Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 89 I 483



89 I 483

69. Extrait de l'arrêt du 25 septembre 1963 dans la cause Nyfeler contre
Cantons de Vaud et de Neuchâtel Regeste

    Verantwortlichkeit der Kantone für die Handlungen ihrer Beamten;
Bundesgesetz vom 13. Juni 1917 über die Bekämpfung der Tierseuchen.

    Art. 42 OG.

    1.  Zulässigkeit der Schadenersatzklage eines Privaten gegen Kantone
(Erw. 1).

    2.  Anwendbarkeit des kantonalen Rechts, das auf Art. 41 ff. OR
verweist (Erw. 2).

    Art. 24 Abs. 2 lit. b BZP.

    3.  Verbindung zweier je gegen einen Kanton gerichteten Klagen
(Erw. 3).

    Anwendung des waadtländischen und neuenburgischen Rechts.

    4.  Fahrlässigkeit kantonaler Beamten als Ursache der Ansteckung des
Klägers durch an Brucellose erkrankte Schafe (Erw. 6).

    5.  Wegfall oder Herabsetzung der Ersatzpflicht der Beklagten wegen
Umständen, für welche der Kläger einstehen muss? (Erw. 7).

    6.  Gründe und Mass der Ermässigung der Entschädigung (Erw. 8).

Sachverhalt

                        Résumé des faits:

    A. - Au mois d'avril 1956, Nyfeler, propriétaire de moutons aux
Verrières (Neuchâtel), en a confié 15 à Vanay, à La Tour-de-Peilz (Vaud),
pour l'estivage. Le troupeau d'environ 180 bêtes, constitué par Vanay,
paissait dans la région d'Yvorne lorsque l'administration vaudoise le
soumit à un examen en vue de déceler la brucellose.

    Plus de 15% des bêtes gardées par Vanay réagirent positivement au test;
du point de vue vétérinaire, il fallait en conclure qu'il y avait, parmi
elles, des sujets contagieux; toutes furent marquées d'un trou à l'oreille.

    Le Dr Jaccotet, vétérinaire cantonal vaudois, ordonna alors la
dislocation du troupeau avec retour des bêtes, y compris les sujets
malades, à leurs propriétaires. L'expédition fut faite par Vanay, sous
le contrôle d'un gendarme, les 1er, 2 et 3 juin 1956.

    Pour les bêtes dont les propriétaires résidaient hors du canton de
Vaud, le Dr Jaccotet chargea Charbon, fonctionnaire subalterne de son
service, d'aviser par téléphone les offices vétérinaires des cantons où
on les renvoyait. C'est ainsi que le service vétérinaire neuchâtelois,
en la personne d'une employée subalterne Joséphine Bianchi, reçut la
communication téléphonique, le vendredi 1er juin. Elle prit l'initiative de
transmettre le message, par téléphone également, aux quatre propriétaires
qui résidaient dans le canton de Neuchâtel, y compris Nyfeler. Sur le
contenu de ces communications, les témoignages ne concordent pas. Il est
tout au moins constant que le retour des animaux fut annoncé.

    Les moutons destinés à Nyfeler arrivèrent à la gare des Verrières le
même soir. Nyfeler, venu les chercher, constata qu'il ne s'agissait pas
des siens et refusa d'en prendre livraison.

    Sur un ordre de Vanay, les bêtes furent renvoyées à un propriétaire
d'Evionnaz (Valais). Le lendemain soir, samedi 2 juin, Vanay en amena
d'autres chargées sur un camion. Nyfeler déclara que celles-ci non plus
n'étaient pas les siennes, mais il se décida néanmoins à en garder quinze,
de peur de ne plus recevoir ni moutons, ni argent. Il savait que les
animaux ainsi acceptés étaient infectés de brucellose ou, tout au moins,
pouvaient l'être. Le vétérinaire Fleury, appelé par lui, en fut informé. Il
signala le cas à Loew, inspecteur du bétail des Verrières, et l'invita à en
informer le vétérinaire cantonal. De plus, il conseilla à Nyfeler de vendre
ces moutons pour la boucherie ou de les abattre et lui interdit de les
remettre dans le commerce. Au cours de l'enquête pénale qui fut ouverte,
par la suite, contre Urfer, alors remplaçant momentané du vétérinaire
cantonal neuchâtelois, le magistrat informateur posa à Fleury la question
suivante: "Avez-vous vous-même attiré l'attention de M. Léo Nyfeler sur la
nature de la maladie dont ses moutons étaient atteints et sur les dangers
que cette maladie pouvait présenter?" Le témoin répondit simplement: "Oui".

