Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 90 II 333



90 II 333

39. Arrêt de la Ire Cour civile du 10 novembre 1964 dans la cause Alex
Martin SA contre Association suisse des fabricants de cigarettes. Regeste

    Art. 52 Abs. 2, 59 Abs. 2, 60 Abs. 1 ZGB. Ein Verein verfolgt nur dann
einen wirtschaftlichen Zweck, der die Erlangung der Rechtspersönlichkeit
ausschliesst, wenn er selber ein kaufmännisches Gewerbe betreibt
(Wiederherstellung der vor BGE 88 II 209 geltenden Rechtsprechung).

Sachverhalt

    A.- Sous la dénomination "Association suisse des fabricants de
cigarettes", il a été constitué une association au sens de l'art. 60 CC,
dont le siège est actuellement à Fribourg, et qui groupe des fabriques
de cigarettes établies en Suisse.

    L'art. 2 des statuts définit le but social comme il suit:

    Art. 2. - L'association a pour but de sauvegarder et de favoriser
dans tous les domaines les intérêts communs de ses membres, notamment:

    a) de prendre toutes mesures utiles quant à l'imposition du tabac
et des produits manufacturés du tabac, ainsi que de traiter toutes
négociations avec les autorités...

    b) de régler les conditions de vente des cigarettes en Suisse, en
particulier de fixer des prix de vente au détail obligatoires;

    c) d'agir en lieu et place des membres dans les luttes économiques
et de les protéger contre leurs effets.

    En 1958, d'accord avec l'Association des grossistes spécialistes de
la branche du tabac, l'Association suisse des fabricants de cigarettes a
établi un nouvel ordre du marché pour la branche des cigarettes. Cette
réglementation répartit la clientèle entre les fabricants et les
grossistes. Elle fixe les marges de bénéfice des grossistes et des
détaillants. Elle est assortie de mesures de rationalisation, telles que
la création d'une caisse de compensation du chiffre d'affaires entre les
grossistes. Ceux-ci bénéficient, en adhérant à la nouvelle organisation,
d'un rabais de 2% et d'un rabais dit de fonction de 0,75% à 1,5% selon
les quantités.

    B.- La société anonyme Alex Martin SA, dont le siège est à Fribourg,
exploite un commerce de tabacs en gros. Ayant refusé d'adhérer à
la nouvelle organisation du marché, elle a été frappée des mesures
discriminatoires prévues par la nouvelle réglementation.

    La société précitée a ouvert concurremment deux actions en cessation
de boycott et en dommages-intérêts. L'une, dirigée contre l'Association
des grossistes de la branche du tabac, a été introduite devant la Cour
d'appel du canton de Berne. L'autre, formée contre l'Association suisse
des fabricants de cigarettes, a été commencée devant le Tribunal de la
Sarine, à Fribourg, où se trouve le siège de la défenderesse. D'entente
entre les parties, le premier procès a été suspendu jusqu'à la solution
du second. Celui-ci a été porté d'un commun accord devant le Tribunal
fédéral, appelé à statuer en instance unique. La juridiction saisie a
admis sa compétence par décision du 21 décembre 1962 (RO 88 II 383).

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'association défenderesse a pour but la défense d'intérêts
économiques communs de ses membres. Bien qu'elle n'ait pas contesté sa
capacité d'être partie au procès, la question doit être examinée d'office
(art. 3 al. 1 PCF). A moins d'exceptions spécialement prévues par la loi
(cf. par exemple art. 562 et 602 CO), seules les personnes physiques ou
morales sont capables d'agir et de défendre en justice. En particulier,
les associations ne peuvent soutenir un procès que si elles ont acquis la
personnalité juridique (cf. art. 60 CC). Sans cela, elles sont assimilées
aux sociétés simples (art. 62 CC).

