Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 91 I 69



91 I 69

13. Arrêt du 29 janvier 1965 dans la cause Baumgartner frères SA et Montre
de sport Genève SA contre Commission fédérale de recours de l'industrie
horlogère. Regeste

    Art. 103 Abs. 1 OG. Formelle und sachliche Legitimation zur Beschwerde
(Erw. 1).

    Art. 5 Abs. 1 und Art. 6 der Vollziehungsverordnung Ilzum
Uhrenstatut. Überprüfungsbefugnis des Bundesgerichts in der Auslegung
der Rechtsbegriffe "traditionnelle Politik bezüglich der Ausfuhr
von Erzeugnissen der Uhrenindustrie" und "allgemeine Interessen der
schweizerischen Uhrenindustrie" (Erw. 2).

    -  Definition dieser Begriffe (Erw. 3).

    - Verweigerung der Bewilligung, Rohwerke oder Teile von solchen
zwecks Änderung in einer von der Gesuchstellerin beherrschten Unternehmung
sowie Stanz- und andere Werkzeuge, Pläne und Zeichnungen, die für diese
Bearbeitung bestimmt sind, im Freipassverkehr nach Italien auszuführen
(Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- L'art. 7 al. 1 du Statut légal de l'horlogerie du 23 juin 1961
autorise le Conseil fédéral, notamment pour soutenir la politique
traditionnelle en matière d'exportation de produits horlogers,
à subordonner à un permis l'exportation de divers articles, qu'il
énumère. Faisant usage de ce pouvoir, le Conseil fédéral, par son
ordonnance d'exécution II du 26 décembre 1961 (art. 1er al. 1), a
assujetti à un permis l'exportation d'ébauches complètes (lit. c),
de parties d'ébauches sous forme de ponts, platines, pignons et roues
(lit. d), d'étampes et outils de tous genres destinés à la fabrication
d'ébauches et de fournitures (lit. k), de même que de plans de construction
de calibres, et dessins d'étampes et d'outillages (lit. 1).

    Les demandes de permis sont soumises à la direction de la Chambre
suisse de l'horlogerie (en abrégé: la direction de la Chambre). Cet
organe autorise l'exportation en particulier d'ébauches complètes ou
des parties d'ébauches mentionnées à l'art. 1er al. 1 lit. d à condition
que la livraison soit conforme à la politique traditionnelle en matière
d'exportation de produits horlogers et qu'il soit notamment convaincu
que le destinataire ne fera pas des produits horlogers obtenus en Suisse
un usage contraire aux intérêts généraux de l'industrie horlogère suisse
(art. 5 al. 1). Lorsqu'il s'agit d'étampes, d'outils, de plans et dessins,
la condition est que les livraisons soient conformes aux intérêts généraux
de l'industrie horlogère suisse (art. 6).

    Dans le premier cas, le Département fédéral de l'économie publique
(en abrégé: le Département) donne des instructions à la direction de la
Chambre, après avoir pris l'avis d'une commission composée de représentants
des organisations horlogères (art. 5 al. 2). Dans le second, s'il y a
doute, la direction de la Chambre requiert des instructions du Département,
qui consulte au préalable ladite commission.

    B.- La société anonyme Baumgartner frères, à Granges, produit
exclusivement des ébauches Roskopf. Elle est l'unique actionnaire de
la société anonyme Montre de sport Genève, qui est une manufacture de
montres ancre et fabrique ses propres ébauches. Elle a acquis en Italie
trois fabriques d'ébauches et d'assortiments, qu'elle a groupées sous la
raison Gewa S. p. a., à Stresa, et dont elle détient toutes les actions.

    Le 8 novembre 1963, la maison Baumgartner a sollicité de la Chambre
l'autorisation de livrer à la maison Gewa, sous passavant, des ébauches
brutes et des parties d'ébauches, d'importer ces articles après leur
transformation par la maison Gewa, enfin de mettre à la disposition de la
maison Gewa, sous passavant aussi, des étampes, outils, plans et dessins.

