Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 93 II 161



93 II 161

23. Arrêt de la IIe Cour civile du 13 juillet 1967 dans la cause P. contre
X. et consorts. Regeste

    1. Eigenhändige letztwillige Verfügung. Datum. Formmangel. Art.
505 Abs. 1, 520 ZGB.

    Ist eine Verfügung gültig, wenn der Erblasser das Datum am Anfang
und am Schluss, aber nicht im Text der Urkunde durch Überschreiben
abgeändert hat? (Erw. 1).

    2. Unsittliche Verfügung von Todes wegen. Art. 519 Abs. 1 Ziff. 3
ZGB.Verfügung eines ledigen Erblassers zugunsten einer verheirateten Frau,
mit der er ehewidrige Beziehungen unterhielt (Erw. 2).

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    W., né en 1905, célibataire, est décédé à S. le 12 avril 1964. Il
a laissé comme héritiers légaux cinq demi-frères et soeurs. Il avait
rédigé un testament olographe en faveur de dame P., dont il avait fait
la connaissance en 1963, lors du carnaval. Il avait noué des relations
amoureuses avec elle.

    Le testament a été daté primitivement du "17.6.1963" et, par une
surcharge de la main de son auteur, du "18.6.1963". Cette date figure
en tête et au pied de l'acte. Dans le corps du texte, on lit à la
septième ligne au recto: "L'an 1963, le 17 juin..." Cette date n'a pas
été modifiée. Au verso du testament, des adjonctions ont été apportées
dans l'interligne à deux endroits différents.

    Les héritiers légaux ont intenté à la bénéficiaire du testament
une action en annulation fondée sur un vice de forme et sur le fait
que la disposition était contraire aux moeurs. Ils ont obtenu gain de
cause. Toutefois, alors que la juridiction cantonale avait admis les deux
moyens, le Tribunal fédéral a confirmé le jugement en retenant seulement
le second motif.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Aux termes de l'art. 505 al. 1 CC, le testament olographe est
écrit en entier, daté et signé de la main du testateur; la date consiste
dans la mention du lieu, de l'année, du mois et du jour où l'acte a été
dressé. Il n'est pas contesté que le testament de W. a été entièrement
écrit, daté et signé de la main de son auteur. Le vice de forme invoqué
par les héritiers légaux du défunt porte uniquement sur la mention du
jour où l'acte a été dressé.

    a) L'indication de la date est une condition de validité du testament
olographe. L'acte doit porter la date exacte à laquelle il a été dressé. Le
testateur doit mentionner la date correspondant au jour où il l'a apposée
(RO 44 II 354, 45 II 151, 50 II 6, 54 II 357, 57 II 153, 64 II 409, 75 II
345). Lorsque la rédaction du testament s'étend sur plusieurs jours, le
disposant n'est pas obligé de dater chaque jour les différents fragments;
il suffit d'indiquer la date à laquelle l'acte a été parachevé; l'essentiel
est en effet que la date mentionnée couvre tout le contenu des dispositions
de dernière volonté (RO 75 II 345 s., 80 II 308).

    L'exactitude de la date qui figure dans le testament est présumée. Mais
il demeure loisible à celui qui conteste la validité de la disposition
de prouver, même au moyen d'éléments extrinsèques à l'acte (RO 50 II 7,
54 II 389), que la date indiquée est inexacte; ce vice de forme rend
le testament annulable (RO 75 II 345 s. et les références citées, 80
II 308). Toutefois, lorsque l'inexactitude provient d'une inadvertance
(erreur sur la date du jour où l'acte est rédigé, erreur de plume) et que
la date véritable peut être rétablie sur la base du testament luimême,
c'est-à-dire au moyen d'éléments intrinsèques à l'acte, la rectification
est admise (RO 45 II 153, 50 II 6 s., 57 II 153, 64 II 409, 75 II 346 s.).

