Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 92 II 299



92 II 299

44. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 1er novembre 1966 dans
la cause Foufounis contre Charlier. Regeste

    Lizenzvertrag über die Ausbeutung eines Patents.  Rücktritt vom
Vertrag.

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    Il existe divers systèmes qui permettent, dans un électrophone
automatique, de sélectionner le disque désiré et de l'écouter. Foufounis
a inventé un mécanisme caractérisé par sa came et ses biellettes
porte-disques, qu'il a perfectionné après l'avoir fait breveter. Charlier
s'est intéressé au juke-box à monnayeur dénommé "Chantal", qui était
équipé du changeur inventé par Foufounis. Celui-ci lui concéda la licence
exclusive de construire et de vendre l'appareil en Belgique, en Hollande
et au Luxembourg. L'exécution du contrat fut à tel point retardée par
la faute de l'inventeur, qui invoquait la mise au point d'un mécanisme
amélioré, que le licencié résilia la convention. Le Tribunal fédéral a
constaté que c'était à bon droit, rejetant un recours de Foufounis contre
une décision qui le condamnait à restituer une avance, payée par Charlier,
sur les redevances futures.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

    3 ...

    a) Selon une jurisprudence déjà ancienne, le contrat de licence se
rapproche le plus du bail à loyer ou à ferme, dont il constitue un cas
particulier (RO 53 II 133 consid. 2 et 51 II 61 consid. 2: application
des art. 277 et 254 sv. CO). Actuellement, la doctrine dominante y voit
avec raison une convention innommée, sui generis; on ne doit recourir
qu'avec prudence aux règles des types légaux qui présentent avec elle
quelque analogie (BLUM/PEDRAZZINI, II nos 12 sv. ad art. 34 LBI; TROLLER,
Immaterialgüterrecht, II p. 808/809).

    Ainsi, faute d'un terme convenu, on ne saurait fixer la durée du
contrat en appliquant le bref délai de six mois prévu par l'art. 290 CO
(et l'art. 546). Qu'il s'agisse d'organiser la production ou de rechercher
des débouchés, l'exploitation industrielle et commerciale d'un brevet
impose souvent des investissements importants, dont l'amortissement doit
s'étendre sur une période suffisante, relativement longue. En l'espèce par
exemple, si le recourant avait exécuté ses obligations et que l'intimé eût
monté une chaîne de fabrication et installé un réseau de distribution,
on ne saurait concevoir que le contrat ait pris fin après quelques mois
seulement d'exploitation régulière. On admettra dès lors en principe que
la licence, sous réserve d'exceptions justifiées par les circonstances,
est réputée concédée pour la durée restant à courir du brevet (TROLLER,
op.cit., p. 821; BLUM/PEDRAZZINI, no 112 ad art. 34 LBI; REIMER,
Patentgesetz, p. 449).

    L'intimé ne pouvait donc donner congé en se conformant simplement
à l'art. 290 CO.

    b) Comme le contrat de licence implique une durée
("Dauerschuldverhältnis"), et que les parties y sont liées beaucoup
plus étroitement que lorsque leurs prestations sont instantanées et
uniques, il est toutefois nécessaire de tempérer selon les règles de
la bonne foi, au mieux de leurs intérêts, le principe du respect des
conventions, d'autant que la licence exige la collaboration suivie des
partenaires et leur impose, comme aux associés, une fidélité fondée sur
la confiance réciproque (RO 75 II 167). Aussi convient-il de reconnaître
à chacun le droit de résilier le contrat lorsque sa continuation ne
peut être raisonnablement exigée, soit pour de justes motifs, même en
raison de circonstances dont le partenaire ne répond pas. Cette faculté
existe indépendamment de la résolution fondée sur les art. 107 sv. CO
(cf. STAUDINGER, ad § 626 dBGB; BLUM/PEDRAZZINI, no 114 ad art. 34 LBI;
TROLLER, op.cit., p. 822, semble-t-il plus restrictif). Elle a son pendant
dans tous les contrats qui impliquent une durée (bail: art. 269 et 291 CO;
travail: art. 352; agence: art. 418 r; société: art. 545; représentation
exclusive: RO 89 II 33).

