Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 91 II 63



91 II 63

8. Arrêt de la Ire Cour civile du 16 février 1965 dans la cause Banque
Romande SA contre Krähenbühl. Regeste

    Art. 63 OG.

    1.  Im Berufungsverfahren wendet das Bundesgericht das Recht von
Amtes wegen an (Erw. 1).

    2.  Nach dem OG hat auch die kantonale Behörde das Bundesrecht
von Amtes wegen in seinem vollen Umfang auf die Tatsachen anzuwenden,
die durch die Prozessinstruktion erstellt sind; sie darf den streitigen
Anspruch nicht in zwei Klagen zerlegen, die zwei nebeneinander bestehenden
Gerichtsbarkeiten unterliegen (Erw. 2 u. 3).

Sachverhalt

    A.- Par exploit du 17 avril 1959, la Banque Romande SA, à Genève,
a assigné son ancien employé Alfred Krähenbühl devant le Tribunal de
première instance de cette ville en paiement de 120 000 fr. avec intérêt à
5% dès le 1er janvier 1959. Elle alléguait qu'en septembre et octobre 1957,
le défendeur, qui était alors à son service, lui avait causé un préjudice
de ce montant en faisant des opérations à terme pour son propre compte,
mais en se couvrant du nom de la banque, sans en faire mention dans les
livres de celle-ci. Elle fondait sa prétention sur les art. 41 ss. CO,
d'une part, et sur l'art. 328 CO, d'autre part.

    Krähenbühl a conclu à libération des fins de la demande. Il contestait
le caractère illicite de ses actes. Il prétendait ignorer que son employeur
lui interdisait de faire des opérations de bourse et qu'il devait les
mentionner dans un registre. Il affirmait qu'il n'avait pas agi à l'insu
de la direction de la banque.

    B.- Statuant le 8 janvier 1964, le Tribunal de première instance
de Genève se déclara incompétent pour connaître de la réclamation de la
demanderesse pour autant qu'elle se fondait sur l'art. 328 CO. Il rejeta la
demande, comme prescrite, dans la mesure où elle était fondée sur les art.
41 ss. CO.

    Le 3 novembre 1964, la Deuxième Chambre de la Cour de justice de Genève
confirma le jugement de première instance. Elle estima, en accord avec le
premier juge, que l'action fondée sur l'art. 328 CO était irrecevable, car
elle relevait de la compétence exclusive du Tribunal des prud'hommes. Quant
à l'action fondée sur les art. 41 ss. CO, elle était prescrite.

    C.- La Banque Romande SA recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle
invoque une fausse application des art. 60 et 423 CO concernant la
prescription de sa réclamation. En revanche, elle ne reprend pas le moyen
tiré de l'art. 328 CO. L'intimé Krähenbühl conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon l'art. 63 OJ, le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en
réforme, n'est pas lié par les motifs invoqués par les parties et il
apprécie librement la portée juridique des faits. Ainsi, il applique
d'office le droit (RO 89 II 339, 90 II 40, consid. 6 b).

    Lorsqu'il a pratiqué les opérations de bourse qui ont donné naissance
au litige, l'intimé était l'employé de la recourante. Celle-ci lui
reproche d'avoir agi de la sorte pour son propre compte, mais au nom de son
employeur, en s'abstenant de porter les opérations dans les livres de la
banque. Un pareil grief se qualifie au premier chef comme une violation de
l'obligation de diligence que l'art. 328 CO impose à l'employé. Aussi la
prétention de la recourante doit-elle être examinée d'abord à la lumière
des règles qui gouvernent les rapports contractuels noués entre les
parties. Ce n'est que si les conditions d'une responsabilité contractuelle
fondée notamment sur l'art. 328 CO faisaient défaut qu'il conviendrait
d'envisager la réparation du dommage allégué à la lumière des dispositions
réglant la responsabilité dérivant d'un acte illicite (art. 41 ss. CO).

    Dans la mesure où la réclamation de la recourante serait fondée
au regard des normes applicables à la responsabilité contractuelle, la
prescription décennale de l'art. 127 CO ne serait évidemment pas acquise.

Erwägung 2

    2.- La jurisprudence récente a posé le principe que l'autorité
cantonale est tenue elle aussi d'appliquer le droit fédéral d'office, en
vertu de la loi fédérale d'organisation judiciaire (arrêts précités). En
effet, dans l'application du droit fédéral concernant le fond du litige,
la cognition des tribunaux cantonaux ne saurait être plus étroite que celle
de la cour fédérale de réforme. Les juridictions cantonale et fédérale
doivent donner une juste appréciation juridique des faits articulés par
les parties. Ni l'une ni l'autre ne sont liées par les motifs inexacts ou
incomplets invoqués par les plaideurs. Elles ont le pouvoir et le devoir
d'appliquer le droit fédéral dans sa plénitude. L'art. 63 OJ limite sur
ce point la souveraineté cantonale en matière de procédure civile. Une
loi cantonale de procédure qui serait en contradiction avec cette règle
n'aurait donc aucune validité, vu l'art. 2 Disp. trans. Cst.