    Loew, qui avait vu les moutons arrivés par le second transport,
téléphona effectivement à l'office vétérinaire cantonal, le lundi 4 juin
1956. Il par la à Joséphine Bianchi. Il reçut en tout cas pour instructions
de séquestrer les bêtes acceptées par Nyfeler.

    Postérieurement au 4 juin, le service vétérinaire neuchâtelois ne
s'occupa plus de ces animaux jusqu'au moment où Nyfeler lui-même fut
atteint de brucellose.

    Nyfeler prétend qu'au mois de septembre 1956 il a senti que sa
santé était altérée. Le 30 octobre suivant, il a consulté son médecin,
le Dr Schmidt, aux Verrières. Ce praticien estima qu'il s'agissait d'une
maladie de Bang et en avisa le médecin cantonal, qui, à son tour, avertit
le service vétérinaire cantonal. Urfer se rendit alors sur place et ordonna
l'examen des moutons détenus par Nyfeler au moyen du test à l'abortine. 8
bêtes sur 18 ayant présenté une réaction positive, il ordonna l'abattage
de tout le troupeau aux frais de l'Etat.

    Le 8 novembre 1957, Nyfeler requit deux poursuites pour une somme de
100 000 fr., l'une contre le canton de Vaud, l'autre contre le canton
de Neuchâtel. Sous la rubrique "Titre et date de la créance, cause de
l'obligation", il avait indiqué qu'il s'agissait de dommages-intérêts
pour atteinte à la santé physique, respectivement lésions corporelles,
de dommages subis par suite de la négligence de fonctionnaires de l'Etat
(service vétérinaire). Les débiteurs firent l'un et l'autre opposition
totale aux commandements de payer.

    Entre-temps, le 6 mars 1957, Nyfeler avait déposé, devant le Procureur
général du canton de Neuchâtel, une dénonciation pénale contre inconnu;
il invoquait les art. 231, 232 et 122 CP (propagation d'une maladie de
l'homme, propagation d'une épizootie, lésions corporelles graves) et les
dispositions de la loi fédérale sur les épizooties du 13 juin 1917 et
de l'arrêté du Conseil fédéral du 3 février 1956 sur la lutte contre la
brucellose des moutons et des chèvres. Par suite de cette dénonciation,
Urfer, vétérinaire cantonal remplaçant, fut renvoyé devant le Tribunal
de police de Neuchâtel. Condamné par cette autorité, le 15 mars 1960,
à 100 fr. d'amende pour avoir enfreint par négligence les art. 231 et
232 CP, Urfer a recouru devant la Cour de cassation pénale du canton
de Neuchâtel, qui a cassé le jugement, le 25 mai 1960, et ordonné
l'acquittement du prévenu.

    B.- Le 20 octobre 1959, Nyfeler a ouvert, devant le Tribunal fédéral,
une action dirigée cumulativement contre les cantons de Vaud et de
Neuchâtel; il a pris les conclusions suivantes:

    1. A titre principal, condamner les défendeurs solidairement à payer
au demandeur une somme de 100 000 fr. ou ce que justice dira, avec 5%
d'intérêts annuels à compter du 2 juin 1956.

    2. A titre subsidiaire, condamner l'un ou l'autre des défendeurs
individuellement ou les deux dans une proportion déterminée à payer
au demandeur une somme de 100 000 fr. ou ce que justice dira, avec 5%
d'intérêts annuels à compter du 2 juin 1956.

