Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 90 II 69



90 II 69

9. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 29 avril 1964 dans la
cause C. c. M. Regeste

    Ehescheidung. Entschädigung. Unterhaltsrente.

    1.  Bedeutung einer vom klagenden Ehegatten begangenen Schuld für die
Anwendung der Art. 151 und 152 ZGB (Darlegung der Rechtsprechung; Erw. 2).

    2.  Der Umstand, dass die Ehegatten lange voneinander getrennt
gelebt haben, bewirkt nicht den Hinfall des Anspruchs der Ehefrau auf
eine Entschädigung für den Verlust des Unterhaltes, den ihr der Ehemann
zu gewähren hatte (Erw. 4).

    3.  Wie verhält sich die Entschädigung nach Art. 151 Abs. 1 ZGB zur
Unterhaltsrente nach Art. 152 ZGB (Erw. 5)?

Sachverhalt

    A.- A. M., né en 1900, de nationalité italienne, et A.  C. née en
1898, se sont mariés à Genève le 14 octobre 1930. Ils ont eu une fille,
E. H., née le 2 janvier 1931. En août 1949, l'épouse quitta la demeure
conjugale, sans que le mari s'y opposât. Les parties sont restées séparées
depuis lors.

    A. M. vit en concubinage avec une dame B. depuis l'année 1952. Il
travaille comme colleur de papiers-peints au service de la maison X.,
à Genève.

    Dame M. a subvenu seule à ses besoins jusqu'au 30 novembre
1961. Elle a perdu alors, pour raison de santé, son emploi de lingère
dans un restaurant. Elle habite actuellement chez sa fille et n'a plus
d'occupation rémunérée.

    B.- Par exploit du 19 juin 1961, dame M., qui a été réintégrée dans
son droit de cité suisse, a introduit une action en divorce et réclamé
400 fr. par mois à titre d'indemnité et de pension alimentaire.

    Le mari a conclu reconventionnellement au divorce.

    Statuant le 5 mars 1963, le Tribunal de première instance de Genève a
prononcé le divorce pour cause d'adultère du mari, en application de l'art.
137 CC, et condamné le défendeur à payer à la demanderesse une pension
alimentaire de 200 fr. par mois fondée sur les art. 151 et 152 CC.

    C.- Les deux parties ont appelé de ce jugement. Le mari a repris ses
conclusions en divorce. L'épouse a conclu à la réforme en ce sens que la
pension alimentaire qui lui avait été allouée fût portée à 450 fr. par
mois. A titre subsidiaire, elle a offert de prouver que son conjoint
avait des revenus supérieurs au montant admis par le tribunal.

    Par arrêt du 17 janvier 1964, la Première Chambre de la Cour de
justice du canton de Genève a confirmé le jugement de première instance,
en précisant toutefois que la pension alimentaire de 200 fr. par mois n'est
allouée à l'épouse qu'en application de l'art. 152 CC, à l'exclusion de
l'art. 151 CC.

    D.- Dame M. recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle requiert
l'allocation d'une pension alimentaire de 450 fr. par mois, fondée sur les
art. 151 et 152 CC. Subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause
à la Cour cantonale pour qu'elle fasse administrer les preuves offertes
dans la procédure d'appel. Elle se plaint d'une violation des art. 8,
151 et 152 CC.

    L'intimé conclut au rejet du recours. Il conteste à sa partie adverse
la qualité d'épouse innocente au sens de la loi et de la jurisprudence.

    Le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours, annulé l'arrêt
attaqué et renvoyé la cause à l'autorité cantonale, en application de
l'art. 64 al. 1 OJ, pour qu'elle se détermine sur les offres de preuve
de la recourante, puis statue à nouveau sur la nature et le montant des
prestations allouées à l'épouse.

Auszug aus den Erwägungen:

Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Pour obtenir soit une indemnité selon l'art. 151 CC, soit une
pension alimentaire fondée sur l'art. 152 CC, la recourante doit avoir
la qualité d'épouse innocente au sens des deux dispositions légales. La
jurisprudence distingue à cet égard la portée des fautes commises par
l'époux demandeur, selon qu'elles sont ou non en relation de causalité
avec la rupture du lien conjugal et le divorce. S'il admet le rapport
de cause à effet, le juge refusera toute prestation au conjoint fautif,
à moins que le manquement n'ait joué qu'un rôle tout à fait secondaire
dans la désunion ou ne soit que la réaction à de graves provocations;
le juge accordera alors l'indemnité réclamée, mais en réduira le montant,
s'il l'estime opportun. Au contraire, l'auteur d'une faute qui n'est pas
en rapport de cause à effet avec la rupture du lien conjugal sera considéré
comme l'époux innocent, à moins que son infraction aux devoirs découlant du
mariage ne soit grave (RO 88 II 140/1 et références citées). Dans ce cas,
l'indemnité selon l'art. 151 CC sera refusée ou réduite. En revanche,
la pension alimentaire allouée en vertu de l'art. 152 CC ne saurait
être diminuée en raison d'une faute sans relation de causalité avec
le divorce. La prétention dérive en effet non pas de la faute commise
par l'autre conjoint, mais de la détresse qui menace le bénéficiaire,
à laquelle le législateur a voulu parer en s'inspirant de considérations
d'ordre social (RO 89 II 66/7). Il n'est pas nécessaire de se déterminer
aujourd'hui sur les critiques formulées contre cette solution par
HINDERLING (Die Bedeutung des Verschuldens für die Ansprüche nach Art. 151
und 152 ZGB, BJM 1964 p. 1 ss.). De toute manière, la recourante apparaît
comme l'épouse innocente, car elle n'a pas commis de faute.

    Assurément, dame M. a quitté le domicile conjugal en août 1949. Mais la
Cour de justice constate, de manière à lier le Tribunal fédéral (art. 63
al. 2 OJ), que les parties vivaient alors en mauvaise harmonie. Elles
se sont séparées en définitive d'un commun accord, ou du moins sans que
le mari s'y opposât. D'ailleurs, celui-ci n'a pas tardé à se créer un
nouveau foyer. En effet, il a vécu dès l'année 1952 en concubinage avec
une dame B. Sur le vu de ces constatations, le départ de l'épouse ne
saurait être qualifié de faute. Pour le surplus, il ne résulte pas des
faits exposés par la juridiction cantonale que dame M. ait violé d'une
manière quelconque les obligations que lui imposait le mariage.

Erwägung 3

    3.- De son côté, l'intimé a provoqué le divorce par son adultère. Il
est donc l'époux coupable au sens de l'art. 151 CC (RO 57 II 245, 79
II 134/5).

Erwägung 4

    4.- La recourante réclame une indemnité selon l'art. 151 al. 1 CC
pour compenser l'entretien que lui devait son mari et dont elle est
privée par le divorce. Elle n'allègue pas d'atteinte à un autre intérêt
pécuniaire. Elle ne prétend pas non plus que son conjoint lui doive la
réparation d'un tort moral (art. 151 al. 2 CC).

    Doctrine et jurisprudence rangent parmi les intérêts pécuniaires
compromis par le divorce le droit de la femme à l'entretien par son mari
(art. 160 al. 2 CC). La perte de ce droit est indemnisée en application
de l'art. 151 al. 1 CC, généralement sous la forme d'une rente (RO 60
II 392, 71 II 11, 84 II 416, 87 IV 86; HINDERLING, Das schweizerische
Ehescheidungsrecht, 2e éd., p. 102; PFYFFER, Vom Unterhaltsbeitrag an
die geschiedene Frau, RSJ 54 (1958) p. 33 ss. et 49 ss., notamment
36). L'indemnité n'est pas abandonnée à la libre appréciation du
juge. Lorsque les conditions requises par la loi sont réalisées, elle
doit être accordée à l'épouse innocente qui la réclame et qui établit
les faits justifiant sa prétention, conformément aux règles posées dans
l'arrêt publié au RO 78 II 105/6 (cf. dans le même sens HINDERLING,
op.cit., p. 111).

    En l'espèce, la Cour de justice a refusé à la recourante une
indemnité au sens de l'art. 151 al. 1 CC par le motif que les parties se
sont séparées à l'amiable et n'ont plus entretenu de relations depuis
près de quatorze ans. Cette argumentation est erronée. L'obligation
imposée au mari par l'art. 160 al. 2 CC subsiste en effet tant que dure
le mariage. Peu importe à cet égard que les conjoints cessent la vie
commune. Il est indifférent aussi que l'épouse qui vit séparée en fait
de son mari s'abstienne de lui réclamer son entretien aussi longtemps
qu'elle est capable de subvenir elle-même à ses besoins par le produit
de son travail ou par d'autres ressources. Le droit que lui confère
l'art. 160 al. 2 CC ne se périme pas pour autant.

