Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 89 I 430



89 I 430

62. Extrait de l'arrêt du 20 novembre 1963 dans la cause Nouveaux Grands
Magasins SA contre Conseil d'Etat du canton de Genève. Regeste

    Willkür. Abänderung oder Widerruf einer suspensiv bedingten Verfügung.

    Erteilung einer Baubewilligung unter der Bedingung, dass der Adressat
die Erlaubnis zum Abbruch des auf dem Baugrundstück stehenden Gebäudes
erhalte. Verweigerung dieser Erlaubnis auf Grund eines nach der Erteilung
der Baubewilligung erlassenen Gesetzes. Staatsrechtliche Beschwerde wegen
angeblich willkürlichen Widerrufs der Baubewilligung. Die Rechtsprechung
betreffend den Widerruf von Verwaltungsverfügungen (BGE 88 I 227/8)
ist als solche nicht anwendbar. Die Baubewilligung stellt hier eine
suspensiv bedingte Verfügung dar. Die kantonale Behörde kann, während
noch die Bedingung schwebt, ohne Willkür auf Grund der gegenwärtigen
Rechtslage die Nichterfüllung derselben feststellen, sofern sie dabei
nur nicht gegen den Grundsatz von Treu und Glauben und gegen das Gebot
der Rechtssicherheit verstösst.

Sachverhalt

    A.- Le 27 octobre 1961, le Conseil d'Etat du canton de Genève édicta
un règlement qui restreignait le droit de démolir et de transformer
les maisons d'habitation. Le 19 septembre 1962, le Tribunal fédéral
annula ce règlement parce qu'il était dépourvu de base légale et,
partant, contraire à la garantie de la propriété. Le 17 octobre 1962,
le Grand Conseil genevois en reprit les principes essentiels dans
une "loi restreignant les démolitions et transformations de maisons
d'habitation en raison de la pénurie de logements" (LD). D'après cette
loi, "aussi longtemps que sévit la pénurie de logements, nul ne peut
démolir ou faire démolir, en tout ou en partie, ni modifier ou faire
modifier sensiblement la destination d'une maison d'habitation occupée ou
inoccupée" (art. 1er). Des dérogations peuvent cependant être accordées
"lorsqu'elles s'imposent pour des motifs de sécurité ou de salubrité ou
sont justifiées par des motifs d'intérêt public ou d'intérêt général"
(art. 3). Les constructions qui nécessitent des démolitions interdites
ne sont pas autorisées (art. 6). Ces dispositions sont exécutées par le
Département des travaux publics (art. 2) (ci-après le département), sous
réserve de recours au Conseil d'Etat (art. 4). Elles sont applicables
"à toutes les demandes de démolition actuellement pendantes devant
l'autorité administrative" (art. 8). Elles ont fait l'objet d'un règlement
d'exécution, promulgué par le Conseil d'Etat le 25 juin 1963.

    B.- En 1953 et 1955, les Nouveaux Grands Magasins SA ont acheté
deux parcelles sises l'une à côté de l'autre à la rue de la Madeleine à
Genève. La Société immobilière d'Entreprises commerciales est propriétaire
d'un terrain contigu. Sur ces biens-fonds s'élèvent deux bâtiments
comprenant des locaux commerciaux et des appartements.

    Le 28 septembre 1960, les Nouveaux Grands Magasins SA sollicitèrent
du département l'autorisation de construire un immeuble commercial sur
ces trois parcelles. Le 29 novembre 1960, ils donnèrent congé à leurs
locataires pour le 30 avril 1961. Plusieurs de ces derniers s'opposèrent
au congé. Les cas de sept d'entre eux sont encore pendants devant la
Commission genevoise pour la limitation du droit de résiliation.

    Le 31 mai 1961, le département accorda l'autorisation requise,
moyennant diverses conditions, dont l'une est ainsi précisée: "Une requête
spéciale, établie en bonne et due forme, devra être adressée au département
pour la démolition des bâtiments actuels, accompagnée d'une attestation"
(de dératisation?) "et d'un engagement écrit de l'adjudicataire de la
construction d'entreprendre les travaux immédiatement après l'achèvement
des démolitions".

