Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 90 I 104



90 I 104

16. Arrêt du 24 juin 1964 dans la cause Devaud contre Tribunal cantonal
vaudois Regeste

    1.  Gerichtsstand des Wohnsitzes. Art. 59 BV.

    a)  Die negative Feststellungsklage, mit welcher die Feststellung
verlangt wird, dass eine Vereinbarung, durch die ein Mann sich zu
Unterhaltsleistungen gegenüber einem Kind verpflichtet hat, mangels seiner
Vaterschaft nichtig sei, stellt eine persönliche Ansprache dar (Erw. 2 a).

    b)  Aufzählung der Ausnahmen von der Garantie des
Wohnsitzgerichtsstandes; eine Ausnahme ist auch zulässig, wenn sonst
die Vollstreckung des Urteils unmöglich wäre oder ein entscheidendes
Beweismittel nicht erhoben werden könnte (Erw. 2 a).

    2.  Persönliche Freiheit.

    Die Blutentnahme für eine Untersuchung ist ein Eingriff in
die persönliche Freiheit. Wie verhält es sich mit der erbbiolo
gisch-anthropologischen Expertise? (Erw. 2 b).

Sachverhalt

    A.- Les 21 décembre 1958 et 13 mars 1959, Pâquerette-Esther Villard et
sa fille Martine-Chantal, née en 1958, passèrent avec Claude Chevalley une
convention selon laquelle celui-ci, reconnaissant être le père de l'enfant,
s'engageait à lui verser une pension et à payer à la mère une somme de 210
fr. pour les frais de grossesse. Le 1er avril 1959, la Justice de paix du
cercle de Corsier (Vaud), où Dlle Villard et sa fille étaient domiciliées,
approuva cette convention.

    B.- Le 12 décembre 1962, Chevalley intenta une action à Pâquerette
Villard, devenue entre temps l'épouse de Roland Devaud, et à l'enfant
Martine-Chantal. Il introduisit le procès devant la Cour civile du
Tribunal cantonal vaudois, for du domicile de l'enfant. Il demanda à
la juridiction saisie d'annuler la convention précitée, de le libérer à
l'avenir du paiement de la pension alimentaire et de condamner dame Devaud
à lui rembourser la somme de 210 fr. qu'elle avait reçue. A l'appui de
sa demande, il allégua qu'il n'était pas le père de l'enfant et offrit de
le prouver par une expertise du sang et une expertise anthropobiologique.

    Le 19 avril 1963, dame Devaud, qui est domiciliée à Genève et qui
est solvable, souleva une exception d'incompétence en se fondant sur
l'art. 59 Cst. Claude Chevalley conclut au rejet de ce moyen, que la
Cour civile écarta le 3 décembre 1963. Le 26 février 1964, la Chambre
des recours du Tribunal cantonal, saisie d'un recours de dame Devaud,
confirma le jugement de la Cour civile en bref pour les motifs suivants:

    Il peut être dérogé au for de l'art. 59 Cst. si l'admission de fors
distincts pour plusieurs défendeurs rend impossible l'exercice du droit
matériel. Tel est le cas en l'espèce. Chevalley a signé la convention
litigieuse parce qu'il était convaincu d'être le père de l'enfant. Pour en
obtenir l'annulation, il devra établir que cette conviction reposait sur
une erreur. Il y parviendra surtout par l'expertise anthropobiologique,
qui n'est possible qu'avec le concours de dame Devaud. Celle-ci n'entend
pas s'y soumettre volontairement et ne pourra pas y être contrainte si elle
n'est pas partie au litige. Il faut dès lors l'introduire dans le procès,
faute de quoi Chevalley sera dans l'impossibilité d'exercer son droit. Les
conditions d'une dérogation au for de l'art. 59 Cst. sont ainsi remplies.

