Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 89 I 246



89 I 246

40. Arrêt du 10 juillet 1963 dans la cause Cofag SA contre Tribunal
cantonal frlbourgeois. Regeste

    Art. 4 BV. Anspruch auf rechtliches Gehör; Weigerung einer
kantonalen Rechtsmittelinstanz, sich mit einer Beschwerde gegen ein
Schiedsgerichtsurteil zu befassen.

    1.  Darf die obere Gerichtsinstanz eines Kantons die Zuständigkeit zur
Beurteilung einer Beschwerde gegen ein Schiedsgerichtsurteil ablehnen,
wenn das Schiedsgericht seinen Sitz in diesem Kanton hat und der Hoheit
desselben nach dem Willen der Parteien untersteht (Frage offen gelassen;
Erw. 1)?

    2.  Darf das freiburg. Kantonsgericht in einer Sache, die nach
seiner Auffassung in keiner Beziehung zum Kanton Freiburg steht, sich
unzuständig erklären für die Beurteilung einer Beschwerde gegen em
Schiedsgerichtsurteil, nachdem ein ordentliches erstinstanzliches Gericht
des Kantons Freiburg in der gleichen Sache seine Zuständigkeit für die
Anordnung vorsorglicher Massnahmen bejaht hat (Erw. 3 und 4)?

Sachverhalt

    A.- Les 10 et 14 novembre 1955, la société Cofag SA, qui avait alors
son siège à Fribourg, passa avec F. Wielandt, entrepreneur à Berne,
un contrat par lequel elle chargea ce dernier de construire un immeuble
qu'elle se proposait d'édifier à Berne. L'art. 6 du contrat contient la
clause arbitrale suivante:

    "Als Gerichtsstand für beide Parteien gilt ausschliesslich
Fribourg/Schweiz. Im Falle von Meinungsverschiedenheiten und
Streitigkeiten ist Schweizerisches Recht anzuwenden. Die Parteien
erklären die Inkompetenz der ordentlichen Gerichte und die Kompetenz
eines Einzelschiedsrichters. Dieser urteilt definitif. Er ist auch zur
Herausgabe superprovisorischer Verfügungen ermächtigt, und beurteilt
superprovisorische Gesuche ebenfalls nach Schweizerischem Recht.
Als Einzelschiedsrichter ernennen die Parteien Herrn Dr. J. Bourgknecht,
Advokat, Fribourg. Sollte er aus irgend einem Grunde verhindert sein
zu amten, so wird als Ersatzmann ernannt Herr Prof. Dr. Augusto Bolla,
Advokat, Bellinzona. Sollte auch er aus irgend einem Grunde nicht amten
können, so würde der Einzelschiedsrichter durch den Generalsekretär des
Schweiz. Kaufm. Vereines, Hrn. Nationalrat Ph. Schmid-Ruedin, Zürich,
ernannt."

    Le 19 avril 1957, Cofag SA transféra son siège à Locarno. Peu après,
elle entra en conflit avec Wielandt au sujet de l'exécution du contrat
et du règlement des comptes. A la fin de 1958, se fondant sur l'art. 393
PC fr., elle requit le président du Tribunal de la Sarine d'ordonner
des mesures provisionnelles. Le 7 novembre 1958, le président écarta
une exception d'incompétence soulevée par Wielandt et, le 22 décembre
1958, admit partiellement la requête. Au début de 1959, Cofag SA fit
citer Wielandt devant le Juge de paix de Fribourg à une audience de
conciliation qui eut lieu le 16 février 1959. Elle obtint acte de renvoi
en droit. Entre-temps, le 21 janvier 1959, elle avait demandé au conseiller
national Schmid-Ruedin de désigner un arbitre, les deux juristes nommément
désignés dans le contrat de 1955 s'étant récusés. Le 29 janvier 1959, le
conseiller national Schmid-Ruedin nomma en cette qualité Emile Giroud,
à Zurich, devant lequel Cofag SA introduisit action par demande du 1er
avril 1959. Des difficultés ayant surgi entre les parties et l'arbitre
Giroud, ce dernier fut remplacé, à la fin de 1959, par F. Gaja, préteur de
Locarno, lequel s'adjoignit E. Pedrotta comme secrétaire. Le 28 octobre
1960, en cours de procédure, les parties signèrent un compromis arbitral
rappelant notamment que "les normes applicables" étaient "celles de la
procédure civile fribourgeoise". L'arbitre statua le 26 novembre 1962. Le
11 décembre 1962, il déposa sa sentence au greffe du Tribunal de la Sarine,
conformément à l'art. 399 PC fr.

