Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 91 II 438



91 II 438

61. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour civile du 9 décembre 1965 dans la
cause X. c. Y. Regeste

    Verantwortlichkeit des Anwalts, der für seinen Klienten
Vergleichsverhandlungen führt (Art. 397 Abs. 1 OR).

Sachverhalt

    Ayant porté plainte contre dame M., sa maîtresse, à qui il reprochait
de lui avoir escroqué 150 000 fr., Y. confia la défense de ses intérêts à
un avocat, qui le constitua partie civile par une lettre adressée au juge
d'instruction. Ce mandataire et le défenseur de la prévenue tentèrent
un arrangement: la plainte et la constitution de partie civile seraient
retirées moyennant reconnaissance de la dette. Au cours des pourparlers,
le 13 juin 1962, le premier soumit à son client, "pour qu'il n'y ait
aucun malentendu", des contre-propositions qu'il suggérait de présenter au
second. Le 18, Y. donna son accord par écrit. Le texte approuvé prévoyait
notamment:

    3) Cession de toutes sommes se trouvant à l'Union de Banques Suisses
de Lausanne formant un tout approximatif de Fr. 11 000.--;

    4) Cession de toutes sommes se trouvant à la Banque Commerciale de
Genève et formant un tout aproximatif de Fr. 27 000.-- ..."

    Le 19 juin 1962, dame M. signa à son tour une déclaration, qui
constatait simplement que son auteur cédait ses avoirs au siège lausannois
de la Société de banque suisse et à la Banque commerciale SA à Genève. Le
lendemain, l'avocat de Y. retira, sans en référer à son client, et la
plainte et la constitution de partie civile. Mais le plaignant désavoua
son conseil, auquel il reprochait d'avoir excédé ses pouvoirs. Le juge
d'instruction lui fixa un délai pour porter le débat devant le juge civil.

    Les juridictions cantonales ont reconnu le bien-fondé de l'action et
constaté que le défendeur avait agi contrairement aux instructions reçues.

    Celui-ci a déposé un recours en réforme que le Tribunal fédéral
a rejeté.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 6

    6.- ...

    a) Conduisant pour le compte de son client des pourparlers
transactionnels, le recourant agissait en exécution d'un mandat. En vertu
de l'art. 397 al. 1 CO, le mandataire qui a reçu des instructions précises
ne peut s'en écarter qu'autant que les circonstances ne lui permettent
pas de rechercher l'autorisation du mandant et qu'il y a lieu d'admettre
que celui-ci l'aurait autorisé s'il avait été au courant de la situation.

    Sans doute, un avocat peut refuser certaines instructions précises
en vue de la conduite d'un procès et choisir seul, en principe, les
voies à suivre et les moyens, les faits à alléguer et l'argumentation
juridique. En revanche, la transaction est un acte de disposition par
lequel chaque partie renonce à un droit, ou du moins à son exercice,
contre la promesse d'un avantage, tel que la promptitude du règlement
ou la certitude de l'exécution. Partant, c'est au disposant lui-même à
décider à quelles conditions il transigera. En conséquence, la nature
et l'objet du mandat conféré au recourant ne sauraient justifier aucune
exception à la règle claire de l'art. 397 al. 1 CO.

    Les parties n'ont pas dérogé en l'espèce, conventionnellement, au
principe inscrit dans la loi. Au contraire, l'avocat lui-même soumit à
son client, "pour qu'il n'y ait aucun malentendu", les contre-propositions
qu'il entendait formuler, le priant de donner par écrit son accord. Ayant
reçu cet assentiment, il communiqua le texte convenu au conseil de
la partie adverse. Ce faisant, le recourant a lui-même manifestement
exprimé l'opinion qu'il ne pouvait seul arrêter les conditions de la
transaction. S'estimant ainsi obligé de solliciter l'adhésion de son client
sur tous les éléments de la convention et invitant celui-ci à l'autoriser
à traiter sur le vu d'une énumération complète et précise, il se privait
implicitement, mais de façon non équivoque, du pouvoir de conclure sur
une base nouvelle, différente du texte adopté d'un commun accord. Aussi
l'intimé lui donna-t-il des "instructions précises" au sens de l'art. 397
al. 1 CO, dont il n'avait en principe pas le droit de s'écarter.

    b) Le 19 juin 1962, dame M. a signé une déclaration détaillée qui
n'était pas conforme en tous points aux contre-propositions établies par
le recourant.