    Le 12 juin 1962, l'autorisation fut prorogée au 31 mai 1963. Toutefois,
le 12 décembre 1962, le département écrivit ce qui suit à l'architecte
des Nouveaux Grands Magasins: "Vu les dispositions de la loi ... du 17
octobre 1962, votre projet ... ne pourra pas être réalisé, étant donné
qu'il implique la démolition des immeubles ... rue de la Madeleine ... qui,
vu leur état actuel, doivent être conservés. Au vu de ce qui précède,
nous vous engageons à n'entreprendre ou à ne poursuivre aucune procédure
en évacuation de locataires de ces immeubles ... Il vous est interdit
d'entreprendre des travaux quelconques de démolition sous peine des
sanctions prévues aux art. 198 et 206 de la loi sur les constructions ..."

    Les Nouveaux Grands Magasins recoururent contre cette décision au
Conseil d'Etat, qui les débouta par un arrêté du 4 juin 1963 motivé en
substance comme suit:

    Le département était fondé à accorder un permis de construire tout
en se réservant d'examiner ultérieurement le problème des démolitions
rendues nécessaires par les projets. Il pouvait aussi avertir les Nouveaux
Grands Magasins que leur projet se heurtait à la loi du 17 octobre 1962
et ne pourrait être réalisé. Loin d'être illégal, ce procédé leur a
rendu service. Bien qu'ils soient partiellement affectés à des usages
commerciaux, les immeubles litigieux n'en sont pas moins des maisons
d'habitation au sens de la loi précitée. Vu l'art. 1er in fine LD, il
est sans importance que certains appartements soient vacants. Quant aux
hypothèses où des dérogations sont possibles (art. 3 LD), elles ne sont
pas réalisées.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public, les Nouveaux
Grands Magasins requièrent le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêté du
Conseil d'Etat du 4 juin 1963. Ils se plaignent notamment d'une violation
de l'art. 4 Cst. Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 3

    3.- Selon la jurisprudence, les décisions administratives ne peuvent en
principe revêtir l'autorité de la chose jugée. C'est pourquoi, lorsqu'elles
ne sont pas conformes à la loi et à moins d'une disposition contraire
de celle-ci, elles sont susceptibles d'être modifiées ou révoquées en
particulier quand l'intérêt public l'exige et que la sécurité du droit
ne s'y oppose pas. La sécurité du droit l'emporte sur l'intérêt public
et la décision doit être en règle générale maintenue si elle engendre en
faveur de l'administré des droits subjectifs, qu'elle ait été précédée
d'une procédure permettant d'examiner sous tous leurs aspects l'ensemble
des intérêts en cause, ou que le particulier ait déjà fait usage de la
permission reçue (RO 88 I 267, 227/8; 87 I 282, 511; 86 I 173; 84 I 11;
83 I 325; 79 I 6).

    Invoquant cette jurisprudence, les recourants soutiennent que la
décision du 12 décembre 1962 équivaut à une révocation du permis de
construire accordé le 31 mai 1961, et que cette révocation était exclue.

    Toutefois, les recourants ne pouvaient utiliser leur autorisation de
construire que s'ils demandaient la permission de démolir les immeubles
existants et si leur requête était accueillie. Leur permis de bâtir
était donc soumis à une condition suspensive dont l'accomplissement
dépendait d'une requête de démolition présentée par eux et d'une décision
de l'autorité accueillant cette requête. Or, lorsqu'une telle condition
affecte une décision administrative et qu'un événement survient qui en
empêche absolument la réalisation, du moins pour une certaine durée,
le problème qui se pose n'est pas celui de la révocation d'une décision
administrative, qui subsiste peut-être, mais celui de la non-réalisation
d'une condition dont cette décision est assortie. La jurisprudence
concernant le retrait des actes administratifs n'est donc pas applicable
comme telle.

