGER,
comm. ad art. 72 LCA, n. 38; OFTINGER, Schweizerisches Haftpflichtrecht, 2e
éd., t. I, p. 350 s.). Pour cette catégorie de risques - que les assurances
publiques ne couvrent pas en Suisse - l'art. 88 LCR serait donc superflu.

    Dans le second cas, l'art. 96 LCA exclut toute subrogation de
l'assureur privé. Le droit de recours est en revanche exceptionnellement
prévu, pour l'assurance contre les accidents, en faveur de la Caisse
nationale (art. 100 LAMA) et de l'Assurance militaire fédérale (art. 49
al. 1 et 2 LAM), mais non en faveur des caisses publiques d'assurance
contre l'invalidité (art. 52 LAI).

    Ainsi l'art. 88 LCR ne sortit réellement d'effets nouveaux que dans
le domaine des assurances sociales. Admettre qu'il ne s'applique pas
dans ce domaine, comme le soutient WYNIGER (loc. cit.), c'est le priver
de tout sens raisonnable. De même, en restreindre la portée au seul cas
de la sous-assurance et de l'insolvabilité du tiers responsable, comme
le voudrait la demanderesse, serait remettre en cause l'interprétation
incontestée de l'art. 72 LCA dans les cas d'application de l'art. 88
LCR. Cette argumentation rend manifeste la faiblesse des thèses ainsi
soutenues.

    b) Dans la mesure où l'on peut admettre, d'une façon générale, que
l'assurance ne doit pas procurer un enrichissement au bénéficiaire (KOENIG,
"Bereicherungsverbot" im Versicherungsrecht? Revue suisse des assurances,
33e année, p. 321), il n'apparaît nullement que ce principe soit atteint
par l'art. 88 LCR, tel que l'on vient de l'interpréter. L'interdiction de
l'enrichissement empêche seulement l'assuré de recevoir de l'assureur
des prestations supérieures au dommage effectif (KOENIG, loc.cit.,
p. 323 s.). Le dommage effectif est une notion purement économique;
il consiste dans la diminution de la fortune du lésé provoquée par le
sinistre (cf. OFTINGER, op.cit., I, p. 40 s.). Aussi longtemps, dès lors,
que le lésé n'a pas touché de prestations au-delà de cette valeur, il n'y
a point d'enrichissement, contrairement à ce que pense la demanderesse.
L'art. 88 LCR ne contrevient donc pas au but même de l'art. 100 LAMA,
tel que l'ont défini tout d'abord le message du Conseil fédéral aux
Chambres fédérales, du 10 décembre 1906 (FF 1906 IV, p. 346), puis la
jurisprudence du Tribunal fédéral (RO 54 II 468; 85 II 262).

    c) La demanderesse objecte que, même en cas de faute propre de
l'assuré (ou de l'ayant droit), faute justifiant une réduction de
l'indemnité selon les art. 43 et 44 CO, l'ayant droit pourrait, dans
certains cas, par l'effet du cumul des actions, toucher néanmoins une
indemnité supérieure à celle que lui assure le droit civil, voire une
couverture totale du dommage effectif. Ainsi, bénéficiant d'une assurance
extrêmement avantageuse pour les accidents non professionnels, l'ayant
droit serait privilégié par raport à celui qui ne bénéficie pas d'une
assurance obligatoire contre les accidents.

    C'est ici le lieu de rappeler que la faute propre de l'assuré n'est
pas la seule cause de réduction de l'indemnité. Parmi les autres causes,
on mentionnera le cas du transport gratuit (art. 59 al. 3 LCR), celui
de prestations provenant d'assurances privées dont le détenteur a payé
les primes (art. 62 al. 3 LCR). En vertu du renvoi général de l'art. 62
al. 1 LCR au Code des obligations, renvoi qui vaut également pour la
fixation des dommages-intérêts (OFTINGER, op.cit., t. II 2, p. 646 s.),
constituent aussi des causes de réduction de l'indemnité en matière de
circulation routière: la gêne du débiteur (art. 44 al. 2 CO), l'aggravation
du dommage par cas fortuit ou par des prédispositions constitutionnelles
de la victime, les défauts du véhicule non imputables à faute au détenteur
(OFFTINGER, op.cit., t. I, p. 246 s.). Dans tous ces cas de réduction,
l'argument pris de la faute de la victime serait sans portée; il ne
serait pas juste de prétériter le lésé et l'on ne voit pas que l'art. 88
LCR permettrait de réserver un traitement spécial au seul cas où cette
faute existe.