    3. En tout état de cause, réserver une revision du jugement pendant
un délai de deux ans.

    Le demandeur allègue que le dommage subi serait une conséquence de
la brucellose dont il souffrirait encore; qu'il aurait contracté cette
maladie par contact avec les moutons infectés, renvoyés chez lui lors de la
dislocation du troupeau de Vanay et que ce contact n'aurait pas eu d'effets
dommageables si les services vétérinaires vaudois et neuchâtelois avaient
fait en sorte qu'il fût averti du danger et des précautions à prendre,
comme ils en avaient le devoir.

    Les cantons de Vaud et de Neuchâtel concluent à libération avec suite
de frais et dépens.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Il s'agit d'une action en responsabilité dirigée par un particulier
cumulativement contre deux cantons, en raison de fautes qu'auraient
commises des fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions. La valeur
litigieuse dépasse de beaucoup la somme de 8000 fr. Une telle demande
peut être portée devant le Tribunal fédéral comme action de droit civil,
conformément à l'art. 42 OJ (RO 79 II 432 et les arrêts cités).

Erwägung 2

    2.- La responsabilité d'un canton pour les actes illicites de ses
fonctionnaires ne peut être instituée que par le droit cantonal (art. 59
CC; RO 79 II 433).

    Pour le canton de Vaud, la loi du 29 novembre 1904 (art. 1er)
disposait que l'Etat est tenu de réparer le dommage causé sans droit par
ses fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions, soit à dessein,
soit par négligence ou imprudence. Elle a été abrogée expressément et
sans aucune réserve par la loi du 16 mai 1961 sur la responsabilité de
l'Etat, des communes et de leurs agents (art. 22), entrée en vigueur le
2 juin 1961. Selon l'art. 4 de cette loi, l'Etat répond du dommage que
ses agents causent à des tiers d'une manière illicite. Vu l'abrogation
pure et simple de l'ancienne loi, la nouvelle s'applique, même lorsqu'il
s'agit d'un dommage survenu avant son entrée en vigueur. Elle a du reste
confirmé, pour l'essentiel, le régime précédent, de sorte qu'il n'y avait
pas lieu de prévoir un régime transitoire. Outre quelques dispositions
particulières, elle prescrit (art. 8) que les art. 41 ss. CO, relatifs
aux obligations résultant d'actes illicites, s'appliquent au surplus et
par analogie à titre de droit cantonal.

    Pour le canton de Neuchâtel, la loi du 2 décembre 1903 sur la
responsabilité de l'Etat et des communes prévoit aussi (art. 1er) que
l'Etat est tenu de réparer le dommage résultant d'actes illicites commis
par les fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions et (art. 2)
que les actions civiles fondées sur ladite loi sont au surplus soumises
aux règles du Code fédéral des obligations.

    Le Tribunal fédéral doit par conséquent examiner si la présente action
est fondée, à l'égard du canton de Vaud, en vertu du droit vaudois et,
à l'égard du canton de Neuchâtel, en vertu du droit neuchâtelois. Dans la
mesure où les lois applicables ne contiennent pas de dispositions topiques,
il appliquera les art. 41 ss. CO, qu'il interprétera, au besoin, selon
sa propre jurisprudence.

Erwägung 3

    3.- L'art. 24 al. 2 lit. b PCF permettait au demandeur de cumuler,
dans une seule et même demande, son action contre chacun des deux cantons
défendeurs. D'une part, les prétentions élevées contre chacun d'eux sont
de même nature et reposent sur une cause matérielle et juridique qui est
aussi essentiellement de même nature. Car il s'agit de dommages-intérêts
réclamés en raison de fautes imputées à des fonctionnaires des défendeurs,
fautes qui seraient intervenues à l'occasion d'un même fait: le transfert
et le séquestre des moutons chez le demandeur. D'autre part, le dommage
dont réparation est requise est identique: c'est celui que la maladie du
demandeur a causé.

