Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 91 I 139



91 I 139

23. Arrêt de la Ie Cour civile du 26 janvier 1965 dans la cause Chavannes
contre Conseil-exécutif du canton de Berne. Regeste

    Eintragung im Handelsregister; Art. 934 OR, 52 ff. HRegV.

    1.  Massgebender Zeitpunkt für die Beurteilung der Eintragungspflicht
(Erw. 1).

    2.  Begriff der selbständigen wirtschaftlichen Tätigkeit i.S. von
Art. 52 Abs. 3 HRegV. Die Tätigkeit eines den Bestimmungen von Art. 418 a
ff. OR unterstehenden Versicherungsagenten ist an sich eine selbständige
(Änderung der Rechtsprechung) (Erw. 2 und 3).

Sachverhalt

    A.- Les 8 février et 14 juin 1963, Joseph Chavannes, qui dirigeait
alors à Porrentruy un bureau d'assurances et travaillait avec la compagnie
d'assurance Lloyd's de Londres, a été invité par le préposé au registre
du commerce de cette ville à se faire inscrire sur ce registre. Il a
néanmoins refusé de se conformer à ces sommations. Le 25 septembre 1964,
le Conseil-exécutif du canton de Berne a prononcé que Chavannes serait
inscrit d'office au registre du commerce de Porrentruy et l'a condamné
à une amende d'ordre de 100 fr.

    B.- Chavannes forme un recours de droit administratif devant le
Tribunal fédéral, auquel il demande d'annuler cette décision et de
constater qu'il n'est pas tenu de s'inscrire au registre du commerce.

    Le Conseil-exécutif du canton de Berne et le Département fédéral de
justice et police concluent au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon les art. 934 al. 1 CO et 52 al. 1 ORC, celui qui fait
le commerce, exploite une fabrique ou exerce en la forme commerciale
quelque autre industrie est tenu de requérir l'inscription de sa raison de
commerce sur le registre du lieu où il a son principal établissement. Pour
être astreint à cette formalité, il doit avoir une "activité économique
indépendante... en vue d'un revenu régulier", par exemple en qualité
d'agent ou de courtier (art. 52 al. 3 et 53 litt. A ch. 3 ORC).

    D'après la jurisprudence constante du Tribunal fédéral (RO 57 I 146
ss., 58 I 206, 250, 255, 61 I 48, 62 I 109, 76 I 155, 81 I 79, 157, 306,
84 I 189), ce sont les circonstances existant à l'époque de la sommation
prévue aux art. 941 CO et 57 al. 1 ORC qui font règle pour décider de
l'obligation d'une personne de s'inscrire au registre du commerce. Peu
importe donc que, depuis lors, les conditions de l'assujettissement à
l'inscription soient venues à défaillir pour un motif quelconque, par
exemple en raison de la cessation de l'exploitation.

    Seule est déterminante la sommation qui a précédé la procédure des
art. 57 et 58 ORC; on ne saurait en effet tenir compte de celles que
le préposé a notifiées antérieurement, mais sans leur donner de suite,
vu qu'elles ne font pas partie de la procédure en cours (RO 81 I 306).

    Par conséquent, il y a lieu d'examiner en l'occurrence si, le 14
juin 1963, date de la seconde sommation, Chavannes était astreint à
s'inscrire au registre du commerce. Il faut en revanche omettre les faits
survenus postérieurement, quand bien même seraient exactes les assertions
du recourant, qui affirme n'avoir plus travaillé dès le 7 novembre 1963
pour la Lloyd's et représenter à partir du 1er janvier 1965 une compagnie
d'assurance inscrite au registre du commerce suisse.

Erwägung 2

    2.- Le recourant reconnaît qu'en juin 1963, il exerçait une activité
économique en vue d'un revenu régulier, mais il conteste avoir agi de
façon indépendante. Il soutient qu'il n'était qu'un agent d'assurance de
la Lloyd's de Londres, au sens de l'art. 34 LCA, et non un courtier libre
(freier Makler); il aurait constamment travaillé sous la surveillance
du mandataire général de cette compagnie en Suisse, ainsi que le
démontreraient diverses pièces produites par son avocat.

    Comme il ressort de l'arrêt cité au RO 66 I 82 ss., il faut se
fonder sur les circonstances particulières de chaque cas pour trancher
si une personne doit s'inscrire au registre du commerce. En revanche,
certains des motifs avancés en 1940 par le Tribunal fédéral à l'appui de
sa décision d'exempter l'agent d'assurance de l'inscription n'emportent
pas la conviction.

    Ainsi, l'activité d'un agent peut être indépendante, même s'il
entretient des relations avec ses mandants non pas directement, mais
par l'entremise d'un agent général ou d'une succursale. Conformément à
la nature de son activité commerciale, il reçoit dans l'une et l'autre
éventualité des instructions de ses mandants, qui lui indiquent notamment
les conditions auxquelles ils désirent passer les contrats d'assurance. Il
leur remet les documents ayant trait aux conventions conclues ou qui
doivent l'être. S'il encaisse ou paie pour eux des sommes d'argent,
il règle ensuite compte avec eux. Enfin, il touche pour son travail
des provisions de ses mandants. Or, son activité ne saurait perdre son
caractère indépendant par le fait que ceux-ci recourent aux services
d'un intermédiaire, tels un agent général ou une succursale, pour régler
l'ensemble de ces relations.

