Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 93 II 185



93 II 185

26. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 9 mars 1967 dans la cause
Bourgeoisie de Chermignon contre Burgener et consorts. Regeste

    Errichtung einer Bauverbots-Dienstbarkeit gegen Zahlung einer
jährlichen Abgabe. Natur der Vereinbarung. Die Uneinigkeit der Parteien
über die Höhe der Abgabe (die nach 50 Jahren neu festgesetzt werden sollte)
lässt die Dienstbarkeit nicht dahinfallen. Festsetzung dieses Betrages
durch den Richter.

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    Le 11 octobre 1912, la Bourgeoisie de Chermignon a vendu à Marc
Burgener, Dominique Clivaz et Alfred Jaeckle une parcelle de 25 000
m2, sise à Chorecrans, sur le territoire de la commune de Chermignon,
pour le prix de 2 fr. le m2, soit au total 50 000 fr. Les acquéreurs
s'engageaient à édifier sur la parcelle vendue un ou plusieurs hôtels
d'une valeur imposable d'un million de francs au minimum. La Bourgeoisie
s'obligeait de son côté à ne pas construire sur les fonds voisins, dont
elle demeurait propriétaire, moyennant le paiement par les acquéreurs
ou leurs ayants cause d'une redevance annuelle de 0,01 fr. par m2. La
redevance était fixée pour un terme de 50 ans dès l'homologation de la
convention par le Conseil d'Etat. A l'expiration de ce terme, une nouvelle
convention devait être passée au sujet du prix. Le Conseil d'Etat du canton
du Valais a homologué la convention le 7 février 1913. Les acquéreurs
ont construit en 1928 l'Hôtel Carlton, qui est compris dans la station de
Crans sur Sierre et qui est exploité actuellement par une société anonyme.

    Le 4 décembre 1962, la Bourgeoisie de Chermignon a introduit contre
Donato Burgener et consorts, ayants cause des acquéreurs qui avaient
signé le contrat de 1912, une action tendant à faire prononcer que la
servitude de non-bâtir avait cessé d'exister dès le 7 février 1963, du
moment que les parties n'avaient pas pu se mettre d'accord pour fixer la
nouvelle redevance, et que cette servitude devait être radiée au registre
foncier. Subsidiairement, la demanderesse requérait une augmentation de
la redevance.

    Les défendeurs ont conclu au rejet de la demande. Ils ont proposé que
la redevance fût majorée en fonction de la dépréciation de la monnaie ou,
subsidiairement, fixée par le juge.

    Statuant le 15 juin 1966, le Tribunal cantonal valaisan a rejeté la
demande principale et fixé la redevance annuelle à 0,40 fr. par m2 grevé
de la servitude d'interdiction de bâtir.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en réforme de la Bourgeoisie
de Chermignon.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- L'acte du 11 octobre 1912 est un contrat complexe dans lequel les
parties ont combiné notamment une vente immobilière avec la constitution,
moyennant paiement d'une redevance annuelle, d'une servitude de non-bâtir
en faveur des acheteurs, grevant une partie de la surface dont la
venderesse conservait la propriété. Les parties ont fixé le montant de la
redevance pour la durée de cinquante ans et prévu qu'à ce terme, elles
passeraient une nouvelle convention pour régler le prix. Le terme échu,
elles n'ont pas réussi à s'entendre au sujet de la redevance. Selon la
recourante, leur désaccord sur ce point, qualifié par elle d'essentiel,
entraînerait la caducité de la servitude et sa radiation au registre
foncier.

    L'argumentation développée à l'appui du recours se heurte au texte
même, au but et au sens de la convention. Les parties n'ont pas déclaré
qu'à défaut d'accord sur le montant de la redevance, après cinquante ans,
la servitude deviendrait caduque. Elles ne l'ont pas davantage admis
implicitement. Elles ont constitué la servitude d'interdiction de bâtir
pour une durée indéterminée, comme c'est la règle (LIVER, Kommentar zum
ZGB, n. 62 ad art. 730 CC). Le but visé par les contractants exigeait
d'ailleurs qu'il en fût ainsi. En effet, la recourante a vendu un terrain
de 25 000 m2 aux auteurs des intimés, qui s'engageaient à y construire un
ou plusieurs hôtels d'une valeur d'un million de francs. Elle cherchait
de la sorte à promouvoir l'essor d'une station touristique. Pour assurer
le dégagement, la lumière, la vue et la tranquillité nécessaires à
l'exploitation des hôtels projetés, elle a constitué en faveur des
acquéreurs une servitude qui interdisait de construire sur une vaste
surface. Par sa nature même, l'intérêt à cette servitude n'était pas
limité dans le temps, mais au contraire permanent et durable. Plus la
station se développait, plus il était utile aux propriétaires des fonds
dominants de conserver un espace non bâti qui ménage la tranquillité des
lieux et laisse la vue libre. La Cour cantonale relève que l'utilité de
la servitude a plutôt augmenté que diminué. Les citadins désirent toujours
plus fuir la promiscuité des villes et séjourner dans un endroit calme qui
présente un paysage agréable. Déjà valables en 1912, ces considérations le
sont plus encore aujourd'hui. Aussi ne saurait-on admettre, en l'absence
d'une clause contractuelle qui le dispose expressément, que la servitude
soit devenue caduque parce que les parties ne se sont pas entendues sur
le montant de la nouvelle redevance.