Erwägung 4

    4.- ..... (La prescription a été interrompue et n'est pas acquise.)

Erwägung 5

    5.- ..... (Il existe un rapport de causalité adéquate entre les
contacts que le demandeur a eus avec ses moutons et la maladie qu'il
a contractée.)

Erwägung 6

    6.- Le demandeur ayant été contaminé par ses moutons, il faut
examiner si c'est là une conséquence d'actes illicites commis par des
fonctionnaires, soit du canton de Vaud, soit du canton de Neuchâtel.

    Le demandeur estime que tel est le cas, parce que les services
vétérinaires de ces cantons l'ont laissé dans l'ignorance du danger de
contagion que créait le contact avec les bêtes infectées et ne l'ont pas
instruit des mesures préventives qui lui auraient permis de rester indemne.

    a) Nyfeler affirme avoir ignoré que la brucellose constatée chez ses
moutons était transmissible à l'homme. Rien ne permet de croire qu'il en
ait été autrement. Cette maladie, dont jusqu'alors le canton de Neuchâtel
était resté indemne, y était inconnue du public. Nyfeler a cherché à se
renseigner à son sujet, notamment par un téléphone au vétérinaire Christen,
à Fleurier, mais sans l'atteindre lui-même. La transmission à l'homme des
affections épizootiques étant plutôt rare, on ne peut guère lui reprocher
de ne pas avoir fait en sorte d'obtenir l'avis d'un spécialiste. Il
n'apparaît pas que le vétérinaire Fleury, qui a vu les bêtes après
leur arrivée et a pris sur lui d'en ordonner le séquestre sans délai,
ait comblé cette lacune. Le juge pénal, qui l'a entendu comme témoin,
lui a demandé s'il avait attiré l'attention de Nyfeler sur la nature de la
maladie et les dangers qu'elle pouvait présenter; il a simplement répondu:
"Oui". S'il avait averti son client du danger de transmission à l'homme
et des précautions propres à y parer, il n'aurait sans doute pas manqué
de le dire. Son laconisme et la situation où il se trouvait permettent
de conclure qu'il n'a pas donné cette information. Le Tribunal fédéral
a d'autant moins jugé nécessaire de l'entendre à nouveau que les faits
remontent de plusieurs années en arrière et qu'il s'agit d'un homme
très âgé.

    On peut, de plus, admettre comme très vraisemblable, selon le cours
normal des choses, que si le demandeur avait reçu les avertissements et
les instructions nécessaires, il aurait pris les précautions voulues pour
prévenir la contagion et n'aurait pas été infecté.

    Il y a donc un rapport de causalité adéquate entre l'ignorance où
il s'est trouvé et sa maladie. Il faut dès lors chercher s'il incombait
aux services vétérinaires vaudois et neuchâtelois de l'informer et,
dans l'affirmative, si leur omission est assimilable à un acte illicite.

    b) La fièvre de Malte a fait son apparition en Suisse, dans les cantons
du Valais et de Vaud, vers l'année 1950. En 1955, elle s'est à nouveau
manifestée avec une certaine gravité en Valais, où plusieurs personnes ont
été atteintes, puis dans le canton de Vaud, où un cas de transmission à
l'homme s'est également produit. Le 18 mai 1955, le directeur de l'office
vétérinaire fédéral a réuni une conférence à laquelle les vétérinaires
cantonaux valaisan et vaudois ont pris part. Les cas de transmission à
l'homme y ont été signalés et on y a discuté des mesures à prendre.