Erwägung 3

    3.- La décision de la Cour de justice genevoise, qui déclare la demande
irrecevable dans la mesure où elle est fondée sur l'art. 328 CO et ne
l'examine quant au fond que sous l'angle de la responsabilité aquilienne,
est incompatible avec l'art. 63 OJ. Elle est en effet contraire au principe
que la jurisprudence rappelée ci-dessus a déduit de cette disposition. En
divisant l'examen de la prétention litigieuse en deux questions soumises à
deux ordres de juridiction parallèles, elle empêche chacune des autorités
cantonales d'appliquer d'office le droit fédéral dans toute son étendue
aux faits établis par l'instruction, de manière à en donner une juste
appréciation juridique.

    Assurément, le présent litige diffère de celui qui a donné lieu
à l'arrêt Chesini c. Hagen (RO 89 II 337 ss.) en ceci que la Cour de
justice ne s'est pas estimée liée par les motifs invoqués par les parties,
mais qu'elle a déduit la limitation de sa cognition d'une disposition
légale de la procédure cantonale. Toutefois, cette différence n'a aucune
importance. Le point décisif est que les règles fédérales d'organisation
judiciaire contraignent l'autorité cantonale d'appliquer d'office le
droit fédéral dans sa totalité aux réclamations dont elle est saisie. Il
est ainsi contraire au droit fédéral d'imposer à une partie, en cas de
concours d'actions, la division d'une seule et même prétention en deux
actions parallèles portées devant deux juridictions distinctes, chacune se
bornant à examiner le mérite de l'une des actions. En pareille éventualité,
l'organisation judiciaire fédérale exige qu'une seule autorité cantonale
se saisisse de tout le litige et juge le mérite de la prétention contestée
en appliquant d'office le droit matériel fédéral dans toute son étendue.

    Dès lors, la Cour de justice devait ou bien se saisir du litige en
examinant tous ses aspects ou bien décliner entièrement sa compétence
et renvoyer la partie demanderesse à se pourvoir devant le Tribunal des
prud'hommes pour faire juger l'intégralité de sa réclamation.

Erwägung 4

    4.- Au demeurant, la solution commandée par le droit fédéral est
conforme à la jurisprudence publiée des autorités genevoises.

    Dans un arrêt Schneebeli c. Girod, du 1er février 1955 (SJ 1956
p. 42), la Cour mixte des prud'hommes de Genève, chargée de statuer en
dernier ressort sur les conflits de compétence entre les prud'hommes
et la juridiction ordinaire (cf. art. 52 al. 2 de la loi organique sur
les conseils de prud'hommes du 12 mai 1897, alors en vigueur, mais
abrogée avec effet au 27 octobre 1963 par la loi sur la juridiction
des prud'hommes du 30 mars 1963, dont les art. 64 à 68 renferment des
dispositions analogues sur ce point), a posé le principe suivant: lorsqu'à
l'occasion d'un accident de travail la faute reprochée à l'employeur
consiste essentiellement dans une violation du devoir de diligence imposé
par l'art. 339 CO, la prétention en dommages-intérêts de l'employé, basée
au premier chef sur une violation des obligations découlant du contrat de
travail, ressortit à la compétence exclusive du tribunal des prud'hommes;
en revanche, si le dommage a sa cause principale dans un acte illicite ou
s'il y a concours entre une obligation fondée sur le contrat de travail
et une obligation fondée sur une autre cause, les tribunaux ordinaires
sont compétents. La cour a précisé dans un considérant de sa décision
qu'une seule juridiction a la compétence pour connaître du litige et
qu'elle est désignée selon le caractère prédominant de l'action.

    La Cour de justice de Genève a appliqué le même principe et déclaré
les prud'hommes compétents pour juger une demande d'indemnité formée par le
propriétaire d'un taxi contre son employé qui avait endommagé le véhicule
par une faute de conduite; le demandeur invoquait à la fois l'art. 328
CO et la responsabilité délictuelle de sa partie adverse (arrêt du 12
février 1952 en la cause Estoppey c. Trinquier, SJ 1953 p. 273, qui est
cité dans le prononcé précédent et se réfère lui-même à un autre arrêt
du 12 mars 1948 en la cause Goy c. Boscono, SJ 1948 p. 545).

    Au surplus, l'art. 1er al. 2 litt. a de la loi sur la juridiction des
prud'hommes du 30 mars 1963 soustrait à la compétence des prud'hommes
les actions en responsabilité fondées sur l'art. 339 CO, qui doivent
être portées devant les tribunaux ordinaires. Sans doute le législateur
cantonal a-t-il voulu ainsi tenir compte de l'arrêt Schneebeli et de la
difficulté de déterminer d'emblée le caractère prédominant - contractuel
ou délictuel - d'une réclamation.

Erwägung 5

    5.- Sans être décisifs, les arguments tirés par surabondance de la
jurisprudence cantonale confirment que la solution imposée par le droit
fédéral, si elle empiète sur la souveraineté cantonale en matière de
procédure, assure une meilleure administration de la justice.

    Le renvoi de la cause à l'autorité cantonale, qui devra admettre ou
décliner sa compétence pour connaître de l'ensemble du litige et statuer,
le cas échéant, quant au fond, rend superflu ou, du moins, prématuré,
l'examen de la question de la prescription.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours, annule l'arrêt rendu le 3 novembre 1964 par la
Deuxième Chambre de la Cour de justice du canton de Genève et renvoie
la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision dans le sens
des motifs.