    Un testament dont la date est incertaine (par exemple, du fait
qu'il porte plusieurs dates) est assimilé à un acte non daté, et partant
annulable. Cependant, comme pour la date erronée, il est loisible aux
intéressés de remédier au vice de forme résultant d'une inadvertance de
l'auteur, en apportant la preuve que la date exacte d'un testament portant
plusieurs dates peut être déterminée par voie d'interprétation, en tout
cas sur la base des indications fournies par l'acte lui-même (PLANIOL et
RIPERT, Traité pratique de droit civil français, tome V, 2e éd., avec le
concours de TRASBOT et LOUSSOUARN, no 538, p. 682; BAUDRY-LACANTINERIE,
Précis de droit civil, tome III, 12e éd., avec le concours de GUYOT, no
1097, p. 598; cf. aussi ESCHER, n. 17 ad art. 505 CC, qui semble admettre
également, en pareil cas, l'interprétation fondée sur des indices tirés
d'éléments extrinsèques à l'acte).

    b) En l'espèce, W. avait indiqué au début et à la fin de son testament
la date du "17.6.1963". Il l'a modifiée en "18.6.1963" par une surcharge en
écrivant de sa main le chiffre "8" pardessus le chiffre "7". D'autre part
on lit dans le corps de l'acte, à la septième ligne au recto, la date
"l'an 1963, le 17 juin". La juridiction cantonale a déduit de cette
contradiction que la date était incertaine. Elle a formulé plusieurs
hypothèses et conclu que la date véritable ne pouvait pas être déterminée
avec précision. Elle estime dès lors que le testament est affecté d'un vice
de forme qui le rend annulable. Cette opinion n'est toutefois pas fondée.

    A la suite des surcharges faites par le testateur lui-même, la
date modifiée du "18.6.1963" est clairement lisible. Elle figure à la
première ligne et à la fin de l'acte. C'est donc bien cette date que
le disposant lui-même a retenue comme définitive. La présence d'une
autre date non modifiée (celle du 17 juin 1963) dans le corps du texte
n'engendre aucune incertitude. L'hypothèse selon laquelle le testateur
se serait d'abord trompé sur la date du jour où il aurait rédigé l'acte
en entier, y compris les adjonctions portées dans l'interligne au verso,
puis aurait découvert son erreur et corrigé la date à la première et à la
dernière ligne, mais non dans le texte, doit être exclue d'emblée comme
invraisemblable. Si W. s'était rendu compte d'une erreur, il l'aurait
corrigée à tous les endroits de l'acte où figurait la date. Il n'aurait
pas été inattentif au point d'omettre la correction d'une date alors
qu'il avait pris conscience de son inexactitude.

    L'explication la plus naturelle est sans contredit que le testateur a
rédigé son testament le 17 juin 1963. Puis il l'a relu et il y a porté le
lendemain les adjonctions figurant au verso dans l'interligne du texte. Il
a dès lors corrigé la date indiquée au début et à la fin de l'acte, afin
qu'elle correspondît au jour où il l'avait parachevé. Il a simplement
oublié de rectifier la date mentionnée à la septième ligne au recto dans
le corps du texte. La date qui figure en tête et au pied de la disposition
est bien celle du jour où le testament a reçu sa teneur définitive. Rien
n'empêchait le testateur de l'indiquer par une surcharge modifiant la
date primitive (TRASBOT et LOUSSOUARN, op.cit., no 535, p. 677).

    Il est ainsi possible d'établir sur la base de l'acte lui-même que le
testament a été parachevé le 18 juin 1963. Cela suffit pour que les règles
de forme énoncées à l'art. 505 al. 1 CC soient observées. Du reste, ces
règles ne doivent pas être détournées de leur but. La date à laquelle le
testament a été confectionné importe notamment lorsqu'il y a contestation
sur la capacité de disposer de l'auteur ou lorsqu'il faut déterminer,
en présence de plusieurs dispositions pour cause de mort, laquelle est
postérieure aux autres. C'est pourquoi le législateur a prescrit que
cette date fût indiquée avec précision par le testateur luimême, dans sa
disposition de dernière volonté. Or les deux dates mentionnées en l'espèce
correspondent à deux jours consécutifs. Les parties n'ont pas allégué,
ni à plus forte raison établi, que W. ait été capable de disposer à
l'une seulement de ces dates. Il n'y a pas non plus de contestation sur
l'antériorité de plusieurs testaments. Celui qui fait l'objet du litige
porte sans équivoque la date à laquelle il a été parachevé. Il est dès
lors valable en la forme.