    Par la suite, l'office vétérinaire fédéral a adressé à tous les
vétérinaires cantonaux trois circulaires sur les mesures à prendre
contre la brucellose des moutons et des chèvres. La première, du 20 mai
1955, précise: "Les troupeaux de moutons et de chèvres trouvés infectés
de mélitococcie seront abattus dans des conditions qu'il faut encore
déterminer". La seconde, du 18 août 1955, prévoit que les moutons et les
chèvres des troupeaux infectés de mélitococcie ne peuvent être cédés, sauf
pour l'abattage immédiat; elle oblige à informer des dangers d'infection
toute personne occupée au transport, au déchargement et à l'abattage des
animaux et décrit dans le détail les mesures préventives qui s'imposent. La
troisième enfin, du 5 octobre 1955, soumet aux destinataires un projet
d'arrêté du Conseil fédéral sur la lutte contre la brucellose des moutons
et des chèvres.

    Le 21 octobre 1955, le service vétérinaire vaudois a adressé à tous les
inspecteurs du bétail et à tous les propriétaires de moutons et de chèvres
du canton un avis qui prévoit les mesures à prendre en cas d'avortement
d'un de ces animaux, signale le danger de contagion pour l'homme et
recommande certaines mesures de précaution pour écarter ce risque.

    Le 15 février 1956 est entré en vigueur l'ACF du 3 février précédent
sur la lutte contre la brucellose des moutons et des chèvres. En vertu
des pouvoirs que lui confère l'art. 1er al. 2 de la loi fédérale du 13
juin 1917 sur les mesures à prendre contre les épizooties, le Conseil
fédéral, à l'art. 1er, fait rentrer la brucellose des.moutons et des
chèvres au nombre des maladies offrant un danger général selon l'art.
1er de la loi précitée et l'art. 140 de l'ordonnance d'exécution du
30 août 1920; il déclare en outre applicables à cette brucellose "les
prescriptions concernant la lutte contre les épizooties, en particulier
la loi fédérale du 13 juin 1917 et l'ordonnance du 30 août 1920", sauf
les exceptions prévues par l'arrêté lui-même ou les ordonnances qui
lui feraient suite. L'ordonnance d'exécution du Département fédéral de
l'économie publique sur la lutte contre la brucellose des moutons et des
chèvres, du 9 juillet 1956, est entrée en vigueur le 1er août de la même
année, postérieurement aux faits intéressant la présente cause.

    Le 2 juin 1956, au moment où le demandeur a pris possession des
animaux que lui renvoyait Vanay, la situation était donc la suivante,
du point de vue administratif: Tous les vétérinaires cantonaux avaient
été informés que la brucellose des moutons et des chèvres était apparue
en Suisse, qu'elle était transmissible à l'homme et que toute personne
en contact avec des animaux malades devait prendre certaines mesures
précisées pour éviter la contagion. De plus, le Conseil fédéral avait
déclaré en général applicables à cette maladie la loi fédérale du 13 juin
1917 et ses ordonnances d'exécution.

    c) Il est constant que les services vétérinaires, tant vaudois
que neuchâtelois, avaient séquestré chez le demandeur quinze moutons
qui pouvaient être considérés comme porteurs de germes, parce qu'ils
provenaient d'un troupeau dont plus de 15% des bêtes étaient infectées
de brucellose. Nyfeler fut informé que ses moutons ne devaient plus
être vendus qu'à la boucherie. Mais il avait la faculté, dans son propre
intérêt, de les conserver chez lui, hors de tout contact avec d'autres
animaux, jusqu'à ce qu'ils se trouvent dans de meilleures conditions et
puissent mieux se vendre.

    Une telle mesure avait été prévue par les circulaires de l'office
vétérinaire fédéral. Elle était conforme à la loi fédérale du 13 juin 1917
(art. 20 al. 2 ch. 3) et à son ordonnance d'exécution du 30 août 1920 (art.
161), que l'ACF du 3 février 1956 avait en principe déclarées applicables
par analogie à la brucellose des moutons et des chèvres. L'ordonnance du
9 juillet 1956 l'a ensuite autorisée expressément (art. 5). Elle était
donc licite.

    d) De même, le transport que nécessitait le séquestre des animaux chez
leur détenteur pouvait encore être considéré comme licite en lui-même vu
l'art. 60 de l'ordonnance d'exécution du 30 août 1920 (cf. art. 72 de la
même ordonnance et 5 al. 2 de l'ordonnance du 9 juillet 1956). Le canton
de Vaud a établi que l'office vétérinaire fédéral en avait autorisé un
semblable: il s'agissait du renvoi à leur propriétaire, dans le canton
de Berne, en 1959, de moutons suspects de brucellose, qui avaient été
amenés à Lausanne.

