Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 91 I 127



91 I 127

21. Arrêt du 12 mai 1965 dans la cause Gilette contre Ministère public
fédéral. Regeste

    Auslieferung. Von Deutschland an die Schweiz ausgelieferter Verbrecher;
Begehren Frankreichs an die Schweiz um Weiterlieferung.

    1.  Wenn die Auslieferung zwischen der Schweiz und einem andern Staat
durch einen Staatsvertrag geregelt ist, ist das BG vom 22. Januar 1892
über die Auslieferung gegenüber dem Ausland grundsätzlich nicht anwendbar
(Erw.2).

    2.  Ein von Deutschland an die Schweiz ausgelieferter Verbrecher kann
nur mit Zustimmung Deutschlands an Frankreich weitergeliefert werden; liegt
diese Zustimmung vor, so stellt die Weiterlieferung an Frankreich eine
gewöhnliche Auslieferung dar, für welche die Zustimmung des Verbrechers
nicht erforderlich ist (Erw. 1 und 2).

    3.  Auslegung des Begriffs "geflüchtet" in Art. 1 des schweiz./franz.
Auslieferungsvertrags. Dieser Begriff ist nicht wörtlich zu verstehen;
nach Frankreich ausgeliefert werden kann auch ein Verbrecher, der sich
deshalb in der Schweiz befindet, weil er von einem dritten Staat an sie
ausgeliefert worden ist (Erw.3 a).

    4.  Der Weiterlieferung an Frankreich kann sich der Verbrecher nicht
mit der Begründung widersetzen

    - er habe seine Auslieferung an die Schweiz an die Bedingung geknüpft,
dass er nach Beendigung der Strafverfolgung in der Schweiz wieder den
deutschen Behörden übergeben werde (Erw. 3 b).

    - die gemeinrechtlichen Vergehen, wegen welcher Frankreich die
Weiterlieferung verlange, seien nur ein Vorwand, um ihn wegen politischer
Vergehen zu verfolgen (Erw. 3 c).

Sachverhalt

    A.- Le 12 mars 1962, Jean-Pierre Gilette, ressortissant français,
fut condamné par le Tribunal de Grande Instance de la Seine à quinze
mois d'emprisonnement pour escroquerie, abus de confiance et abus de
blanc-seing. En décembre 1962, il fut arrêté à Innsbruck. S'étant évadé,
il passa en Suisse. Il séjourna à Altstätten (canton de St-Gall) du 23
juin au 24 août 1964, et y commit diverses escroqueries. Il se rendit
ensuite en Allemagne. Le 14 janvier 1964, il fut extradé par les autorités
allemandes aux autorités suisses pour répondre des escroqueries commises
à Altstätten. Le 14 avril 1964, il fut condamné de ce chef par le Tribunal
du district d'Oberrheintal à quatorze mois d'emprisonnement. Actuellement,
il a achevé de purger cette peine.

    Le 11 mars 1964, l'Ambassade de France à Berne sollicita l'extradition
de Gilette en se fondant sur le jugement du 12 mars 1962. Le 30 octobre
1964, les autorités allemandes compétentes accordèrent à la Suisse
l'autorisation de réextrader Gilette à la France.

    B.- Gilette s'oppose à son extradition. Ses moyens seront repris
ci-après dans la mesure utile.

    Le Ministère public fédéral propose de rejeter l'opposition de Gilette
et d'autoriser l'extradition.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La réextradition dépend de conditions qui relèvent de deux
catégories de rapports juridiques: les rapports entre le premier Etat
extradant et l'Etat requis de réextrader d'une part, les rapports
entre ce dernier et l'Etat qui demende la réextradition à son profit
d'autre part. Dans la mesure où, comparée à une extradition ordinaire,
la réextradition peut être assortie du conditions supplémentaires,
celles-ci n'ont leur fondement que dans les relations de la première
catégorie. Supposé que ces conditions particulières soient remplies, la
réextradition en faveur de l'Etat tiers se présente comme une extradition
ordinaire. Il s'ensuit qu'en l'espèce, il faut examiner successivement
les rapports entre l'Allemagne et la Suisse, puis les relations entre la
Suisse et la France.

