Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 92 I 42



92 I 42

9. Arrêt du 26 janvier 1966 dans la cause Cimar SA contre Conseil d'Etat
du canton de Neuchâtel. Regeste

    1.  Delegation von Befugnissen der kantonalen gesetzgebenden Behörde
an die kantonale Exekutive und an die rechtsetzende Behörde der Gemeinde;
Voraussetzungen für die Zulässigkeit dieser zweiten Form der Delegation
(Erw. 1).

    2.  Weiterdelegation von Befugnissen; Theorien der
Rechtslehre. Gültigkeit der Weiterdelegation im Bundesrecht? Die
Weiterdelegation ist ganz allgemein jedenfalls dann unzulässig, wenn sie
einen fundamentalen Rechtsgrundsatz wie den Grundsatz der Gesetzmässigkeit
der Steuer verletzt (Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- L'art. 20 lettre i de la loi neuchâteloise du 12 février 1957
sur les constructions (LC) dispose, dans sa version du 18 décembre 1961:

    "Les règlements communaux peuvent contenir des dispositions
concernant...

    i) les mesures propres à assurer le stationnement des véhicules,
même en cours de construction, sur le domaine public et les fonds privés
sur lesquels des bâtiments sont construits ou sont l'objet d'importantes
transformations ou, à défaut de fonds privés disponibles, la perception
d'une contribution aux frais d'aménagement de places de stationnement
sur le domaine public."

    Se fondant sur cette disposition, le Conseil général de la commune
de Neuchâtel a adopté les dispositions suivantes dans son règlement
d'urbanisme du 2 mars 1959, modifié le 2 avril 1962 (RU):

    "Art. 54. - Tout bâtiment nouveau ou faisant l'objet d'importantes
transformations doit disposer, sur fonds privé et dans un rayon de quelque
100 m, de places mesurant 13 m2 au minimum, par voiture, destinées à
assurer le stationnement des véhicules en dehors de la voie publique.

    Le nombre des places de parc est déterminé..." (suit l'indication
des règles de calcul)

    "Art. 55. - Si le terrain nécessaire selon l'art. 54 fait défaut,
le propriétaire versera une contribution compensatoire au 'fonds pour
l'aménagement des places de parc' en fonction du nombre des places
manquantes.

    Le Conseil communal fixe le montant de la contribution en tenant
compte des frais moyens d'aménagement de telles places."

    Appliquant l'art. 55 RU, le Conseil communal de Neuchâtel a adopté,
le 15 janvier 1963, un arrêté fixant la contribution compensatoire pour
l'aménagement des places de parc (ACC). Cet arrêté dispose notamment:

    "Article premier. - Le Conseil communal est seul juge des cas où
un propriétaire n'est pas en mesure de procurer le terrain nécessaire
à l'aménagement des places de parc au sens de l'art. 54 du règlement
d'urbanisme et doit en conséquence verser une contribution compensatoire.

    Art. 2. - Le montant de la contribution compensatoire est fixé,
par place manquante, à

    a) Fr. 5000.-- dans les zones des anciennes rues, d'assainissement,
des sites classés, ainsi que de l'ordre contigu et semi-contigu;

    b) Fr. 1500.-- dans toutes les autres zones.

    La contribution est exigible lors de l'octroi du permis de
construction."

    B.- Au mois de juillet 1963, le Conseil communal de Neuchâtel autorisa
la société immobilière Cimar SA à démolir puis reconstruire un immeuble
qu'elle possède dans cette ville, au Faubourg de l'Hôpital no 26 dans la
zone des "anciennes rues" (art. 2 lettre a ACC). Il exigea d'elle qu'elle
établît sept places de parc sur fonds privé. Constatant cependant qu'elle
ne pouvait aménager ces places ni sur son fonds ni dans un rayon de 100
m, il lui présenta une facture de 35 000 fr. au titre de contribution
compensatoire. Comme elle refusait de payer ce montant, il agit contre elle
par la voie de la poursuite pour dettes. Il ne put toutefois obtenir la
mainlevée de l'opposition, faute d'un titre suffisant. Le 23 octobre 1964,
il prit alors un arrêté fondé sur les dispositions citées sous lettre A
ci-dessus et déclarant "la S.I. Cimar SA.. débitrice envers la ville de
Neuchâtel d'une contribution compensatoire de Fr. 35 000.-- à verser au
fonds pour l'aménagement des places de parc". Cimar attaqua cet arrêté
devant le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel, qui rejeta le recours
par une décision du 1er septembre 1965, motivée en bref comme il suit:

    Le Conseil général était en droit de déléguer ses pouvoirs au Conseil
communal pour fixer le montant de la contribution compensatoire, même
si l'on considère celle-ci comme un impôt. De plus, les dispositions
de l'ACC n'étaient soumises ni à la sanction du Conseil d'Etat ni au
referendum. Elles sont dès lors inattaquables. Les montants qu'elles fixent
(5000 et 1500 fr. par place suivant les zones) ne sont pas excessifs au
regard du prix du terrain. Quant aux art. 22 lettre i LC, 54 et 55 RU,
ils ne violent ni la garantie de la propriété ni l'art. 37 al. 3 Cst. La
contribution réclamée est dès lors due.