    Il est sans conséquence, dans la présente espèce, que le transport
ait ou non eu lieu avec des précautions suffisantes. Car, en tout cas,
le demandeur n'a été contaminé que postérieurement.

    e) Nyfeler n'ayant pas connu le danger de transmission à l'homme,
la seule faute qui pourrait être retenue à l'encontre des fonctionnaires
vaudois et neuchâtelois serait de n'avoir pas fait en sorte qu'il soit
renseigné sur ce point et aussi sur les mesures de précaution qu'il
devait prendre.

    L'office qui ordonne le séquestre, chez le détenteur d'animaux
atteints d'une maladie transmissible à l'homme, crée un danger pour
autrui. Il est dès lors tenu, en vertu d'un principe général du droit,
admis par la doctrine et la jurisprudence constante, de prendre les
mesures qui s'imposent pour prévenir un dommage; une abstention,
lorsqu'elle est fautive, peut entraîner la responsabilité de l'auteur
(OFTINGER, Schweizerisches Haftpflichtrecht, t. I, p. 70; RO 53 I 356;
79 II 69 et les arrêts cités). De plus, selon l'art. 20 al. 1 de la
loi fédérale sur les épizooties, aux fins de combattre les maladies
contagieuses et en prévenir la propagation, on prendra toutes mesures
utiles pour protéger les hommes notamment. Le 2e alinéa du même article
charge le Conseil fédéral d'édicter les prescriptions destinées à assurer
l'application de ce principe. Sans doute, l'ordonnance d'exécution du
30 août 1920 n'oblige-t-elle pas expressément l'autorité à renseigner
les personnes en contact avec des animaux atteints de maladies
transmissibles à l'homme sur le danger de contagion et les mesures
préventives qui s'imposent. L'ordonnance du 9 juillet 1956 ne le fait
(art. 6 al. 3) que pour le personnel qui s'occupe de l'abattage. Mais
cette obligation découle, on l'a dit, des principes généraux du droit;
sa nécessité est évidente, s'agissant surtout de la fièvre de Malte, qui
est particulièrement dangereuse pour les humains. Aussi bien l'office
vétérinaire fédéral l'avait-il prévue dans sa circulaire du 18 août 1955,
adressée à tous les vétérinaires cantonaux.

    f) Le vétérinaire cantonal vaudois connaissait le danger qu'il créait
par la dislocation du troupeau de Vanay et le séquestre des animaux chez
leurs détenteurs. Car, depuis 1955 particulièrement, son service luttait
contre l'extension de la brucellose dans le canton de Vaud.

    Il a été conscient de ce danger, puisqu'il a décidé d'informer les
services vétérinaires des autres cantons, où il renvoyait des moutons ou
des chèvres. Mais au lieu de le faire par écrit ou tout au moins d'entrer
en communication par téléphone avec ses collègues personnellement,
puis de s'assurer qu'il avait été compris et que les mesures efficaces
qui s'imposaient seraient ordonnées, il s'est contenté de charger un
fonctionnaire subalterne de téléphoner, notamment au service vétérinaire, à
Neuchâtel, où le message a aussi été reçu par un fonctionnaire subalterne.
C'est dans la mesure où ils n'ont pas pleinement accompli leur devoir de
renseigner les autorités neuchâteloises que les fonctionnaires vaudois
ont commis une négligence illicite.

