Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 93 II 19



93 II 19

6. Arrêt de la Ire Cour civile du 31 janvier 1967 dans la cause Badone
contre Jacquier. Regeste

    Art. 398 OR.

    Keine Haftung des Tierarztes, wenn der durch sein Vorgehen
verursachte Schaden weder auf Unkenntnis, noch auf Nachlässigkeit oder
Ungeschicklichkeit zurückzuführen ist, sondern auf eine Ursache, die
nach dem gegenwärtigen Stand der Wissenschaft selbst bei aufmerksamer
und gewissenhafter Prüfung nicht erkennbar war.

Sachverhalt

    A.- Antoine Badone exploite une porcherie à Sézegnin. En novembre 1961,
une maladie s'y déclara, qui provoqua la perte de nombreux porcs. Appelé
le matin du 2 décembre, le vétérinaire Claude Jacquier décela une
broncho-pneumonie à virus. Vu l'ampleur du mal et l'urgence des soins,
il prescrivit un traitement de choc et commanda aussitôt par téléphone,
à la fabrique Provimi SA, un remède dans la composition duquel entraient
notamment 1 400 000 unités internationales de vitamines D. Dès la seconde
dose journalière, le traitement déclencha une mortalité foudroyante,
causée par une hypervitaminose.

    B.- Badone a actionné Jacquier en paiement de 66 750 fr.  Partiellement
accueillie en première instance, la demande a été rejetée par la Cour de
justice genevoise le 20 septembre 1966.

    Cette décision constate que le diagnostic était exact et que
seul le traitement peut prêter le flanc à la critique, encore qu'une
thérapie de choc s'avérât nécessaire. Le préjudice a été provoqué par
l'absorption trop massive de vitamine D3. A l'époque, on ignorait que
celle-ci fût toxique lorsqu'elle est donnée aux porcs à hautes doses:
c'est précisément le dommage subi par le demandeur qui en a révélé la
nocivité. On ne saurait dès lors, en raison d'une différence inconnue
dans les effets des deux espèces de vitamines communément utilisées, D2
et D3, imputer à faute le traitement appliqué. S'agissant de la première,
dont l'absorption ne fait pas courir le danger qui s'est réalisé, la
dose ordonnée n'était pas excessive à dire d'experts. Partant, il n'est
pas nécessaire de rechercher si le défendeur a prescrit des vitamines
D2, comme il le prétend, ou simplement des vitamines D, sans donner au
fabricant de plus amples précisions.

    C.- Agissant par la voie du recours en réforme, le demandeur prie
le Tribunal fédéral de lui allouer ses conclusions; à son avis, la dose
prescrite était excessive quelle que soit la vitamine choisie pour le
traitement.

    L'intimé propose le rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'intimé était tenu envers le recourant de la bonne et fidèle
exécution du mandat qu'il avait assumé. D'une manière générale, sa
responsabilité était soumise aux mêmes règles que celle de l'employé
(art. 398 al. 1 et 2 CO). Pour mesurer la diligence qui lui incombait, il
y a donc lieu de considérer les connaissances qui lui étaient nécessaires
pour rendre le service qu'il avait promis (art. 328 al. 4 CO), soit pour
poser le diagnostic et déterminer les moyens thérapeutiques appropriés.

    La responsabilité du vétérinaire s'apparente sans doute à celle du
médecin, que la jurisprudence a précisée (RO 53 II 300 et 424, 57 II
202, 62 II 274, 64 II 205 consid. 4, 66 II 35, 67 II 23, 70 II 208,
92 II 19). Il n'est pas certain cependant que l'analogie soit exacte
en tous points, le vétérinaire soignant une chose, non une personne
humaine (cf. SCHMID, Die Haftpflicht des Tierarztes, thèse Zurich 1923,
p. 13 sv., notamment p. 14; HEUSSER, Die Haftung des Tierarztes nach
schweizerischem Recht, dans Schweizerisches Archiv für Tierheilkunde, 1933,
p. 399 sv., spécialement p. 405). Quoi qu'il en soit, la responsabilité
professionnelle du vétérinaire, comme celle du médecin, n'est pas engagée
lorsque le dommage causé par l'intervention du praticien n'est pas dû à
son ignorance, à sa négligence ou à sa maladresse, mais à une cause qui,
dans l'état de la science au moment où il s'est réalisé, n'était pas
discernable, même à un examen attentif et sérieux (RO 66 II 34 sv.).

Erwägung 2

    2.- Le diagnostic de l'intimé était exact, mais le traitement appliqué
entraîna la perte des sujets soignés en raison d'une absorption excessive
de vitamine D3. On ignorait à l'époque que des deux vitamines D communément
utilisées, l'espèce D3 est toxique à hautes doses. C'est précisément
le dommage subi par le recourant qui révéla à la fois cet effet nocif
propre à l'espèce et la différence qui existe de ce point de vue entre les
vitamines D2 et D3 lorsqu'elles sont administrées aux porcs. Supposé dès
lors que l'intimé, contrairement à ce qu'il prétend, n'ait pas prescrit
la première, mais simplement la vitamine D, sans donner au fabricant de
plus amples précisions, on ne saurait lui reprocher de n'avoir point évité
la confusion, car il lui était impossible de connaître le risque et la
différence que le traitement ordonné allait permettre de découvrir. Il eût
incombé au recourant d'établir que du moins la science vétérinaire s'était
posé la question, qu'un doute et une incertitude existaient. S'il y était
parvenu, on eût compris qu'il songeât à reprocher à l'intimé de n'avoir pas
pris la précaution ou de préciser son ordonnance, ou de réduire la dose.

    Sans doute le recourant se borne-t-il aujourd'hui à soutenir que la
quantité prescrite était de toute façon excessive, même pour un traitement
de choc. Mais il se heurte aux constatations définitives de la Cour
cantonale, opérées au terme d'une appréciation motivée des preuves,
notamment des témoignages et avis de divers praticiens. En effet,
avant la découverte de la toxicité particulière à la vitamine D3, on
pouvait légitimement utiliser les deux espèces en quantités égales. Or,
selon l'arrêt déféré, la dose prescrite était normale si l'ordonnance de
l'intimé visait la vitamine D2, dont l'absorption ne fait pas courir le
risque qui s'est réalisé.