    Au surplus, il n'est pas exact que l'ayant droit pourrait recevoir
plus que ne lui accorde le droit civil. Seul le cumul des prestations de
l'assureur appelé à la subrogation et du tiers ou de son assureur permet
parfois d'obtenir plus que n'accordent les règles de la responsabilité
civile. Mais aucun de ces débiteurs ne paiera jamais plus que son dû
selon les règles soit du droit civil, soit du droit public s'il s'agit
d'assurances sociales. Aucun principe absolu n'exclut le cumul sans
enrichissement.

    Enfin, la Caisse nationale couvre aussi les risques issus de la
faute de l'assuré ou de l'ayant droit. Elle ne fait que réduire ses
prestations en cas de faute grave de l'assuré et les supprime uniquement
lorsque l'assuré ou le survivant a causé l'accident intentionnellement et
lorsque le survivant l'a causé par une faute grave (art. 98 LAMA). Elle
touche du reste les primes correspondant aux prestations que la loi lui
impose. Dans la mesure où l'employeur pourvoit au paiement de ces primes,
ses prestations, du point de vue économique, sont assimilables à une
part du salaire. Pour les accidents non professionnels, les primes sont
à la charge de l'assuré et si la Confédération y a contribué jusqu'ici,
cette intervention se justifie par l'intérêt public à l'existence d'une
large garantie de ce genre en faveur des personnes dont on a dû régler les
conditions de travail par une loi spéciale. Rien, dans ces particularités,
ne faisait obstacle en principe à la solution que le législateur a imposée
par l'art. 88 LCR.

    A la vérité, le privilège qu'assurait à la Caisse nationale la
jurisprudence fondée sur l'art. 100 LAMA assurait à cette institution un
avantage que l'art. 88 LCR supprime dans une large mesure, s'agissant de la
cause fréquente de sinistres que constitue la circulation routière. On
a allégué que la Caisse nationale serait peut-être, de ce fait,
tenue d'augmenter ses primes et que son caractère d'assurance mutuelle
justifierait son privilège dans le recours contre le tiers responsable
ou son assureur. Dans la mesure où il est fondé sur la pure équité,
cet argument est au moins discutable; il aboutirait finalement à priver
le lésé d'une partie de ses droits contre le tiers responsable de façon
qu'il touche en définitive le même montant que s'il n'avait pas été assuré
du tout. Quant à la diminution des ressources de la caisse, il s'agirait
là d'une conséquence inéluctable du système institué par le législateur;
le Tribunal fédéral ne pourrait en tenir compte.

    d) Au surplus, le cumul des prestations de l'assurance sociale avec
celles d'autres assureurs est admis en matière d'indemnité de chômage
(art. 74 al. 3 LAMA) et la subrogation de l'assurance sociale dans les
droits du lésé est inconnue en principe dans l'assurance survivants et
l'assurance invalidité (art. 52 LAI). Le principe posé par l'art. 88 LCR
n'est donc pas étranger à l'assurance sociale comme telle.

    e) Enfin, on a objecté que, nonobstant la faute grave du lésé, le cumul
des prestations, même réduites, autorisait, théoriquement tout au moins
et dans certains cas, une réparation totale du dommage effectif. Il est
vrai que l'art. 88 LCR ne permet pas de faire aucune distinction entre la
faute grave et la faute légère de l'assuré et que la possibilité d'une
indemnisation totale subsiste dans l'un comme dans l'autre cas. Mais
cette solution n'est en principe pas choquante dès lors qu'en matière
d'assurance contre les dommages le cumul des actions n'est pas exclu
jusqu'à concurrence du dommage effectif. Elle est surtout acceptable
lorsque le lésé n'est pas l'assuré lui-même mais son ou ses ayants droit
(sa femme et ses enfants, par exemple). Enfin, l'indemnisation totale de
l'assuré gravement fautif sera exceptionnelle, mais cette possibilité
engagera peut-être la Caisse nationale à appliquer l'art. 98 LAMA avec
plus de rigueur, le cas échéant.