    Le 21 janvier 1964, tout en constatant que l'importation requise
échappait au régime du permis, la direction de la Chambre écarta la
requête pour le surplus, conformément aux instructions qu'elle avait
reçues du Département.

    Le 1er octobre 1964, saisie d'un recours de la maison Baumgartner
et de la maison Montre de sport Genève, contre cette décision, la
Commission fédérale de recours de l'industrie horlogère rejeta les
conclusions de la première purement et simplement, et celles de la
seconde dans la mesure où elles étaient recevables. Si elle se déclare
liée par la notion de politique traditionnelle de l'horlogerie, elle la
prend pour une donnée de fait, qu'elle ne saurait modifier. De plus, elle
s'estime incompétente pour définir les intérêts généraux de l'industrie
horlogère. Par conséquent, elle se borne à examiner si les opérations
envisagées par les recourantes sont conformes à la politique horlogère
traditionnelle telle qu'elle résulte des faits, ou aux intérêts généraux
de l'horlogerie tels que cette politique les exprime. Or, après avoir
constaté qu'en accord avec les intérêts généraux de l'horlogerie, la
politique traditionnelle de cette industrie tend à la conserver en Suisse,
à favoriser la vente de montres complètes et à lutter contre l'extension
de la production étrangère, la Commission de recours juge incompatible
avec ces objectifs l'exportation d'ébauches et de parties d'ébauches
à destination de la maison Gewa, ainsi que la mise à sa disposition
d'étampes, outils, plans et dessins. Bien que la convention collective
de l'industrie horlogère suisse, dans sa version du 1er avril 1959,
et l'accord horloger suisse du 1er juillet 1962 ouvrent aux maisons
suisses la possibilité de s'intéresser à des entreprises étrangères,
ces textes n'ont pas modifié la politique traditionnelle de l'horlogerie,
mais simplement autorisé certains organes à y déroger pour des motifs que
la Commission de recours n'a pas la compétence de contrôler. D'ailleurs,
jusqu'à présent, aucune entreprise italienne n'a pu acquérir en Suisse
les articles que la maison Baumgartner voudrait fournir à la maison Gewa.

    C.- Par le présent recours de droit administratif, les maisons
Baumgartner et Montre de sport Genève requièrent l'annulation de la
décision de la Commission de recours et l'autorisation de livrer à la
maison Gewa, sous passavant, des ébauches brutes et des parties d'ébauches,
ainsi que des étampes, outils, plans et dessins. Invoquant la violation
du droit fédéral et l'inexactitude ou l'insuffisance de constatations de
fait, elles demandent de pouvoir prendre connaissance du dossier de la
Commission de recours et déposer un mémoire complémentaire. En résumé,
elles argumentent de la manière suivante:

    Il est erroné de considérer comme une entreprise étrangère la
maison Gewa, qui forme une unité économique avec les recourantes. Si
elle n'avait pas été acquise par la maison Baumgartner, elle serait en
mains étrangères et concurrencerait l'industrie suisse. En revanche, les
recourantes n'ont d'autre but que de mettre l'activité de la maison Gewa au
service de l'horlogerie suisse. Aussi leurs projets, dont la réalisation
est vérifiable, ne sont-ils pas contraires à la politique traditionnelle
et aux intérêts généraux de l'industrie horlogère suisse. Il n'y a aucun
risque que la maison Gewa devienne une entreprise étrangère, la maison
Baumgartner n'ayant pas l'intention de s'en dessaisir. Quoi qu'il en soit,
les permis délivrés aux recourantes pourraient être immédiatement révoqués
en cas de vente des actions de la maison Gewa.

