Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 91 I 169



91 I 169

29. Arrêt du 12 juillet 1965 dans la cause La Placette SA contre Conseil
d'Etat du canton de Vaud. Regeste

    Art. 4 BV; Willkür; rechtsungleiche Behandlung; Bewilligung zum
Verkauf alkoholischer Getränke.

    1.  Grundsätzlich können zwei Entscheidungen nur dann zu einer
rechtsungleichen Behandlung führen, wenn sie von der gleichen Behörde
ausgehen; Ausnahme im Falle, dass zwar zwei verschiedene Behörden
entschieden haben, aber eine von ihnen sich in einer ähnlichen Lage befand,
wie wenn sie beide Entscheidungen gefällt hätte (Erw.1).

    2.  Tatsächliche Verhältnisse, die sich in einem wesentlichen Punkte
unterscheiden, dürfen rechtlich verschieden behandelt werden (Erw. 1).

    3.  Ermessen der zuständigen kantonalen Behörden bei der Erteilung
der Bewilligungen zum Verkauf alkoholischer Getränke (Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- Le 29 juin 1962, la société de La Placette SA, Grands Magasins,
à Nyon (ci-après: la société) fut mise au bénéfice d'une patente de
débit de boissons alcooliques à l'emporter, catégorie 21 A. Celle-ci
"donne le droit de vendre à l'emporter et au détail des vins naturels et
mousseux suisses et étrangers, des cidres, des vins doux (malaga, porto,
etc.), des vins fins secs (madère, marsala, xérès, etc.) et de la bière,
à l'exclusion de toute autre boisson alcoolique". Le 31 août 1963, la
société demanda au Département de justice et police du canton de Vaud
la délivrance d'une patente catégorie 21 B, qui lui aurait permis de
vendre non seulement du vin, du cidre et de la bière, mais aussi des
boissons distillées. A l'appui de cette requête, elle exposa qu'elle
avait repris le fonds de commerce de sieur J. Tille, situé en face de
ses magasins, que Tille allait cesser toute activité, que la patente 21
B dont il était titulaire ne sortirait donc plus d'effet et pouvait dès
lors être transférée à la société. Le 19 octobre 1963, le Département
rejeta la requête de la société en se fondant sur l'art. 40 de la loi
vaudoise du 3 juin 1947 sur la police des établissements publics et la
vente des boissons alcooliques (LPEP). Cette disposition est relative
à la clause du besoin. La société recourut au Conseil d'Etat. Elle fit
valoir notamment qu'elle était dans une situation semblable à celle de
la société des Grands Magasins Innovation SA qui, reprenant le débit
de boissons alcooliques d'un sieur Imperiali, à Lausanne, avait obtenu
le bénéfice de la patente 21 B attachée à ce commerce. Le 5 mai 1964,
le Conseil d'Etat rejeta le recours, en bref par les motifs suivants:

    La ville de Nyon, qui compte 8774 habitants, possède déjà douze
débits au bénéfice de la patente 21 B, dont six à moins de 200 m de
l'immeuble de la société. Les besoins du public sont dès lors largement
satisfaits. Certes, la société reprend le commerce de sieur Tille. La
quantité d'alcool débitée n'en sera pas moins plus élevée, car la société
en vendra davantage que sieur Tille. Peu importe que la clientèle de la
société se recrute dans toute la localité, voire dans tout le district,
car, dans la mesure où elle n'habite pas le quartier ou la ville même,
elle pourra se ravitailler ailleurs. Du reste, plusieurs personnes ont
sollicité des patentes 21 B avant la société. Elles pourraient se prévaloir
de l'antériorité de leur demande.

    B.- Agissant par la voie du recours de droit public, la société
requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision du Conseil d'Etat. Elle
se plaint d'arbitraire et d'inégalité de traitement.

    Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.