Erwägung 2

    2.- La loi range les corporations de droit privé dans une
classification bipartite. D'une part, les associations qui n'ont pas un
but économique sont dispensées de l'obligation de s'inscrire au registre
du commerce (art. 52 al. 2 CC); elles sont soumises aux règles des
art. 60 ss. du code civil. D'autre part, les organisations corporatives
qui ont un but économique sont régies par les dispositions du code des
obligations applicables aux sociétés (art. 59 al. 2 CC, 620 ss. CO). Mais
le législateur n'a apparemment pas saisi l'importance ni prévu le
développement considérable des "associations économiques". Celles-ci se
caractérisent par le fait que, sans participer directement à l'activité
économique, elles ont pour but de servir médiatement les intérêts
économiques de leurs membres. Le code civil ne ménage pas à de pareilles
corporations la place qui leur conviendrait. Soucieuse de compléter la
réglementation légale, la jurisprudence traditionnelle reconnaissait aux
groupements économiques la faculté de se constituer en associations. Elle
n'interdisait le choix de ce type de personne morale qu'aux organisations
corporatives exerçant elles-mêmes une industrie en la forme commerciale
(JdT 1935 I 66, RO 62 II 32 ss., 72 I 324 ss.). Sous le couvert d'une
interprétation restrictive du but économique, elle substituait ainsi au
critère légal du but celui des moyens utilisés pour l'atteindre. Néanmoins,
la solution choisie présentait un triple avantage. Conforme à l'esprit
libéral du code civil, elle permettait aux associations économiques, si
variées dans leur composition et leur importance, de choisir la forme la
plus appropriée à leurs besoins. Elle était facile à appliquer: on vérifie
aisément si une personne, physique ou morale, exerce une industrie en la
forme commerciale. Le critère était apparent, à la différence du processus
psychique de la volonté qui fixe un but, dont les tiers ne perçoivent
que les manifestations externes.

    Le 11 septembre 1962, dans la cause Miniera, le Tribunal fédéral
a rompu avec sa pratique antérieure et jugé que les groupements ayant
pour but de défendre des intérêts économiques communs de leurs membres
ne pouvaient se constituer en associations, car leur but n'est pas idéal,
mais purement économique (RO 88 II 209). La décision visait une association
de grossistes faisant le commerce de fer qui s'étaient entendus pour
fixer les prix et les conditions de livraison. Approuvé par LIVER (RJB 99
[1963] p. 336 ss.), le renversement de la jurisprudence a été critiqué
par d'autres auteurs (PIOTET, JdT 1963 I p. 98 ss., 226 ss.; PELLET,
Le but non économique de l'association, thèse Lausanne 1964; BRINER,
Zur Rechtsform der schweizerischen Wirtschaftsverbände, in Wirtschaft
und Recht, 1964 p. 73 ss.).

    Point n'est besoin de reprendre aujourd'hui l'exégèse des art. 52
al. 2, 59 al. 2 et 60 al. 1 CC. La décision rendue en la cause Miniera
donne en effet une interprétation exacte du texte légal. En revanche,
les conséquences pratiques qui résulteraient de sa confirmation et de
l'application logique de la nouvelle définition du but non économique
méritent un examen approfondi. En effet, la question n'intéresse pas
seulement les associations économiques et leurs membres. Elle revêt
aussi une importance considérable pour les tiers qui traitent avec
ces groupements ou qui sont lésés par leurs actes illicites. Elle doit
être résolue en tenant compte de la réalité des faits économiques. Sa
solution ne saurait porter atteinte à l'harmonie qui doit régner entre
le droit civil et le droit commercial. Les deux disciplines, qui ne sont
d'ailleurs pas séparées dans la législation suisse, exercent en effet
l'une sur l'autre une influence qui n'est pas négligeable (cf. GIOVANOLI,
RDS 61 [1942] p. 1 ss., notamment p. 26/7).