    La direction de la Chambre et la Commission de recours interprètent
extensivement le terme de chablonnage, au mépris de la volonté du
législateur, qui visait à assouplir le statut de l'horlogerie. Par
chablonnage, il faut entendre l'exportation définitive d'ébauches et
de pièces détachées en vue de la fabrication, à l'étranger, de montres
terminées au moyen de fournitures suisses. Or, après leur transformation,
toutes les pièces livrées à la maison Gewa reviendront en Suisse. Il
n'est donc pas question de chablonnage. De même, en attribuant un sens
large aux expressions de politique traditionnelle et d'intérêts généraux
de l'industrie horlogère, la décision attaquée méconnaît les intentions
libérales du législateur. Son argumentation est d'autant moins fondée que
les ébauches ont été soumises à la réglementation des exportations pour
assurer l'efficacité du contrôle technique, qui n'est pas en cause ici.

    Contrairement à l'opinion de la Commission de recours, les définitions
de notions légales par les organes de l'industrie horlogère, le Département
ou la commission prévue à l'art. 5 al. 2 de l'ordonnance II ne lient pas
les juridictions administratives. Sinon, les voies de recours seraient
inutiles.

    En permettant aux maisons suisses de s'intéresser à des entreprises
étrangères, les groupements horlogers eux-mêmes ont modifié profondément
leur politique traditionnelle, c'est-à-dire accepté la transplantation de
certaines branches de l'horlogerie à l'étranger. Dès lors, les relations
des recourantes avec la maison Gewa ne peuvent être considérées comme
contraires à la politique traditionnelle et aux intérêts généraux de
l'industrie suisse. Il y a lieu de relever que la maison Zénith a
été autorisée à exporter les machines et les outils nécessaires à sa
nouvelle succursale de Besançon et que les organisations horlogères
suisses favorisent la fabrication de l'horlogerie dans divers pays.

    Si la livraison d'ébauches et d'autres articles à la maison Gewa peut
être tenue juridiquement pour une exportation, il s'agit au point de vue
économique d'un transfert passager d'un département à l'autre d'une même
entreprise. De telles opérations ne tombent pas sous le coup du statut, qui
s'applique aux exportations proprement dites, à savoir en cas d'acquisition
définitive de l'objet exporté par une maison étrangère. Qu'elles occupent
du personnel italien en Suisse ou à Stresa, les recourantes ne lèsent
pas les intérêts de l'horlogerie suisse. Au contraire, c'est le refus
des permis sollicités qui pourrait obliger les recourantes à entreprendre
une fabrication d'horlogerie complète en Italie et à concurrencer ainsi
l'industrie suisse.

    Lorsqu'elle soupçonne la maison Baumgartner de chercher à bénéficier
en Italie de coûts de production moins élevés qu'en Suisse, la décision
attaquée émet une supposition gratuite et inexacte. En réalité, la
main-d'oeuvre est plus onéreuse à Stresa qu'en Suisse.

    De plus, il est faux de prétendre qu'en vendant comme suisses
des ébauches fabriquées en grande partie à l'étranger, les recourantes
feraient tort à l'industrie suisse. Personne ne s'aviserait de qualifier
d'étrangers les articles fabriqués en Suisse par des ouvriers italiens. Les
fournitures horlogères pouvant être librement importées en Suisse, il n'y
a aucune raison d'interdire le trafic que les recourantes se proposent
d'entreprendre avec la maison Gewa.

    Enfin, les recourantes ne peuvent se défendre de l'impression que leurs
concurrents suisses cherchent à exercer contre elles un boycott illégal.

    D.- La Chambre suisse de l'horlogerie conclut à l'irrecevabilité du
recours et, subsidiairement, à son rejet.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Les recourantes ont qualité pour agir selon l'art. 103 al. 1 OJ,
d'une part, à la forme, du fait qu'elles ont figuré comme parties dans
la procédure devant la Commission fédérale de recours, d'autre part,
au fond, parce qu'elles reprochent à ladite Commission d'avoir violé le
droit fédéral en leur refusant les permis d'exportation sollicités et se
prétendent ainsi lésées dans leurs intérêts juridiquement protégés.

