Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 91 IV 218



91 IV 218

59. Arrêt de la Chambre d'accusation du 1er décembre 1965 dans la cause
Ministère public fédéral contre Ministère public des cantons de Zurich,
Berne et Genève. Regeste

    Art. 264 BStP und 96 Abs. 2 ZG Bestimmung des Gerichtsstandes in
Zollstrafsachen.

    1.  Befugnis der Bundesanwaltschaft, die Anklagekammer zur Bestimmung
des Gerichtsstandes anzurufen (Erw. 1).

    2.  Bestimmung des Begehungsortes, wenn die Strafverfolgung sich
gegen mehrere Mittäter richtet (Erw. 2).

    3.  Kommen mehrere Begehungsorte in Frage, so befindet sich der
Gerichtsstand dort, wo die Untersuchung zuerst eröffnet worden ist
(Erw. 3).

    4.  Frage offen gelassen, ob Art. 96 Abs. 2 Satz 1 ZG die Anklagekammer
ermächtigt, vom gesetzlichen Gerichtsstand abzuweichen, wenn die Tat
nicht an einem Ort allein begangen wurde (Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- Josef Wolff achetait des montres en Suisse pour les faire passer
en fraude à l'étranger. En automne 1954, pour éviter de payer les impôts
sur le chiffre d'affaires et sur le luxe, il demanda à Henri Bühler,
employé de la maison d'expédition Natural AG à Bienne, de lui procurer
des déclarations d'exportation portant le timbre douanier. A cet effet,
il fit passer successivement par Bühler des montres à l'étranger après
dédouanement régulier et les récupéra en cours de route pour les diriger
sur le port franc de Genève. Là, les montres étaient reprises par Adolphe
Spieler, déclarant de la maison Air Transport Service à Genève, qui les
remettait à Bühler après avoir éludé le contrôle douanier de rentrée en
Suisse. Bühler les transmettait alors à Wolff, qui le rétribuait pour
sa collaboration.

    B.- Le 27 septembre 1955, les inspecteurs de l'arrondissement
des douanes de Genève entendirent Spieler, après avoir découvert ses
manoeuvres. Deux jours plus tard, ils interrogèrent Bühler et, le 11
octobre, Wolff. L'enquête fut poursuivie contre ce dernier par des
fonctionnaires des arrondissements de Zurich, puis de Bâle.

    Le 31 octobre 1956, la direction de l'arrondissement de Bâle établit
contre Wolff un procès-verbal de contravention. Par prononcé du 27 janvier
1961, le Département fédéral des finances et des douanes le condamna pour
contravention douanière (art. 74 ch. 3 LD), trafic prohibé (art. 76 ch. 2
LD), soustraction de l'impôt sur le chiffre d'affaires (art. 52 et 53 AIN),
soustraction de l'impôt sur le luxe (art. 41 et 42 AIL), à une amende de
72 138 fr. 80. Wolff fit opposition. Le 15 juin 1964, le Ministère public
fédéral invita le Tribunal du district de Zurich à se saisir de l'affaire.
Par jugement du 11 mai 1965, ce tribunal se déclara incompétent ratione
loci. Il n'estimait pas établi que l'inculpé ait donné de Zurich des
instructions punissables; au reste, Wolff avait abandonné en 1949 son
domicile de Zurich pour celui de Neuchâtel, où il avait déposé ses papiers.

    C.- Le Ministère public fédéral requiert la Chambre d'accusation de
déterminer lequel des cantons de Genève, Zurich, Berne ou Neuchâtel
est compétent pour se prononcer sur les infractions reprochées à
Wolff. Subsidiairement, il propose d'inviter le Tribunal du district de
Zurich à procéder à un échange de vues sur le for, avec les autorités
cantonales intéressées.

    D.- Le Procureur général du canton de Berne propose de déclarer
compétentes les autorités genevoises ou, subsidiairement, les autorités
zurichoises.

    Le Procureur général du canton de Genève estime compétentes les
autorités du canton de Zurich ou celles du canton de Berne.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Lorsque le Ministère public de la Confédération adresse à un
tribunal, en vertu de l'art. 97 LD, le dossier d'une affaire pénale
douanière pour jugement, son ordonnance de renvoi ne détermine pas le
for (RO 82 IV 123 consid. 1). Au contraire, le tribunal saisi peut et
doit examiner la question de sa compétence ratione loci. S'il la résout
négativement, il doit prendre contact avec les autorités du canton où il
considère que se trouve le for et, si celui-ci est contesté, s'adresser à
la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral, conformément à l'art. 264 PPF
(RO 86 IV 135 consid. 2 et les références).

    Le Tribunal du district de Zurich n'ayant pas suivi cette procédure,
le Ministère public fédéral est en droit, en tant qu'accusateur public, de
demander à la Chambre d'accusation de déterminer le for (RO 91 IV 109). Il
devait le faire, selon la jurisprudence, sans attendre le jugement sur
le fond (RO 88 IV 144; 91 IV 109).

Erwägung 2

    2.- Le for de la poursuite des infractions douanières est régi non
par l'art. 283 PPF, mais par l'art. 96 LD et par l'art. 129 du règlement
d'exécution de cette loi (RD), car l'art. 279 PPF réserve les prescriptions
des lois fédérales spéciales et de leurs ordonnances d'exécution (RO 82
IV 125; 91 IV 110).

    Selon les art. 96 LD et 129 RD, les infractions douanières sont jugées
par les tribunaux du canton où l'infraction a été commise. Si plusieurs
cantons sont en cause, les tribunaux compétents sont ceux du canton où
l'enquête a été ouverte en premier lieu.