Erwägung 2

    2.- L'extradition des malfaiteurs entre la République fédérale
d'Allemagne et la Confédération suisse est réglée par le traité
d'extradition entre la Suisse et l'Empire allemand conclu le 24 janvier
1874 et par les notes que ces Etats ont échangées les 6 et 23 mars
1936. Dès lors, conformément à la jurisprudence, la loi fédérale du 22
janvier 1892 sur l'extradition aux Etats étrangers (LE) n'est en principe
pas applicable. Il n'en irait autrement que dans certaines hypothèses,
notamment si la LE pouvait être appliquée concurremment avec le traité ou
pour en combler une lacune, à la condition toutefois qu'elle ne conduisît
pas à une solution contraire à la convention internationale (RO 87 I 136
et les arrêts cités; arrêt rendu le 7 octobre 1964 en la cause Watin,
consid. 1 non publié).

    Hormis le cas du délit politique (cf. art. 4 al. 2), le traité
germano-suisse ne règle pas expressément la réextradition d'un malfaiteur
par l'une des parties à un Etat tiers. En revanche, dans son chiffre
1, l'échange de notes résout cette difficulté en disposant notamment:
"Sans l'autorisation de l'Etat requis, un individu extradé ne peut
être... réextradé à un Etat tiers en raison d'un délit commis avant
l'extradition et auquel celle-ci ne s'applique pas...". En l'espèce,
l'Allemagne a extradé Gilette à la Suisse le 14 janvier 1964 pour qu'il
réponde des escroqueries qu'il avait commises à Altstätten. Aujourd'hui,
la France demande à la Suisse l'extradition de Gilette pour lui faire
subir la peine prononcée le 12 mars 1962. Cette réextradition concerne
donc des délits commis avant la première extradition (Allemagne-Suisse)
et auxquels celle-ci ne s'appliquait pas. Dès lors l'autorisation de la
République fédérale d'Allemagne à la réextradition de Gilette en France
est nécessaire. Cette autorisation a été donnée la 30 octobre 1964. Le
traité germano-suisse ne soumet pas la réextradition à d'autres conditions
particulières. Du point de vue des rapports juridiques entre la République
fédérale d'Allemagne et la Confédération suisse, rien ne s'oppose donc
à ce que Gilette soit livré à la France.

    Se fondant sur les art. 7 et 8 LE, Gilette soutient, il est
vrai, qu'il ne saurait être réextradé à la France sans son propre
consentement. Toutefois, cet argument tombe à faux, car, ainsi qu'on l'a
vu, la loi fédérale sur l'extradition n'est pas applicable en l'espèce. Les
conditions spéciales auxquelles la réextradition à la France pourrait être
soumise doivent être recherchées dans le traité germano-suisse et l'échange
de notes de 1936. Or ni l'un ni l'autre ne soumettent la réextradition au
consentement de l'extradé. Ils ne présentent d'ailleurs pas à cet égard
une lacune qu'il faudrait combler en appliquant la loi. Ils exigent le
consentement de l'Etat qui a accordé la première extradition: dès lors, si
celui de l'extradé était nécessaire, ils l'auraient précisé expressément.

