Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 91 II 327



91 II 327

48. Arrêt de la IIe Cour civile du 17 décembre 1965 dans la cause Dénervaud
contre Dénervaud. Regeste

    Erbschaftsklage. Art. 598 ff. ZGB.

    1.  Mit dem Begehren um Anerkennung als Erbe darf das Begehren
verbunden werden, es seien der Erbmasse Vermögensgegenstände
zurückzuerstatten, die der Erblasser durch ein in seiner Gültigkeit
umstrittenes Geschäft unter Lebenden veräussert hatte (Erw. 3).

    2.  Die für die Ungültigkeitsklage geltende Verjährungsfrist von
einem Jahre (Art. 521 Abs. 1 ZGB) beginnt vom Tag an zu laufen, an welchem
der Kläger eine wirkliche und genaue Kenntnis von der Verfügung und vom
Ungültigkeitsgrund erlangte; ein blosser Verdacht genügt nicht (Erw. 4).

    3.  Der Beamte, der ein Testament beurkundet oder in Verwahrung
bekommen hat, soll nach Art. 556 Abs. 1 und 2 ZGB, sobald er vom Tode
des Erblassers erfuhr, der zuständigen Behörde nicht nur diejenigen
Testamente einliefern, die als gültig, sondern auch jene, die als ungültig
erscheinen, sowie die, welche widerrufen wurden; in diesem Falle hat er
die Widerrufserklärung ebenfalls einzuliefern (Erw. 4).

    4.  Offensichtliches Versehen im Sinne von Art. 63 Abs. 2 OG liegt vor,
wenn die kantonale Behörde es unterliess, von einem bestimmten Aktenstück
Kenntnis zu nehmen, oder wenn sie es nicht richtig las und aus Versehen
eine vom genauen Inhalt, namentlich vom wahren Wortsinn abweichende
Feststellung traf (Erw. 4).

    5.  Wer Erbe zu sein behauptet und die Rückerstattung von Gegenständen
an die Erbmasse durch den besitzenden Beklagten verlangt, der sich auf
einen besondern Erwerbsgrund (einen mit dem Erblasser abgeschlossenen
Vertrag unter Lebenden) beruft, ist zur Erhebung einer Erbschaftsklage
berechtigt. Bei deren Beurteilung ist über die Gültigkeit des Geschäfts
unter Lebenden zu entscheiden, auf das der Beklagte seinen Besitz stützt
(Änderung der Rechtsprechung; Erw. 6).

    6.  Beruft sich der Erbschaftskläger auf ein vom Erblasser widerrufenes
Testament, indem er Ungültigkeit des Widerrufes geltend macht, so kann der
Richter diesen Punkt hinsichtlich der zwischen den Parteien bestehenden
Rechtsbeziehungen überprüfen, selbst wenn die gesetzlichen Erben nicht
als Parteien am Prozesse teilnehmen (Erw. 7).

    7.  Urteilsfähigkeit: Tat- und Rechtsfrage. Anforderungen an den
Beweis der Urteilsunfähigkeit (Erw. 8).

Sachverhalt

    A.- Feu Jules Mossu, en son vivant à Grangettes, père de huit
enfants, laissa deux domaines agricoles. L'un, dénommé le "Champ aux
oies", fut exploité en hoirie par quatre enfants du défunt, à savoir
Justin, Paul, Ida et Reine Mossu. Justin étant décédé intestat en 1953,
sa part accrut celle de ses trois frères et soeurs. Reine mourut à son
tour en 1954 et laissa par testament sa part à sa soeur Ida. Depuis lors,
le "Champ aux oies" fut la propriété commune de Paul et Ida Mossu, nés
res pectivement en 1885 et 1884. Mathilde Mossu, soeur de Paul et Ida,
épousa Léon Dénervaud, auquel elle donna quatre enfants, notamment Jean
et Francis. Jean Dénervaud travailla sur le domaine du "Champ aux oies"
de 1947 à 1957; son frère Francis fit de même à partir de la mort de
Justin Mossu (1953).

