Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 92 II 10



92 II 10

2. Arrêt de la Ire Cour civile du 25 janvier 1966 dans la cause Hodara
contre Deutsche Lufthansa AG Regeste

    Vertrag zugunsten eines Dritten, Art. 112 Abs. 2 OR.

    Der Schuldner kann dem Gläubiger eine vom Stipulanten begangene
Täuschung oder die Nichterfüllung des Vertrages entgegenhalten. Verzicht
des Schuldners auf die Geltendmachung dieser Rechtsbehelfe?

Sachverhalt

    A.- a) Les MCO (Miscellaneous Charges Orders, bons pour services
divers) sont émis par une compagnie d'aviation ou en son nom (par exemple
par une agence de voyages) au bénéfice d'une personne déterminée - ou de
son nommable - pour prouver l'existence d'une promesse de fournir certains
services, notamment d'effectuer des transports aériens. Plusieurs coupons
y sont assemblés, les uns d'intérêt comptable, les autres destinés au
bénéficiaire; ceux-ci comprennent un ou plusieurs coupons d'échange et le
coupon "passager"; les premiers permettent d'obtenir les services promis,
notamment les billets d'avions. Parfois, seuls les coupons comptables
sont utilisés: on recourt à ce genre de documents lorsqu'une agence dite
d'encaissement touche le montant d'un billet et envoie à une agence dite
d'acheminement un PTA (prepaid ticket advice; avis de paiement de passage)
pour la prier de délivrer à une personne déterminée un MCO ordinaire
ou un billet d'avion. Il arrive couramment que la compagnie d'aviation
fasse crédit à une agence agréée et convienne avec elle d'un règlement
périodique, postérieur aux contrats passés.

    b) En 1962, alors qu'il était au service de Ficomer SA, David Hodara
fit la connaissance de Claude Lévi, qui offrait des MCO au rabais. Il
n'avait pas un besoin défini et immédiat de billets d'avions, mais
il voulut saisir l'occasion, se réservant de céder ses droits avec
bénéfice. C'est ainsi que Lévi fit établir notamment, à son intention,
par l'intermédiaire de l'agence parisienne de voyages Alca-Travel, un
MCO de 2808 $ à l'usage interne, correspondant à cinq voyages aller et
retour Genève-Francfort-New York. Alca-Travel, propriété d'Alcalay, était
habilitée à représenter, dans ce genre d'affaires, la Deutsche Lufthansa
AG, qui lui ouvrait un crédit. Elle informa aussitôt le siège parisien de
la compagnie, qui envoya un télex à la succursale genevoise pour la prier
d'établir un MCO ordinaire au nom de Hodara (no 453 488). Il s'agissait
d'une opération PTA. Hodara versa à Lévi le prix convenu.

    Le document émis à Genève le 5 octobre 1962 comprenait quatre coupons
d'échange. Le premier a été utilisé. Lorsque le bénéficiaire voulut obtenir
d'autres prestations, le siège genevois de la compagnie lui objecta,
le 23 novembre 1962, que la contrevaleur du MCO n'avait pas été réglée,
bien qu'il ait confirmé auparavant à la secrétaire de Hodara que le titre
"était bon, valable et régulier". Lévi, le donneur d'ordre, avait payé en
chèques sans provision, endossés par Alcalay à la Deutsche Lufthansa AG,
et il se révéla qu'il pratiqua le carambouillage sur une vaste échelle. La
compagnie ayant persisté dans son refus, Hodara résilia le contrat le
3 décembre.

    B.- Hodara a actionné la Deutsche Lufthansa AG en remboursement du
solde de la valeur des services promis par le paiement de 2117,50 $,
soit 9147 fr. 60 avec intérêt à 5% du 23 novembre 1962. La défenderesse
a conclu principalement à libération.

    Le 25 septembre 1964, le Tribunal de première instance de Genève a
admis l'action, mais le 1er octobre 1965, la Cour civile l'a rejetée.

    C.- Agissant par la voie du recours en réforme, Hodara prie le
Tribunal fédéral de lui allouer se conclusion. L'intimée propose le rejet
du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Dans leurs mémoires respectifs des 6 avril et 25 mai 1964,
le recourant et l'intimée considéraient que le droit suisse était seul
applicable. Cette opinion commune ne constitue pas une élection de droit:
les parties ne pensaient pas opérer un choix (RO 89 II 216 et les arrêts
cités).

