Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 92 II 128



92 II 128

20. Arrêt de la IIe Cour civile du 1er juillet 1966 dans la cause X. c.
Procureur général du canton de Genève. Regeste

    Berufung. Zulässigkeit. Zivilrechtsstreitigkeit.

    1.  Hat man es mit streitiger oder freiwilliger Gerichtsbarkeit zu
tun bei einem Gesuch an den Richter, es sei die Änderung des Geschlechts
einer Person in den Zivilstandsakten anzuordnen? (Erw. 1).

    2.  Unter welchen Voraussetzungen kann eine Berufung, die als
solche unzulässig ist, als Nichtigkeitsbeschwerde an Hand genommen
werden? (Erw. 2).

    3.  Ortliche Zuständigkeit zur Beurteilung eines Gesuches,
womit jemand, der in den Zivilstandsakten als eine Person männlichen
Geschlechts eingetragen ist, die Zuerkennung des weiblichen Geschlechts
verlangt. (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- Jean X., originaire de la commune d'Y. (Tessin), est né à Genève
le 30 mars 1913. Il a été inscrit dans les registres de l'état civil
comme étant de sexe masculin, en conformité de son sexe anatomique. Il
a contracté mariage en 1938. Deux enfants sont issus de cette union,
savoir une fille en juillet 1939 et un fils en août 1944. Préoccupé par
ses problèmes sexuels, Jean X., qui ressentait le désir d'échapper à sa
condition d'homme et d'être une femme, a consulté divers médecins. Le
docteur Z. a procédé, en 1956, à la castration chirurgicale de X. et,
en 1957, à l'amputation du pénis, avec implantation périnéale de l'urètre.

    Le Tribunal de première instance de Genève a prononcé le divorce des
époux X., après que les enfants issus du mariage furent devenus majeurs.

    B.- Par exploit du 21 février 1964, X. a introduit devant le Tribunal
de première instance de Genève une action en rectification des actes de
l'état civil, fondée sur l'art. 45 al. 1 CC; il a conclu principalement
à ce que soit ordonnée la rectification de son état civil "par la
substitution du sexe féminin au sexe masculin et du prénom de Jeanne
au prénom de Jean inscrit à la naissance", subsidiairement à ce qu'un
expert médical soit commis aux fins de constater qu'il "présente toutes
les caractéristiques du sexe féminin et que, partant, son inscription à
l'état civil comme étant de sexe masculin ne correspond pas à la réalité".

    Le Procureur général du canton de Genève a conclu au rejet de l'action.

    Une expertise médicale a été ordonnée et confiée aux professeurs Mach
et Geisendorf et au docteur Mutrux.

    Par jugement du 8 juin 1965, le Tribunal de première instance de
Genève a débouté X. de ses conclusions.

    C.- Saisie d'un appel interjeté par X., la Deuxième Chambre de la Cour
de justice du canton de Genève, par arrêt du 21 décembre 1965, a réformé
le jugement entrepris et déclaré les tribunaux genevois incompétents pour
connaître de la demande. Elle a considéré qu'il ne s'agissait pas d'une
action en rectification de l'état civil au sens de l'art. 45 al. 1 CC,
mais d'une action d'état qui devait être portée devant la juridiction du
canton d'origine du demandeur en vertu de l'art. 8 LRDC.

    D.- Contre cet arrêt, X. recourt en réforme au Tribunal fédéral.

    Il conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

    "Réformer et mettre à néant l'arrêt de la Cour cantonale genevoise
en tant qu'elle s'est déclarée incompétente pour connaître de la demande
formée par X.

    Ordonner, en conséquence, la rectification de l'état civil du
recourant par la substitution du sexe féminin au sexe masculin et du
prénom de Jeanne au prénom de Jean inscrit à la naissance".

    Subsidiairement, le recourant conclut au renvoi de la cause à
l'autorité cantonale pour qu'elle statue quant au fond.

    Le Procureur général du canton de Genève s'en remet à la décision
du Tribunal fédéral sur la question de la compétence, qui seule lui est
soumise en l'état de la procédure.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Aux termes de l'art. 49 OJ, le recours en réforme est recevable
contre les décisions préjudicielles ou incidentes prises séparément du
fond par les juridictions cantonales de dernière instance, pour violation
des prescriptions de droit fédéral au sujet de la compétence à raison de
la matière ou à raison du lieu. Encore faut-il que la décision attaquée
remplisse les conditions générales posées aux art. 44 ss. OJ. Hormis
certains cas particuliers énumérés limitativement par la loi (art. 44
lettres a, b et c; 45 lettre b OJ) et non réalisés en l'espèce, le
recours en réforme n'est recevable que dans les contestations civiles. La
jurisprudence a défini cette notion, qui relève du droit fédéral. Elle
entend par contestation civile une procédure qui vise à provoquer une
décision définitive sur des rapports de droit civil et qui se déroule en
contradictoire devant un juge ou toute autre autorité ayant pouvoir de
statuer, entre deux personnes physiques ou morales agissant comme sujets de
droits privés, voire entre une telle personne et une autorité à laquelle
le droit civil confère la qualité de partie (RO 91 II 139, 396 et les
arrêts cités). S'agissant d'une condition de recevabilité qui appelle
l'application uniforme de la loi fédérale d'organisation judiciaire, la
qualité de partie doit être fondée sur une disposition fédérale (cf. par
exemple art. 109/111, 121 al. 1, 157, 256, al. 2 CC). Il ne suffit pas
qu'une autorité agisse comme partie en vertu du droit cantonal (cf. RO
91 II 136 ss.).