Erwägung 4

    4.- Contrairement à l'opinion de la recourante, le Tribunal cantonal
n'a pas violé l'art. 2 al. 2 CO en fixant la redevance sur laquelle les
parties n'ont pas pu s'entendre. Cette disposition légale est certes
mentionnée dans le jugement attaqué, mais avec la précision qu'elle
serait applicable par analogie plutôt que directement. Il est vrai
que l'art. 2 al. 2 CO ne confère au juge, à défaut d'accord entre les
parties contractantes, le pouvoir de régler que les points secondaires en
tenant compte de la nature de l'affaire. Mais le texte légal en question
n'épuise pas tous les cas où le juge intervient pour fixer les effets d'un
contrat; la doctrine cite d'autres hypothèses (cf. par exemple W. YUNG,
Les éléments objectifs dans les contrats, Etudes de droit commercial en
l'honneur de Paul Carry, Genève 1964, p. 178 ch. 4).

    Point n'est besoin d'envisager en l'espèce l'application de la clausula
rebus sic stantibus, du moment que les parties sont elles-mêmes convenues
d'une revision de la redevance après cinquante ans (cf. RO 88 I 189
consid. 6). Le litige porte uniquement sur le montant de la redevance,
soit de la contreprestation que les bénéficiaires de la servitude doivent
fournir, en vertu du contrat, au propriétaire du fonds servant. Peu
importe à cet égard que l'on considère la constitution d'une servitude
moyennant une contre-prestation comme une vente (WIELAND, Sachenrecht,
n. 4 a ad art. 731 CC) ou comme un contrat innommé (cf. LIVER, op.cit.,
n. 49 ss. ad art. 732 CC). De toute manière, la Cour cantonale n'a pas
complété le contrat sur un point essentiel que les parties n'auraient ni
réglé ni même envisagé en 1912, mais elle a suppléé au défaut d'accord
des parties sur le montant de la nouvelle redevance due par les intimés
à partir du 7 février 1963, terme de revision prévu dans le contrat. Or
il suffit que le contenu et l'étendue des prestations promises soient
déterminables pour que le contrat vienne à chef (VON TUHR/SIEGWART,
Allgemeiner Teil des schweizerischen Obligationenrechts, tome I, §
24 V p. 182; cf. art. 184 al. 3 CO pour la détermination du prix de
vente). Cela vaut à plus forte raison lorsque le juge n'est pas appelé
à compléter un contrat qui présentait une lacune dès son origine,
mais seulement à en préciser ultérieurement les effets, à défaut
d'accord des parties sur un point qu'elles avaient soumis elles-mêmes
à une revision. Le juge fixe alors l'étendue de la prestation due selon
l'équité, en tenant compte des éléments que lui fournit le contrat (VON
TUHR, loc.cit.) et des circonstances (cf. art. 184 al. 3 CO). Ainsi,
le Tribunal fédéral a déterminé la quantité de litres/minute que le
bénéficiaire d'une servitude de prise d'eau était en droit de prélever
(RO 88 II 507 s. consid. 5). De même, il est appelé parfois à modifier
une redevance fixée dans une concession pour l'utilisation de la force
hydraulique et soumise à revision; il a précisé que la redevance devait
alors être adaptée dans la mesure où les facteurs qui avaient concouru à sa
fixation se trouvaient eux-mêmes modifiés, afin de lui conférer une valeur
constante et de maintenir les deux parties dans la situation initiale
qu'elles avaient créée par leur accord (RO 88 I 187). Le juge suit les
mêmes principes, comme l'a relevé la Cour cantonale, lorsqu'il intervient,
en vertu de l'art. 2 CC sur lequel repose la clausula rebus sic stantibus,
pour rétablir l'équilibre contractuel gravement rompu par des circonstances
imprévisibles (cf. RO 59 II 374 ss.; MERZ. Kommentar, n. 189, 221 ss. ad
art. 2 CC; MERZ, Die Revision der Verträge durch den Richter, RDS 1942,
p. 394 a ss.; DESCHENAUX, La revision des contrats par le juge, RDS 1942,
p. 511 a ss.).