    En l'espèce, la condition ne peut plus actuellement se réaliser parce
que la législation concernant la délivrance des permis de démolir a été
modifiée et empêche pour le moment que l'autorisation soit octroyée. Il
faut en principe reconnaître à l'Etat la faculté de tenir compte de cette
modification. En effet, le Tribunal fédéral a déjà jugé qu'une demande de
permis de construire peut sans arbitraire être examinée sur la base des
règles en vigueur au moment de la décision cantonale définitive et non
d'après celles applicables lors du dépôt de la requête (RO 87 I 510 ss,
89 I 24). Ce principe, valable pour l'autorisation de bâtir, doit l'être
aussi quant aux conditions suspensives qui l'assortissent. L'autorité
peut donc se prononcer sur la question de la réalisation d'une condition
suspensive encore pendante en se conformant aux règles qui régissent le
problème à la date où elle statue.

    Toutefois, les rapports entre l'administration et l'administré
sont soumis au principe de la bonne foi (RO 88 I 148, 76 I 190, 72 I
81). Il s'ensuit notamment que l'administration ne saurait tromper la
confiance que ses actes ont pu éveiller chez l'administré (cf. GIACOMETTI,
Allgemeine Lehren des rechtsstaatlichen Verwaltungsrechts, p. 289 ss; MERZ,
Commentaire, note 72 ad art. 2 CC). De même, l'administration est liée
par l'obligation de se plier aux exigences de la sécurité du droit. Si, en
considérant dans un cas particulier que la condition affectant le permis
n'était pas réalisée, elle violait l'un ou l'autre de ces principes,
sa décision serait arbitraire et devrait être annulée.

    En l'espèce, par son prononcé du 12 décembre 1962, rendu alors
que la condition était encore pendante, le département a constaté que
l'autorisation de démolir ne pourrait pas être accordée. Il l'a décidé
en se fondant sur la loi nouvelle, du 17 octobre 1962. Il le pouvait sans
tomber dans l'arbitraire car il n'a violé ni le principe de la bonne foi ni
celui de la sécurité du droit. A aucun moment, en effet, l'administration
genevoise n'a pu, par ses actes, faire croire aux recourants que la
permission de démolir les immeubles existants leur serait accordée. Elle
ne leur a pas davantage donné d'assurances expresses dans ce sens. Depuis
longtemps au contraire (cf. RO 88 I 178), elle se préoccupe du moyen
d'empêcher la démolition d'immeubles encore utilisables. Elle y est poussée
par la nécessité de remédier aux effets de la pénurie de logements. C'est
sur cette considération que repose la loi du 17 octobre 1962. Celle-ci
vise ainsi à satisfaire un besoin essentiel de la population. Elle n'a pas
été promulguée à seule fin de prendre à l'égard des recourants une mesure
à laquelle ils n'auraient pas pu s'attendre. Ces derniers connaissaient
du reste parfaitement l'existence de la condition suspensive affectant
le permis de construire. Ils savaient qu'ils n'obtiendraient peut-être
pas l'autorisation de démolir. S'ils ont pris certaines mesures en vue
de l'hypothèse où ils la recevraient, c'est à leurs risques et périls.

Erwägung 4

    4.- Les recourants ne sauraient reprocher à l'autorité cantonale
d'avoir pris la décision attaquée avant d'être saisie d'une requête
de démolition. Cette décision échappant au grief d'arbitraire,
l'administration genevoise pouvait la prendre même en l'absence d'une
démarche des recourants. Ceux-ci n'ont d'ailleurs pas été lésés par cette
façon d'agir. Au contraire, mieux informés de leur situation juridique
et pouvant ainsi éviter d'engager des frais pour l'instant inutiles, ils
n'en conservent pas moins la faculté de demander une nouvelle autorisation
de démolir en cas d'abrogation de la loi du 17 octobre 1962.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Rejette le recours.