    g) Sur le contenu de la communication téléphonique du vendredi 1er
juin 1956, il y a contradiction entre les témoignages de Joséphine Bianchi,
du service vétérinaire neuchâtelois, et de Charbon, secrétaire au service
vétérinaire vaudois, recueillis au cours de la procédure pénale. Mais il
n'est pas nécessaire d'élucider ce point. Il est en effet constant que,
le lundi 4 juin, Loew, inspecteur du bétail aux Verrières, instruit par
le vétérinaire Fleury, a avisé le service vétérinaire neuchâtelois que les
moutons ramenés à Nyfeler étaient infectés ou suspects de brucellose. Aussi
bien, ledit service a-t-il ordonné le séquestre de ces animaux, mesure
que la loi ne prévoit que pour les maladies épizootiques, c'est-à-dire
dangereuses (art. 20 al. 2 ch. 3 de la loi du 13 juin 1917 et 161 de
l'ordonnance d'exécution du 30 août 1920). Mais il n'a pris aucune autre
mesure jusqu'au moment où le demandeur est tombé malade. Le séquestre
étant ordonné, Urfer, alors remplaçant du vétérinaire cantonal, avait
l'obligation de se rendre immédiatement sur place et de procéder à une
enquête approfondie (art. 142 al. 1 de la loi du 13 juin 1917). Il ne
l'a pas fait. Peut-être ne connaissait-il pas exactement les dangers de
la brucellose, qui n'était pas, jusqu'alors, apparue sur le territoire
neuchâtelois. Mais, dans ce cas, il aurait dû se renseigner et il le
pouvait d'autant mieux que son service avait reçu les circulaires de
l'office vétérinaire fédéral, que l'arrêté du Conseil fédéral du 3 février
1956 était en vigueur et que le Bulletin vétérinaire fédéral, adressé
notamment à tous les inspecteurs du bétail, renseignait sur la brucellose.

    En omettant d'informer le demandeur des dangers de contamination et
des précautions à prendre pour y parer, les fonctionnaires neuchâtelois
ont donc aussi commis une négligence illicite.

Erwägung 7

    7.- Il suit de là que, selon la loi applicable à chacun d'eux, les
défendeurs répondent en principe du dommage qu'ont entraîné ces fautes de
leurs agents. Cependant, l'indemnité qu'ils doivent ainsi pourrait être
réduite ou même supprimée si des faits dont le demandeur était responsable
avaient contribué à créer le dommage, à l'augmenter, ou avaient aggravé
sa situation (art. 44 al. 1 CO).

    a) Nyfeler, on l'a dit, savait que ses moutons étaient malades. Même
si, vu le séquestre, il s'était rendu compte qu'il s'agissait d'une
affection épizootique, il n'aurait été astreint qu'aux mesures de propreté
qu'exige l'ordonnance du 30 août 1920. L'art. 193 de cette ordonnance
prescrit que toute personne qui a donné des soins aux animaux malades ou
est entrée en contact avec eux doit se laver soigneusement la tête, les
mains et les bras. Mais cette simple précaution ne suffit pas, s'agissant
de la brucellose. La circulaire de l'office vétérinaire fédéral du 18
août 1955 en indique d'autres que rend indispensables la possibilité
d'une contamination, même par la peau et, à plus forte raison, par les
blessures, enfin par l'appareil digestif. Il n'a donc pas commis de faute
en ne prenant pas de précautions spéciales.

    b) Les défendeurs ont allégué que le demandeur aurait engagé sa
responsabilité en acceptant de prendre chez lui des moutons malades et
qu'il savait n'être pas les siens. Il aurait pu, à la vérité, les refuser.
Mais, en les acceptant, il n'a très vraisemblablement pas augmenté le
risque. Parmi les quinze têtes qu'il avait remises à Vanay, il est fort
probable qu'il se serait trouvé des porteurs de germes. Au surplus, quels
que soient les moutons renvoyés à Nyfeler, les fonctionnaires vaudois
avaient les mêmes obligations. Il en va de même des fonctionnaires
neuchâtelois; de plus, au moment où ils ont prononcé le séquestre, ils
savaient que Nyfeler n'avait pas reçu ses propres moutons ou, tout au
moins, ils l'auraient appris s'ils avaient procédé à l'enquête prescrite.

