Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 92 I 1



92 I 1

1. Extrait de l'arrêt du 2 février 1966 dans la cause Caravansea SA contre
Cour de justice civile du canton de Genève. Regeste

    Art. 4 BV. Rechtsungleiche Behandlung, Willkür. Die Registriergebühren
(droits d'enregistrement), die im Kanton Genf alle 15 Jahre nur auf
gewissen Grundpfandtiteln (solchen auf den Inhaber und solchen auf
den Namen und durch Indossament übertragbar) erhoben werden und vom
Eigentümer des belasteten Grundstücks zu entrichten sind, verstossen
gegen die Rechtsgleichheit und sind willkürlich.

Sachverhalt

    A.- La loi genevoise du 9 novembre 1887 sur les contributions publiques
(LCP) institue un impôt, dit droit d'enregistrement, qui frappe divers
actes juridiques. Elle dispose à ce sujet notamment ce qui suit:

    "Art. 152. - Tout acte emportant obligation de payer une somme,
reconnaissance de devoir ou promesse de payer est soumis au droit de 3/4%.

    Lorsque l'acte renferme la constitution d'une hypothèque ou requiert
la création d'une cédule hypothécaire ou d'une lettre de rente, même au
nom du propriétaire de l'immeuble, il est soumis au droit de 85 centimes
pour 100 F."

    "Art. 154. - Les titres hypothécaires au porteur et les titres
hypothécaires nominatifs transmissibles par voie d'endossement sont,
tous les quinze ans, soumis à de nouveaux droits d'enregistrement; ces
droits sont payés par le propriétaire de l'immeuble et, à défaut, perçus
lors de la présentation des titres pour la radiation." "Art. 198. - Sont
exemptés de la formalité de l'enregistrement, les actes, titres et pièces
dont l'énoncé suit:

    ... m) les titres et obligations des sociétés par actions, les cédules
hypothécaires, les lettres de change et les billets à ordre..."

    B.- Le 21 février 1949, la société Caravansea SA contracta, sur un
immeuble qu'elle possède à Genève, un emprunt sous la forme d'une cédule
hypothécaire au porteur de 300 000 fr. Elle acquitta à cette occasion
des droits d'enregistrement de 4848 fr. 80. A la date du 22 février 1964,
c'est à-dire à l'expiration du délai de quinze ans prévu par l'art. 154
LCP, la cédule n'avait été ni radiée du registre foncier ni modifiée.
L'administration réclama en conséquence à Caravansea SA une somme de
4050 fr. représentant les nouveaux droits d'enregistrement, conformément
à l'art. 154 LCP. Caravansea SA refusa cependant de payer ce montant. Elle
saisit les autorités genevoises, mais fut déboutée, en dernière instance,
par la Cour de justice qui, dans son arrêt du 28 septembre 1965, exposa
en bref ce qui suit:

    Contrairement à ce qu'allègue Caravansea SA, l'art. 154 LCP ne viole
pas le principe de l'égalité de traitement. Certes, il ne soumet à l'impôt
renouvelé tous les quinze ans que les débiteurs de cédules facilement
négociables. Toutefois, cette discrimination repose sur des raisons
valables. En effet, si, pour garantir sa dette, le débiteur choisit un
titre facilement négociable, il se procurera plus aisément l'argent dont
il a besoin. Il est, à cet égard, dans une situation différente de celle
des autres débiteurs. Cette différence justifie une solution particulière
quant aux droits d'enregistrement. Les droits réclamés en l'espèce reposent
sur les art. 152 et 154 LCP. Ces dispositions instituent un impôt payable
lors de la création d'une cédule hypothécaire. En dépit de ce qu'affirme
la société, elles ne sont pas en contradiction avec l'art. 198 lettre m
LCP, qui dispense ce genre de titre "de la formalité de l'enregistrement".