    Le 26 mars 1955, Ida Mossu fit un testament public par lequel elle
institua héritiers ses deux neveux Jean et Francis Dénervaud. Paul Mossu
confectionna le même jour un testament public dont on ignore le contenu
exact. Le 27 mai 1955, il fit un nouveau testament public, reçu par le
notaire Bosson, révoquant sa disposition antérieure et instituant son
neveu Jean Dénervaud héritier de ses biens.

    Le 17 septembre 1957, Paul et Ida Mossu passèrent avec Francis
Dénervaud, dans la forme du pacte successoral, un acte intitulé "abandon
de biens", reçu par le notaire Oberson. Ils remirent à leur neveu
"pour le récompenser de ce qu'il (était) toujours demeuré avec eux et
qu'il (travaillait) régulièrement à l'exploitation et aussi parce qu'ils
(estimaient) qu'il (était) le plus capable de tenir un jour leur propriété
agricole", tous les biens qu'ils possédaient en communauté, soit bétail,
chédail, immeubles. Ce transfert était accompagné de clauses diverses,
relatives à la gérance de l'exploitation agricole, à la jouissance des
biens cédés que les disposants conservaient dans la mesure de leurs
besoins, à la constitution d'un droit d'habitation gratuit et viager
en faveur des cédants, ainsi que des père et mère du bénéficiaire, à
l'exécution de dons en faveur des frères et soeurs de ce dernier et au
règlement des gages revenant à Jean Dénervaud.

    Par acte du même jour, Paul et Ida Mossu se firent céder les droits
successifs de leur soeur Mathilde Dénervaud.

    En vertu de ces deux actes, Francis Dénervaud fut inscrit au registre
foncier comme propriétaire des immeubles qui lui avaient été transférés.

    Quelques jours plus tard, Jean Dénervaud apprit fortuitement
l'existence de ces actes. Il requit à titre de preuve à futur, le 4
novembre 1957, l'examen médical de Paul Mossu. Dans son rapport du 9
décembre 1957, le Dr Maurice Remy, directeur de l'hôpital psychiatrique
de Marsens, déclara que Paul Mossu ne jouissait pas pleinement de ses
facultés de discernement; il ne s'était pas rendu compte de la portée de
l'acte d'abandon de biens qu'il avait signé; il souffrait d'une maladie
mentale, soit d'une démence sénile, qui justifiait son interdiction selon
l'art. 369 CC.

    Le 25 août 1958, Paul et Ida Mossu passèrent chacun dans la forme du
testament public, avec le concours du notaire Bosson, un acte de retrait
de leurs testaments respectifs.

    Paul Mossu mourut le 1er mars 1961. Sa soeur Ida décéda elle aussi,
à une date non précisée.

    B.- Le 1er mars 1962, Jean Dénervaud intenta à son frère Francis
une action en pétition d'hérédité fondée sur le testament public de
Paul Mossu du 27 mai 1955. Il conclut, en bref, à la nullité de l'acte
d'abandon de biens du 17 septembre 1957 et du retrait de testament du
25 août 1958, dans la mesure où ils avaient pour auteur Paul Mossu,
tenu pour incapable de discernement. Le demandeur requit la délivrance
des biens de la succession de son oncle décédé.

    Francis Dénervaud conclut au rejet de la demande.

    Par jugement du 16 novembre 1964, le Tribunal civil de l'arrondissement
de la Glâne rejeta l'action. Il considéra le transfert de biens opéré
entre vifs par l'acte du 17 septembre 1957 comme valable.