    B.- La sentence arbitrale ne portant ni le nom ni la signature
du secrétaire, Cofag SA l'attaqua par un recours en cassation fondé
sur l'art. 401 lettre c PC fr. Le 21 janvier 1963, la Cour de cassation
civile du Tribunal cantonal fribourgeois déclara le recours irrecevable en
appliquant par analogie l'art. 73 al. 2 PC fr., d'après lequel "le juge du
for prorogé peut ... décliner sa compétence lorsque ni l'une ni l'autre des
parties n'ont leur domicile ou un établissement commercial dans le canton
au moment de l'ouverture de l'action"; il observa qu'au moment où elle
était devenue contentieuse, la cause n'avait aucune attache avec le canton.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public, Cofag SA requiert
le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal. Elle se plaint
d'une violation de l'art. 4 Cst.

    Le Tribunal cantonal s'est déterminé sans prendre de conclusions
précises, mais il ressort de ses explications qu'il estime le recours
mal fondé. Pour sa part, l'intimé en propose le rejet.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La clause arbitrale contenue au chiffre 6 du contrat de
1955 prévoit notamment que "als Gerichtsstand für beide Parteien gilt
ausschliesslich Fribourg/Schweiz". De plus, elle désigne en première ligne
comme arbitre un juriste établi à Fribourg. Enfin dans leur compromis
du 28 octobre 1960, les parties, se référant à la clause arbitrale du
contrat de 1955, "confirment que les normes applicables sont celles de la
procédure civile fribourgeoise". Il découle de ces divers éléments que le
siège du tribunal arbitral était Fribourg et que les parties ont entendu
soumettre ce tribunal à la souveraineté du canton de Fribourg (RO 69 I 87;
arrêt non publié du 11 juin 1958 dans la cause Verein schweizerischer
Lithographiebesitzer c. Zurich, consid. 2). On pourrait se demander
si ce seul fait ne suffisait pas à obliger la juridiction cantonale
à examiner le recours qui lui était soumis. Il n'est pas nécessaire
cependant de trancher cette question, car, pour une autre raison déjà,
la cour fribourgeoise devait entrer en matière.

Erwägung 2

    2.- Selon les premiers juges, la Cour de cassation peut, en se fondant
sur l'art. 73 al. 2 PC fr., refuser d'examiner un recours dirigé contre
une sentence arbitrale lorsque, comme en l'espèce, au moment de devenir
contentieuse, la cause n'avait aucune attache avec le canton de Fribourg-Il
n'est pas indispensable de rechercher si pareille opinion respecte les
exigences découlant de l'art. 4 Cst. L'arrêt attaqué apporte en effet
une exception à cette règle dans l'hypothèse où, avant que la Cour de
cassation soit elle-même saisie du recours contre la sentence arbitrale,
le juge fribourgeois compétent pour s'occuper des difficultés prévues
aux art. 384, 387 à 389 et 393 à 396, serait entré en matière et aurait
reconnu sa compétence en ce qui concerne la cause, malgré l'absence de
tout point de rattachement au territoire du canton. Or il est évident que
l'hypothèse ainsi envisagée par la Cour cantonale est réalisée en l'espèce.

    a) C'est avec raison - il convient de le souligner au préalable - que
l'arrêt attaqué réserve la situation particulière décrite ci-dessus. En
effet, il se conforme ainsi à l'art. 75 al. 3 PC fr., d'après lequel la
juridiction de recours ne prononce d'office le déclinatoire que lorsque,
en vertu d'une disposition légale impérative, la cause ressortit à
une juridiction fédérale ou aux juridictions d'un autre canton. Cette
disposition repose sur l'idée qu'une autorité de recours ne peut en
principe se déclarer d'office incompétente quand un juge de première
instance a déjà, expressément ou tacitement, reconnu la compétence des
tribunaux fribourgeois. C'est là une exigence de la sécurité du droit
et du principe de la bonne foi, qui est applicable aussi en procédure
civile (RO 84 I 62). Il serait inadmissible qu'un tribunal de première
instance ayant rempli ses fonctions dans l'un des cas mentionnés aux
art. 382 ss. PC fr. sans mettre en doute sa compétence, les parties à
une procédure arbitrale soient ainsi amenées à croire que leur litige est
soumis à la souveraineté du canton, et qu'ensuite elles doivent s'entendre
dire par la juridiction de recours, à laquelle elles ont déféré la sentence
arbitrale, que les autorités de ce canton sont incompétentes et ne peuvent,
par conséquent, ni revoir la sentence ni la déclarer exécutoire.

    b) Selon l'arrêt attaqué, le fait que le juge de paix de Fribourg
est intervenu entre parties en sa qualité de magistrat chargé de la
conciliation ne permet pas d'affirmer que l'hypothèse réservée par la
Cour cantonale est réalisée. Non seulement la recourante ne critique pas
l'opinion ainsi exprimée, mais elle l'approuve. Il n'y a pas lieu dès
lors d'y revenir. Point n'est besoin non plus d'examiner quelle serait,
dans le cadre de la réserve prévue par la juridiction fribourgeoise,
la portée du fait que le greffier du Tribunal de la Sarine a accepté
sans objection de recevoir en dépôt la sentence arbitrale. En effet, la
recourante n'a pas soulevé cette question. Elle soutient en revanche que
la Cour de cassation a commis une erreur manifeste en omettant de tenir
compte de la procédure de mesures provisionnelles qui s'est déroulée
devant le Tribunal de la Sarine.

