Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 92 II 31



92 II 31

5. Arrêt de la Ire Cour civile du 22 mars 1966 dans la cause H. Séquin
et ses fils contre Werdenberg. Regeste

    1.  Verhältnis von Art. 8 Abs. 2 HRAG zu Art. 352 OR (Erw. 1 ).

    2.  Konkurrenzverbot, Art. 356 ff. OR.

    a)  Wichtiger Grund zur Aufhebung des Dienstvertrages im Sinne von
Art. 360 Abs. 2 OR? Art. 8 Abs. 2 HRAG ist dispositiven Rechts (Erw. 4).

    b)  Bemessung der Konventionalstrafe und Ersatz weiteren Schadens
(Erw. 5).

Sachverhalt

    A.- a) Durant un certain nombre d'années, H. Séquin a exploité à Coppet
un moulin, un commerce d'aliments fourragers et un parc avicole. Le 27
décembre 1961, la société en nom collectif H. Séquin et ses fils a repris
l'actif et le passif de la raison individuelle.

    Depuis 1947, Hermann Werdenberg était le représentant de la maison. Le
27 décembre 1960, il accepta un nouveau contrat de travail d'une durée
indéterminée, résiliable par lettre recommandée moyennant la signification
du congé trois mois à l'avance pour la fin d'un mois. Selon l'art. 2 al. 4,
l'employeur se réservait le droit de modifier ou de changer le rayon
d'activité après avoir consulté le voyageur; la nouvelle délimitation
était réputée valable sept jours après que ce dernier en aurait pris
connaissance. Il était en outre stipulé à l'art. 13:

    "Le voyageur est tenu de s'abstenir de toute activité concurrente
pendant la durée de son engagement.

    Si le présent contrat est dénoncé par le voyageur, ou si la résiliation
devient nécessaire, selon l'art. 352 du CO, les activités suivantes sont
interdites au voyageur pour une durée de deux ans dès l'expiration du
présent contrat:

    a)  voyager pour une maison de la même branche, dans le rayon
d'activité qu'il avait durant son emploi.

    b)  fonder une entreprise concurrente dans le rayon d'activité qu'il
avait durant son emploi.

    c)  participer directement ou indirectement à une maison concurrente
dans le rayon d'activité qu'il avait durant son emploi.

    Il est convenu d'une peine contractuelle de 2000 fr. (deux mille)
pour infraction éventuelle à la présente clause. ..."

    b) En novembre 1961, l'employeur décida de réorganiser les rayons de
vente et d'en réduire l'étendue pour assurer une prospection plus intense
du marché. Au début de décembre, il fit connaître ses intentions, qu'il
confirma personnellement à Werdenberg. Le 16, les modalités définitives
furent communiquées aux représentants, à qui l'employeur finit par
garantir, pendant une année, un salaire minimum égal au montant des
commissions touchées pendant les mois correspondants de l'année précédente.

    Encore qu'il ne fût pas satisfait, Werdenberg ne réagit ni lorsqu'on
lui confirma par écrit l'accord intervenu ni lorsqu'on passa à l'exécution,
le 1er mars 1962. Son ancien rayon comprenait plusieurs communes
fribourgeoises et les cantons de Vaud et du Valais de Montana/Sierre à
Vevey, sauf le secteur des Diablerets. Celui-ci lui fut attribué selon le
nouveau plan, mais il refusa de le prospecter, bien qu'il l'ait parcouru
jusqu'en 1957. Il perdit en revanche la région de Sierre à Saxon, où il
réalisait au moins le tiers de son chiffre d'affaires. Quant aux vallées
latérales du Rhône en aval de Martigny, il ne s'y rendit jamais, même
avant la réorganisation.

    c) Dès le printemps 1962, Werdenberg prépara son départ.  Avec d'autres
employés de la maison H. Séquin et ses fils, il tenta activement de
créer une entreprise concurrente. A fin juin déjà, il participa à
l'établissement d'un projet de convention relatif à l'achat du cadre
d'actions de la société anonyme du Moulin d'Ogens. Le 26, il fit savoir
à son employeur qu'il se considérait comme engagé à titre provisoire;
mais, interpellé au début de juillet au sujet de la nouvelle entreprise,
il lui répondit néanmoins, contrairement à la vérité, que l'affaire
projetée était tombée à l'eau. Sur quoi Séquin lui rappela qu'il était
lié par contrat et lui demanda de prendre une position nette jusqu'au 7
juillet. Le 5, Werdenberg donna congé par téléphone. Le 12, par écrit,
la société résilia le contrat en application de l'art. 352 CO, parce que
l'employé, en violation de ses obligations, consacrait une part de son
temps à s'intéresser à une entreprise concurrente. Le 13 dans la matinée,
ou peut-être déjà le 12 en fin de journée, le destinataire fut avisé
de l'arrivée du pli et de l'identité de son expéditeur. Il n'en prit
connaissance que le 14, mais le 13 déjà, à 17 h., il posta une lettre
par laquelle il donnait à son tour congé pour le 1er novembre 1962.