    Statuant le 19 mai 1965 sur l'appel du demandeur, la Cour d'appel du
Tribunal cantonal fribourgeois admit l'action. Elle prononça la nullité de
l'acte d'abandon de biens du 17 septembre 1957, en tant qu'il avait été
passé par Paul Mossu, jugé incapable de discernement selon l'opinion de
l'expert. Elle déclara nul, par le même motif, l'acte de retrait du 25 août
1958 et reconnut Jean Dénervaud héritier institué de feu Paul Mossu par le
testament public du 27 mai 1955. Elle rejeta l'exception de prescription
soulevée par le défendeur contre l'action en annulation de l'acte de
retrait. Elle condamna Francis Dénervaud à transférer à son frère Jean
la possession des biens qui font partie de la succession de feu Paul Mossu.

    C.- Contre cet a rrêt, Francis Dénervaud recourt en réforme au Tribunal
fédéral. Il reprend ses conclusions libératoires.

    L'intimé Jean Dénervaud conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Aux termes de l'art. 598 al. 1 CC, "l'action en pétition d'hérédité
appartient à quiconque se croit autorisé à faire valoir, comme héritier
légal ou institué, sur une succession ou sur des biens qui en dépendent,
des droits préférables à ceux du possesseur". Doctrine et jurisprudence
s'accordent à dire qu'une pareille action est fondée sur la seule vocation
successorale du demandeur. En revanche, lorsque celui-ci invoque sa
qualité d'héritier uniquement à l'effet d'établir qu'il est titulaire
d'un droit que possédait le défunt, même s'il réclame la restitution d'un
bien dépendant de la succession, il ne forme pas une pétition d'hérédité;
il exerce simplement l'action qui appartenait déjà à son auteur (RO 45 I
308; ESCHER, n. 1 ad art. 598 CC; TUOR/PICENONI, n. 4 ad art. 598 CC;
ERIC BAUDAT, L'action en pétition d'hérédité en droit suisse, thèse
Lausanne 1964, p. 16).

    L'action que Jean Dénervaud a intentée à son frère Francis visait
un double but. D'une part, elle tendait à faire reconnaître la qualité
d'héritier institué du demandeur. D'autre part, elle avait pour objet
de faire rentrer dans la masse successorale les biens que feu Paul Mossu
avait cédés de son vivant à Francis Dénervaud, pour le motif que l'acte de
transfert serait nul, vu l'incapacité de discernement de son auteur. Jean
Dénervaud a cumulé de la sorte une action en pétition d'hérédité et une
action en nullité de l'acte d'abandon de biens. Ce cumul n'altère pas
la nature de la demande. Se prévalant de sa seule qualité d'héritier
institué, l'intimé a réclamé la mise en possession des biens qui, à son
avis, dépendent de la succession de feu Paul Mossu.

Erwägung 4

    4.- La Cour cantonale constate que la validité du testament public du
27 mai 1955 est incontestée. Nul indice ne permet d'affirmer qu'à cette
date, Paul Mossu était incapable de discernement. Mais le de cujus a
révoqué cette disposition en passant le 25 août 1958 un acte de retrait,
dans la forme du testament public. A l'audience du Tribunal civil de la
Glâne du 17 février 1964, Jean Dénervaud s'est prévalu de la nullité de
cette révocation, en alléguant que feu Paul Mossu était alors incapable
de discernement. Francis Dénervaud a invoqué la prescription.

    L'acte de retrait litigieux se caractérise comme une nouvelle
disposition pour cause de mort révoquant un acte antérieur (art. 509
CC). Pour révoquer un testament, le disposant doit être capable de
discernement (art. 467 CC). S'il ne l'est pas, l'acte de révocation
est annulable en vertu de l'art. 519 al. 1 ch. 1 CC. L'action peut être
intentée par tout héritier ou légataire intéressé (art. 519 al. 2 CC). Elle
se prescrit par un an à compter du jour où le demandeur a eu connaissance
de la disposition et de la cause de nullité; dans tous les cas, par dix
ans dès la date de l'ouverture de l'acte (art. 521 al. 1 CC).

    Quant à l'action en pétition d'hérédité dirigée contre un possesseur
de bonne foi, elle est soumise à la même prescription annale, à compter
du jour où le demandeur a connu son droit préférable et la possession de
son adversaire; elle se prescrit en tout cas par dix ans dès le décès ou
dès l'ouverture du testament (art. 600 al. 1 CC).