Erwägung 3

    3.- Le maintien du nouveau critère obligerait à opérer dans chaque
espèce particulière la distinction entre le but économique et le but idéal.
Plusieurs difficultés surgiront à ce propos, qui constituent un facteur
d'insécurité.

    a) Tout d'abord, le même but peut être idéal ou économique, selon
qu'il tend à satisfaire les intérêts de tiers ou ceux de la corporation,
voire de ses membres. Ainsi, une institution de bienfaisance qui se propose
d'apporter à des tiers des avantages économiques conserve un but idéal, en
raison du mobile altruiste qui inspire son action. Mais si elle recherche
la même fin au profit de ses membres, elle s'inscrit dans la définition
de la société coopérative (art. 828 CO). Qu'en sera-t-il alors si la
corporation rassemble à la fois des bénéficiaires (ou des associations
groupant les bénéficiaires) et des membres désintéressés? Le cas se
produit souvent, soit que les seconds veuillent encourager l'initiative
des premiers, soit que les promoteurs de l'oeuvre philanthropique
entendent associer les bénéficiaires à la gestion, voire les appeler
à participer au financement (cf. l'exemple cité par LIVER, op.cit.,
p. 337). La qualification du but sera d'autant plus incertaine que la
composition du groupement subira des variations. Elle obligerait sans
doute à nuancer les principes applicables à la détermination du but
économique. La sécurité du droit en pâtirait.

    b) Les difficultés à résoudre seraient plus graves encore en présence
d'un groupement visant des buts multiples, les uns de caractère économique,
les autres de nature idéale. Ainsi, la grande majorité des associations
professionnelles déclarent dans leurs statuts, à côté de fins économiques
avouées, des objectifs ou du moins des intentions qui dépassent les
intérêts patrimoniaux immédiats et qui représentent, dans l'idée des
promoteurs, un but idéal. Si le but réellement visé ne correspond pas à
celui qui est énoncé, l'application logique des principes posés dans la
décision Miniera exigerait que le premier soit déterminant. Cependant,
comme en matière de but illicite (cf. RO 62 II 97), on présumerait
sans doute que les statuts sont sincères, et partant que l'association
existe juridiquement. La preuve d'une divergence entre la fin déclarée et
l'objectif réel incomberait à celui qui s'en prévaut. Elle sera souvent
difficile à apporter, surtout pour une personne étrangère au groupement,
telle que la victime d'un boycott.

    c) Même si l'on parvient à déterminer la fin qui l'emporte, il
restera à définir la nature de la corporation hybride, à but mi-idéal,
mi-économique. Si l'on choisit comme critère le but prédominant, on admet
implicitement qu'une association se propose un objectif économique -
contrairement aux règles dégagées en la cause Miniera - par le seul fait
que cet objectif concourt avec une fin idéale (cf. PIOTET, op.cit.,
p. 101). En outre, l'importance respective des deux buts en présence
ne sera pas facile à déterminer. Elle variera peut-être dans le temps,
de telle sorte que la nature juridique de la collectivité, et partant
son existence comme personne morale, seraient exposées à de brusques
mutations. Enfin, la décision sur la prédominance de l'un des buts relève
de l'appréciation. L'insécurité subsistera donc jusqu'au prononcé définitif
de l'autorité judiciaire supérieure.

    Si l'on applique les règles de la nullité partielle, comme le suggère
PIOTET (op. cit., p. 101), l'association subsisterait uniquement avec
ses buts idéaux. En revanche, les clauses statutaires énonçant des fins
économiques seraient frappées de nullité. Elles vaudraient comme société
simple (cf. dans ce sens RO 48 II 170, consid. 2 in fine). L'association
proclamant un but idéal existerait alors sans inscription au registre du
commerce et lierait ses membres en vue du but économique principal par des
accords contractuels. Encore faudrait-il préciser dans quelle mesure ces
accords ressortiraient au but social et engageraient l'association comme
telle, non ses membres individuellement. De même, on devrait examiner si
la nullité des clauses statutaires relatives au but économique dégagerait
l'association de sa responsabilité, fondée sur l'art. 55 CC, pour un
acte illicite - par exemple un boycott - décidé par l'assemblée générale
et exécuté par les organes sociaux, mais exorbitant du but idéal. Il
appartiendrait à la jurisprudence de résoudre ces questions en élaborant
les règles nécessaires et en les appliquant à chaque cas particulier.