    La société en nom collectif H. Séquin et ses fils et la société anonyme
du Moulin d'Ogens fabriquent et vendent les mêmes produits, des aliments
fourragers. Depuis le 5 octobre 1962, les nouveaux administrateurs de la
seconde sont d'anciens employés de la première, dont Werdenberg. Celui-ci
commença sa nouvelle activité, le 1er octobre, approximativement dans
le secteur qu'il parcourait auparavant; un texte publicitaire annonçait
qu'il reprenait sa place d'intermédiaire entre ses anciens clients et
la nouvelle maison. A dire d'expert, la diminution des ventes résultant
du comportement de son ancien employé a fait perdre à la société en nom
collectif, pour la seule année 1963, un bénéfice de 8860 fr.

    B.- Après avoir vainement réclamé le salaire des mois d'août, de
septembre et d'octobre 1962, Werdenberg a actionné son ancien employeur
en paiement de 6044 fr. avec intérêts à 5% dès le 15 septembre 1962. Il
se fondait sur le délai conventionnel de congé et contestait l'existence
de justes motifs de résiliation immédiate.

    La défenderesse a opposé un refus et conclu reconventionnellement au
paiement de 10 000 fr. avec intérêts à 5% dès le 15 juillet 1962. Elle
réclame le montant de la clause pénale stipulée pour le cas de la violation
de l'interdiction de concurrence (2000 fr.) et la réparation du dommage
supplémentaire qu'elle a subi.

    Le 6 décembre 1965, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a
rejeté les demandes.

    C.- Agissant par la voie du recours en réforme, la défenderesse
persiste dans sa conclusion reconventionnelle, contestant avoir donné
par sa propre faute à son employé un juste motif de résiliation (art.
360 al. 2 in fine CO). L'intimé propose le rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- A défaut de recours de Werdenberg, le jugement déféré jouit
de l'autorité de la chose jugée quant à la demande principale, dont le
rejet est fondé sur le droit de l'employeur de résilier immédiatement,
pour justes motifs (art. 352 CO), l'engagement de son voyageur; celui-ci
avait refusé de prospecter, en partie du moins, le nouveau secteur qui
lui avait été régulièrement attribué, puis avait préparé et réalisé son
passage à l'entreprise concurrente.

    De son côté, s'il avait des raisons d'être mécontent de la
réorganisation des rayons d'activité des représentants, l'intimé était
à tard, le 13 juillet 1962, pour résilier abruptement. Une réaction
immédiate est exigée tant par l'art. 352 CO que par l'art. 8 al. 2 LEVC. Au
demeurant, cette dernière disposition ne signifie pas que le voyageur
a le droit de se départir du contrat du seul fait de la modification du
rayon attribué. Au contraire, les conditions d'application de l'art. 352
CO doivent être réunies ("Im Falle einer solchen Änderung bleiben das
Recht des Reisenden zur Auflösung des Anstellungsverhältnisses gemäss
Art. 352 des Obligationenrechts sowie dessen Entschädigungsansprüche
vorbehalten"; cf. art. 9 al. 3 de l'avant-projet Hug; Procès-verbaux de
la commission d'experts des 17/18 avril 1939, p. 27/28; art. 8 al. 3 du
projet du 21 juin 1940; Message du Conseil fédéral du 6 décembre 1940, FF
1940 p. 1360/1; SCHUMACHER, Bundesgesetz über das Anstellungsverhältnis
der Handelsreisenden, p. 24 ch. 2; STARLAY, Untersuchungen über die
Rechtsverhältnisse des Handelsreisenden, thèse Berne 1947, p. 25 § 20;
MEISTER, Bundesgesetz über das Anstellungsverhältnis der Handelsreisenden,
3e éd., p. 52).