    La direction de la Chambre estime à tort qu'en l'absence de violation
du droit fédéral et d'erreur dans l'appréciation juridique des faits,
le recours serait irrecevable. Car elle confond ainsi les questions de
recevabilité et celles de fond. Pour qu'un recours soit recevable, il
suffit, lorsque les autres conditions sont réalisées, que son auteur, à
tort ou à raison, invoque la violation du droit fédéral (RO 87 I 476). Tel
est le cas en l'espèce.

Erwägung 2

    2.- En vertu de l'art. 5 al. 1 de l'ordonnance d'exécution II, les
recourantes ont le droit de livrer des ébauches brutes et des parties
d'ébauches à la Maison Gewa si ces opérations sont conformes à la politique
traditionnelle en matière d'exportation de produits horlogers, notamment si
la Chambre est convaincue que le destinataire des produits ne les utilisera
pas contrairement aux intérêts généraux de l'industrie horlogère suisse. En
outre, selon l'art. 6 de la même ordonnance, l'exportation d'étampes,
outils, plans et dessins est admissible dans la mesure où elle répond
aux intérêts généraux de l'horlogerie suisse. Avant de se prononcer
sur le sens de ces dispositions et leur portée en l'espèce, il y a lieu
d'examiner si la Commission de recours et le Tribunal fédéral, dont les
pouvoirs sont identiques sur ce point, ont la compétence d'interpréter
librement les termes de politique traditionnelle et d'intérêts généraux.

    En principe, il faut répondre affirmativement. Ce sont là des notions
juridiques, dont il incombe aux juridictions administratives de contrôler
l'application. Peu importe que la direction de la Chambre soit tenue ou
non de se soumettre aux instructions qu'elle reçoit du Département de
l'économie publique suivant les art. 5 al. 2 et 6 de l'ordonnance II. A
la différence des organismes privés chargés d'une tâche étatique, les
juridictions administratives ne sauraient être liées par les directives
de l'administration, du moins sur les questions de droit. Cependant,
deux réserves se justifient.

    D'une part, les expressions "politique traditionnelle en matière
d'exportation de produits horlogers" et "intérêts généraux de l'industrie
horlogère suisse" sont imprécises ("unbestimmte Gesetzesbegriffe": WOLFF,
Verwaltungsrecht, 4e éd., I, p. 140) en ce sens que, même circonscrites
à l'aide de connaissances historiques et économiques spéciales, leur
définition et leur application aux faits donnés laissent une certaine
latitude de jugement à l'autorité. Sans doute s'agit-il néanmoins de
notions purement juridiques et cette latitude n'est-elle pas assimilable
à un pouvoir de libre appréciation qui implique la faculté de choisir
entre deux ou plusieurs solutions également justes. En réalité, une
seule interprétation sera correcte. Mais, vu son caractère particulier
et notamment les connaissances spéciales qu'elle exige, les organes
d'exécution sont mieux en mesure que les tribunaux de la déterminer. Dès
lors, le juge ne s'écartera de l'interprétation donnée par ces organes
qu'en présence d'une erreur manifeste de leur part. Dans des cas analogues,
du reste, le Tribunal fédéral s'est constamment imposé une certaine
retenue, considérant que son pouvoir d'examen était limité; il l'a fait, en
particulier, sous l'empire de l'ancien statut de l'horlogerie, s'agissant
des intérêts importants de l'industrie horlogère (AF du 22 juin 1951,
art. 4 al. 1; RO 79 I 383). De plus, la Commission de recours le relève
à juste titre, il n'appartient pas aux juridictions administratives de
diriger la politique horlogère et notamment de l'adapter aux circonstances
changeantes. Elles doivent bien plutôt se borner à en constater le contenu,
tel qu'il résulte des mesures prises par les autorités législatives et
exécutives, ainsi que par les organes directeurs de l'horlogerie, puis
à rechercher si les décisions contestées devant elles se conforment aux
dispositions arrêtées par les agents compétents.

