Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 91 I 329



91 I 329

53. Extrait de l'arrêt du 13 octobre 1965 dans la cause Barret et consorts
contre Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel. Regeste

    Eigentumsgarantie. Gesetzliche Grundlage, öffentliches Interesse,
materielle Enteignung.

    1.  Ob eine öffentlich-rechtliche Eigentumsbeschränkung auf einer
gesetzlichen Grundlage beruhe, prüft das Bundesgericht frei, sobald der
Eingriff besonders schwer ist; dass er ausserdem weiter gehe, als bisher
üblich war, ist nicht erforderlich (Erw. 1a).

    2.  Gesetzliche Grundlage, nach neuenburgischem Recht, für einen
Bebauungsplan, der den Schutz eines Landschaftsbildes bezweckt und
aufgestellt wurde vom Regierungsrat anstelle der Gemeinde, welche es
ablehnte, die erforderlichen Massnahmen zu treffen (Erw. 1 b).

    3.  Voraussetzungen, unter denen eine öffentlich-rechtliche
Eigentumsbeschränkung im öffentlichen Interesse liegt; Pflicht
der Behörden, das behauptete öffentliche Interesse mit den
entgegenstehenden privaten Interessen zu vergleichen und den Grundsatz der
Verhältnismässigkeit zu beachten. Schutz des natürlichen Landschaftsbildes
als im öffentlichen Interesse liegende Aufgabe (Erw. 2).

    4.  Begriff der materiellen Enteignung; Präzisierung der bisherigen
ständigen Rechtsprechung (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- Il y a plusieurs années, la commune de Bevaix (canton de Neuchâtel)
prépara un plan d'aménagement pour l'ensemble de son territoire. Les études
furent suspendues en raison de la construction d'une route cantonale et de
travaux d'améliorations foncières. La commune entreprit alors l'étude de
plans partiels. Le 17 mai 1963, son Conseil général adopta un règlement des
grèves communales. Le 10 juillet 1964, le Conseil d'Etat informa cependant
le Conseil communal qu'il ne pouvait sanctionner ce plan. En même temps,
il lui fit savoir qu'il estimait urgent de protéger les grèves et le coteau
de l'Abbaye, qui les domine; c'est pourquoi il lui remit, pour ce site,
un projet de plan et de règlement élaboré par les services cantonaux et
lui impartit un délai au 30 septembre 1964 pour le soumettre au Conseil
général. Il précisa que, faute d'une décision de celuici avant le 31
décembre 1964, il prendrait lui-même les mesures de protection nécessaires.

    Le 18 février 1965, le Conseil général de Bevaix adopta le projet du
Conseil d'Etat; mais, saisis par une demande de referendum, les électeurs
de la commune le repoussèrent, en date des 24 et 25 avril 1965, par 251
voix contre 210. Le 14 mai 1965, invoquant les lois cantonales du 12
février 1957 sur les constructions (LC) et du 26 octobre 1964 sur la
protection des monuments et des sites (LPMS), et considérant qu'à la
suite de cette votation populaire il s'imposait de prendre des mesures
provisoires afin de sauvegarder les lieux, le Conseil d'Etat édicta
un règlement concernant le plan d'aménagement des grèves et du coteau
de l'Abbaye (RGA). Ce règlement, auquel est annexé un plan, est entré
immédiatement en vigueur. Il doit le demeurer jusqu'au 31 mai 1967. Il
reprend les dispositions du projet rejeté par les électeurs et divise
le territoire protégé en six zones: zone d'interdiction de bâtir, zone
viticole, zone rurale, zone d'affectations spéciales, zone de constructions
basses et zone de chalets de week-end.

    B.- Pierre Barret et 39 consorts ont formé un recours de droit public
par lequel ils requièrent le Tribunal fédéral d'annuler le règlement du 14
mai 1965. Ils sont propriétaires de biens-fonds sis dans le territoire
visé par le règlement attaqué; sauf cinq d'entre eux, ils sont tous
domiciliés à Bevaix. Ils reprochent au Conseil d'Etat d'avoir passé outre
au résultat négatif de la votation communale des 24 et 25 avril 1965.
Ils se plaignent à cet égard d'une atteinte à leurs droits politiques.
Ils affirment de plus être victimes d'un déni de justice et d'une violation
de la garantie de la propriété.

    Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.

    Une délégation du Tribunal fédéral s'est rendue sur les lieux.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    III. - Le règlement attaqué frappe les terrains des recourants
de diverses restrictions de droit public à la propriété. De telles
restrictions sont compatibles avec la garantie de la propriété pourvu
qu'elles reposent sur une base légale, qu'elles soient conformes à
l'intérêt public et que, lorsqu'elles équivalent à une expropriation,
elles donnent lieu au paiement d'une indemnité (RO 90 I 340).

Erwägung 1

    1.- a) Ordinairement, le Tribunal fédéral revoit sous le seul angle
de l'arbitraire la question de la base légale d'une restriction de droit
public à la propriété. Il ne statue librement que si la restriction
litigieuse est particulièrement grave et dépasse largement ce qui était
usuel jusqu'alors en Suisse (RO 74 I 156; 78 I 428; 81 I 29; 84 I 173;
88 I 84, 175/176; 89 I 104, 191/192). La jurisprudence, il est vrai, n'a
pas toujours traité exactement de la même manière les deux conditions
dont la Chambre de céans fait dépendre son plein pouvoir d'examen. Les
arrêts précités en font nettement deux conditions distinctes, qui doivent
l'une et l'autre être remplies pour que le Tribunal fédéral puisse statuer
librement. Dans d'autres arrêts, le caractère inhabituel de l'atteinte
ne paraît être invoqué que pour en expliciter la gravité particulière (RO
76 I 336, 77 I 218, 91 I 125 et, dans une certaine mesure aussi, RO 85 I
231). Enfin, dans un arrêt récent (RO 89 I 467/468), auquel il s'est encore
référé depuis lors à l'occasion d'une affaire analogue (RO 90 I 340),
le Tribunal fédéral, saisi d'un règlement protégeant aussi un territoire
étendu, a rappelé les deux conditions précitées, qu'il a présentées comme
des conditions distinctes; mais il s'est reconnu le pouvoir de statuer
librement, alors que seule la condition relative à la gravité particulière
de l'atteinte était remplie et qu'à ses yeux la restriction appartenait
à une catégorie de mesures usuelles. C'est cette dernière tendance de la
jurisprudence qui doit être confirmée. Le Tribunal fédéral revoit librement
la base légale d'une atteinte à la liberté individuelle pour peu qu'elle
soit spécialement sensible (RO 90 I 39, 91 I 35). De même, il doit examiner
avec plein pouvoir la base légale d'une restriction de droit public à la
propriété, dès l'instant qu'elle est particulièrement grave. Suivant les
circonstances, le caractère inhabituel d'une mesure peut être un indice de
sa gravité. Mais il ne l'est pas nécessairement. Et en tout cas, il ne doit
pas être érigé en une condition indépendante. Sinon le Tribunal fédéral
devrait examiner sous le seul angle de l'arbitraire la base légale de
restrictions très graves qui, après avoir été introduites dans un canton,
se seraient rapidement généralisées, sans que la Chambre de céans ait eu
à en connaître à l'origine. La garantie de la propriété n'y trouverait
pas son compte. En l'espèce, le règlement attaqué prohibe complètement
toute construction sur certaines parcelles, ne tolère sur d'autres que
des constructions viticoles ou rurales. Il frappe un territoire étendu
dans une zone où la construction de villas et de maisons de week-end
est en plein développement. Les restrictions qu'il impose sont dès lors
particulièrement graves. Le Tribunal fédéral en discutera donc librement
la base légale.

    b) Le problème de la base légale se présente ici sous un double
aspect. Il importe d'examiner d'une part si la loi autorisait le Conseil
d'Etat à intervenir, d'autre part si elle lui permettait d'ordonner les
mesures qu'il a prises.