Erwägung 2

    2.- Le mérite de la demande reconventionnelle repose sur la validité
de la prohibition de faire concurrence à l'employeur, qui s'apprécie selon
les art. 356 à 360 CO (RO 91 II 376 consid. 3). Certaines conditions sont
manifestement remplies. En premier lieu, l'intimé a connu dans son rayon la
clientèle de la recourante (art. 356 CO); il la prospectait depuis quatorze
ans; qu'il l'ait acquise lui-même en grande partie n'empêche pas qu'elle
appartienne à son employeur. En second lieu, la clause contractuelle
était limitée quant à son objet aux produits livrés par la recourante,
quant au temps à deux ans - ce qui paraît adapté au cas particulier -
et dans l'espace au rayon parcouru par l'intimé (art. 357 CO; cf. RO
91 II 377 sv.). En troisième lieu, l'intimé pouvait causer un sensible
préjudice à la recourante, puisqu'aussi bien le jugement déféré constate,
pour la seule année 1963, une perte de bénéfice net s'élevant à 8860 fr.;
on ne saurait dès lors douter que l'employeur avait un réel intérêt au
maintien de la prohibition (art. 360 al. 1 CO).

    Les parties disputent en revanche de l'application de l'art. 360 al. 2
CO: la recourante conteste avoir donné par sa propre faute à l'intimé un
juste motif de résiliation.

Erwägung 3

    3.- En matière de prohibition de faire concurrence, les restrictions
légales à l'autonomie des parties tendent à protéger le partenaire le
plus faible contre des engagements de nature à entraver inéquitablement
son avenir économique et à empêcher un changement d'emploi, sans même que
souvent l'employé se rende compte exactement de la portée de son obligation
(RO 91 II 377 consid. 4; 72 II 81). S'agissant de conditions imposées par
l'employeur au moment de la conclusion du contrat, des doutes relatifs
à l'étendue de l'interdiction doivent être interprétés restrictivement,
voire contre le rédacteur de la clause (RO 92 II 000, consid. 1).

    L'art. 360 al. 2 CO procède de la même intention. La prohibition de
faire concurrence ne subsiste que si elle n'est pas inéquitable; elle
le devient notamment lorsque l'employeur a donné par sa propre faute à
l'employé un juste motif de résiliation. Cette dernière notion n'est
pas identique à celle de l'art. 352 CO: un motif peut raisonnablement
justifier la résiliation sans nécessairement suffire pour fonder un
renvoi ou un départ immédiat (RO 82 II 143/4 consid. 1 i.f.; 70 II 163;
57 II 331; 56 II 274; GUHL, Das schweizerische Obligationenrecht, 5e éd.,
p. 348; PFLUGER, Das vertragliche Konkurrenzverbot im Dienstvertrag,
thèse Berne 1949, p. 75). Peu importe dès lors, au regard de l'art. 360
al. 2 CO, que l'employé résilie sans délai son engagement ou qu'il se
contente d'un congé normal (RO 82 II 144 consid. 1 i.f.). En revanche,
un motif de résiliation abrupte constitue a fortiori un juste motif au
sens de l'art. 360 al. 2 CO (RO 41 II 114 consid. 5).

Erwägung 4

    4.- a) L'intimé soutient que l'art. 8 al. 2 LEVC s'applique en
l'espèce, selon lequel il a le droit, si l'employeur procède à une
modification nécessaire des dispositions conventionnelles relatives à la
clientèle ou au rayon attribués au voyageur, de se départir immédiatement
du contrat conformément à l'art. 352 CO.

    On a déjà précisé le sens de cette réserve d'une règle générale
du contrat de travail et constaté que l'intimé ne pouvait se départir
immédiatement de son engagement (consid. 1). Mais on vient de voir
également que l'inapplicabilité de l'art. 352 CO n'empêche pas que
l'attitude de la recourante ait pu donner à son employé un juste motif
de résiliation au sens de l'art. 360 al. 2 CO. Néanmoins, les conditions
de la sanction - la fin de la prohibition - ne se jugent pas en l'espèce
selon la disposition invoquée de la loi spéciale. C'est là en effet une
norme de droit dispositif, à laquelle on peut déroger sans même observer
la forme écrite (art. 19 et 3 al. 3 LEVC; Message du Conseil fédéral,
FF 1940 p. 1360; cf. les déclarations du représentant du Conseil fédéral
devant la commission du Conseil national - procès-verbal des 21/22
avril 1941, p. 21, ad art. 8 - et du rapporteur du Conseil des Etats -
Bull.stén. 1941 p. 12). Or les parties ont prévu expressément, à l'art. 2
al. 4 de la convention du 27 décembre 1960, que la recourante se réservait
le droit de modifier ou de changer le rayon attribué au voyageur, lequel
serait consulté, et que la nouvelle délimitation serait réputée valable
septjours après que l'employé en aurait eu connaissance. L'art. 8 al. 2
LEVC n'est donc pas applicable.