    d) Assurément, on pourrait ranger les corporations mixtes dans les
associations, en leur prescrivant de s'inscrire au registre du commerce. La
décision rendue en la cause Miniera, qui vise un groupement à but purement
économique, ne s'y oppose pas. Mais la loi n'offre aucun appui à une
solution pareille. L'association ayant un but économique, même partiel,
semble d'ailleurs incompatible avec l'art. 59 al. 2 CC. De toute manière,
il est douteux que le juge puisse introduire par la voie prétorienne une
nouvelle forme d'association, dont la constitution en personne morale
serait subordonnée à l'inscription au registre du commerce.

    e) Les difficultés relevées seraient particulièrement sensibles non
seulement du point de vue des associations et de leurs membres, mais
aussi et surtout pour les tiers qui entreraient en relations avec eux.
Ainsi, la victime d'un boycott ou d'un acte de concurrence déloyale ne
saura si elle doit rendre responsable de l'acte illicite qui la lèse
l'association - laquelle contestera peut-être son existence juridique,
voire sa responsabilité pour l'acte incriminé - ou ses membres qu'elle
considérerait comme liés par un contrat de société simple (art. 62
CC). Son incertitude restera d'autant plus grande que les éléments
déterminants pour résoudre la question à la lumière de la jurisprudence
récente seront fréquemment occultes. En effet, les cartels ne publient
généralement pas leurs statuts. Les concurrents n'en ont le plus souvent
pas connaissance. Le temps leur manquera pour élucider les faits à établir
en vue de sauvegarder leurs droits. L'inconvénient sera particulièrement
grave lorsque le tiers lésé entend requérir des mesures provisionnelles
ou une décision judiciaire appliquant l'art. 6 al. 2 de la loi fédérale
sur les cartels et les organisations analogues du 20 décembre 1962 (loi
sur les cartels). Il devra se procurer les informations nécessaires,
non seulement sur les statuts de l'association qui nuit à ses intérêts,
mais encore sur la façon dont ils sont effectivement appliqués, pour savoir
s'il doit intenter un procès à une personne morale ou à des membres isolés
d'un groupement dépourvu d'existence juridique.

Erwägung 4

    4.- La décision rendue en la cause Miniera concernait un cartel
de prix. La collectivité visée en l'espèce n'avait pas d'autre
objectif. Cependant, la notion de but économique dégagée dans les
considérants, si elle était confirmée, devrait être appliquée de façon
conséquente, dans l'intérêt de la sécurité du droit. Elle s'étendrait
alors à de nombreuses associations professionnelles. Outre leur but général
d'organiser la branche par une réglementation professionnelle détaillée,
celles-ci forment en effet des cartels qui règlent minutieusement les prix
(cf. par exemple les organisations horlogères mentionnées dans les arrêts
publiés au RO 82 II 292, 85 II 489).

    En dehors des cartels proprement dits, d'autres groupements fixent les
prix de vente minima pour leurs adhérents, s'efforcent d'améliorer les
salaires payés à leurs membres, ainsi que leurs conditions de travail
(durée, vacances payées, assurances, etc.); d'autres organisations
corporatives négocient avec les syndicats ouvriers, pour le compte des
entreprises qui leur sont affiliées, la réglementation du travail et
les salaires; autant de tâches qui ne sont pas des buts idéaux selon la
décision Miniera. Ainsi, les organisations professionnelles - patronales et
ouvrières - ont un but économique. Sans doute leurs statuts énoncent-ils
aussi d'autres buts, que l'on peut qualifier de non économiques. Mais ces
buts-là sont secondaires. L'objectif essentiel correspond exactement à la
définition de la société coopérative, qui a pour but de "favoriser...,
par une action commune, des intérêts économiques déterminés de ses
membres" (art. 828 CO). Le législateur l'a confirmé récemment, en
déclarant expressément que la loi sur les cartels n'est pas applicable
"aux conventions, décisions et mesures qui ne visent que les rapports
de travail" (art. 1er, 2e phrase). L'exception eût été superflue si de
telles démarches ne constituaient pas des mesures cartellaires, mais la
recherche d'un but idéal.