Erwägung 3

    3.- Dans les limites qui viennent d'être tracées, le Tribunal fédéral
doit définir, selon le Statut légal de l'horlogerie et l'ordonnance
d'exécution II, d'une part la politique traditionnelle en matière
d'exportation de produits horlogers, d'autre part les intérêts généraux
de l'industrie horlogère suisse.

    a) Comme toute politique, celle de l'horlogerie suisse est un ensemble
de buts et de moyens. Cependant, si le législateur ne par le pas simplement
de politique, mais de politique traditionnelle, c'est qu'il entend se
référer à un élément durable. Or la constante de la politique horlogère
en matière d'exportations, ce sont ses buts plutôt que ses moyens.

    En tout temps, cette politique a visé à favoriser autant que possible
la vente de montres terminées en Suisse et, partant, à lutter contre la
concurrence étrangère. Cela ressort clairement d'un exposé présenté par
le directeur de la Chambre, dont la décision attaquée a repris les vues
sans susciter de critique de la part des recourantes. Le Tribunal fédéral
n'a aucune raison d'en juger autrement. Peu importe que la convention
collective de l'industrie horlogère, dans sa version du 1er avril 1959
(sous II, ad art. 20 à 23), et l'accord horloger suisse du 1er juillet 1962
(art. 10 et 11) ouvrent aux maisons suisses la possibilité de s'intéresser
à des entreprises étrangères. Réservant l'un et l'autre les intérêts
généraux de l'industrie horlogère, ces textes ne s'éloignent pas de ses
buts permanents.

    Quant aux moyens d'atteindre ces derniers, il s'agit en particulier de
restrictions d'exportation. C'est ainsi que, successivement, les arrêtés
du Conseil fédéral des 12 mars 1934, 30 décembre 1935, 29 décembre 1937,
29 décembre 1939 et 23 décembre 1948, puis l'arrêté fédéral du 22 juin 1951
ont subordonné à une autorisation la livraison à l'étranger d'ébauches,
de chablons et de fournitures, ainsi que des opérations analogues. Certes,
conformément à sa tendance libérale, le statut du 23 juin 1961 a atténué
un peu la rigueur de ces mesures (cf. Bull. stén. 1961, CN p. 220 et CE
p. 128). Au lieu de maintenir lui-même le régime du permis, il accorde
au Conseil fédéral le pouvoir de le conserver "dans la mesure requise
pour soutenir la politique traditionnelle en matière d'exportation de
produits horlogers et atteindre le but assigné au contrôle technique
de ces produits" (art. 7 al. 1). A première vue, on peut s'étonner
qu'au moment d'assouplir un système en vigueur depuis près de trente
ans, le législateur manifeste l'intention de "soutenir la politique
traditionnelle". Toutefois, pour résoudre cette contradiction apparente,
il suffit de caractériser la politique horlogère traditionnelle par ses
buts, qui n'ont jamais varié, et non par ses modalités d'application,
qui sont susceptibles de modifications.

    En définitive, on entendra par politique traditionnelle de l'horlogerie
son objectifconstant, à savoir le souci de développer la vente de montres
fabriquées entièrement en Suisse. Dès lors, il est inutile de se prononcer
sur la notion de chablonnage ou les motifs de soumettre les ébauches à
la réglementation des exportations. Ces questions sont étrangères à la
politique horlogère traditionnelle telle qu'elle se définit par ses buts.

    d) Quant aux intérêts généraux de l'industrie horlogère
suisse, ils coïncident avec ses buts, c'est-à-dire sa politique
traditionnelle. Exprimée par le directeur de la Chambre, cette opinion
n'est manifestement pas inexacte. A l'instar de la Commission de recours,
le Tribunal fédéral ne peut que la faire sienne.