    Il est constant que la prestation caractéristique du contrat conclu,
l'émission d'un MCO en faveur du recourant, devait être exécutée par la
succursale de Genève et que les coupons d'échange devaient être utilisés
dans cette ville. Cette circonstance entraîne l'application du droit
suisse, selon la jurisprudence actuelle constante.

Erwägung 2

    2.- Il paraît vraisemblable que le MCO ne constitue pas un
papier-valeur, même s'il s'agit d'une opération PTA, mais qu'il sert
uniquement à prouver que la compagnie d'aviation a conclu un contrat qui
lui impose d'effectuer une prestation en faveur d'un tiers contre paiement
d'un prix. Cela ressort assez clairement des "règles et conditions"
imprimées au verso du coupon "passager".

    On peut toutefois laisser cette question indécise, car la qualité
de papier-valeur n'empêcherait pas l'intimée, en soi, d'invoquer le dol
ou l'inexécution du contrat. Le bénéficiaire du document est Hodara ou
son nommable: on n'est donc pas en présence d'un titre au porteur, dont
le débiteur voit ses exceptions limitées (art. 979 CO); au demeurant, le
recourant serait le premier preneur, que la loi ne privilégie aucunement,
le titre fût-il au porteur (art. 979 al. 1 CO; cf. JÄGGI, nos 107 et 191
ad art. 965 CO).

Erwägung 3

    3.- Selon l'usage et la commune intention des parties, le recourant
est devenu, du moins dès la remise du document constatant son droit -
notamment des coupons d'échange, le créancier d'une obligation stipulée
en sa faveur au sens de l'art. 112 al. 2 CO, quand bien même seul le
stipulant pouvait exiger le remboursement éventuel du prix (cf. RO 46
II 137). Son débiteur, l'intimée, pouvait-il opposer à sa réclamation
le dol du stipulant ou l'inexécution du contrat? Selon la jurisprudence
(RO 23 II 1764 et 41 II 454), il possède contre le créancier tous les
moyens que le contrat lui confère contre le stipulant. Le second arrêt
ajoute que cela va de soi et la doctrine partage l'avis du tribunal (VON
TUHR, RDS 17 p. 26 sv.; VON TUHR/SIEGWART, § 83 IV p. 691 sv.; BECKER,
no 28 ad art. 112 CO; OSER/SchÖNENBERGER, no 10 ad art. 112 CO).

Erwägung 4

    4.- Pour déterminer les personnes intéressées au rapport juridique en
vertu duquel fut émis le MCO litigieux, et leurs obligations réciproques,
il convient d'abord de constater que le siège genevois de l'intimée ne
jouit pas d'une personnalité juridique indépendante (RO 89 I 407 sv.;
cf. aussi RO 90 II 196 consid. 3 litt. a). Peu importe que ce soit aussi
le cas de son agence parisienne: elle a en effet agi, dans tous les cas,
pour la Deutsche Lufthansa AG à Cologne, qui a émis le document et défend
à l'action, par l'intermédiaire de sa succursale de Genève.

    Selon la Cour cantonale, Lévi a stipulé avec l'intimée, représentée
par son agent agréé Alcalay. Reniant le point de vue qu'il exprima dans la
demande du 6 janvier 1964 et dans le second mémoire d'appel du 21 mai 1965,
le recourant soutient aujourd'hui qu'Alcalay n'intervint pas en qualité
de représentant de l'intimée, mais comme stipulant; en conséquence - du
moins si l'on saisit son argumentation -, Lévi ne serait pas partie et
les agissements de ce dernier ne sauraient lui être opposés en sa qualité
de bénéficiaire de la stipulation conclue en sa faveur.