    En qualifiant les corporations selon leur but, à l'aide des critères
dégagés en la cause Miniera, on dénie par conséquent la personnalité
juridique aux groupements d'employeurs et de travailleurs qui prennent
l'initiative de pareilles mesures. Tel sera le cas, en particulier, des
grandes associations professionnelles qui jouent un rôle très important
dans la vie économique et les structures sociales du pays et qui sont
fréquemment appelées à collaborer avec les autorités. N'existant pas
comme associations, ces groupements seront assimilés aux sociétés simples,
en vertu de l'art. 62 CC (cf. LIVER, op.cit., p. 336/7).

Erwägung 5

    5.- L'art. 62 CC transforme, par l'effet d'une conversion légale,
les statuts des associations inexistantes comme telles en contrats de
société simple. Mais cette situation ne peut durer. Elle prendra fin,
à bref délai, par la dissolution de la société simple ou sa conversion
en une autre forme de société régie par le droit des obligations.

    a) Pour conserver l'organisation interne comme contrat de société
simple, il faut admettre que l'art. 534 al. 2 CO, selon lequel la majorité
apte à prendre les décisions se compte par têtes, n'est pas une règle
impérative (cf. à ce propos SIEGWART, rem. prél. 105 ad art. 530/551 CO;
le même auteur écrit toutefois plus loin que le droit de vote peut être
gradué selon les apports de chaque associé: n. 8 ad art. 534 CO). Quoi
qu'il en soit, la société simple ne s'accommoderait pas de la permanence,
qui est la règle pour les associations. L'art. 546 CO, qui permet à chaque
associé de provoquer la dissolution pour la fin de l'exercice annuel,
est de droit impératif (SIEGWART, n. 20 ad art. 545/7 CO). Même si l'on
admet un droit de sortie, son exercice supposerait un règlement de compte
sur le modèle des art. 576 et 580 CO concernant la société en nom collectif
(RO 88 II 233/4, consid. II 2 e; SIEGWART, n. 38/40 ad art. 545/7 et n. 15
ad art. 580 CO). De plus, la société simple est formée en considération de
la personne de ses membres. Le décès de l'un d'eux entraîne la dissolution,
à moins que le contrat ne prévoie la continuation de la société avec ses
héritiers (art. 545 ch. 2 CO). Cette réserve convient mal aux accords
liant les membres d'organisations professionnelles.

    La responsabilité solidaire des associés (art. 544 al. 3 CO) serait
parfois inadéquate et entraînerait des conséquences inéquitables. Le
défaut de personnalité serait préjudiciable à la victime d'un boycott
dans l'exercice de certaines actions. On ne saurait exiger du lésé qu'il
intente un procès à tous les sociétaires, sans qu'il en ait la liste. S'il
s'en prend à quelques-uns seulement, il pâtira de la relativité de la
chose jugée.