    aa) L'art. 24 LC subordonne à diverses conditions le droit du Conseil
d'Etat d'intervenir. Il est nécessaire tout d'abord que des "besoins
nouveaux" soient apparus. Tel est le cas en l'espèce: les communes
du littoral neuchâtelois, notamment celle de Bevaix, se développent
rapidement; il y a lieu de craindre dès lors que les coteaux de l'Abbaye,
déjà couverts de constructions en une de leurs extrémités, ne continuent
à se bâtir. Avant de prendre lui-même les mesures nécessaires, le Conseil
d'Etat doit - seconde condition - fixer à la commune un délai convenable
pour agir. Il l'a fait en l'espèce: après avoir imparti à la commune,
le 10 juillet 1964, un délai assez bref, qui expirait le 31 décembre
1964, il l'a prolongé et a attendu que toutes les autorités communales,
y compris l'assemblée des électeurs, se soient prononcées sur le projet
de règlement qui leur était soumis. D'après le texte de l'art. 24 LC,
ce que le Conseil d'Etat peut demander à la commune de faire dans le
délai qu'il lui assigne, c'est - troisième condition - d'"adapter" le
plan d'aménagement existant aux besoins nouveaux. Or, en l'occurrence,
il a invité la commune de Bevaix, à élaborer de toutes pièces un plan. Il
est clair cependant que, s'il a le droit de demander une modification du
plan communal, il a aussi le pouvoir d'ordonner l'établissement d'un tel
plan là où il n'y en a pas encore. L'intervention du Conseil d'Etat est
subordonnée ensuite à la condition que la commune ne se soit pas soumise à
son invitation. Ainsi en a-t-il été en l'espèce. Peu importe que le Conseil
communal puis le Conseil général aient accepté le règlement proposé par
l'administration cantonale. En effet, l'assemblée des électeurs, autorité
suprême de la commune, l'a repoussé. Elle a ainsi manifesté la volonté de
ne pas se soumettre aux injonctions du Conseil d'Etat. Enfin - dernière
condition - celui-ci ne peut ordonner que "les mesures commandées par les
circonstances". La question du respect de cette règle dépend de l'intérêt
public du règlement. Elle sera tranchée affirmativement (voir consid. III,
2). Il s'ensuit que toutes les conditions de l'art. 24 LC étaient remplies
et que le Conseil d'Etat était ainsi autorisé à intervenir.

    bb) Quant à la légalité des mesures prises, l'art. 22 al. 2 LC
dispose que les plans d'aménagement communaux peuvent prévoir notamment
des zones de verdure et des zones agricoles ou viticoles. De plus,
selon l'art. 19 lettre a LC, les règlements communaux doivent contenir
des dispositions concernant le régime des différentes zones fixées
par les plans d'aménagement. Enfin, d'après l'art. 20 lettre c, ils
peuvent interdire les "installations de nature à altérer l'aspect des
bâtiments, des localités et des sites (affiches, inscriptions, images,
vitrines, enseignes, etc.)". Se fondant sur ces textes et sous réserve
de l'art. 8 al. 2 RGA, qui sera examiné plus bas, la commune de Bevaix
aurait pu adopter les diverses dispositions du règlement attaqué,
notamment l'art. 2 relatif à la zone d'interdiction de bâtir, l'art.
3 qui bannit de la zone viticole tout bâtiment ou ouvrage étranger à
la viticulture et l'art. 4, qui institue des règles analogues pour la
zone rurale. Or, par le jeu de l'art. 24 LC, applicable en l'espèce,
le Conseil d'Etat était en droit d'exercer les pouvoirs dont la commune
n'avait pas fait usage. Les mesures qu'il a prises reposent ainsi sur
une base légale. Du reste, elles s'appuient aussi valablement sur la loi
protégeant les monuments et les sites. L'art. 11 LPMS protège en effet les
sites naturels ou construits qui ont été délimités conformément à la loi
sur les constructions; de plus, l'art. 13 LPMS autorise le Conseil d'Etat
à interdire tout acte ayant pour effet de porter atteinte à ces sites,
en particulier les constructions mobilières ou immobilières ainsi que
l'installation de tentes et de caravanes ou autres véhicules. Dès lors,
après avoir, comme il l'a fait, délimité la région de l'Abbaye conformément
à l'art. 24 LC, l'autorité cantonale était fondée à restreindre les
droits des propriétaires d'immeubles sis sur ce territoire. Elle pouvait
en particulier adopter l'art. 8 al. 2 RGA, qui interdit d'installer
dans le territoire protégé "une tente en vue de pratiquer le camping,
une caravane, un autre véhicule habitable ou une construction de nature
mobilière". En effet, douteuse au regard du seul art. 20 lettre c LC,
la légalité de cette disposition est indiscutable au vu de l'art. 13
LPMS. Il reste à savoir si le territoire protégé est un site au sens
de l'art. 10 LC, c'est-à-dire un "paysage caractéristique". Comme on va
le voir, la question doit être résolue affirmativement. La légalité de
l'ensemble des mesures prises dans le règlement est donc établie.

