Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 92 II 180



92 II 180

27. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 5 avril 1966 dans la
cause Bugnion contre Defossez. Regeste

    Art. 347 Abs. 3 OR. Ungleiche Kündigungsfristen, Rechtsfolge;
einseitiger Ausschluss des Kündigungsrechtes.

    1.  Sind in Verletzung von Art. 347 Abs. 3 OR ungleiche
Kündigungsfristen zugunsten des Dienstherrn vereinbart worden, so ist
auf beide Parteien die längere der beiden Fristen anzuwenden.

    2.  Der Ausschluss der Kündigungsmöglichkeit für eine bestimmte
Dauer verstösst gegen Art. 347 Abs. 3 OR, wenn er einseitig zulasten des
Dienstpflichtigen vorgesehen ist.

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    Pierre Bugnion, du bureau d'ingénieurs-conseils en propriété
industrielle A. Bugnion, à Genève a engagé Roger Defossez, ingénieur,
pour s'occuper du département de l'horlogerie dans son cabinet. La
clause du contrat relative à la dénonciation était ainsi libellée:
"12. Dénonciation. 6 mois à partir de la fin d'un mois. Cependant,
en raison de la longue mise au courant qui est nécessaire dans cette
profession, vous vous engagez, une fois la période d'essai terminée, à
rester dans mon bureau pendant une durée minimale de 3 ans". Par lettre
du 30 juin 1964, Bugnion a signifié à Defossez la "dénonciation régulière"
du contrat pour le plus prochain terme conventionnel, soit le 31 décembre
suivant. Considérant que Bugnion était également lié par le délai minimum
de trois ans, Defossez l'a assigné en dommages et intérêts pour la perte
de gain subie entre le 1er janvier et le 31 mai 1965 terme de la période
de trois ans; les juridictions cantonales de première et de seconde
instance lui ont donné gain de cause. Bugnion recourt en réforme au
Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Chambre d'appel des prud'hommes,
du 10 décembre 1965.

Auszug aus den Erwägungen:

                       Extrait des motifs:

    2. - a) L'art. 347 al. 3 CO porte que les délais conventionnels
de congés ne peuvent être différents pour les deux parties. Cependant,
doctrine et jurisprudence considèrent que cette disposition doit s'entendre
comme prohibant seulement des délais de congés plus brefs en faveur de
l'employeur (OSER/-SCHÖNENBERGER, n. 25 ad art. 347 CO; SCHWEINGRUBER,
Kommentar zum Dienstvertrag, 3e éd., p. 114; RO 78 II 235). Il s'agit en
effet d'une disposition destinée à protéger l'employé tant que dure le
contrat de travail. Elle a été prise par égard à la dépendance économique
de l'employé envers l'employeur, dépendance qui se manifeste notamment
lors de la conclusion du contrat (RO 78 II 235).

    Il est manifeste que, pour atteindre son but, une telle règle doit être
de droit impératif. Or ni l'art. 347, ni aucune autre disposition du code
relative au contrat de travail, ne prévoit de sanction pour le cas où une
clause conventionnelle aurait prévu des délais de congés inégaux. Semblable
clause devrait donc, en principe, tomber sous le coup de l'art. 20 CO.

    Mais si telle est bien la ratio legis de cette disposition, il est
manifeste, aussi, qu'elle ne saurait atteindre son but si elle a pour
toute sanction la nullité de l'art. 20. Car il faudrait alors appliquer
les délais légaux de congés aux lieu et place de la clause conventionnelle
annulée, à supposer encore que la nullité de cette clause n'emporte pas
celle du contrat tout entier (art. 20 al. 2 CO). Or, le plus souvent, ces
délais seraient au moins aussi brefs, sinon plus brefs, que les délais
stipulés par l'employeur en sa faveur. Faire jouer la nullité en pareil
cas, ce serait donc permettre à celui-ci de parvenir à ses fins. Cela
est si vrai que, dans la présente espèce, Bugnion lui-même se prévalait
de la nullité de la clause incriminée. Sans doute, l'employé pourrait-il
lui aussi invoquer la nullité. Mais rares seraient les cas où il aurait
intérêt à le faire.