    Ainsi les groupements importants, réunissant de nombreuses entreprises,
ne peuvent être transformés en sociétés simples permanentes.

    b) Sans doute envisagera-t-on que les associations professionnelles,
inexistantes comme telles, se constituent en sociétés coopératives. Le
Conseil fédéral a d'ailleurs mentionné les cartels parmi les groupements
aptes à revêtir cette forme juridique (Message à l'appui du projet de
loi revisant les titres XXIV à XXXIII du code des obligations, FF 1928 I
p. 319). Mais le législateur n'a pas entendu dire qu'elle seule leur fût
permise. Surtout, il semble avoir perdu les cartels de vue en édictant
l'art. 885 CO. Selon cette disposition impérative (Message cité, p. 323,
et RO 72 II 103), chaque sociétaire a droit à une voix à l'assemblée
générale. Pour la plupart des groupements, qui réunissent des entreprises
de dimensions très diverses (par exemple dans la branche de l'horlogerie),
une prescription pareille représente un obstacle insurmontable (cf. LIVER,
op.cit., p. 337/8). Dans l'association, en revanche, le droit de vote
égal prévu à l'art. 67 al. 1 CC est une norme dispositive (cf. art. 63
CC), qui laisse aux statuts la faculté de régler la question selon les
besoins propres à chaque cas particulier (cf. EGGER, n. 10 et HAFTER,
n. 4 ad art. 66/7 CC).

    c) En présentant le projet de loi introduisant en Suisse la société à
responsabilité limitée, le Conseil fédéral a relevé qu'elle conviendrait
particulièrement aux cartels et aux syndicats (Message cité, p. 305). Mais
son voeu ne s'est pas réalisé par la suite. Les groupements professionnels
se sont détournés de cette société de capitaux, estimant qu'elle répondait
mal à leurs besoins. Les autres sociétés commerciales présentent à leurs
yeux des inconvénients semblables. Aussi ne doit-on pas s'attendre à la
conversion des associations professionnelles en personnes morales régies
par le droit des obligations. Les membres de la plupart d'entre elles
se contenteront plutôt de maintenir un lien réduit sous la forme d'un
contrat de société simple.

    d) L'application des art. 52 al. 2, 59 al. 2 et 60 al. 1 CC, dans
l'interprétation stricte qu'en donne la décision Miniera, priverait
abruptement les associations professionnelles de la personnalité juridique
dont elles jouissaient auparavant. Qui plus est, elle ne leur laisserait
aucune issue sous la forme d'une autre personne morale convenant à
leurs besoins (cf. VISCHER, cité par BRINER, op.cit., p. 76). Elle se
justifierait peut-être, en dépit des graves inconvénients signalés, si la
question n'avait pas encore été tranchée par les tribunaux. On exigerait
alors des groupements en cause qu'ils se conforment rigoureusement
au texte de la loi. Mais la situation est bien différente. Les
organisations professionnelles se sont implantées en fait, sous la forme
d'associations. Plusieurs d'entre elles jouent un rôle considérable dans
la vie économique et sociale du pays. La jurisprudence l'a admis pendant
près de trente ans. Elle ne saurait bouleverser une situation juridique
acquise avec son agrément, alors qu'elle n'a aucune possibilité de ménager
un régime transitoire. Le résultat d'un pareil revirement ne gênerait pas
seulement les associations professionnelles et leurs membres. Il serait
plus pernicieux encore pour les tiers qui contractent avec eux ou qui
sont leurs victimes, par exemple en cas de boycott.

Erwägung 6

    6.- Enfin, il importe de retenir un critère qui assure la cohérence
de la législation, en considérant non seulement le droit civil, le droit
des obligations et le droit commercial, mais aussi les lois spéciales
qui s'y rattachent.

    a) L'art. 322 CO reconnaît implicitement la personnalité juridique aux
associations d'employeurs et de travailleurs qui, à côté des groupements
de fait liés par un contrat de société (cf. Messages du Conseil fédéral,
FF 1909 III p. 767 et 1954 I p. 155/6), sont déclarées aptes à conclure des
conventions collectives de travail. Sans doute le législateur n'a-t-il pas
envisagé spécifiquement les associations au sens des art. 60 ss. CC, comme
cela ressort du texte allemand de la loi ("Vereinigungen", dans la version
de 1912 et "Verbände", dans la version de 1956, mais non "Vereine"). Il
n'ignorait pas cependant le fait notoire que les groupements patronaux
et ouvriers sont constitués en associations ("Vereine") dans tout le
pays. Du reste, on a montré plus haut que ces groupements ne sauraient
guère se constituer sous une autre forme de personne morale.

