Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 91 I 17



91 I 17

5. Extrait de l'arrêt du 20 janvier 1965 dans la cause Fondation Nordmann
contre Conseil d'Etat du Canton de Genève. Regeste

    Derogatorische Kraft des Bundesrechts. Art. 113 Abs.3 BV und 2
Ueb.-Best.

    1.  Der Grundsatz der derogatorischen Kraft des Bundesrechts ist
von den Kantonen wie auch vom Bundesgericht immer dann zu beachten,
wenn eine Vorschrift des kantonalen Rechts nicht in Einklang steht mit
dem Bundesrecht, gleichgültig ob dieses verfassungsmässig ist oder nicht
(Erw. 2).

    2.  Ist ein Gebiet des öffentlichen Rechts durch eine (sogar nicht
verfassungsmässige) Ordnung des Bundesrechts abschliessend geregelt, so
sind die Kantone nicht mehr befugt, auf diesem Gebiete durch Aufstellung
abweichender Grundsätze Recht zu setzen (Erw. 5).

    3.  Eine Ordnung ist abschliessend, wenn sie ausdrücklich das
ganze Gebiet regelt oder wenn sie sich zwar nur auf einen Teil bezieht,
aber in der Meinung, dass daneben keinerlei Vorschriften erlassen werden
dürfen. Der Entscheid hierüber hängt von Anhaltspunkten ab, die von Fall zu
Fall verschieden sind (Natur, Gegenstand, Zweck einer Massnahme) (Erw. 5).

    4.  Verhältnis zwischen dem Bundesbeschluss vom 13. März 1964 über die
Bekämpfung der Teuerung durch Massnahmen auf dem Gebiete der Bauwirtschaft
und dem Genfer Gesetz vom 17. Oktober 1962, das den Abbruch und den
Umbau von Wohnhäusern einschränkt. Das Genfer Gesetz kann Abbrucharbeiten
verbieten, die nach dem Bundesbeschluss zulässig sind (Erw. 3 und 5).

Sachverhalt

    A.- L'immeuble sis au no 15 de la rue Cavour à Genève contient quinze
appartements de trois et quatre pièces. Le 5 octobre 1962, la "Fondation
M. et Mme Robert Nordmann" (ci-après la fondation) l'acheta pour en
faire un foyer destiné aux personnes âgées de confession israélite. Le 27
novembre 1963, elle demanda au Département des travaux publics du canton
de Genève l'autorisation d'effectuer les transformations nécessaires dans
le bâtiment. Le 19 février 1964, le département refusa le permis. Il
constata que la maison était encore occupée et que sa stabilité n'était
pas compromise. Il se fonda sur les dispositions de la loi genevoise
du 17 octobre 1962 restreignant les démolitions et transformations
de maisons d'habitation (LD), et qui prévoit notamment que, durant la
pénurie de logements et sous réserve d'exceptions "justifiées par des
motifs d'intérêt public ou d'intérêt général", nul ne peut "faire modifier
sensiblement la destination d'une maison d'habitation occupée ou inoccupée"
(art. 1er et 3 LD).

    Le 5 août 1964, le Conseil d'Etat du canton de Genève rejeta un
recours que lui avait adressé la fondation.

    B.- Agissant par la voie du recours de droit public, la fondation
a requis le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêté du Conseil d'Etat
et d'inviter celui-ci à accorder le permis de transformation. Elle a
soutenu notamment que l'autorité cantonale avait violé le principe de la
force dérogatoire du droit fédéral en n'appliquant pas les dispositions
de l'arrêté fédéral du 13 mars 1964 concernant la lutte contre le
renchérissement par des mesures dans le domaine de la construction
(ci-après l'arrêté fédéral ou ARC).

    Le Conseil d'Etat a conclu au rejet du recours.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des motifs:

Erwägung 2

    2.- Selon l'art. 2 Disp. trans. Cst., "les dispositions des lois
fédérales, des concordats et des constitutions ou des lois cantonales
contraires à la présente constitution cessent d'être en vigueur par le
fait de l'adoption de celle-ci ou de la promulgation des lois qu'elle
prévoit". Se fondant sur la lettre de ce texte, le Conseil d'Etat affirme
que la règle exprimée par l'art. 2 Disp.trans.Cst. ne saurait jouer de rôle
en l'espèce, puisque l'arrêté fédéral est un arrêté extra-constitutionnel
au sens de l'art. 89 bis al. 3 Cst.