Erwägung 5

    5.- Que l'épouse innocente soit exposée au dénuement, et partant
fondée à recevoir une pension alimentaire selon l'art. 152 CC, cela ne
dispense pas le juge d'examiner s'il doit allouer une indemnité au sens de
l'art. 151 al. 1 CC pour compenser la perte du droit à l'entretien. Il est
vrai que le champ d'application de chacune de ces dispositions légales
n'est pas encore bien délimité. La loi ne règle pas la question. La
jurisprudence a évolué.

    Selon un arrêt ancien, l'art. 151 al. 1 CC est seul applicable
à l'endroit du mari coupable, qui devra payer une rente à son épouse
divorcée, même si elle n'est pas exposée au dénuement. L'art. 152 CC n'est
qu'une disposition spéciale à laquelle le juge recourra pour préserver
du besoin la femme innocente dont l'époux n'est pas non plus coupable
(RO 60 II 392).

    Plus tard, le Tribunal fédéral a jugé que les prestations fondées
sur les art. 151 al. 1 et 152 CC ne peuvent être cumulées. Si la rente
due en vertu de la première disposition légale ne suffit pas à tirer
le bénéficiaire du besoin où il se trouve, le juge allouera uniquement
une pension alimentaire en vertu de la seconde disposition, mais il en
augmentera équitablement le montant pour tenir compte de la prétention
concurrente issue de l'art. 151 CC (RO 68 II 4).

    Un arrêt ultérieur distingue les droits conférés par les art. 151 al. 1
et 152 CC, tant par les conditions qui président à leur naissance que par
leurs effets; il envisage une application combinée des deux dispositions
légales (RO 78 II 105/6).

    La doctrine a critiqué la solution donnée par les arrêts récents. BARDE
préconise le retour à l'ancienne jurisprudence, qui avait le mérite de
la clarté (Le procès en divorce, RDS 74 (1955) II p. 524 a). Se référant
à un arrêt de la Cour d'appel de Bâle-Ville (AGE VIII, 1941/5 p. 37/8),
HINDERLING (op. cit., p. 111) a montré les graves inconvénients pratiques
de la solution nouvelle: s'il est admis par la jurisprudence récente
que la rente allouée en vertu de l'art 151 al. 1 CC pour compenser
la perte du droit à l'entretien peut être réduite, en appliquant par
analogie l'art. 153 al. 2 CC, au cas où la situation économique du
débiteur se détériore (RO 71 II 12/3, 78 II 106, 80 II 188), elle subsiste
intégralement lorsque la situation du bénéficiaire s'améliore; en revanche,
la pension alimentaire de l'art. 152 CC peut être diminuée dans les deux
éventualités; le créancier est donc traité de manière moins favorable
s'il reçoit seulement une pension alimentaire, alors qu'il aurait droit à
une indemnité. PFYFFER s'est exprimé dans le même sens (op. cit., RSJ 54
(1958) p. 38 ch. 4).

    Ces critiques ne sont pas dénuées de pertinence. Il n'est cependant
pas nécessaire d'examiner en l'espèce de manière approfondie si la
jurisprudence instaurée par l'arrêt publié au RO 68 II 4 devrait être
abandonnée. Il suffit de relever que l'allocation d'une pension alimentaire
selon l'art. 152 CC qui engloberait l'indemnité fondée sur l'art. 151
CC est en tout cas exclue lorsqu'il s'agit de compenser la perte d'un
entretien dont la valeur était supérieure au montant nécessaire pour
préserver l'épouse du dénuement. L'indemnité doit en effet permettre au
bénéficiaire de conserver un train de vie conforme à son état (cf. RO 71
II 11). Or l'expérience enseigne que le mari consacre ordinairement à sa
femme un bon tiers au plus de son gain mensuel (RO 84 II 417). Si l'époux
coupable qui doit la prestation gagne bien sa vie, n'a pas d'autres charges
de famille et que l'épouse innocente créancière ne peut, une fois divorcée,
se procurer un gain parce que sa santé déficiente l'empêche de travailler,
l'indemnité due en vertu de l'art. 151 al. 1 CC sera normalement fixée à
un chiffre plus élevé que la pension alimentaire destinée selon l'art. 152
CC à tirer le bénéficiaire du besoin où il se trouve (cf. BARDE, op.cit.,
p. 526 a, n. 45 a).

    On ne saurait dès lors refuser à la recourante une indemnité au sens de
l'art. 151 al. 1 CC en se référant à la jurisprudence rappelée plus haut.