    Ce moyen du recours est vain, même si sa prémisse est exacte,
car il ne modifie pas la solution de l'arrêt attaqué. Peu importe, en
effet, qu'Alcalay ait agi pour son propre compte ou comme représentant
de l'intimée ou de Lévi (ce qui serait aussi concevable). Si l'intimée
a contracté avec Lévi, elle peut opposer le dol; si la partie adverse
était Alcalay, elle possède l'exception non adimpleti contractus. Certes,
il se peut que son agence parisienne soit indépendante. Mais on a vu
que cela n'est pas décisif, car cette agence a agi pour le compte de la
Deutsche Lufthansa AG, qui a émis le document en exécution de la prestation
convenue. Au demeurant, l'intimée aurait, dans le cas contraire, conclu une
reprise de dette privative avec l'accord anticipé de Lévi ou d'Alcalay;
le recours donne en effet lui-même comme objet au contrat la délivrance
d'un MCO par la succursale de Genève.

Erwägung 5

    5.- Par son agence de Genève, l'intimée a délivré un MCO portant la
mention PTA, et le recourant aurait en outre reçu d'elle l'assurance que
le document était "bon, valable et régulier".

    a) On pourrait se demander si, ce faisant, l'intimée n'a pas conclu
avec le recourant un nouvel accord, indépendant; dans ce cas, elle ne
saurait opposer à sa partie adverse le dol de Lévi et l'inexécution du
premier contrat (VON TUHR, RDS 17 p. 27).

    Les parties toutefois n'avaient pas l'intention de conclure une
nouvelle convention. La première prévoyait déjà la remise du MCO. Quant à
la déclaration de l'intimée, elle ne tendait pas à créer un contrat mais
à confirmer l'accord déjà passé et la délivrance régulière du document,
qui en était l'exécution partielle.

    b) A vrai dire, le recourant tire plutôt de ces deux faits une autre
conséquence, du moins si l'on saisit sa pensée. Précisant qu'il n'a payé
Lévi qu'après avoir reçu le renseignement de l'intimée, il soutient en
substance ou que celle-ci a renoncé aux moyens qu'elle soulève ou qu'elle
abuse de son droit en les invoquant.

    Cette thèse est erronnée. Le recourant affirme en effet qu'il ne
connaissait pas les manoeuvres dolosives de Lévi au moment où il questionna
la succursale de Genève et il ne prétend pas que celle-ci les connaissait;
en fait, elle ignorait même l'existence d'un intermédiaire qui offrait des
MCO avec un rabais important. La demande et le renseignement ne pouvaient
donc porter sur l'exécution fidèle du contrat par Lévi et le recourant
n'a pu, selon les règles de la bonne foi, comprendre la déclaration
qu'on lui fit comme une renonciation à exciper, le cas échéant, du dol
et de l'inexécution du contrat. Au demeurant, s'il doutait réellement
de la correction de Lévi, il eût dû formuler sa question de manière
que les représentants genevois de l'intimée en comprissent exactement
la portée. Faute d'avoir reçu des précisions, ceux-ci se bornèrent en
réalité, en s'exprimant en termes généraux, à confirmer l'accord passé
et la délivrance régulière du document, qui en était l'exécution partielle.

    c) Certes, la mention du mode de paiement PTA, encore qu'elle serve
à l'usage interne, paraît impliquer un versement déjà effectué, comme
aussi la délivrance même du MCO. Mais il est constant que l'agence
Alca-Travel bénéficiait d'un crédit et ne réglait compte, selon les
conventions passées avec le siège parisien de l'intimée, qu'après la
conclusion de la stipulation pour autrui. Si néanmoins le recourant a cru
ou a pu croire qu'une quittance avait été donnée à un tiers, il demeurait
loisible à l'intimée, soit au débiteur, de prouver qu'elle reposait sur une
erreur. Elle ne saurait y avoir renoncé que si elle connaissait l'absence
de paiement mais entendait en faire abstraction à l'égard du bénéficiaire:
tel ne fut pas le cas.

Erwägung 6

    6.- L'intimée a détaché un premier coupon d'échange du MCO, au
bénéfice d'un tiers à qui le recourant avait cédé le droit correspondant
à un billet de transport. Ce faisant, elle a exécuté partiellement le
contrat. Cela n'emporte pas une renonciation à soulever les exceptions
de dol et d'inexécution du contrat quant aux autres prestations: au
moment où elle s'exécuta partiellement, l'intimée ignorait en effet les
circonstances sur lesquelles ces moyens se fondaient.