    Certes, le Tribunal fédéral a presque toujours rattaché le principe
de la force dérogatoire du droit fédéral à l'art. 2 Disp.trans.Cst. Il
n'a pas pour autant voulu en limiter la portée à celle qui pourrait
résulter des seuls termes de cette disposition. En particulier, il n'a
jamais contesté l'opinion que la doctrine professe à juste titre et
selon laquelle le principe de la force dérogatoire du droit fédéral est
inhérent à l'existence de l'Etat fédératif et s'imposerait de ce seul fait,
même en l'absence d'une disposition expresse (BURCKHARDT, Commentaire,
p. 823; FLEINER/GIACOMETTI, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, p. 92 ss.;
IMBODEN, Bundesrecht bricht kantonales Recht, p. 69). Lié à l'existence de
l'Etat fédératif, le principe de la force dérogatoire du droit fédéral
doit prévaloir chaque fois qu'une règle de droit cantonal n'est pas
en harmonie avec le droit fédéral, que ce dernier repose ou non sur
la constitution. D'ailleurs, l'art. 113 al. 3 Cst. oblige le Tribunal
fédéral à appliquer un arrêté fédéral de portée générale sans avoir
à examiner s'il déroge à la constitution. La règle posée expressément
pour le Tribunal fédéral vaut à plus forte raison pour les autorités
cantonales. Celles-ci sont tenues dès lors de se conformer à un tel arrêté
sans égard à sa constitutionnalité (BURCKHARDT, Commentaire, p. 788/789;
FLEINER/GIACOMETTI, op.cit., p. 931/932; IMBODEN, op.cit., p. 73; cf.
RO 63 I 118).

Erwägung 3

    3.- Le Conseil d'Etat a été saisi de la cause avant l'adoption de
l'arrêté fédéral. Il en infère qu'il n'était pas tenu d'appliquer le
droit fédéral. Toutefois l'art. 15 al. 1 ARC dispose notamment que le
régime du permis (art. 1er ARC) et l'interdiction de démolir (art. 7)
ne visent pas les travaux en cours d'exécution lors de l'entrée en
vigueur de l'arrêté. Il en découle a contrario que les art. 1er et 7 ARC
étaient applicables dès leur entrée en vigueur aux travaux qui, sans être
commencés, étaient cependant déjà au bénéfice d'un permis de construire
délivré sur la base du droit cantonal (cf. le message très clair du
Conseil fédéral, FF 1964 I 223). Ils l'étaient à plus forte raison aux
travaux au sujet desquels, comme en l'espèce, la procédure relative à
la délivrance de ce permis n'était pas même achevée. Le Conseil d'Etat
devait donc observer les dispositions de l'arrêté fédéral. Sa décision
ne méritera cependant d'être annulée que si ledit arrêté lui interdisait
d'appliquer le droit cantonal.

Erwägung 4

    4.- L'arrêté fédéral prévoit trois sortes de mesures: d'une part,
sous réserve de certaines exceptions, il assujettit les constructions à
des autorisations qui peuvent être accordées à concurrence d'un plafond
fixé par le Conseil fédéral pour chaque canton (art. 1er et 4); d'autre
part, diverses catégories de travaux ne pourront être exécutées pendant
une année, puis seront soumises au système du permis (art. 2); enfin,
la démolition de maisons d'habitation et d'immeubles commerciaux est
interdite sauf si elle est ordonnée pour des raisons d'hygiène ou de
sécurité, ou s'impose pour permettre des constructions autorisées ou
soustraites au régime du permis (art. 7). Ces mesures se conjuguent
avec celles que prend un second arrêté fédéral du 13 mars 1964 dans le
domaine du marché de l'argent, des capitaux et des crédits. Les unes et
les autres visent à restreindre l'expansion de l'économie suisse et,
par là, à combattre le renchérissement (cf. FF 1964 I 191, 198, 199,
200). Plus précisément, l'interdiction de démolir tend à trois fins:
alléger le marché de la construction, éviter le gaspillage des moyens
de production et empêcher la création de situations qui justifieraient
l'octroi de permis de reconstruction, d'agrandissement ou de transformation
(FF 1964 I 222). Ni cette interdiction ni l'arrêté dans son ensemble
n'ont pour objet direct la lutte contre la pénurie de logements. Ils n'en
tiennent compte que pour atténuer la rigueur des mesures constituées par
le régime du permis et l'interdiction de construire (FF 1964 I 204).

    Quant à la loi genevoise du 17 octobre 1962, elle interdit de démolir
même partiellement les maisons d'habitation occupées ou inoccupées, et d'en
modifier sensiblement la destination aussi longtemps que sévit la pénurie
de logements (art. 1er); elle n'admet de dérogations que si un motif de
sécurité ou de salubrité les impose, ou si une raison d'intérêt public
ou général les justifie (art. 3); elle interdit les constructions qui
nécessitent des démolitions inadmissibles (art. 6). Ces règles tendent
à maintenir à la disposition des locataires des appartements encore
habitables et bon marché. Leur but est non de ralentir l'expansion de
l'économie, mais uniquement de combattre la pénurie d'appartements à
prix modéré.

Erwägung 5

    5.- L'arrêté fédéral et la loi genevoise, tels qu'ils viennent d'être
décrits, sauvegardent des intérêts collectifs et ont en vue principalement
l'intérêt public. Ils ont un caratère impératif et leur observation
est garantie par la contrainte administrative et des sanctions pénales
(art. 10 ss. ARC, art. 5 de la loi genevoise). Ils ressortissent donc
tous deux au droit public (RO 89 I 180, 88 I 170 et 291, 85 I 21).

    Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le droit public
fédéral prime d'emblée et toujours le droit public cantonal. Lorsque,
dans un domaine du droit public, le législateur fédéral a fait usage
d'une compétence qui lui est attribuée par la constitution et qu'il a
posé des règles exhaustives, les cantons ne peuvent plus légiférer en
la même matière, du moins en adoptant des règles différentes (RO 89 I
180 et arrêts cités). Il résulte du considérant 2 ci-dessus que cette
interdiction pour les cantons d'édicter des dispositions différentes d'une
réglementation fédérale exhaustive subsiste même lorsque cette dernière
est extraconstitutionnelle. Il y a donc lieu de rechercher si l'arrêté
fédéral contient une réglementation exhaustive.

    Pour savoir si un acte législatif fédéral est exhaustif, il faut
déterminer s'il entend englober toute la matière sur laquelle il porte
ou si, au contraire, il en a délibérément laissé de côté une partie,
abandonnant aux cantons le soin d'édicter pour le surplus les textes
complémentaires qui pourraient leur paraître nécessaires au regard de leur
situation propre. La première éventualité est réalisée non seulement - cela
va de soi - lorsque le droit fédéral régit expressément l'ensemble de la
matière, mais aussi quand il n'en vise qu'une partie dans l'intention que,
pour le surplus, aucune disposition légale quelconque ne soit édictée. Le
juge appelé à résoudre le conflit s'aidera d'indices qui différeront de
cas en cas. Il se laissera guider notamment par la nature des mesures en
cause, par leur objet et par leur but.

    En l'espèce, les mesures prises par le législateur fédéral, qui visent
à lutter contre la surchauffe, manqueraient leur but s'il était loisible
aux cantons d'adopter des dispositions moins incisives. Par conséquent,
ces derniers ne sauraient abolir le système du permis, ni autoriser des
constructions ou des démolitions dans des cas non prévus par l'arrêté
fédéral. En particulier, les autorités genevoises ne pourraient se
fonder sur l'art. 3 LD pour atténuer, sous le couvert d'un intérêt public
ou général, la rigueur de l'arrêté fédéral. Les mesures que celui-ci
institue constituent donc un minimum, qui s'impose aux cantons de façon
absolue. Cela ressort d'ailleurs des textes eux-mêmes.

    D'un autre côté cependant, si les cantons étendent le régime du
permis ou les interdictions de construire et de démolir instituées par
l'arrêté fédéral, ils ne contrecarrent pas ce dernier; au contraire, ils
en accroissent l'efficacité. Aussi bien, les dispositions de l'arrêté
fédéral ne les empêchent pas expressément d'aller au delà des mesures
prises par la Confédération. Elles ne représentent donc pas le maximum
de ce que les autorités cantonales sont en droit de faire. Il n'en irait
autrement que s'il y avait des raisons de penser qu'en ne réglementant pas
la démolition des immeubles hors le cadre de la "surchauffe économique",
la Confédération a voulu empêcher les cantons de l'interdire. Or tel
n'est certainement pas le cas.

    En effet, lors de l'élaboration et de l'adoption de l'arrêté fédéral,
le législateur connaissait parfaitement l'existence des dispositions
que plusieurs cantons avaient édictées pour interdire les démolitions
d'immeubles injustifiées. Des députés y ont fait expressément allusion
durant les débats parlementaires (Bull.stén. CN 1964, p. 135, CE 1964,
p. 87). Ils n'en ont ni réclamé ni constaté la caducité. Au contraire, l'un
d'eux, s'opposant à une proposition qui tendait à limiter l'interdiction
de démolir à certaines régions - proposition finalement écartée - observa
que les réglementations adoptées par certains cantons s'appliquaient à
l'ensemble de leur territoire, qu'elles avaient déjà rendu des services
et qu'on voulait dans ces cantons qu'elles en rendent aussi dans la
lutte contre la surchauffe (déclaration Barrelet, Bull. stén. CE 1964,
p. 87). Autrement dit, ces textes devaient être maintenus dans leur
portée intégrale, même après l'entrée en vigueur de l'arrêté fédéral. Or
le représentant du gouvernement s'est exprimé sur cette opinion; loin de
la contredire, il a souligné "dass die Kantone heute schon ein mehreres
tun können und ... getan haben".

    Ces diverses déclarations ont clairement montré aux Chambres le
problème relatif au maintien des règles cantonales. En ne s'y opposant
pas, l'Assemblée fédérale a implicitement admis ce maintien, en tant du
moins que les cantons allaient au delà des exigences minimum voulues par
elle. Il s'ensuit que, dans la mesure où la loi genevoise interdit des
démolitions admissibles au regard de l'arrêté fédéral, elle n'entre pas
en contradiction avec lui. Par conséquent, même si la décision attaquée
prohibe des travaux auxquels le législateur fédéral n'a pas fait obstacle,
elle ne viole pas le principe de la force dérogatoire du droit fédéral.