    Comme le relève pertinemment la Cour cantonale, le délai de
prescription d'un an ne peut pas commencer à courir avant la mort du de
cujus (art. 537 al. 1 CC), car la qualité pour agir du demandeur - héritier
ou légataire - n'est pas acquise avant ce terme (cf. à propos du pacte de
renonciation RO 53 II 103). Dès lors, en l'espèce, la prescription n'a pu
commencer à courir avant le 1er mars 1961, date de la mort de Paul Mossu.

    Le délai d'un an fixé à l'art. 521 al. 1 CC ne part que du jour
où le demandeur a eu connaissance de la disposition et de la cause de
nullité. Cette connaissance doit être réelle et précise (TUOR, n. 4 ad
art. 521 CC; ESCHER, n. 2 ad art. 521 CC). La circonstance que l'héritier
institué par un testament a "eu vent" (pour reprendre l'expression du
Tribunal civil de la Glâne) qu'une révocation de ce testament aurait
été opérée par un nouvel acte conforme à l'art. 509 CC ne l'oblige pas
à prendre des renseignements auprès de l'officier public qui aurait
instrumenté cet acte ni à en provoquer la communication à l'autorité
compétente pour qu'elle procède à son ouverture. De simples soupçons au
sujet de l'existence d'une disposition annulable ne suffisent pas non
plus (TUOR, loc.cit.). En l'espèce, selon les constatations de la Cour
cantonale, qui lient le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ), car il s'agit
d'un fait dit interne (cf. RO 86 III 35/36), ce n'est qu'à l'audience du
Tribunal civil de la Glâne du 18 novembre 1963, à la suite de la déposition
du notaire Bosson qui avait déclaré que Paul Mossu avait révoqué son
testament du 27 mai 1955 par acte du 25 août 1958, que Jean Dénervaud
a acquis la connaissance précise de cette révocation. Contrairement à
l'art. 556 al. 1 et 2 CC, selon lequel l'officier public qui a instrumenté
un testament ou en a reçu dépôt est tenu de le remettre sans délai, dès
qu'il a connaissance du décès, à l'autorité compétente pour procéder à son
ouverture, même s'il paraît entaché de nullité, le notaire Bosson n'avait
pas communiqué au juge de paix du lieu de l'ouverture de la succession
(art. 168 ss. de la loi fribourgeoise d'application du code civil) les
testaments publics de Paul Mossu qu'il avait dressés; or cette obligation
concerne tous les testaments; ceux qui paraissent valides et ceux qui
paraissent entachés de nullité, c'est-à-dire non seulement ceux qui
sont affectés d'un vice de forme mais aussi ceux qui ont été révoqués
par une disposition ultérieure et, bien entendu, l'acte de révocation
(TUOR/PICENONI, n. 4 ad art. 556 CC; ESCHER, n. 5 ad art. 556 CC;
RIGGENBACH, Die Eröffnung und Mitteilung letztwilliger Verfügungen, RDS
1946, vol. 65 N. S. p. 18; PHILIPPE, A propos des dispositions légales
sur la communication et l'ouverture des testaments révoqués, JdT 1959 I
p. 354/355); en effet, l'officier public qui détient un testament n'est
pas habile à juger de sa validité.

    Le recourant reproche à la Cour d'appel fribourgeoise de n'avoir
pas tenu compte de la déclaration faite par Jean Dénervaud à la séance
du Tribunal civil de la Glâne du 1er juillet 1963. Il en ressortirait
que l'intimé était informé de la révocation de testament du 25 août 1958
par la lettre du notaire Oberson du 19 octobre 1957 à Ida Mossu, dont il
avait pris connaissance. En ignorant l'aveu de Jean Dénervaud, les juges
cantonaux auraient violé l'art. 8 CC ou commis une inadvertance manifeste.