    Wolff a chargé Bühler de commettre les infractions douanières et
celui-ci s'est servi de Spieler. Tous trois sont coauteurs, selon la
jurisprudence concernant le droit pénal commun, applicable aux infractions
douanières (RO 81 IV 62; 82 IV 126/7; 86 IV 47/8). N'est pas seulement
coauteur celui qui a participé à l'exécution, mais aussi celui qui a pris
la décision. Il faut tenir compte de la volonté délictueuse plus que des
actes d'exécution (RO 85 IV 133/4 et les références). En l'espèce, si
l'on s'en tient à l'état de fait du prononcé administratif, Wolff était
l'auteur intellectuel des actes punissables et c'est lui qui devait en
tirer le plus grand profit, alors que Bühler n'était que l'exécutant,
rétribué seulement par des commissions.

    Wolff doit par conséquent répondre des actes de Bühler et de Spieler,
comme s'il les avait commis lui-même (RO 81 IV 149 et les références,
88 IV 54 consid. 4). Les actes punissables reprochés à Wolff ont été
commis non pas au lieu où il a exercé son activité, mais à l'endroit où
se sont déroulées les infractions douanières, c'est-à-dire au port franc
de Genève-Cornavin; car c'est là que Spieler a fait passer la frontière
aux montres, sans les annoncer à la douane (art. 74 ch. 3, 76 ch. 2 LD;
RO 82 IV 126 consid. 3). L'activité antérieure des trois coauteurs ne
constituait que des actes préparatoires.

    Il est vrai que, dans l'arrêt cité au RO 82 IV 127, la Chambre
d'accusation a considéré que le coauteur intellectuel a commis la
contravention douanière aussi au lieu où il a donné ses instructions orales
et où il a écrit ses lettres etc. On ne peut maintenir cette jurisprudence,
dans la mesure où l'activité du coauteur intellectuel ne constitue pas des
actes d'exécution de l'infraction. En interprétant l'art. 346 al. 1 CP,
la Chambre d'accusation a toujours considéré que le for se trouvait au
lieu des actes d'exécution, et non à celui où le coauteur intellectuel
avait accompli les actes préparatoires. On ne voit pas pourquoi l'on
devrait adopter une autre solution lorsqu'il s'agit de déterminer le
for du délit prévu à l'art. 96 al. 2 LD. Il ne convient pas de traiter
différemment les cas où l'auteur est unique et ceux où il s'est associé
avec une autre personne, qui a pris les décisions et préparé les actes
punissables en tant qu'auteur intellectuel.

    Il en résulte que Genève est le seul lieu de commission du délit,
de sorte que les autorités de ce canton sont compétentes.

Erwägung 3

    3.- On pourrait se demander si les agissements de Wolff et de Bühler,
notamment la première exportation régulière de montres, constituaient des
actes d'exécution, puisque, selon le plan établi, elle représentait déjà le
pas décisif en vue de réintroduire la marchandise en fraude. D'autres lieux
de commission entreraient alors en considération, en particulier Bienne et
La Chaux-de-Fonds, Bühler ayant déclaré certaines exportations de montres
aux offices douaniers de ces villes. Mais il a aussi fait cette déclaration
au bureau douanier de Genève-Poste. D'ailleurs, Genève est dans tous
les cas un lieu de commission, parce que les montres y furent réimportées
frauduleusement. Enfin, c'est à Genève que l'enquête a d'abord été ouverte,
de sorte que les autorités genevoises sont de toute façon compétentes.

Erwägung 4

    4.- L'art. 96 al. 2, 1re phrase, LD dispose que les tribunaux cantonaux
du lieu de commission du délit sont compétents "en règle générale".
S'ensuit-il que cette phrase vise uniquement les cas normaux, où
l'infraction a été perpétrée à un seul endroit, en Suisse, par opposition
aux situations prévues dans la suite du texte? Telle paraît avoir été
l'opinion du Conseil fédéral, qui a laissé tomber les mots "en règle
générale" à l'art. 129 RD. La Chambre d'accusation ne serait alors pas
habile à désigner un for autre que celui du lieu où le délit a été commis
ou de celui où l'enquête a d'abord été ouverte.

    La question peut toutefois demeurer indécise. En effet, si l'expression
"en règle générale" signifie que le for peut aussi être fixé ailleurs,
elle ne permet en tout cas pas à la Chambre de céans de le déterminer
à sa guise. Au contraire, une exception ne pourrait être consentie que
pour des raisons impérieuses (RO 91 IV 111). Le fait qu'un coauteur a agi
seulement ou principalement hors du lieu de commission du délit ne saurait
légitimer une dérogation au for légal. Ainsi que l'expose l'arrêt cité,
les avantages inhérents au for du domicile ne suffisent pas non plus
pour écarter le for du lieu de la commission. C'est pourquoi on peut
se dispenser d'examiner si, à l'époque des infractions, Wolff avait son
domicile à Zurich ou à Neuchâtel. Maintenant, il réside au Brésil, d'où il
peut se défendre aussi bien à Genève qu'à Neuchâtel ou à Zurich. Puisqu'il
bénéficie de l'assistance d'un avocat, la question de la langue ne joue
pas un rôle décisif. Il est d'ailleurs invraisemblable que Wolff, qui
a fait en Suisse le commerce de montres en gros, ne comprenne pas le
français. Le cas échéant, il faudra recourir à un interprète. Le fait
qu'un certain nombre de pièces du dossier sont rédigées en allemand ne
constitue pas non plus un motif suffisant d'abandonner le for légal. Au
reste, quelques procèsverbaux sont en français et un tribunal de Suisse
alémanique devrait les faire traduire s'il voulait s'épargner la peine
de lire les textes originaux.

Entscheid:

Par ces motifs, la Chambre d'accusation:

    Déclare les autorités du canton de Genève compétentes aux fins de
poursuivre et de juger les infractions retenues à la charge de Josef Wolff.