    C.- Le 10 décembre 1963, dans un premier recours de droit public, formé
en même temps que le recours au Tribunal cantonal, dame Devaud requit le
Tribunal fédéral d'annuler le jugement de la Cour civile. Le 16 décembre
1963, le Président de la Chambre de droit public suspendit la procédure
jusqu'à l'arrêt du Tribunal cantonal. Celui-ci ayant statué, dame Devaud
fit savoir au Tribunal fédéral qu'elle maintenait son premier recours.
Elle en forma en outre un second tendant à l'annulation de l'arrêt du
Tribunal cantonal. Elle se plaint d'une violation des art. 4 et 59 Cst.

    D.- Le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de son
arrêt. Chevalley conclut au rejet des deux recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Contre le jugement de la Cour civile, la recourante a formé
non seulement un recours de droit public, mais un recours en réforme
du droit cantonal (art. 93 PC vaud.). Ce recours a eu pour effet de
reporter la cause en son entier au Tribunal cantonal (art. 527 al. 1
PC vaud.). Celui-ci pouvait la revoir librement. Son arrêt a dès lors
remplacé le jugement de la Cour civile. Il est donc seul susceptible
d'être déféré à la Chambre de droit public (RO 88 I 3). Le recours de
droit public est irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre le
jugement de la Cour civile.

Erwägung 2

    2.- En vertu de l'art. 59 Cst., le débiteur solvable ayant domicile
en Suisse doit être recherché devant le juge de ce domicile s'il s'agit
d'une réclamation personnelle. En l'espèce, la recourante est solvable;
elle est domiciliée à Genève. C'est devant le juge de ce lieu qu'elle
devra être assignée, à la double condition que l'action dont elle est
l'objet soit une réclamation personnelle et que l'une des hypothèses où la
jurisprudence admet de déroger à l'art. 59 Cst. ne se trouve pas réalisée.

    a) Par son action, l'intimé entend faire décider s'il est ou non tenu,
en raison de son éventuelle paternité, à des prestations pécuniaires en
faveur de la recourante et de sa fille, s'il peut exiger restitution des
montants déjà versés à celle-là et être dispensé à l'avenir de payer une
pension à celle-ci. Cette action est voisine de l'action en recherche
de paternité sans effets d'état civil et tendant exclusivement à des
prestations pécuniaires. Si cette dernière devait être considérée comme une
réclamation personnelle, l'action introduite en l'espèce le serait aussi.

    A l'époque où l'action pécuniaire en recherche de paternité relevait
du droit cantonal, le Tribunal fédéral a jugé à plusieurs reprises
qu'elle était une réclamation personnelle au sens de l'art. 59 Cst. (RO
40 I 241/242; 32 I 79; 28 I 335; 27 I 165; 20, p. 49/50). L'entrée
en vigueur du Code civil n'a pas modifié cette nature. Même si, en
vertu de l'art. 312 CC, l'action pécuniaire en recherche de paternité
échappe à la règle de l'art. 59 Cst., elle n'en demeure pas moins une
réclamation personnelle. Certes, le Tribunal fédéral a jugé aussi qu'elle
est une action fondée non pas sur le droit des obligations, mais sur le
droit régissant la famille (RO 77 II 120; cf. aussi RO 85 II 82). Cette
définition n'est pas critiquable, mais elle n'infirme pas ce qui précède:
il existe des réclamations personnelles ayant leur fondement dans le
droit de famille. Le Tribunal fédéral l'a clairement démontré à propos
précisément de l'action pécuniaire en recherche de paternité (RO 27 I
165): celle-ci est exclusivement destinée à faire valoir des prétentions
en argent; la constatation de la paternité du défendeur n'est que la
condition de l'admission de ces prétentions.