Erwägung 5

    5.- La demanderesse allègue en vain que, comme le Tribunal fédéral l'a
montré dans son arrêt Berra et Assurance mutuelle vaudoise c. Cirlini, du
28 septembre 1959 (RO 85 II 266), en France, en Allemagne et en Italie,
où le droit de recours de l'établissement officiel d'assurance contre
les accidents est réglé par des dispositions analogues à l'art. 100
LAMA, le privilège de ces établissements en concours avec le lésé n'est
pas limité proportionnellement à la réduction du droit à la réparation
du dommage. En effet, aucun de ces droits ne connaît une disposition
semblable à l'art. 88 LCR. Au surplus, en Allemagne comme en France,
ce privilège de l'établissement d'assurance sociale ne laisse pas de
susciter la critique (pour l'Allemagne: KROLL, Ist das Quotenvorrecht
der Versicherungsträger bedroht?, Die Berufsgenossenschaft, avril 1961,
p. 165; HAUSS, Zur Reform des deutschen Haftungsrechts, Sonderdruck
herausgegeben vom Justizministerium des Landes Nordrhein-Westfalen, p. 17;
pour la France: Recueil Dalloz, jurisprudence, 1965, p. 359 et 567, les
notes d'HENRI BENOIT sur un jugement du Tribunal de grande instance de
la Seine, confirmé par la Cour d'appel de Paris).

Erwägung 6

    6.- En résumé, la personne lésée par un accident est au bénéfice, le
cas échéant, de deux actions cumulativement. L'une contre l'assureur qui
assumait le risque de l'accident, l'autre contre le tiers responsable ou
son assureur qui couvre les risques issus de la responsabilité civile. En
outre, l'assureur peut être subrogé, pour le montant de ses prestations,
dans les droits du lésé contre le tiers responsable ou de son assureur
(responsabilité civile); cette subrogation découle de l'art. 72 al.1 LCA
pour l'assureur privé dans l'assurance des dommages et de l'art. 100 LAMA
pour la Caisse nationale dans l'assurance contre les accidents (assurance
des personnes). Pour les cas où la responsabilité civile relève de la loi
sur la circulation routière, l'art. 80 LCR prévoit spécialement le cumul
des actions en faveur du lésé assuré auprès de la Caisse nationale et
réserve le droit de recours de ladite caisse en se référant à l'art. 100
LAMA. L'art. 88 LCR, cependant, concerne uniquement les cas régis par la
loi sur la circulation routière et s'applique essentiellement au recours
des institutions d'assurance sociale. Il prévoit que le lésé, ayant
droit de l'assurance, qui actionne le tiers responsable et se trouve
en concours avec l'assureur agissant par subrogation, bénéficie de la
priorité et doit être payé par préférence jusqu'à concurrence du dommage
effectif total. Autrement dit, l'assureur ne sera fondé à recourir contre
le tiers responsable ou l'assureur qui couvre la responsabilité civile de
celui-ci que si et dans la mesure où la somme de ses prestations et des
dommagesintérêts dus par le tiers responsable excède le montant du dommage
effectif. De ce point de vue, la question de la faute de la victime ou de
son ayant droit ne se pose pas, seule demeure réservée celle du dol. Cette
règle, qui marque une nouvelle tendance dans la conception des droits qui
résultent, pour le lésé, du concours d'actions, concerne les cas où la
responsabilité civile relève de la loi sur la circulation routière. Les
autres cas demeurent soumis aux principes qui régissent en général la
subrogation de l'assureur. Dans cette mesure, le présent arrêt ne concerne
pas directement l'interprétation de ces règles, en particulier celle que
l'arrêt Berra et Assurance mutuelle vaudoise c. Cirlini (précité: RO 85
II 256) a donnée de l'art. 100 LAMA et que la cour de céans se réserve
d'examiner à nouveau s'il y a lieu.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Déboute la demanderesse de toutes ses conclusions.