    Il importe également peu que l'agent signe lui-même les contrats
d'assurance ou se borne à les négocier. Si seuls les agents négociateurs
avaient une position dépendante, on ne comprendrait pas pourquoi l'art. 53
litt. A ch. 3 ORC ne mentionne pas de façon expresse uniquement les
agents stipulateurs, ni pour quelle raison cette disposition cite aussi
les courtiers, dont l'activité se limite à la négociation.

    En outre, le fait que l'agent général, voire l'assureur ne figurent
pas sur le registre du commerce suisse ne saurait dispenser l'agent de
s'inscrire lui-même. En effet, les art. 934 al. 1 CO et 52 ss. ORC ne font
pas dépendre cette obligation de ce que les personnes pour lesquelles
il travaille doivent s'inscrire et sont effectivement inscrites sur
le registre.

    Enfin, l'importance du bureau de l'agent ne joue pas nécessairement un
rôle décisif à cet égard, car le caractère indépendant de l'activité n'est
pas fonction de la grandeur des locaux occupés par l'agent, ni du nombre
de ses employés. Au surplus, le Conseil fédéral n'a prévu à l'art. 54 ORC
aucune dispense d'inscription en faveur des agents ou courtiers dont la
recette brute annuelle n'atteindrait pas 50 000 fr.

Erwägung 3

    3.- A la lumière de ces principes, il y a lieu d'examiner la nature
des liens contractuels qui unissaient le recourant à la société Lloyd's
en date du 14 juin 1963 et de rechercher si le premier jouissait envers
la seconde d'une indépendance telle que son inscription au registre du
commerce doit être ordonnée.

    Selon une lettre adressée le 20 avril 1963 par le Bureau fédéral des
assurances à la Direction de la justice du canton de Berne, le mandataire
général de la Lloyd's en Suisse affirme que celle-ci n'engage aucun
agent et ne recourt qu'aux services de courtiers libres, de "brokers",
qui agissent "comme négociateurs et en leur propre nom". Par cette
déclaration quelque peu équivoque, il veut manifestement dire que ces
"brokers" négocient la conclusion de contrats d'assurance sans avoir la
qualité d'employés de la compagnie Lloyd's. Il est en revanche évident
que le recourant acceptait les propositions d'assurance au nom de cette
société, ainsi que l'ont attesté différents preneurs.

    D'autres circonstances permettent aussi d'exclure l'existence
d'un contrat de travail entre l'assureur et Chavannes. D'une part, ce
dernier exerçait son activité sous la dénomination commerciale "Direction
d'assurances Joseph Chavannes", accompagnée parfois de l'expression "broker
autorisé", sans avoir le droit de mentionner la société Lloyd's. D'autre
part, il faisait de la réclame en son nom propre, notamment en insérant
des annonces dans les journeaux.

    A l'encontre de ces éléments, le recourant ne produit aucune pièce
dont il ressortirait qu'il était lié à la Lloyd's par un contrat de
travail. Sans doute, le mandataire général de cette compagnie lui donnait
des instructions au sujet des tarifs applicables, du décompte des primes
encaissées, des formulaires, etc. Mais il s'agit là de questions pour
lesquelles l'agent doit se soumettre aux directives de la société, quel
que soit son statut juridique. En revanche, Chavannes réglait librement
l'emploi de son temps ainsi que l'organisation de son bureau et engageait
à son gré les employés dont il avait besoin. Le rapport de subordination
caractéristique du contrat de travail faisait dès lors défaut (RO 73 I
421), si bien que le recourant apparaissait aux yeux du public comme un
homme d'affaires établi à son compte et exerçant son activité à ses risques
et périls. Cette conclusion s'impose d'autant plus qu'il lui est arrivé
d'acquérir des assurances pour une autre société anglaise que la Lloyd's.

    Cela étant, l'autorité cantonale, se fondant sur les déclarations
du mandataire général de cette compagnie, estime que Chavannes était
un courtier. On ne saurait cependant souscrire à cette qualification
juridique. En effet, le courtage n'a trait qu'à une ou plusieurs
affaires déterminées, alors qu'en l'espèce, le recourant entretenait
des relations suivies avec ses mandants et négociait la conclusion d'un
nombre indéterminé de marchés d'un certain genre (RO 75 II 54). Or, une
telle activité, exercée à titre permanent, est régie par les art. 418 a
ss. CO sur le contrat d'agence; Chavannes était donc un agent, au sens
de ces dispositions.

    Contrairement à la règle énoncée au RO 66 I 84 ss., cette qualité
d'agent implique ipso jure l'indépendance prévue à l'art. 52 al. 3 ORC
et Chavannes ne saurait tenter d'établir qu'il apparaissait néanmoins,
dans ses rapports avec le public et l'assureur, comme un simple auxiliaire
dépendant. Etant donné qu'il exerçait son activité économique en vue d'un
revenu régulier, il devait donc s'inscrire sur le registre du commerce,
quand bien même la compagnie Lloyd's et son mandataire général en Suisse
n'y figurent pas. Dans ces conditions, il y a lieu de procéder d'office
à son inscription.

Erwägung 4

    4.- En application de l'art. 943 CO, l'autorité cantonale a condamné
le recourant à une amende de 100 fr. Celle-ci, qui est justifiée tant
dans son principe que dans son montant et qui, d'ailleurs, ne fait en
soi l'objet d'aucune critique, doit être maintenue.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme la
décision rendue le 25 septembre 1964 par le Conseil-exécutif du canton
de Berne.