    C.- Cimar SA a formé un recours de droit public contre cette
décision. Elle en requiert l'annulation. Ses moyens seront exposés ci-après
dans la mesure utile.

    Le Conseil d'Etat et le Conseil communal de Neuchâtel concluent au
rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'art. 20 lettre i LC prévoit que les règlements communaux
peuvent contenir des dispositions concernant notamment la perception
d'une contribution aux frais d'aménagement de places de stationnement sur
le domaine public. Cette disposition contient une règle de répartition
des compétences législatives entre le canton d'une part, les communes
de l'autre. En droit neuchâtelois, la police des constructions est en
principe du ressort des autorités cantonales. Cela découle clairement
de l'ensemble de la loi sur les constructions. Les communes ne sont que
des organes d'exécution. Dans ce domaine toutefois, l'existence et la
solution de certains problèmes dépendent étroitement des circonstances
locales. Une difficulté qui surgit en certains lieux ne se présente pas
nécessairement ailleurs. Ainsi en va-t-il des questions que peut poser
le parcage des véhicules automobiles. C'est pourquoi, sur ce point, le
législateur cantonal s'en est remis dans une large mesure au législateur
communal compétent pour édicter les règlements prévus par l'art. 20 LC. Ce
faisant, il lui a délégué une partie de ses compétences.

    Le Tribunal fédéral s'est prononcé à plusieurs reprises déjà sur le
problème de la délégation de compétence (cf. par exemple RO 32 I 112,
41 I 502, 48 I 542, 67 I 24, 74 I 114, 88 I 33). Il admet la délégation
sinon d'une façon générale, du moins dans la mesure où elle porte sur
une matière déterminée et n'est pas exclue par la constitution (RO 88 I
33). Point n'est besoin d'examiner si cette jurisprudence, qui a trait à
la délégation de compétence du législateur cantonal à une autre autorité
cantonale, en général l'autorité exécutive, vaut aussi sans réserve au
cas où, comme en l'espèce, le législateur cantonal délègue ses pouvoirs au
législateur communal. Quoi qu'il en soit, cette seconde forme de délégation
ne saurait être admise moins librement que la première. Il suffit dès lors
de constater que les conditions posées par la jurisprudence sont remplies
dans le cas particulier pour en conclure que l'art. 20 lettre i LC peut
laisser aux règlements communaux le soin d'édicter des prescriptions
concernant la perception d'une contribution aux frais d'aménagement de
places de stationnement sur le domaine public.

Erwägung 2

    2.- Le Conseil général de la commune de Neuchâtel a fait usage des
pouvoirs que lui conférait l'art 20 lettre i LC en adoptant l'art. 55 RU.
Cette disposition institue le principe de la contribution compensatoire,
déjà contenu à l'art. 20 lettre i LC. Elle charge en revanche le Conseil
communal de fixer le montant de la contribution. Elle délègue donc au
Conseil communal, organe exécutif de la commune, une partie des compétences
législatives du Conseil général, qui les tenait lui-même du législateur
cantonal. En d'autres termes, elle crée une sousdélégation de pouvoirs.