Erwägung 8

    8.- Cependant, du fait qu'aucune faute concomitante ne peut être
retenue à la charge du demandeur, il ne suit pas encore que les défenseurs
doivent la réparation intégrale du dommage.

    L'art. 43 al. 1 CO, applicable en l'espèce comme règle de droit
cantonal, dispose que le juge détermine le mode et l'étendue de la
réparation d'après les circonstances et la gravité de la faute.

    a) Appliquant cette disposition, le Tribunal fédéral a jugé,
tout d'abord, que l'indemnité peut être réduite si la faute n'est pas
grave et notamment si elle relève de la négligence (RO 82 II 31 et les
arrêts cités). Tel est le cas en l'espèce; les fonctionnaires vaudois
et neuchâtelois n'ont pas enfreint de prescriptions légales explicites,
mais seulement le principe général, énoncé dans la loi fédérale sur
les épizooties et qui ordonne de prendre toutes les mesures propres à
protéger les hommes et les animaux. Le service vétérinaire vaudois a bien
avisé l'administration neuchâteloise compétente, mais les mesures qu'il a
prises sur ce point étaient insuffisantes. Quant au service vétérinaire
neuchâtelois, alors qu'il avait prononcé le séquestre, il n'a rien fait
pour protéger la santé de celui qui avait la garde des animaux. L'un et
l'autre ont agi par négligence. Il ne s'agit donc pas de fautes graves,
ni volontaires.

    b) Il faut en outre retenir que si l'autorité a ordonné le séquestre
au lieu de l'abattage immédiat, c'était principalement dans l'intérêt
de Nyfeler, afin qu'il puisse soigner ses animaux et attendre le moment
favorable pour les vendre au boucher. Cela permet de réduire légèrement
l'étendue de la réparation (RO 52 II 457; 59 II 465; 69 II 269).

    c) Enfin, selon la doctrine (OSER/SCHÖNENBERGER, comm. ad art. 43 CO,
n. 6; OFTINGER, Das schweizerische Haftpflichtrecht, t. I, p. 246 ch. 4) et
la jurisprudence (v. spécialement RO 45 II 315; 47 II 431), l'intervention
du hasard ou de la fatalité dans la production ou l'aggravation du dommage
peut aussi justifier une réduction. Tel est le cas, en l'espèce.

    Toutes les personnes qui soignent des moutons porteurs de germes ne
sont pas contaminées, même si elles ne prennent point de précautions. Selon
le procès-verbal de la conférence convoquée par le vétérinaire fédéral,
à Lausanne, le 18 mai 1955, lorsque la brucellose est apparue pour la
seconde fois en Suisse, on a signalé, en Valais, avant que des mesures
prophylactiques fussent prises, plusieurs cas de transmission de la
maladie à l'homme, mais un seul dans le canton de Vaud. Aussi bien
l'épouse de Nyfeler est-elle restée indemne. De plus, le Dr Troillet,
médecin à Orsières, a déclaré, le 20 mai 1961, après avoir soigné 50 cas
de fièvre de Bang et de Malte, que les cas où la maladie présente des
complications ne sont pas nombreux. Il y a lieu de tenir compte de ces
circonstances en l'espèce.

    d) Cependant, vu l'absence de faute concomitante de la victime, on ne
réduira pas le montant de la réparation due à une fraction arithmétique
du dommage; on laissera bien plutôt à la charge du demandeur les éléments
du dommage qui peuvent donner lieu à des doutes et l'on mettra à la charge
des défendeurs ceux dont l'existence est certaine.

    9-14. - .....

Entscheid:

               Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Admet partiellement la demande en ce sens que chacun des défendeurs est
condamné à payer au demandeur une somme de 14 500 fr. avec 5% d'intérêts
à compter du 1er juillet 1959; rejette la demande pour le surplus.