    Ces assertions sont mal fondées. L'art. 8 CC, qui règle le fardeau de
la preuve, ne serait pas violé, même si la juridiction fribourgeoise avait
méconnu un aveu. Quant à l'inadvertance manifeste visée par l'art. 63
al. 2 OJ, elle suppose que l'autorité cantonale ait omis de prendre en
considération une pièce déterminée versée au dossier ou l'ait mal lue,
s'écartant par mégarde de sa teneur exacte, en particulier de son vrai sens
littéral (RO 87 II 232/3 et références citées). Or la lettre à laquelle
Jean Dénervaud a fait allusion le 1er juillet 1963 parlait d'un retrait de
testament qui devrait être opéré afin d'éviter des difficultés plus tard,
mais qui n'était pas encore effectué.

    Sur la base des constatations de la Cour cantonale, Jean Dénervaud
n'a acquis une connaissance précise de l'acte de retrait du 25 août 1958
qu'à l'audience du Tribunal civil de la Glâne du 18 novembre 1963. Du
moment qu'il a conclu à l'annulation de cet acte le 17 février 1964,
la prescription n'est pas acquise.

Erwägung 5

    5.- Le recourant dénie à l'intimé la qualité pour agir en pétition
d'hérédité. Il prétend que son adversaire n'est plus héritier de feu
Paul Mossu, du moment que le testament qui l'instituait a été révoqué et
que l'acte de révocation n'a pas été attaqué en temps utile. Ce moyen se
confond pratiquement avec l'exception de prescription. Comme celle-ci,
il doit être rejeté. 6. - Se prévalant d'un titre de propriété acquis
entre vifs de Paul Mossu, l'acte d'abandon de biens du 17 septembre 1957,
le recourant conteste que sa partie adverse soit fondée à lui réclamer
par la voie d'une action en pétition d'hérédité la délivrance des biens
qu'il possède. Il estime dès lors qu'il n'a pas la qualité pour défendre
à une pareille action.

    Selon l'art. 598 al. 1 CC, l'action en pétition d'hérédité est dirigée
contre le possesseur de la succession ou des biens qui en dépendent. C'est
à dessein que le législateur n'a donné aucune précision sur la qualité
pour défendre. L'exposé des motifs de l'avant-projet du Département
fédéral de justice et police (tome II, Des Successions, p. 116) l'explique
en ces termes:

    "Des doutes peuvent s'élever sur le point de savoir contre qui
l'action pourra être intentée: Sera-ce contre tout détenteur de la chose
ou uniquement contre le possesseur se prévalant lui-même de sa qualité de
successeur, fondée, soit sur une disposition de dernière volonté arguée
de nullité, soit sur la loi à laquelle le demandeur oppose son droit
préférable ou l'indignité du défendeur? Mais il ne nous paraît point
nécessaire ni même désirable de signaler ces divers cas dans le Code. On
peut se contenter de déclarer que l'action appartient à toute personne
qui s'estime autorisée à exercer, comme héritier légal ou institué,
des droits supérieurs à ceux du possesseur, l'action pouvant dès lors
être dirigée non seulement contre celui qui possède en vertu d'un titre
successoral, mais contre tout détenteur, c'est-à-dire contre toute personne
à laquelle le demandeur croit pouvoir opposer un droit préférable. Car
si le caractère de l'action en pétition d'hérédité est ramené à celui du
droit du demandeur, cela suffira en pratique. La personne du défendeur
peut, sans inconvénient, être laissée incertaine, d'autant plus que cette
incertitude sera souvent inévitable."