Erwägung 2

    2.- Le principe selon lequel une restriction du droit de propriété doit
être conforme à l'intérêt public, souvent énoncé dans la jurisprudence
sous cette forme lapidaire (RO 90 I 340, 89 I 467), présente en réalité
des aspects divers. En effet, la mesure envisagée n'est pas conforme à
la garantie de la propriété par cela seul qu'elle répond à un intérêt
public quelconque. D'une part, il faut que l'intérêt public allégué
soit suffisamment important pour justifier une atteinte à des intérêts
privés. La solution de cette question dépend de la comparaison des intérêts
en présence (cf. RO 87 I 517). D'autre part, supposé que l'intérêt public
l'emporte, il reste à savoir si les mesures prises permettent d'atteindre
le but d'intérêt public visé ou si, au contraire, elles le dépassent et,
partant, limitent la propriété dans une mesure que n'exige pas la fin
recherchée. Autrement dit, il s'agit de déterminer si la restriction
ordonnée est conforme au principe de proportionnalité (RO 84 I 173,
175/176; 85 I 233; 88 I 228, 295; 90 I 343). Lorsque, comme en l'espèce,
ces problèmes relèvent du fait plutôt que du droit, le Tribunal fédéral les
examine sous le seul angle de l'arbitraire (RO 88 I 252, 294; 89 I 196).

    a) Il convient de rechercher en premier lieu si le Conseil d'Etat
est tombé dans l'arbitraire en faisant prévaloir l'intérêt public sur
les intérêts privés des recourants. Cela dépend tout d'abord de savoir
si la zone protégée est un site au sens de l'art. 10 lettre a LPMS.

    Cette zone est divisée en deux parties. La première comprend les
grèves du lac et les coteaux plantés de vignes qui les dominent. Elle
mesure environ 2,5 km de long pour une largeur moyenne de quelque 200 m. La
seconde, qui jouxte au nord la moitié est de la première, est formée par
le vallon de la Tuilerie. Elle est longue de 800 m. à peu près. Sa largeur
moyenne est de l'ordre de 450 m. Abstraction faite des zones réservées aux
chalets de week-end et aux constructions basses, le territoire tout entier
a un caractère agreste. Peu ou pas déparée par la main de l'homme, la
première des régions décrites ci-dessus est d'une grande beauté. Derrière
les étendues de roseaux qui s'avancent par endroits dans le lac, derrière
les grèves baignées d'une eau limpide encore, s'élèvent un rideau d'arbres,
puis le coteau planté de vignes et couronné à l'arrière-plan par les crêtes
lointaines du Jura. Quant au vallon de la Tuilerie, il a conservé aussi
un caractère champêtre. Certes il y existe une place de tir utilisée
pour le fusil d'assaut et le lance-mines. Mais le parapet d'où l'on
tire est discret et n'attire pas l'attention; quant à la zone des buts,
le terrain y est sans doute labouré par les projectiles; le paysage n'en
est cependant pas sérieusement enlaidi. Dès lors, il n'est certainement
pas arbitraire de considérer le territoire visé par le règlement comme un
paysage caractéristique, c'est-à-dire comme un site au sens de l'art. 10
lettre a LPMS.

    Souvent déjà, le Tribunal fédéral a jugé que la protection des sites
naturels par des règles interdisant ou limitant la construction était
une tâche d'intérêt public (RO 88 I 253). Elle est effectivement le seul
moyen de sauvegarder pour les générations à venir l'image du pays tel
qu'il était avant que l'homme ne le transformât profondément, souvent
en le défigurant. Elle permet seule de maintenir intactes les beautés
qu'offre la nature. Dans les régions où la densité de la population et de
la construction croît rapidement, elle assure aux habitants des endroits
où ils peuvent venir chercher la tranquillité dont ils ont de plus en
plus besoin en raison des exigences de la vie moderne. A cet égard,
elle s'impose particulièrement pour les sites naturels sis à proximité
des agglomérations urbaines (Bevaix n'est qu'à quelques kilomètres de
Neuchâtel).