    L'action pécuniaire en recherche de paternité étant une réclamation
personnelle, il en va de même de l'action intentée en l'espèce. Cependant,
les deux actions se distinguent en ce sens notamment que l'art. 312 CC,
relatif au for, est applicable seulement à l'action en recherche de
paternité. Il ne vise pas l'action négatoire de droit introduite par
l'intimé. Celle-ci tombe dès lors sous le coup de l'art. 59 Cst. Elle
doit donc être introduite devant le juge du domicile du défendeur, à moins
que l'une des exceptions visées par la jurisprudence ne soit réalisée.

    b) En vertu de la jurisprudence, la règle de l'art. 59 Cst. souffre
des exceptions en ce qui concerne le défendeur à l'action reconventionnelle
(RO 87 I 130) ou à l'action civile jointe au procès pénal (RO 53 I 53), le
débiteur recherché au for de l'établissement commercial ou de la succursale
(RO 77 I 124, 81 I 57) et le plaideur qui a renoncé au for du domicile en
signant une clause de prorogation (RO 87 I 51, 56 ss.) ou en plaidant sur
le fond devant un juge incompétent sans faire de réserves (RO 87 I 58,
133/134). Aucune de ces hypothèses n'est réalisée en l'espèce.

    Hormis les exceptions qui viennent d'être citées, la jurisprudence
applique en principe la règle de l'art. 59 Cst. Elle s'y tient même en
cas de responsabilité solidaire et considère que chaque débiteur solidaire
doit être recherché devant le juge de son domicile propre (RO 51 I 49, 52 I
135, 53 I 53, 69 I 8). Il est vrai que, dans l'arrêt Walther (RO 51 I 49),
elle a fait une concession en faveur du for des litisconsorts. Toutefois,
comme l'a relevé l'arrêt Franzoni (RO 53 I 53), elle s'est laissé guider
à cet égard "par des circonstances toutes spéciales, relevant du droit
matériel: le jugement final, qui aurait accueilli la demande, comportait
le transfert de la propriété d'un immeuble des défendeurs au demandeur;
en cela l'exécution du jugement supposait la condamnation de tous les
défendeurs et n'eût pas été possible si, par suite de la disjonction des
instances, des jugements contradictoires avaient été rendus". Aussi bien,
dans son arrêt Depuoz (RO 69 I 8), le Tribunal fédéral, résumant évidemment
les arrêts Walther et Franzoni, affirme que le principe selon lequel
l'art. 59 Cst. est applicable même à l'égard de défendeurs solidaires
doit souffrir une exception "wenn die Beklagten notwendige Streitgenossen,
die gegen sie erhobenen Ansprüche identisch sind und die Vollziehung des
Urteils gegen den einen daher notwendig auch die Verurteilung der übrigen
Beklagten voraussetzt".

    Il résulte de ce qui précède que plusieurs défendeurs domiciliés dans
différents cantons, mais recherchés devant une seule juridiction cantonale,
ne peuvent se prévaloir du for de leur domicile lorsque à défaut d'un
procès unique, l'exécution du jugement serait impossible. A ce cas, il faut
assimiler celui où le jugement même serait compromis parce que, faute d'une
instance réunissant tous les intéressés, une preuve décisive ne pourrait
être administrée (cf. RO 52 I 136, qui par le d'un "Beweisnotstand"). En
revanche, de simples inconvénients de procédure, conséquence inévitable
d'une division de cause, ne justifient pas une dérogation à l'art. 59
Cst. (RO 53 I 50, 54). Quant au risque de jugements contradictoires,
il est inhérent à l'application du principe constitutionnel et doit être
accepté (RO 53 I 54).

    En l'espèce, les deux prétentions que l'intimé fait valoir
contre la mère et l'enfant sont distinctes. Elles peuvent exister
indépendamment l'une de l'autre. Le jugement qui reconnaîtrait l'une
d'elles serait exécutoire même si la seconde était contestée par un
autre jugement. L'intimé ne se trouvera donc pas dans l'impossibilité
d'exécuter le jugement si, au lieu de pouvoir réunir la mère et l'enfant
dans le même procès, il doit les rechercher à des fors différents. Sans
doute, la convention de 1958/1959 risque d'être annulée devant l'une des
juridictions, tandis qu'elle ne le serait pas devant la seconde. Cependant
l'annulation de la convention dans l'une des instances serait sans effet
sur son maintien dans l'autre. Les deux jugements pourraient donc être
exécutés concurremment.