    Le Juge délégué a ordonné un nouvel échange d'écritures dans lequel
les parties ont maintenu leurs conclusions.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La recourante fait valoir en premier lieu que la décision attaquée
constitue à son égard une inégalité de traitement. Pareille inégalité
existe notamment lorsque, sans motifs sérieux, deux décisions soumettent
deux situations de fait semblables à des règles juridiques différentes (RO
90 I 8, no 1, consid. 2; 90 I 162). Cependant, la jurisprudence a précisé
qu'il fallait qu'en pareil cas les décisions en cause eussent été prises
par une seule et même autorité (RO 90 I 8, no l'consid. 2). En l'espèce,
l'inégalité de traitement dont se plaint la recourante consiste en ce
que le Département de justice et police a autorisé le transfert de la
patente 21 B de la maison Imperiali à la société de l'Innovation tandis
que le Conseil d'Etat refuse un transfert semblable entre sieur Tille
et la recourante. Ainsi, l'autorité qui a pris la décision n'est pas
la même dans les deux hypothèses. L'application rigoureuse du principe
rappelé ci-dessus conduirait dès lors à écarter le grief d'inégalité de
traitement. Toutefois, dans la décision attaquée, le Conseil d'Etat ne
s'est pas placé sur un terrain différent de celui qu'avait choisi le
Département lors du prononcé relatif à l'Innovation. Au contraire, il
s'est laissé guider par les mêmes principes que lui, de sorte qu'il en
a implicitement admis le bien-fondé. Aussi bien, dans sa réponse, il se
détermine comme s'il reprenait à son compte la décision du Département
relative à l'Innovation. A tout le moins, on peut considérer qu'il est
dans une situation analogue à celle dans laquelle il se trouverait s'il
avait pris les deux décisions lui-même. En conséquence, de ce point de
vue, le grief d'inégalité de traitement ne saurait être écarté. Il ne
s'ensuit pas cependant qu'il doive être admis. Tout dépend à cet égard
de la situation de fait dans laquelle se sont trouvées l'Innovation d'une
part, la recourante d'autre part.

    Le commerce d'Imperiali repris par l'Innovation était taxé sur un
montant d'achats de 87 416 fr., tandis que l'épicerie de Tille reprise
par la recourante n'est taxée que sur un montant d'achats de 4421
fr. Le chiffre concernant Imperiali était ainsi très élevé. L'autorité
cantonale pouvait en déduire sans arbitraire que la quantité d'alcool
vendue par l'Innovation ne serait guère plus considérable et que, le
commerce d'Imperiali disparaissant, le débit d'alcool dans le quartier
n'augmenterait pas. En revanche, le chiffre relatif au commerce de Tille
est infiniment moins important. Dès lors, connaissant l'organisation de
la recourante et ses méthodes de vente, le Conseil d'Etat était fondé
à considérer, sans pour autant violer l'art. 4 Cst., que cette dernière
n'éprouverait pas de difficulté à accroître sensiblement le débit d'alcool
très modeste de sieur Tille. Sur un point essentiel, l'Innovation et la
recourante étaient donc dans une situation de fait différente. Il y avait
là une raison sérieuse pour l'autorité cantonale de ne pas les traiter
de la même manière. Le Conseil d'Etat ne mérite dès lors pas le reproche
d'inégalité de traitement.

Erwägung 2

    2.- La recourante expose qu'en cas de transfert de patente, le Conseil
d'Etat, selon une pratique constante, ne tient pas compte des droits
d'antériorité des tiers. Or, dit-elle, en l'espèce, l'autorité exécutive
cantonale a pris en considération des demandes de patente antérieures
à la requête aujourd'hui litigieuse pour écarter celle-ci; elle aurait
ainsi brusquement abandonné une jurisprudence suivie depuis longtemps;
faute de s'être justifiée, elle aurait violé l'art. 4 Cst.

    De fait, à l'appui de sa décision, le Conseil d'Etat a observé que
plusieurs personnes établies à Nyon avaient sollicité des patentes 21 B
avant la recourante et pourraient ainsi se prévaloir de l'antériorité de
leur demande. Point n'est besoin cependant d'examiner s'il s'est mis à
cet égard en contradiction avec sa propre jurisprudence. En effet, il n'a
tiré des requêtes antérieures à celles de la recourante qu'un argument
supplémentaire, dont l'absence n'eût rien changé à sa décision. Celle-ci
est fondée sur le fait que la recourante pourrait vendre des boissons
alcooliques en quantités beaucoup plus élevées que Tille, sans que cela
réponde à un besoin. Cette opinion n'est pas absolument indéfendable. Elle
reste dans les limites du très large pouvoir d'appréciation dont jouit
l'autorité compétente pour délivrer les patentes de débit d'alcool et
appliquer la clause du besoin.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral: Rejette le recours.