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public, Caravansea SA
requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice. Elle
se plaint de diverses violations de l'art. 4 Cst. L'Etat de Genève et la
Cour de justice concluent au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    L'art. 154 LCP se trouve dans le Titre III de la loi, relatif
aux droits de succession, d'enregistrement et de timbre. Ce titre est
divisé en deux chapitres consacrés, le premier aux droits de succession
et d'enregistrement (art. 92 à 268), le second aux droits de timbre
(art. 269 à 288). D'une façon tout à fait générale, les droits perçus
en vertu du premier chapitre (art. 92 à 268) le sont à l'occasion d'un
acte juridique, tels une donation, une vente, un partage, un échange, un
bail. Ainsi en a-t-il été des droits que la recourante a payés en 1949
lors de la création de la cédule hypothécaire. Pareils droits ne sont
pas en eux-mêmes critiquables.

    En vertu de l'art. 154 LCP, la cédule hypothécaire au porteur
(comme d'autres titres d'ailleurs) est soumise à de nouveaux droits
d'enregistrement après une durée de quinze ans. A la différence de ceux
que le fisc prélève à la création de la cédule, ces nouveaux droits
sont dus en raison du seul écoulement du temps. Ils ne frappent pas la
constitution d'une créance nouvelle, mais la créance elle-même incorporée
dans le titre. Ils se différencient donc essentiellement des droits
perçus lors de la création du titre. Ces derniers apparaissent surtout
comme un impôt perçu à l'occasion du transfert d'un bien juridique du
patrimoine d'un contribuable à celui d'un autre contribuable. En revanche,
les droits d'enregistrement prévus par l'art. 154 LCP constituent bien
davantage, du moment qu'ils frappent la créance elle-même, un impôt sur
la fortune. Or un tel impôt doit être fondé sur la capacité économique
du contribuable. Cela implique qu'il ne saurait être prélevé que sur les
actifs constituant la fortune à l'exclusion des dettes qui la grèvent. Les
droits d'enregistrement institués par l'art. 154 LCP ne répondent nullement
à ces exigences. En effet, ils sont mis à la charge du propriétaire de
l'immeuble hypothéqué pour lequel la créance constatée dans la cédule est
une dette. Pareille solution constitue une injustice manifeste. Elle est
insoutenable et, partant, contraire à l'art. 4 Cst. La décision attaquée,
qui applique cette solution à la recourante, doit en conséquence être
annulée.

    L'art. 154 LCP est d'ailleurs critiquable à un autre point
de vue encore. Il ne soumet aux droits d'enregistrement que les
propriétaires dont les immeubles sont grevés de "titres hypothécaires
au porteur" et de "titres hypothécaires nominatifs transmissibles par
voie d'endossement". Les propriétaires dont les immeubles sont grevés
d'autres dettes hypothécaires sont exonérés du paiement des droits. Pour
justifier la différence ainsi créée, le canton de Genève se fonde sur
le caractère facilement négociable des titres hypothécaires constituant
des papiersvaleurs. Selon lui, ce caractère est un avantage qui justifie
le prélèvement d'un impôt. Sans doute, cet avantage existe. Il profite
cependant au créancier et non au débiteur du titre. Or, pour procéder
à une comparaison valable sous l'angle de l'art. 4 Cst., il faut se
placer au point de vue du débiteur du titre, puisque c'est lui qui est
frappé par l'impôt de l'art. 154 LCP. Les autorités cantonales allèguent
à cet égard que le caractère facilement négociable du titre permet
au propriétaire de trouver plus aisément une personne disposée à lui
prêter de l'argent. Point n'est besoin de savoir si cet argument suffit à
justifier les droits d'enregistrement perçus au moment de la création du
titre. Il est en tout cas sans pertinence pour les droits prélevés après
la période de quinze ans, puisqu'à ce moment-là, le propriétaire a trouvé
depuis longtemps le capital qu'il cherchait. En réalité, s'agissant des
droits périodiques exigés tous les quinze ans, le caractère plus ou moins
facilement négociable du titre ne joue pas de rôle pour le débiteur. Du
point de vue de l'art. 4 Cst., il ne saurait dès lors servir de base à une
distinction aboutissant à astreindre au paiement des droits périodiques
certaines catégories de propriétaires seulement. La décision attaquée, qui
applique à la recourante la disposition fondée sur une telle distinction
ne saurait dès lors être maintenue.

Entscheid:

                 Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et annule l'arrêt attaqué.