Erwägung 4

    4.- Appliquant ces principes, le Tribunal fédéral doit admettre avec
la direction de la Chambre et la Commission fédérale de recours, d'une
part, que la livraison d'ébauches brutes et de parties d'ébauches à la
maison Gewa ne s'accorde pas avec la politique traditionnelle en matière
d'exportation de produits horlogers, d'autre part, que la fourniture
d'étampes, outils, plans et dessins à la même maison peut porter atteinte
aux intérêts généraux de l'horlogerie suisse. Il y a lieu de craindre,
en effet, qu'une fois en possession de ces articles, la maison Gewa ne
les vende à des entreprises étrangères ou ne les utilise à leur service,
favorisant ainsi les concurrents des fabricants suisses de montres
finies. Dans le mémoire qu'elles ont adressé à la Commission de recours,
les recourantes elles-mêmes paraissent en convenir. "Commercialement et
du point de vue économique privé, disent-elles, Gewa eût été et serait à
même de vendre sans aucune restreinte ou difficulté les ébauches ancre
ou Roskopf de sa production. Pour ce faire, elle n'aurait qu'à donner
suite aux très nombreuses demandes de livraison émanant des concurrences
étrangères japonaise, allemande, italienne ou des Virgin Islands,
sans mentionner les quelques établisseurs suisses désirant s'installer
en Italie."

    Sans doute les recourantes affirment-elles leur intention de rapatrier
les produits mis à la disposition de la maison Gewa et contestent-elles
dès lors aux opérations projetées le caractère d'exportations au sens
économique du mot. Ce n'est pas là toutefois, une garantie suffisante. Les
recourantes ne sont pas seules maîtresses de leur sort et, même sans le
vouloir peut-être, pourraient être contraintes de modifier leurs plans. De
plus, le contrôle qu'elles déclarent accepter ne serait qu'imparfait. S'il
est possible de vérifier la réimportation des ébauches et des parties
d'ébauches, il n'en est pas de même de l'emploi des outils, plans et
dessins. Au surplus, en cas de vente des actions de la maison Gewa à une
entreprise étrangère, toute précaution deviendrait vaine. En l'occurrence,
les marchandises en possession de la maison Gewa pourraient passer dans
les mains de tiers sans aucun contrôle.

    Dans ces conditions, il n'est pas exclu que la délivrance des permis
sollicités fasse le jeu d'entreprises étrangères aux dépens de l'industrie
suisse de la montre terminée. La Commission de recours n'a donc pas violé
les textes applicables en considérant les projets des recourantes comme
contraires à la politique traditionnelle et aux intérêts généraux de
l'horlogerie suisse.

    Les recourantes n'ont pas établi que, dans une situation similaire à
la leur, d'autres maisons aient bénéficié de permis d'exportation. Si des
parties de montres ont été livrées dans des pays où l'industrie horlogère
s'est implantée et avec lesquels la Suisse peut être amenée à coopérer
dans une certaine mesure, il ne s'ensuit pas qu'il faille autoriser la
fourniture des mêmes articles en Italie, où la fabrication de l'horlogerie
est pour ainsi dire inexistante. En tout cas, l'exemple de la maison
Zénith n'est pas concluant; de notoriété publique, cette entreprise a
une succursale française depuis nombre d'années et jouit ainsi d'une
situation acquise dont les recourantes ne sauraient se prévaloir.

Erwägung 5

    5.- Il est superflu de communiquer aux recourantes le dossier complet
de la Commission de recours et de leur permettre de répliquer. A vrai dire,
il se peut qu'elles n'aient pas eu connaissance d'une pièce du dossier,
soit du rapport établi par le directeur de la Chambre. Toutefois, dans la
mesure où la décision attaquée fait état de ce document, elle se réfère
à des considérations toutes générales dont aucun fabricant d'horlogerie
ne saurait discuter la pertinence, ni la justesse.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.