    Sans doute la résiliation pour de justes motifs doit-elle demeurer
l'exception, surtout lorsqu'il est loisible à la partie qui s'en prévaut de
résoudre en application des art. 107 sv. CO. Mais cette procédure suppose
qu'elle mette son partenaire en demeure, partant qu'elle soit disposée
elle-même à s'exécuter; or il se peut que son débiteur, par son attitude,
ait distendu le lien de confiance au point qu'elle renonce à poursuivre
les relations contractuelles, d'autant que l'exécution ne s'épuise pas
en une prestation déterminée mais exige une collaboration durable. Au
demeurant, on admettra plus aisément la résiliation pour de justes motifs
si le contrat n'a reçu aucune exécution et si la partie contre laquelle le
droit de résilier est exercé n'a rien fait pendant longtemps, paralysant
ainsi le déroulement normal de l'opération projetée.

    A la forme, on ne saurait préférer une résiliation judiciaire par
le motif que la jurisprudence a parfois invoqué les dispositions sur
la société simple et notamment l'art. 545 CO (RO 61 II 139). Ce serait
appliquer analogiquement une règle très exceptionnelle du droit des
contrats, alors que la résolution et la résiliation résultent d'ordinaire
de la seule déclaration de la partie, le juge se bornant à en examiner
la validité en cas de litige et à en fixer les effets (répétition des
prestations, dommages-intérêts). Etendre l'exception au contrat de
licence, ce serait d'ailleurs y traiter différemment la résolution et
la résiliation: or cette dualité ne se présente pas dans le contrat de
société, qui n'est pas synallagmatique et ne peut être résolu.

    c) En l'espèce, la confiance paraît irrémédiablement perdue,
principalement par la faute de l'inventeur. Celui-ci répond d'un retard
considérable, puisqu'il devait livrer dès avril 1958 les dessins et le
prototype. Bien qu'il ait alors reçu un paiement qui n'était exigible que
contre la remise d'un changeur breveté, il multiplie les atermoiements, les
promesses alternant avec des silences prolongés, les modifications du type
d'appareil proposé avec les recommandations quant à son lancement. Payé
en avril 1958, il ne répond pas aux lettres de l'intimé et attend janvier
1959 pour faire miroiter les avantages de la mise au point d'un mécanisme
nouveau, promettant en outre un dédommagement pour la perte de temps. Au
terme d'un nouveau silence de six mois, il reconnaît que sa position est
difficile à l'égard du licencié et annonce la sortie industrielle, en
Suisse le mois suivant, du modèle amélioré. Survient alors, trois mois
plus tard, l'offre d'une petite série de changeurs à biellettes. Ayant
essuyé un refus, le recourant promet d'envoyer un exemplaire du nouvel
appareil, mais au lieu de s'exécuter, il reprend cinq mois plus tard
sa proposition transitoire et livre un exemplaire de démonstration du
type ancien, sans s'expliquer toutefois, malgré la demande pressante de
l'intimé, sur l'augmentation très sensible du prix.

    Ainsi donc le recourant s'est borné pendant deux ans et demi à
livrer un seul appareil, de son propre aveu désuet, sans donner d'autre
explication de son retard que la mise au point d'un mécanisme amélioré
et sans discuter du prix, essentiel dans l'hypothèse d'une exploitation
du brevet par importation du produit fini.

    Sans doute, l'intimé n'a pas résolu le contrat en application des
art. 107 sv. CO et il a eu tort d'en subordonner la continuation, dans sa
lettre du 31 octobre 1960, à la condition que le recourant qui ne s'y était
pas obligé par contrat lui assurerait la livraison d'appareils construits
en Suisse par un tiers. Mais ce mode d'exploitation du brevet était prévu
dans la licence et le recourant a donné des assurances à ce sujet les
12 janvier et 6 juillet 1959. Au demeurant, la passivité de l'inventeur
n'était guère propre à favoriser ni à encourager l'organisation de la
production par le licencié, dont l'intérêt au brevet diminuait au für et
à mesure que les mois, puis les années s'écoulaient.

    On doit dès lors constater que dès le 5 août 1960, vu le nouveau
silence opposé à sa lettre, l'intimé était en droit de résilier pour de
justes motifs, car on ne pouvait désormais lui imposer raisonnablement
la continuation du contrat. C'est ce qu'il a fait le 31 octobre 1960. Il
y était encore plus autorisé lorsqu'il confirma cette première lettre et
lors du dépôt de la plainte pénale, vu le silence persistant du recourant
(GRUR 1938 p. 574).