    Certes, les recourants affirment que la culture de leurs vignes
devient de plus en plus difficile. Toutefois, cela ne change rien à
l'intérêt public du plan, qui ne vise pas à maintenir la viticulture
mais à sauvegarder un site. Du reste, les difficultés alléguées ne sont
pas démontrées: il subsiste à Bevaix un vignoble d'une certaine étendue
et d'une qualité appréciable, et si quelques parchets ont été arrachés,
d'autres ont été reconstitués récemment. Sans doute aussi, les recourants
font valoir que l'autorité cantonale s'est abstenue d'intervenir en faveur
d'autres sites plus remarquables encore. Mais ils n'en mentionnent aucun,
sauf les quais de Neuchâtel qui, déjà bâtis depuis longtemps, ne sauraient
être protégés par des mesures du genre de celles que prescrit le règlement
attaqué. D'ailleurs ils se trompent, car, sur le territoire des communes
voisines de Cortaillod et Boudry, les rives du lac et les coteaux qui
les dominent sont protégés par des règlements communaux approuvés par
le Conseil d'Etat. Et même s'ils avaient raison, cela n'empêcherait
pas d'affirmer, sans pour autant tomber dans l'arbitraire, que le plan
aujourd'hui litigieux répond à un intérêt public d'une haute portée.

    A cet intérêt public, les recourants peuvent opposer l'intérêt privé
qu'ils possèdent à conserver intacts leurs droits de propriétaires.
Toutefois, ce dont ils se plaignent, c'est essentiellement - leurs
déclarations au cours de l'inspection locale l'ont confirmé - de perdre
la faculté de vendre leurs terrains comme parcelles à bâtir. Autrement
dit, ils sont préoccupés surtout de pouvoir réaliser en argent la valeur
de leurs terres. Or sous cet angle leurs droits de propriétaires sont
sauvegardés car, dans la mesure où ils sont victimes d'une expropriation
matérielle, ils auront droit à une indemnité. La perte qu'ils subissent
de certaines facultés découlant du droit de propriété ne saurait dès lors
prévaloir sur l'intérêt public essentiel que le plan vise à sauvegarder. Du
moins n'est-ce pas arbitraire de l'affirmer.

    b) Quant au principe de proportionnalité, il peut paraître rigoureux
d'interdire toute tente et toute construction mobilière. Cependant,
si un propriétaire obtenait les autorisations nécessaires à cet effet,
le principe de l'égalité de traitement interdirait de les refuser aux
autres. La zone protégée risquerait alors de se couvrir d'installations
qui la défigureraient gravement. Le seul moyen adéquat de prévenir
un tel danger consiste à prohiber absolument toutes ces installations,
sauf à ouvrir un emplacement limité pour un camping, comme le projette le
Conseil communal (cf. RO 89 I 476/477). Les autres mesures ordonnées ont
été choisies de manière à atteindre exactement le but visé. Le principe
de proportionnalité est dès lors respecté.

Erwägung 3

    3.- Selon la jurisprudence, un citoyen ne saurait se plaindre d'une
atteinte à la garantie de la propriété pour défaut ou insuffisance
d'indemnité tant qu'une voie de droit lui est ouverte pour réclamer la
réparation du préjudice qu'il subit (RO 81 I 347, 350; 82 I 161; 84 I
176; 88 I 85). Il convient d'examiner si le droit neuchâtelois ouvre une
telle voie.