    Ce moyen est recevable. Certes, il n'a pas été soulevé en procédure
cantonale. Toutefois, c'est la juridiction cantonale elle-même qui a
évoqué pour la première fois dans son arrêt la réserve qu'il convient de
faire lorsqu'au moment où la Cour de cassation doit examiner la sentence
arbitrale, un tribunal de première instance a déjà reconnu sa compétence
pour s'occuper de la cause. Conformément à la jurisprudence (RO 77 I 9),
la recourante peut dès lors reprendre cette question dans son recours de
droit public, et se prévaloir de la procédure de mesures provisionnelles.

    L'existence de cette procédure ressortait clairement du dossier (cf.
dossier cantonal, 22, pièce 43 a et 44). Néanmoins, les premiers juges
l'ont omise. Ils n'ont pas examiné quelles conséquences elle pourrait avoir
lorsqu'ils ont recherché si l'on se trouvait en l'espèce dans un cas où
la Cour de cassation devrait reconnaître sa compétence pour statuer sur
le recours dirigé contre la sentence arbitrale malgré l'absence de tout
point de rattachement au territoire fribourgeois. Ils ont dès lors violé
le droit de la recourante d'être entendue. Peu importe que, prenant la
procédure de mesures provisionnelles en considération, la Cour cantonale
doive statuer dans le même sens que l'arrêt attaqué, ou qu'entrant en
matière, elle considère le recours comme mal fondé. En effet, le droit
d'être entendu, tel qu'il découle de l'art. 4 Cst., est un droit formel,
dont la violation entraîne l'annulation de l'acte attaqué, même si le
recourant n'y a pas d'intérêt matériel (RO 87 I 112, consid. 8) 3. -
L'arrêt attaqué devant être annulé, il appartiendra à la juridiction
cantonale d'examiner si elle doit admettre sa compétence, puisque le juge
des mesures provisionnelles a reconnu la sienne. Il suffira d'observer à
ce sujet que, dans l'hypothèse où la Cour de cassation résoudrait cette
question négativement en se fondant sur les motifs qu'elle a allégués
dans sa réponse au recours, sa décision violerait l'art. 4 Cst. En effet,
d'après l'art. 393 PC fr., les mesures provisionnelles dans un procès
arbitral ne peuvent être requises que du juge ordinaire. Aussi bien l'arrêt
attaqué (p. 6) réserve-t-il expressément cette disposition comme un des
cas où, en dérogation au principe découlant de l'art. 73 al. 2 PC fr.,
la Cour de cassation doit se déclarer compétente. A l'exception peut-être
de l'art. 395 PC fr., les art. 382 ss. PC fr. ne prescrivent pas que,
pour pouvoir procéder à certaines opérations dans un litige arbitral,
le juge ordinaire doive être saisi par les arbitres et non par les
parties. Au contraire, il ressort par exemple des art. 384, 387, 388,
389, 390, 391, 401 et 404 que, dans certains cas tout au moins, ce sont
les parties elles-mêmes qui doivent nécessairement mettre en oeuvre le
juge ordinaire. Quant au lien entre les mesures provisionnelles et le
procès arbitral, il est évident, puisqu'il s'agissait, dans la première
de ces procédures, du dépôt, entre les mains de l'autorité, des plans de
l'immeuble litigieux. Il s'est d'ailleurs à peine écoulé plus de trois mois
entre l'ordonnance de mesures provisionnelles et l'introduction du procès
arbitral. Peu importe enfin qu'en matière de mesures provisionnelles,
le juge ordinaire examine sa compétence d'une façon sommaire et sans
prendre une décision définitive et propre ensuite à le lier. Il n'en
reste pas moins qu'en reconnaissant sa compétence, il amène les parties
au procès arbitral à croire que leur litige est soumis à la souveraineté
cantonale. Dès lors, les exigences de la sécurité du droit et de la
bonne foi (cf. consid. 2 a ci-dessus) interdisent de revenir sur la
solution adoptée.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours dans le sens des motifs et annule l'arrêt attaqué.