Erwägung 2

    2.- La recourante critique également le jugement déféré dans la
mesure où il déclare le testament nul quant au fond. Selon l'art. 519
al. 1 ch. 3 CC, une disposition pour cause de mort peut être annulée
lorsqu'elle est contraire aux moeurs, soit par elle-même, soit par les
conditions dont elle est grevée. Interprétant cette norme légale, le
Tribunal fédéral a précisé qu'une libéralité ne saurait être considérée
comme immorale en raison seulement du mobile qui l'a inspirée. Il exige
que la disposition comme telle apparaisse contraire aux moeurs, soit
que le testateur ait voulu un pareil résultat, soit qu'il l'ait du moins
prévu et approuvé. Ainsi, une libéralité est immorale lorsque son auteur
voulait inciter le bénéficiaire à rompre son union légitime pour convoler
avec lui ou à continuer des relations contraires aux devoirs découlant
du mariage. Il en va de même lorsque le disposant envisageait simplement
une pareille éventualité et pensait que la libéralité serait propre à en
favoriser la réalisation (RO 73 II 17 s., 85 II 380 s.). Cela suppose que
le bénéficiaire ait été informé des clauses essentielles de la disposition
faite en sa faveur avant ou après la confection de l'acte qui le gratifie
(RO 73 II 19, consid. 2, 85 II 382, consid. 3).

    Sur le vu du jugement attaqué, dont les constatations de fait lient
le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ) et ne peuvent être critiquées
dans un recours en réforme (art. 55 al. 1 lettre c OJ), des relations
amoureuses ont été nouées entre W., qui était célibataire, et dame P.,
qui était mariée. Après leur rencontre au carnaval de février 1963,
la recourante a écrit à W., en particulier d'Italie où elle passait des
vacances au début d'août 1963, des lettres exprimant l'amour qu'elle
ressentait pour lui. Le texte et le ton de ces lettres montrent sans
conteste que dame P. se savait aimée de son correspondant. Appréciant
souverainement les preuves, la cour cantonale a admis en fait que les
deux amoureux avaient fait ensemble un voyage en automne 1963. Elle
a considéré que dame P. entretenait une liaison adultère avec W. La
recourante s'insurge en vain contre cette constatation. Si elle tenait
pour arbitraire l'appréciation des preuves donnée par les juges valaisans,
elle devait agir par la voie du recours de droit public pour violation
de l'art. 4 Cst. Du reste, même si l'adultère n'avait pas été retenu par
l'autorité cantonale, les relations que dame P. entretenait avec W. étaient
en tout cas manifestement contraires aux devoirs découlant du mariage.

    Le jugement entrepris rejette les assertions de la recourante, selon
lesquelles W. aurait été abandonné par sa parenté; il affirme au contraire
que le défunt avait conservé des relations étroites et amicales avec ses
demi-frères et soeurs. Ces constatations lient également la juridiction
de réforme (art. 63 al. 2 OJ).

    Dans son testament, W. dit qu'il attribue à la recourante les divers
biens indiqués dans l'acte "en due reconnaissance pour ses bienfaits"
à son égard. Le jugement déféré constate que dame P. s'est bornée, lors
de son interrogatoire, à déclarer qu'elle avait une profonde amitié pour
le défunt, qu'il lui avait fait des confidences, qu'elle avait été très
peinée en apprenant son décès, qu'elle s'était rendue à deux reprises dans
sa chambre, notamment une fois pour lui porter du thé et des remèdes contre
la grippe. La Cour cantonale ne retient pas la déposition d'un témoin,
selon laquelle la recourante avait souvent lavé le linge de W. et repassé
ses vêtements, parce que dame P. ne l'avait même pas allégué. Il résulte
de ces faits que la recourante ne saurait invoquer des soins attentifs ni
un appui moral qu'elle aurait apportés à son ami et qui auraient justifié
une libéralité en sa faveur (cf. RO 85 II 381).

    Se fondant sur l'expérience de la vie, le tribunal cantonal a
déduit des faits constatés que les libéralités du testateur envers la
recourante avaient été faites en raison de leurs relations contraires au
mariage. D'autre part, il a admis en fait, sur la base de l'appréciation
souveraine des preuves, que W. avait tenu dame P. au courant de ses
dispositions pour cause de mort et qu'il lui avait remis son testament. Il
en résulte que le testateur a rédigé ses dernières volontés dans le
dessein de déterminer la recourante à continuer les relations contraires
au mariage qu'elle entretenait avec lui ou qu'à tout le moins, il a
envisagé ce résultat et considéré que ses libéralités étaient propres à
le favoriser. Le testament litigieux doit dès lors être annulé, en vertu
de l'art. 519 al. 1 ch. 3 CC.