    Si l'on se contentait de frapper de nullité une clause conventionnelle
contraire à l'art. 347 al. 3 CO, on permettrait à l'employeur de bénéficier
de tous les avantages qu'il s'est assurés au mépris de cette disposition,
sans assurer des avantages égaux à l'employé. Le but visé par la loi ne
serait pas atteint. Le seul moyen d'y parvenir eût été de munir l'art. 347
al. 3 d'une sanction spécifique, telle que, si un contrat a prévu un
délai plus long pour l'employé que pour l'employeur, c'est ce délai qui
s'appliquera aux deux parties. Le législateur a omis de le faire. Ainsi
donc la logique même de la loi fait apparaître incomplète la réglementation
légale, et l'on doit considérer, conformément à la jurisprudence récente
(cf. RO 88 II 483, et les références de doctrine citées par cet arrêt),
que les conditions sont réunies auxquelles il y a lacune de la loi. Il
appartient au juge de la combler dans le sens indiqué, en vertu du pouvoir
qui lui est reconnu par le code (art. 1er al. 2 CC).

    La solution envisagée ci-dessus est consacrée par le code civil
autrichien, à son art. 1159 c et, s'agissant des représentants de commerce,
par le code de commerce allemand (§ 89 al. 3 DHGB). Elle a été également
adoptée par l'avant-projet de loi fédérale revisant le titre dixième du CO,
du 30 septembre 1963 (art. 36 al. 2). Qui plus est, en droit allemand, le §
122 Gewerbeordnung prévoit (par dérogation au droit commun du § 624 DBGB)
que, pour les travailleurs commerciaux, les délais de congés doivent être
égaux; mais cette disposition n'institue aucune sanction particulière;
or une partie au moins de la doctrine refuse d'admettre la nullité pure
et simple d'une clause contractuelle contraire à cette disposition,
et l'application en ses lieu et place des délais légaux de congés,
considérant au contraire que l'on doit tenir compte de la volonté des
parties et que cela conduira le plus souvent à appliquer le plus long des
deux délais conventionnels (dans ce sens: STAUDINGER-MOHNEN-NEUMANN-RIEDEL,
11e éd., Vorbem. zu §§ 620-628 BGB, V. 6 lit. b; dans un sens un peu
différent: HUECK-NIPPERDEY, Lehrbuch des Arbeitsrechts, 7e éd., vol. I,
p. 570). Enfin, c'est également la solution préconisée par une partie
de la doctrine suisse (OSER/SCHÖNENBERGER, n. 27-30 ad art. 347, et les
auteurs cités par ce commentaire; SCHWEINGRUBER, op.cit., p. 114).

    b) Il y a lieu d'appliquer cette solution à la présente espèce. Le
recourant soutient, il est vrai, qu'il n'y avait pas, à proprement parler,
inégalité des délais de congé, de sorte que l'art. 347 al. 3 serait sans
application. Cette thèse est manifestement mal fondée.

    Sans doute le contrat prévoyait-il un délai de congé de six mois
pour chacune des deux parties. Mais il était convenu, en outre, que
Defossez ne pourrait dénoncer le contrat pendant les trois premières
années où il serait au service de Bugnion. En tant qu'elle ne frappe
que l'employé, cette dernière clause est certainement contraire
à l'art. 347 al. 3 CO (OSER/SCHÖNENBERGER, n. 30 ad art. 347 CO;
STAUDINGER-NIPPERDEY-MOHNEN-NEUMANN-RIEDEL, ibid., V. 6 lit. b;
HUECK-NIPPERDEY, ibid., p. 569/70; RGZ 68, 319). Il est vrai qu'elle
n'institue pas à proprement parler un délai de congé supplémentaire pour
l'employé. Mais son effet pratique est le même. Le recourant objecte,
assurément, que cette interdiction temporaire de dénoncer le contrat
n'était que la juste contrepartie de la longue formation qu'il a dû
donner à son employé. Cette affirmation est certainement exacte, mais
l'argument est sans pertinence: l'art. 347 al. 3 n'empêchait nullement
Bugnion de stipuler une telle exclusion temporaire du droit de dénoncer
le contrat; cette disposition lui interdisait simplement de la stipuler
à son profit exclusif.