    b) La modification des rayons de vente attribués aux voyageurs paraît
avoir été le point de départ du présent litige. Selon le jugement déféré,
il n'est pas contesté que la recourante avait de justes motifs de revoir
l'organisation de son entreprise et de modifier les secteurs de vente. Se
rendant compte que les régions visitées par ses représentants étaient
trop vastes pour une prospection en profondeur, elle les a réduites et a
créé de nouveaux postes, partant de l'idée que le chiffre d'affaires de
chacun - et sa rétribution - s'en trouverait finalement augmenté. Ses
administrateurs présentèrent le plan définitif aux voyageurs. Faute
de réaction, l'intimé est censé l'avoir accepté. Que son rayon ait été
amputé d'une région où il réalisait le tiers de son chiffre d'affaires
n'est pas déterminant, car la recourante s'était réservé le droit, par
contrat, de changer même complètement de secteur.

    Au demeurant, l'intimé n'a pas établi que son revenu, au moment où il
a quitté la recourante, avait diminué sans faute de sa part. Allait-il
subir une sensible réduction? On n'en sait rien. Mais on pouvait exiger
du moins que l'intimé fît honnêtement l'essai du nouveau système avant de
résilier son contrat. En effet, sa rémunération des mois précédents lui
était garantie pendant une année entière (ce qui infirme l'hypothèse de la
Cour cantonale, selon laquelle une baisse de salaire était probable). Or
il n'a pas cherché, comme ses collègues, à compenser l'amputation d'un
secteur par une prospection plus approfondie de la clientèle; il a en
outre refusé de parcourir le nouveau secteur des Diablerets, que pourtant
il connaissait déjà; il a renoncé enfin, comme par le passé, à visiter
les vallées latérales du Rhône en aval de Martigny. Dans ces conditions,
on ne voit pas qu'il ait eu des raisons objectives et sérieuses de se
plaindre de la réorganisation des secteurs de vente, qui a du reste porté
ses fruits: la première année déjà, à l'exception de quelques rayons où
sévissait la concurrence des anciens collaborateurs de la recourante,
les autres voyageurs ont réalisé, à dire d'expert, des commissions d'un
montant plus élevé que par le passé.

    A vrai dire, la faute est en l'espèce du seul côté de l'intimé, qui
a donné le congé contractuel en juillet pour fin octobre 1962 dans le
seul but de s'assurer un revenu complet jusqu'au jour où l'achat d'une
entreprise semblable à celle de la recourante, prémédité depuis plusieurs
mois avec d'autres collègues de travail, serait réalisé. L'intimé était
en outre décidé à poursuivre son activité précisément dans le même rayon
que par le passé. Contre toute vérité, il a contesté son intention de
concurrencer son ancien employeur et c'est par chance que celui-ci a pu en
rapporter la preuve et s'opposer avec succès à la demande principale. Celui
qui démontre un tel mépris de ses obligations contractuelles ne saurait
prendre prétexte d'un comportement peutêtre rigoureux de son employeur
pour se soustraire à l'effet d'une prohibition de faire concurrence qu'il a
violée (RO 76 II 225), ni surtout invoquer après coup, pour se justifier,
un motif qu'il a renoncé à faire valoir au moment où il est survenu (RO
82 II 142). 5. - Il s'ensuit que le jugement déféré doit être réformé
dans la mesure où il est attaqué.

    a) La peine conventionnelle de 2000 fr. n'est pas excessive, vu la
gravité de la faute, le dommage subi par la recourante, son intérêt à
la prohibition et la situation de l'intimé (art. 163 al. 1 et 3, et 359
al. 2 CO; RO 91 II 383 consid. 11, 82 II 146).

    b) Selon l'art. 359 al. 2 CO, l'employé est tenu de réparer le dommage
qui excéderait le montant de la peine. C'est à l'employeur de prouver et le
préjudice et la faute de l'employé (cf. art. 161 al. 2 CO; GUHL, op.cit.,
p. 348; BECKER, no 9, et OSER/SCHÖNENBERGER, no 7 ad art. 359 CO). En
l'espèce, l'intimé a commis une faute lourde et le montant du préjudice,
qui s'élève à 8860 fr. pour la seule année 1963, dépasse certainement -
et largement - 10 000 fr. pour la période de deux ans allant du 14 juillet
1962 au 14 juillet 1964. La réclamation de la recourante (8000 fr.) est
dès lors modeste et doit être admise intégralement.

    c) L'intérêt à 5% est dû dès l'échéance moyenne du 14 juillet 1963
pour le montant alloué.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et réforme, dans la mesure où il est attaqué,
le jugement rendu par la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois le 6
décembre 1965.