    Le problème de la sous-délégation est controversé. Selon une
première théorie, la sous-délégation n'est admissible qu'autant que la
constitution ou la loi la prévoit (FLEINER, Schw. Bundesstaatsrecht,
p. 414; GIACOMETTI, Festgabe für Fleiner, 1927, p. 391 s.; Festgabe für
Fleiner, 1937, p. 76 ss; Das Vollmachtenregime der Eidgenossenschaft,
p. 25 s.; Allgemeine Lehren, I p. 160, note 74; FLEINER/GIACOMETTI,
Schw. Bundesstaatsrecht, p. 801; H. BRÜHWILER, Die Gesetzesdelegation,
dans ZBl 1959, p. 216; H. TRIEPEL, Delegation und Mandat im öffentlichen
Recht, p. 123 et 126; R. L. JAGMETTI, VOIlziehungsverordnungen und
gesetzvertretende Verordnungen, thèse Zurich 1956, p. 178 s.; E. BRACK,
Die Gesetzesdelegation in der Praxis des Bundes, thèse Zurich 1953, p. 57;
S. MASNATA, La délégation de la compétence législative, thèse Lausanne
1942, p. 157; F. KUHNE, Das Problem der Delegation und Subdelegation von
Kompetenzen der Staatsorgane, thèse Zurich 1940, p. 157 s.; H. RÜEGG,
Die Verordnung nach zürcherischem Staatsrecht, thèse Zurich 1926, p. 45,
118, 127). Selon une autre théorie, de même que le législateur ne saurait
raisonnablement être tenu d'édicter toutes les prescriptions de détail que
requiert l'application d'une loi, de même l'autorité exécutive supérieure
doit être autorisée à confier à un service subordonné le soin d'établir
des règles particulières lorsque celles-ci ne mettent en jeu aucun principe
juridique et sont avant tout de nature technique (BURCKHARDT, Commentaire,
p. 666, note 2; H. MARTI, Das Verordnungsrecht des Bundesrates, p. 1
lo; H. BRUNNER, Die Überprüfung der Rechtsverordnungen des Bundes
auf ihre Verfassungs- und Gesetzmässigkeit, thèse Berne 1953, p. 20;
O.L. REYMOND, La délégation du pouvoir de légiférer, thèse Berne 1945,
p. 45; E. MOSER, Die Rechtsverordnungen des Bundesrates, thèse Berne
1942, p. 23 s.). Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral, examinant le
problème de la sous-délégation en droit fédéral, a adopté une solution
proche de la seconde de ces théories. Il a jugé en effet: "La question
(de la sous-délégation) ... est aujourd'hui partiellement résolue,
pour le droit fédéral, par l'art. 7 al. 1 de la loi fédérale du 12 mars
1948 relative à la force obligatoire du Recueil systématique des lois
et ordonnances de 1848 à 1947 et à la nouvelle série du Recueil des
lois. Aux termes de cet article: "Les services des départements n'ont
désormais la compétence d'édicter des dispositions ayant force obligatoire
générale que si une loi ou un arrêté fédéral le prévoit". Ainsi la
sous-délégation de ses pouvoirs par le Conseil fédéral aux services des
départements administratifs est clairement réglée; elle n'est possible
qu'avec l'autorisation du législateur. Quant à la sous-délégation aux
départements eux-mêmes, par opposition à leurs services, il résulte a
contrario de la disposition précitée que le législateur l'a réservée; il
faut l'admettre tout au moins lorsqu'elle a pour objet des prescriptions
de nature principalement technique et qui ne mettent en jeu aucun principe
juridique" (RO 87 IV 38/39).

    Il n'est pas indispensable de rechercher si la solution de l'arrêt
RO 87 IV 38/39, valable en droit fédéral, devrait recevoir une portée
tout à fait générale. Sans pour autant condamner la sous-délégation d'une
manière absolue, il suffira d'observer aujourd'hui qu'elle est en tout cas
inadmissible quand elle porte atteinte à un principe juridique fondamental.

    Le principe de la légalité de l'impôt constitue un tel principe. Il
s'impose dans tout Etat fondé sur le droit et notamment dans le canton
de Neuchâtel, qui le consacre expressément à l'art. 16 al. 2 de sa
constitution. Il signifie que des impôts ne peuvent être perçus que
lorsque les conditions légales sont réunies et uniquement dans la mesure
prévue par la loi (RO 91 I 176 et 254). Il est applicable non seulement
aux impôts proprement dits, mais à toutes les contributions publiques,
à l'exception des taxes de chancellerie (RO 82 I 27/28).

    La nature exacte de la contribution compensatoire créée par
l'art. 55 RU pourrait prêter à discussion. Par certains de ses éléments,
elle apparaît comme un impôt au sens étroit (RO 90 I 82 et 94), par
d'autres comme une charge de préférence (RO 90 I 81 et 93). Point n'est
besoin cependant d'en décider. De toute manière, en effet, elle est une
contribution publique. Partant, elle est soumise au principe fondamental
de la légalité de l'impôt. Or l'art. 55 RU se borne à prévoir que "le
propriétaire versera une contribution compensatoire". Il abandonne au
Conseil communal, simple organe exécutif, le soin de fixer le montant de
la contribution. Certes, il précise que ce dernier sera arrêté "en tenant
compte des frais moyens d'aménagement" des places de parc. Cette indication
toute générale ne saurait cependant donner la "mesure" de l'impôt, telle
que la loi fiscale doit la prescrire. Elle laisse au Conseil communal
un pouvoir d'appréciation trop large, fonction lui-même de facteurs
impossibles à définir à l'avance, comme le prix du terrain ou le coût de
la construction. Il s'ensuit que la sous-délégation contenue à l'art. 55
al. 2 RU viole le principe fondamental de la légalité de l'impôt. Elle
est dès lors inadmissible. S'il n'est plus possible aujourd'hui d'annuler
l'art. 55 al. 2 RU, en revanche la décision attaquée, prise sur la base
de cette disposition, doit être cassée (RO 90 I 91).

Erwägung 3

    3.- Le recours devant être admis par les motifs exposé ci dessus,
il est inutile d'examiner s'il devrait l'être pour d'autres raisons encore.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et annule la décision du Conseil d'Etat de la
République et canton de Neuchâtel du 1er septembre 1965, con firmant la
décision du Conseil communal de la Ville de Neu châtel du 23 octobre 1964.