    Quant à la preuve décisive dont l'administration serait impossible en
cas de division de cause, elle est constituée par l'expertise du sang et
l'expertise anthropobiologique. La première mesure implique une prise
de sang. Celle-ci constitue une atteinte à la liberté individuelle
et, partant, ne peut être ordonnée qu'en vertu d'une base légale,
qu'elle doive être faite sur une partie ou sur un témoin (RO 89 I 99;
sur les rapports entre la prétention de droit fédéral à la preuve par
l'examen du sang et l'obligation de se soumettre à l'expertise, cf. RO
82 II 509/510). Or le droit vaudois ne contient pas une telle base. La
recourante (comme sa fille d'ailleurs) pourra donc se soustraire à la
preuve par l'examen du sang, qu'elle soit partie au procès ou simple
témoin. Dans l'un et l'autre cas, la preuve sera impossible à administrer;
mais l'impossibilité sera la conséquence d'une lacune du droit vaudois et
non de l'application de l'art. 59 Cst. Elle ne saurait dès lors conduire
à déroger à cette disposition.

    S'agissant de l'expertise anthropobiologique, point n'est besoin
de décider aujourd'hui si elle constitue une atteinte à la liberté
individuelle (l'arrêt RO 84 I 220/221 paraît le nier, mais on pourrait le
considérer comme dépassé par l'arrêt RO 90 I 33 ss.). Supposé que tel soit
le cas, les explications données ci-dessus à propos de l'expertise du sang
s'appliqueraient. L'impossibilité d'administrer la preuve ne permettrait
pas d'échapper à la règle de l'art. 59 Cst. Dans l'hypothèse contraire,
où l'expertise anthropobiologique ne serait pas une atteinte à la liberté
individuelle, les tribunaux vaudois devraient encore décider si elle est
compatible avec les règles du code de procédure civile vaudois, et cela
à l'égard tant des parties au procès que des témoins. En cas de réponse
négative, la preuve serait exclue, mais l'impossibilité découlerait d'une
lacune du droit vaudois, qui ne suffirait pas à autoriser une dérogation
à l'art. 59 Cst. En cas de réponse affirmative, la preuve pourrait être
administrée si la recourante acceptait de comparaître devant les tribunaux
vaudois, avec les conséquences que cela comporterait pour elle. Il n'y
aurait donc pas d'impossibilité. Supposé que la recourante refuse de se
présenter dans le canton de Vaud et exige d'être entendue à Genève comme
témoin, les autorités genevoises devraient examiner si elles peuvent exiger
d'un témoin qu'il se soumette à l'expertise anthropobiologique. Cette
question n'est pas résolue. A cet égard, l'impossibilité d'apporter une
preuve décisive n'est pas non plus établie.

    Vu ce qui précède, la recourante ne saurait être contrainte de se
défendre devant les tribunaux vaudois. L'arrêt Bucher (RO 50 I 394)
ne conduit pas à une conclusion contraire. Il ne se rapporte qu'à
l'interprétation de l'art. 312 CC et au for prévu par cette disposition,
qui précisément est inapplicable en l'espèce. Les motifs qu'il invoque
pour créer un for unique lorsque la mère et l'enfant agissent séparément se
justifient au regard du but que poursuit l'art. 312 CC. Ils doivent céder
le pas lorsque seul le principe constitutionnel de l'art. 59 Cst. règle
la répartition des compétences.

Erwägung 3

    3.- L'arrêt attaqué devant être annulé, il appartiendra au Tribunal
cantonal de répartir à nouveau les frais et dépens de la procédure
cantonale.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Admet le recours dans le sens des motifs en tant qu'il est recevable
et annule l'arrêt attaqué.