    Le Tribunal fédéral a jugé à plusieurs reprises que la requête invitant
le juge à ordonner que le sexe d'une personne soit modifié dans les
actes de l'état civil ressortit à la juridiction gracieuse. Peu importe
que le droit cantonal permette ou même impose à une autorité, telle que
le Ministère public, de prendre part à la procédure. Que l'on envisage
la requête comme une demande de rectification au sens de l'art. 45 CC
ou, supposé qu'elle soit admissible, comme une action d'état visant le
titre juridique sur lequel repose l'inscription, le droit civil fédéral
ne renferme aucune prescription qui donne à l'autorité cantonale la
qualité de partie (arrêts non publiés M. c. Tessin, Tribunal d'appel,
du 11 février 1951; L. c. Bâle, office de l'état civil, du 8 avril 1952,
C. contre Vaud, Ministère public, du 13 novembre 1958).

    En l'espèce, le recourant a fondé ses conclusions sur l'art. 45
CC. Il a introduit la procédure contre le Ministère public de Genève en
se référant à l'art. 446 PC gen. qui dispose: "Sous réserve de l'art. 45,
alinéa 2, du code civil, toute demande de rectification de l'état civil
est soumise au tribunal qui statue en contradictoire du Ministère public
et des parties intéressées, s'il y a lieu". Cette prescription cantonale ne
saurait conférer au Ministère public genevois la qualité de partie selon le
droit fédéral. La cause n'est donc pas une contestation civile au sens des
art. 44 ss. OJ et de la jurisprudence qui s'y rapporte, mais une affaire
civile. Il s'ensuit que le recours en réforme est irrecevable comme tel.

    Sans doute est-il opportun qu'une autorité cantonale prenne part à la
procédure en modification de l'inscription du sexe inscrit dans les actes
de l'état civil, qui intéresse l'ordre public. Mais le droit fédéral en
vigueur ne prévoit pas cette intervention. Le juge ne saurait l'imposer
aux cantons en l'absence de toute disposition légale. De même, le contrôle
de la juridiction fédérale peut paraître souhaitable, en vue de garantir
l'application uniforme du droit en cette matière. La loi ouvre d'ailleurs
le recours de droit administratif dans les cas moins importants visés à
l'art. 45 al. 2 CC, qui permet à l'autorité de surveillance de prescrire
la rectification des inexactitudes résultant d'une inadvertance ou d'une
erreur manifestes (art. 99 I c OJ). La situation actuelle est toutefois une
conséquence du système de la loi, à laquelle le juge ne saurait remédier
(arrêt C. déjà cité).

Erwägung 2

    2.- Dans les affaires civiles qui ne peuvent être l'objet de recours
en réforme, l'art. 68 lettre b OJ déclare le recours en nullité recevable
contre les décisions de la dernière juridiction cantonale pour violation
des prescriptions de droit fédéral relatives à la compétence des autorités
à raison de la matière ou à raison du lieu. En l'espèce, la Cour de justice
a déclaré les tribunaux genevois incompétents pour statuer sur la requête
de X. en invoquant l'art. 8 LRDC. Le recourant conteste cette manière
de voir. L'acte de recours remplit les conditions de forme énoncées à
l'art. 71 OJ. Peu importe qu'il soit intitulé recours en réforme. Il est
recevable comme recours en nullité en tant qu'il vise à faire annuler
l'arrêt cantonal déclinant la compétence des tribunaux genevois.

Erwägung 3

    3.- La requête tendant à faire constater que le sexe d'une personne
ne correspond pas à celui qui est indiqué dans les registres de l'état
civil et à faire modifier l'inscription pour l'adapter au sexe véritable
revendiqué par l'intéressé se distingue de la rectification judiciaire de
l'art. 45 al. 1 CC. Elle ne vise pas à redresser une erreur matérielle qui
affecterait l'inscription dès le moment où elle a été opérée, ni à faire
rectifier une inscription qui, exacte à l'origine, ne l'est plus parce
que l'état d'une personne s'est modifié en droit (cf. RO 86 II 441, 87 I
468), mais à corriger une inscription dont le requérant prétend qu'elle
ne correspond pas à la situation de fait réelle. La procédure n'est pas
prévue expressément par la loi. Celle-ci ne désigne donc pas l'autorité
compétente à raison du lieu. Alors que l'action en rectification relève de
la juridiction du lieu où se trouve le registre ou le document de l'état
civil renfermant l'erreur, éventuellement la première erreur à redresser
(RO 86 II 444/5), l'état civil des personnes est soumis à la juridiction
du lieu d'origine, en vertu de l'art, 8 LRDC, dont l'énumération n'est
pas exhaustive (ibidem). Dans les rapports intercantonaux, l'art. 8
LRDC s'applique même si les lois cantonales concordent pour attribuer la
compétence à une autre juridiction (RO 71 II 146, consid. 2, 65 II 240/41,
55 II 327).

    Du moment que le recourant est originaire d'Y. (canton du Tessin),
les tribunaux genevois ne sont pas compétents pour statuer sur la requête
par laquelle il revendique un statut féminin. Le recours en nullité est
dès lors mal fondé.

Erwägung 4

    4.- Vu les art. 156 al. 2 et 159 OJ, le Ministère public genevois ne
saurait obtenir l'allocation de dépens (cf. BIRCHMEIER, Bundesrechtspflege,
p. 528 en bas). Il n'en a du reste pas réclamé.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral: Rejette le recours.