    Si la substitution de la Société de banque suisse à l'Union de banques
suisses n'était probablement que le fruit d'une inadvertance et illustre
tout au plus la hâte inconsidérée avec laquelle le mandataire a souscrit
au retrait de la plainte, l'omission de l'indication du montant des
valeurs cédées revêtait une grande portée. Aussi bien le conseil de dame
M. avait attiré l'attention de son confrère sur le fait que l'estimation
approximative de 38 000 fr. ne figurait plus dans la déclaration de
sa cliente.

    En effet, la cession ne constituait pas en l'espèce une simple modalité
du paiement partiel d'une dette déterminée, par laquelle la cédante se
serait libérée à concurrence du produit des valeurs transférées. Ce n'était
pas une dation en vue du paiement. Dame M. devait prendre au contraire des
engagements, qui s'ajoutaient à d'autres obligations. Dès lors, si elle
leur avait fixé un montant déterminé, elle se serait portée garante tant
de l'existence des valeurs cédées que de leur estimation. Autant qu'elle
était créancière des banques en vertu d'un contrat de dépôt, elle eût
répondu dans la mesure fixée à l'art. 171 al. 1 CO. Peu importe qu'elle
ait eu effectivement des valeurs dans les deux banques: son affirmation
aurait fondé une obligation. Au demeurant, elle se mettait dans un très
mauvais cas si elle mentait, ajoutant peut-être une nouvelle escroquerie à
celles qui lui étaient reprochées. Faute d'indiquer le montant des droits
cédés, les cessions perdaient en revanche toute valeur.

    c) Il s'ensuit que la déclaration du 19 juin 1962 différait sur un
point essentiel des instructions données par l'intimé. En examinant son
texte avec la diligence requise d'un avocat, le recourant ne pouvait
s'y méprendre. Peu importe qu'il crût à l'insolvabilité de dame M. ou
à l'inexistence des valeurs cédées. Son client - il le savait - était
convaincu du contraire. Le refus de garantir le montant des valeurs cédées,
s'il ne camouflait pas une manoeuvre, pouvait lui donner à penser que
les cessions ne représentaient rien et l'inciter à demander davantage ou
le dissuader de retirer la plainte en vue de provoquer des propositions
meilleures. La situation réelle de dame M. peut certes jouer un rôle quant
à l'existence d'un dommage, si l'intimé n'établit pas que sa maîtresse
était à même d'aller au-delà de sa déclaration du 19 juin. Mais le dommage
n'est pas en cause dans le présent procès.

    Le recourant devait donc reconnaître l'importance de la divergence. Il
n'avait dès lors pas le droit de disposer au nom de l'intimé en retirant
la plainte à des conditions essentiellement différentes de celles qui lui
avaient été indiquées. S'il était convaincu que la transaction servait
le mieux les intérêts de son client, il devait éclairer celui-ci et le
conseiller, non disposer sans son consentement. Il ne saurait se disculper
qu'autant que les circonstances ne lui permettaient pas de rechercher
l'autorisation du mandant et qu'il y avait lieu d'admettre que celui-ci
l'aurait autorisé s'il avait été au courant de la situation (art. 397
al. 1 CO). Mais l'arrêt déféré constate qu'il n'y avait pas urgence et
le recourant n'allègue ni ne prouve aucune circonstance précise qui dût
l'empêcher de soumettre à l'intimé les propositions nouvelles.

    C'est donc à bon droit que la Cour cantonale admet qu'en retirant la
plainte pénale au nom de l'intimé, le recourant a enfreint les instructions
reçues et a excédé ses pouvoirs.