Erwägung 3

    3.- Vu les deux considérants qui précèdent, la demande de réextradition
présentée par la France à la Suisse ne diffère pas d'une requête ordinaire
d'extradition. Conformément à la jurisprudence rappelée au considérant
l'elle doit être examinée à la lumière non de la loi fédérale de 1892 sur
l'extradition mais du traité d'extradition franco-suisse du 9 juillet 1869.

    a) L'art. 1er de ce traité institue pour la Suisse l'obligation
d'accorder l'extradition des "individus réfugiés de France... en
Suisse". Gilette rappelle qu'il se trouve en Suisse parce qu'il y a
été extradé par les autorités allemandes. Il en infère qu'il n'est
pas un "réfugié" au sens de l'art. 1er du traité franco-suisse.
L'interprétation qu'il donne de cette disposition est cependant trop
littérale. Il y a longtemps déjà que le Tribunal fédéral a refusé de
la faire sienne. Il considère au contraire "que la cause, le caractère
volontaire ou involontaire de la présence du délinquant importe peu
et que si, par ailleurs, les conditions auxquelles l'extradition est
subordonnée sont réalisées, l'Etat requis ne saurait la refuser par le
seul fait que ce n'est pas de son plein gré que l'individu en question
a pénétré dans le pays" (RO 43 I 73; voir aussi RO 16, p. 108; SCHULTZ,
Das schw. Auslieferungsrecht, p. 108/109). Cette jurisprudence doit
être confirmée. Elle correspond au vrai sens du traité. Elle est conforme
à la pratique internationale moderne, telle qu'elle résulte des traités
d'extradition moins anciens que la traité franco-suisse et qui ont remplacé
le terme "réfugié" par ceux d'"accusé", de "poursuivi" ou de "condamné"
(cf. traités de la Suisse avec l'Etat d'Israël du 31 décembre 1958, art.
1er; avec le Paraguay, du 30 juin 1906, art. 1er; avec les Pays-Bas, du
31 mars 1898, art. 1er; avec la Pologne, du 19 novembre 1937, art. 1er;
avec la Turquie, du 1er juin 1933, art. 1er; avec l'Uruguay, du 27 février
1923, art. 1er). En conséquence, le fait que Gilette se trouve en Suisse
parce qu'il y a été extradé par les autorités allemandes ne s'oppose pas
à sa réextradition à la France.

    b) Gilette objecte également qu'il n'a consenti à son extradition
d'Allemagne en Suisse qu'à la condition d'être remis sous la protection
des autorités allemandes après que seraient liquidées les affaires
pénales pour lesquelles il devait être poursuivi en Suisse. Il est
inutile de rechercher s'il a effectivement soumis son extradition à une
telle condition. Sa réextradition à la France ne dépend in casu que du
consentement de la République fédérale d'Allemagne; ce consentement a
été donné; les exigences qu'il aurait pu formuler à titre personnel ne
sauraient dès lors jouer de rôle.

    c) Gilette exprime enfin la crainte que, pour les autorités
françaises, le jugement du 12 mars 1962 soit un simple prétexte et
qu'elles entendent en réalité le poursuivre du chef de son activité
d'officier dans l'Organisation de l'armée secrète (OAS), c'est-à-dire
pour un délit politique qui ne peut donner lieu à extradition. Comme
le Tribunal fédéral l'a jugé en d'autres occasions, pareille crainte
"ne peut, bien entendu, être prise en considération, car, en présence du
texte formel de l'art. 8 al. 2 du traité, elle est sans aucun fondement"
(RO 43 I 74, consid. 1 in fine).

    d) Il reste dès lors à savoir si les infractions qui ont fait l'objet
du jugement du 12 mars 1962 peuvent donner lieu à extradition. Gilette ne
conteste pas que tel soit le cas. Il a raison. Punissables en France comme
escroqueries, abus de confiance et abus de blanc-seing, les faits qui
lui sont reprochés seraient réprimés en Suisse où ils constitueraient les
infractions d'escroquerie (art. 148 CP), d'abus de confiance (art. 140 CP)
et de faux dans les titres (art. 251 CP). Ces actes remplissent d'ailleurs
les conditions des infractions énumérées aux chiffres 20, 21, 23 et 24
de l'art. 1er du traité. Ils peuvent dès lors donner lieu à extradition.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Rejette l'opposition de Gilette et autorise l'extradition de celui-ci
à la France.