    La loi laisse donc au juge le soin de déterminer la qualité pour
défendre dans chaque espèce particulière. Inscrit au registre foncier
comme propriétaire du domaine agricole qu'il exploite, le recourant est
sans conteste le possesseur des biens litigieux. Mais il n'invoque pas,
à l'appui de sa possession, un titre successoral. Assurément, l'acte
d'abandon de biens du 17 septembre 1957 a été passé dans la forme du pacte
successoral (art. 512 CC). Peut-être cette précaution a-t-elle été prise
parce qu'il pourrait être considéré comme un contrat d'entretien viager
en faveur de Paul et Ida Mossu, ainsi que de Mathilde et Léon Dénervaud
(cf. art. 522 al. 1 CO). Quoi qu'il en soit, l'acte n'implique aucune
institution d'héritier. On ne saurait donc retenir l'hypothèse d'un pacte
successoral avec transfert de biens entre vifs (art. 534 CC), c'est-à-dire
d'une convention héréditaire qui recevrait une exécution anticipée par
le jeu d'une cession de patrimoine entre vifs selon l'art. 181 CO, avec
laquelle elle se combinerait (cf. ESCHER, n. 1 et TUOR, n. 1 ad art.
534 CC). Il faut donc examiner si l'action en pétition d'hérédité peut
être intentée à un défendeur qui justifie sa possession en se prévalant
d'un transfert de biens entre vifs.

    Le Tribunal fédéral a jugé que le demandeur ne saurait réclamer, par
la voie de l'action en pétition d'hérédité, la restitution d'une chose que
le défendeur prétend avoir acquise du de cujus lui-même et de son vivant;
le défendeur conteste alors précisément que la chose soit comprise dans la
succession; le demandeur doit faire prononcer l'invalidité du transfert de
propriété allégué par son adversaire en formant une action en revendication
ou une action possessoire (RO 41 II 26/27).

    La doctrine a critiqué cette solution. En particulier, LEUCH
(Erbschaftsklage und Einrede des Sondertitels zum Besitze, RSJ 35 (1938/9),
p. 353 ss.) a montré que le demandeur à l'action en pétition d'hérédité
s'en prend au défendeur qui lèse son droit successoral en conservant la
possession de la succession ou de biens qui en dépendent. Le possesseur
lèse le droit successoral de son adversaire de façon expresse s'il
allègue luimême un motif tiré du droit des successions. Il le lèse en fait
lorsqu'il n'invoque aucun motif à l'appui de sa possession - cas d'école
plutôt que détermination effective - ou lorsqu'il allègue un titre spécial
(étranger au droit des successions), qui n'est en réalité pas fondé. Si
le titre spécial est valable (par exemple si le défendeur a reçu la chose
du de cujus en vertu d'un bail, d'une vente ou d'une donation), l'action
en pétition d'hérédité sera nécessairement rejetée. En effet, supposé
que le demandeur réclame la restitution de la chose en vertu d'un droit
découlant de l'acte juridique passé entre son auteur et le possesseur,
sa réclamation n'est pas fondée sur le droit des successions et ne peut
être déduite en justice par une action en pétition d'hérédité; il exerce
un droit qu'avait déjà le de cujus, auquel il a succédé. Pratiquement,
le possesseur qui n'invoque pas son propre droit successoral sera
toujours tenté de prétexter qu'il tient sa possession du de cujus ou
d'un héritier, en vertu d'un titre spécial. Pour des raisons pratiques
également, il faut donc reconnaître au juge saisi de l'action en pétition
d'hérédité la compétence de trancher préjudiciellement la question de la
validité du titre spécial invoqué par le défendeur. Selon que ce titre
spécial sera jugé valable ou non, l'action en pétition d'hérédité sera
rejetée d'emblée ou examinée quant au fond. Les commentateurs (ESCHER,
n. 9 ad art. 598 CC, et TUOR/PICENONI, n. 24 des remarques préliminaires
au chapitre V, ad art. 598 ss. CC), ainsi que d'autres auteurs (SCHUCAN,
Die Erbschaftsklage des schweizerischen Zivilgesetzbuches, thèse Zurich
1943, p. 69; BAUDAT, op.cit., p. 47 ss.) se prononcent dans le même sens.

    Avec la doctrine, il faut admettre que le demandeur fasse trancher
par le juge de l'action en pétition d'hérédité la validité du titre
particulier que lui oppose le possesseur des biens qu'il dit rentrer dans
la succession. En l'espèce, Francis Dénervaud ne saurait éluder le débat
sur la validité de l'acte d'abandon de biens du 17 septembre 1957. Si
cet acte est nul, les biens transférés par Paul Mossu seront compris dans
la succession.