    Aux termes des art. 17 al. 1 et 28 al. 1 LC, les restrictions de
la propriété qui résultent des plans cantonaux ou des dispositions
réglementaires sur les plans d'aménagement communaux donnent
lieu à indemnité si, par leurs effets, elles équivalent à une
expropriation. L'art. 17 al. 1 LPMS contient une règle analogue. De plus,
les art. 9 LC et 8 LPMS disposent que les autorités chargées par la loi
cantonale sur l'expropriation de fixer les indemnités d'expropriation
arrêtent, selon la procédure prévue par cette loi, les indemnités dues
notamment en raison de la protection d'un site. Il est vrai que cette
procédure est applicable par analogie seulement, et qu'il appartient
non à l'expropriant mais au propriétaire lésé d'agir (arrêt du Tribunal
cantonal neuchâtelois, du 28 juin 1965, dans la cause Etat de Neuchâtel
c. Bernhard). Il n'en reste pas moins que, dans la mesure où ils sont
victimes d'une expropriation matérielle, les recourants ont le moyen
d'obtenir un dédommagement. Pour l'instant dès lors, ils ne sont pas
fondés à se plaindre sur ce point d'une atteinte à la garantie de la
propriété. Si, par hypothèse, les autorités qu'ils ont le droit de saisir
se déclaraient incompétentes, il leur serait loisible de demander la
revision du présent arrêt (RO 81 I 350).

    Tout au plus convient-il de préciser la notion d'expropriation
matérielle posée par la jurisprudence du Tribunal fédéral et sur laquelle
les autorités neuchâteloises paraissent se fonder (arrêt du Tribunal
cantonal neuchâtelois du 28 juin 1965, précité). Selon cette jurisprudence,
un propriétaire est victime d'une expropriation matérielle soit lorsqu'il
"se voit interdire l'usage qu'il faisait jusqu'alors de sa chose ou
l'utilité économique qu'il en tirait", soit "lorsque l'interdiction
restreint l'utilisation de la chose d'une manière particulièrement sensible
et qu'elle ne frappe qu'un seul propriétaire ou quelques propriétaires
seulement, et cela dans une mesure telle que, s'ils ne recevaient pas
d'indemnité, ils devraient supporter un sacrifice par trop considérable en
faveur de la collectivité" (arrêt non publié du 3 juin 1946 dans la cause
Le Fort; RO 69 I 241; 81 I 346/347; 82 I 164; 89 I 385, 461/462). Dans
la premiére éventualité, dit un arrêt récent, la jurisprudence protège
surtout l'utilisation actuelle du bien. Dans la seconde, elle vise à
sauvegarder l'utilisation possible de l'immeuble à l'avenir (RO 89 I 385).
Les principes ainsi posés appellent deux observations.

    Tout d'abord, l'arrêt RO 89 I 385 opère entre les deux éventualités
envisagées par la jurisprudence une distinction qui n'est pas
nécessaire. En réalité, dans l'un et l'autre cas, il s'impose de
protéger non seulement l'utilisation actuelle du fonds, mais également
son utilisation possible à l'avenir. Toutes les utilisations possibles
dans le futur ne sauraient cependant être retenues. Seules méritent
protection celles qui, au regard des circonstances, apparaissent comme
très probables dans un proche avenir.

    Ensuite, pour éclairer la définition que la jurisprudence donne de
l'expropriation matérielle d'une façon peut-être trop schématique, il
convient de rappeler les principes qui l'inspirent. Le Tribunal fédéral
entend traiter de manière différente d'une part les atteintes les plus
graves au droit de propriété, d'autre part les atteintes qui, tout en étant
lourdes, n'ont pas le caractère extrême de celles-là. Le premier cas est
ordinairement réalisé lorsque le propriétaire est entièrement privé de
l'une des facultés essentielles découlant de son droit de propriété. Une
indemnité est alors toujours due. Point n'est besoin de rechercher si
l'intéressé est touché de la même manière que d'autres. Le sacrifice
qu'il doit faire est réputé excessif. Le second cas survient quand le
propriétaire, sans être privé de l'une des facultés essentielles découlant
de son droit, est cependant restreint dans l'exercice de ce droit d'une
manière considérable. En pareille hypothèse, une indemnité n'est due que
s'il y a une inégalité de traitement et afin de rétablir un équilibre
rompu par les mesures prises. La pratique révèle quantité d'éventualités
qui sont plus ou moins à mi-chemin entre les deux exemples donnés par la
jurisprudence. L'autorité doit les examiner en partant du principe que
plus le propriétaire fait un sacrifice élevé, moins il importe de savoir
comment il est traité par rapport à des tiers.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette le recours.