    b) Plusieurs lois spéciales admettent que les caisses d'assurances
sociales se constituent en associations (assurance-maladie, art. 29 LAMA,
cf. EGGER, n. 5 ad art. 60 CC et DE STEIGER, RJB 96 [1960] p. 194;
assurance-chômage, art. 6 al. 2 LF du 22 juin 1951; allocations familiales,
cf. RO 72 I 319 ss.).

    c) Les art. 6 al. 2, 12 al. 3 et 13 al. 1 de la loi sur les cartels
désignent par "associations" ("Verbände") les corporations constituant
des cartels et qui revêtent la forme de l'association au sens des art. 60
ss. CC ou celle de la société coopérative (Message du Conseil fédéral à
l'appui du projet de loi, FF 1961 II 586 et 589; PIOTET, op.cit., p. 226
ss.). A l'art. 6 al. 2, "l'adhésion au cartel" vise les ententes ayant la
forme d'un simple contrat (société simple), tandis que les mots "admis dans
l'association" ("Verband") se rapportent nécessairement à l'association
("Verein") et à la coopérative. S'ils ne visaient que la coopérative,
la disposition spéciale eût été superflue, vu l'art. 839 CO. Le message
se réfère d'ailleurs expressément à la jurisprudence qui permet d'imposer
à l'association comme à la société coopérative l'admission de la victime
d'un boycott (FF 1961 II 586; cf. RO 76 II 294, 82 II 306 et 86 II 368).

    d) L'art. 47 ORC traite de l'inscription au registre du commerce
"des associations qui ne poursuivent pas exclusivement un but non
économique", en particulier des "groupements professionnels constitués en
associations". Il reconnaît ainsi l'existence d'associations semblables. On
ne saurait dire que cette disposition soit contraire à la loi. Elle est
conforme à la jurisprudence traditionnelle.

    e) La loi admet ainsi qu'un groupement professionnel patronal ou
ouvrier, de même qu'une caisse d'assurance sociale ou un cartel, se
constitue en association. Assurément, les tribunaux ne sont pas liés
par cette reconnaissance implicite, comme ils le seraient par une règle
expresse (RO 87 II 330 consid. 4 c et 341 consid. 8). Toutefois, la
cohérence de l'ordre juridique institué par la loi serait compromise si
la jurisprudence revenait sur une pratique que le législateur a consacrée
et introduite implicitement mais clairement dans la loi.

Erwägung 7

    7.- La sécurité du droit et la cohérence de l'ordre juridique
commandent ainsi de rétablir l'ancienne jurisprudence qui substituait
au critère légaldu but celui des moyens Dès lors, une association n'a un
but économique - qui l'empêche d'acquérir la personalité morale - que si
elle exerce elle-même une industrie en la forme commerciale. En revanche,
les groupements qui se proposent des objectifs économiques généraux,
sans exercer eux-mêmes une telle activité, demeureront constitués
en associations. Sans doute serait-il judicieux de les astreindre à
s'inscrire au registre du commerce, de façon que leur constitution ne
demeure pas occulte. Mais les tribunaux ne sauraient imposer une pareille
obligation en marge de toute disposition légale. C'est au législateur
qu'il appartiendrait d'édicter les prescriptions nécessaires.

Erwägung 8

    8.- Selon l'art. 2 de ses statuts, la défenderesse vise des buts
de nature purement économique. Mais elle n'exerce pas elle-même une
industrie en la forme commerciale. En application du critère rétabli
par les considérants qui précèdent, elle peut demeurer constituée en
association. Jouissant de la personnalité juridique, elle est capable de
soutenir le procès comme partie et d'ester en justice par l'intermédiaire
de ses organes statutaires.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Reconnaît à la défenderesse la capacité d'ester en justice.