Erwägung 7

    7.- Le recourant soutient que l'action en annulation de l'acte de
retrait du 25 août 1958 aurait dû être dirigée non contre lui, mais
contre les héritiers légaux de Paul Mossu. A cet égard, il prétend ne
pas avoir la qualité pour défendre. Son opinion est partiellement fondée:
si l'acte de révocation était valable, Paul Mossu serait décédé intestat,
et la succession devrait revenir à ses héritiers légaux; une action en
nullité de cet acte de révocation eût dû dès lors mettre en cause les
héritiers légaux; en ce sens, une annulation dudit acte de révocation
prononcée dans un procès où les héritiers légaux ne sont pas parties ne
leur est pas opposable. Le juge saisi de l'action en pétition d'hérédité
dirigée par Jean Dénervaud contre le recourant peut cependant examiner,
pour ce qui a trait aux rapports des parties en cause, la validité de
l'acte de révocation du testament que le défendeur invoque pour dénier au
demandeur la qualité d'héritier, dont celui-ci se prévaut à l'appui de
ses conclusions. Dans cette mesure, l'action en nullité se confond avec
le fondement de la pétition d'hérédité. L'intimé était dès lors en droit
d'invoquer à l'encontre du recourant la nullité de l'acte de révocation.

    Si les héritiers légaux de Paul Mossu, se prévalant de la révocation
du testament, réclamaient la succession à Jean Dénervaud qui l'aurait
reçue comme héritier institué, celui-ci serait fondé à leur opposer en
tout temps, par voie d'exception, la nullité de l'acte de révocation
(art. 521 al. 3 CC).

Erwägung 8

    8.- La Cour d'appel fribourgeoise, se fondant en particulier sur
le rapport d'expertise médicale du Dr Remy, a jugé que Paul Mossu était
incapable de discernement au moment où il a conclu l'acte d'abandon de
biens du 17 septembre 1957 et lorsqu'il a signé l'acte de retrait du
25 août 1958, révoquant son testament du 27 mai 1955. Dès lors, elle a
prononcé la nullité de ces deux actes, appliquant l'art. 18 CC au contrat
entre vifs et l'art. 519 al. 1 ch. 1 CC à la disposition pour cause de
mort. Le recourant critique cette décision.

    La jurisprudence déduit de l'art. 16 CC que la capacité de discernement
est la règle, mais la preuve de son absence n'est soumise à aucune
prescription particulière. Comme en d'autres matières, une très grande
vraisemblance excluant tout doute sérieux suffit, notamment quand il s'agit
de l'état mental d'une personne décédée; la nature même des choses rend
alors impossible une preuve absolue (RO 74 II 205). Savoir si une pareille
vraisemblance est atteinte relève de l'appréciation des preuves. Le juge du
fait constate souverainement, en principe, l'état dans lequel se trouvait
une personne lorsqu'elle a accompli l'acte en question. La juridiction
de réforme peut revoir, en revanche, la conclusion qu'il en a tirée dans
la mesure où elle dépend de la notion même de capacité de discernement;
en d'autres termes, elle examine s'il a posé le problème d'une manière
conforme au droit (RO 90 II 12).

    En l'espèce, le recourant ne prétend pas que la Cour cantonale
serait partie de notions juridiques fausses concernant la capacité
ou l'incapacité de discernement. Les critiques qu'il formule touchent
toutes à l'appréciation des preuves, savoir de l'expertise médicale,
de la déposition du notaire Oberson et des attestations des témoins
instrumentaires qui avaient prêté leur concours à la passation des actes
du 17 septembre 1957 et du 25 août 1958. De telles critiques ne sont pas
recevables en instance de réforme (art. 55 litt. c, 63 al. 2 OJ).

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral: Rejette le recours.