Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 89 I 103



89 I 103

16. Arrêt du 8 mai 1963 dans la cause Chapuis contre Consell d'Etat du
canton de Vaud. Regeste

    Eigentumsgarantie, öffentlich-rechtliche Eigentumsbeschränkung,
Erfordernis einer klaren gesetzlichen Grundlage.

    Das Verbot der Errichtung fester Bauten in einem Gebiet, das als
Durchgang einer Skipiste bestimmt ist, bedarf einer klaren gesetzlichen
Grundlage. Im heute geltenden waadtländischen Recht fehlt es an einer
solchen Grundlage.

Sachverhalt

    A.- Le 14 septembre 1960, le Conseil communal d'Ormont-Dessous a
adopté un plan d'extension pour la région du col des Mosses. Ce plan a été
approuvé par le Conseil d'Etat du canton de Vaud le 23 décembre 1960. Il
divise le territoire auquel il s'applique en un certain nombre de zones,
notamment une zone destinée "à maintenir... le tracé des pistes de
ski". Dans cette zone, "toute construction permanente est interdite...,
exception faite des pylônes de support des remonte-pentes mécaniques".

    B.- Paul-E. Chapuis est propriétaire aux Mosses d'un vaste domaine,
dont 40 000 m2 environ se trouvent dans la zone des pistes de ski. Il
s'est opposé au plan, mais a été débouté de son opposition.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public, Chapuis requiert
le Tribunal fédéral d'annuler le plan dans la mesure où celui-ci grève
sa propriété d'une zone de pistes de ski. Il se plaint d'une violation
de l'art. 4 Cst. et d'une atteinte à la garantie de la propriété.

    Le Conseil d'Etat et la Commune d'Ormont-Dessous concluent au rejet
du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le plan attaqué prohibe les constructions permanentes dans la
zone des pistes de ski. Cette interdiction constitue une restriction de
droit public à la propriété foncière au sens de l'art. 702 CC. De telles
restrictions sont admissibles à la condition notamment qu'elles reposent
sur une base légale (RO 88 I 83/84 et arrêts cités, 88 I 175/176).

    Quand l'autorité se fonde sur des textes de droit cantonal et que,
selon le recourant, ces textes ne constituent pas une base légale
suffisante, le Tribunal fédéral revoit sous l'angle de l'arbitraire
seulement l'existence de cette base. Cependant, si l'atteinte dont le
recourant affirme être victime est particulièrement grave et dépasse
largement ce qui est habituel en Suisse, la Chambre de droit public exige
que la base légale soit claire (RO 85 I 231, 88 I 84, 176), c'est-à-dire
que la loi prévoie sans équivoque l'atteinte portée in casu au droit de
propriété (RO 77 I 218/219).

    En l'espèce, le recourant est privé de toute possibilité de construire
sur une surface de quelque 40 000 m2, dont une partie importante se trouve
même dans la zone où le plan prévoit de concentrer la majeure partie des
chalets d'habitation. Il est donc très lourdement touché. De plus, la
mesure prise n'est destinée à permettre le passage du public que quelques
mois par an. Au regard du but qu'elle poursuit, elle dépasse largement
les mesures du même genre décrétées habituellement pour aménager une
promenade ou une voie publiques utilisables toute l'année. Elle ne sera
dès lors admissible que si la loi la prévoit clairement.

Erwägung 2

    2.- Selon le Conseil d'Etat, l'interdiction de construire dans la
zone des pistes est basée sur les art. 23 à 25 de la loi vaudoise du 5
février 1941 sur la police des constructions (LPC).

    D'après l'art. 23 LPC, "le plan d'extension d'une localité est
constitué par l'ensemble des plans proprement dits et des dispositions
réglementaires relatifs aux voies, places, promenades à créer ou à
modifier, ainsi qu'aux zones, alignements et autres conditions de
la construction arrêtées en application de l'art. 25 de la présente
loi". Cette disposition se caractérise essentiellement comme une définition
du plan d'extension communal. On pourrait se demander, il est vrai,
si elle n'a pas aussi une portée propre en ce sens qu'elle conférerait
aux communes le pouvoir de prendre certaines mesures. En effet, elle se
réfère par exemple aux plans et aux dispositions réglementaires relatifs
aux places et aux promenades, auxquelles l'art. 25 LPC concernant l'objet
des règlements ne fait pas allusion. Cette question peut cependant
rester indécise, car l'art. 23 LPC ne constitue en tout cas pas la
base légale claire exigible en l'espèce. Il ne prévoit pas expressément
la faculté pour les communes de créer des pistes de ski grevées d'une
interdiction de construire. Il ne leur accorde pas non plus explicitement
le droit de prévoir des installations ou des aménagements englobant sans
contestation possible les pistes de ski. Certes, il mentionne les voies et
les promenades. Toutefois, ces voies sont des moyens de communication,
dont l'ouverture exige généralement des travaux importants et qui,
appartenant au domaine public, sont en principe utilisés toute l'année.
Quant aux promenades, elles font aussi partie du domaine public et
sont ouvertes sans interruption. En revanche, les pistes de ski sont de
simples espaces où le public se livre à un sport déterminé; pratiquement,
elles ne supposent aucune préparation préalable du terrain; elles ne sont
utilisables que quelques mois par an et demeurent propriété privée. Pour
les assimiler à des voies ou à des promenades, il faudrait donc interpréter
ces dernières notions d'une manière si extensive qu'il ne pourrait plus
être question d'une base légale claire.

    L'art. 24 LPC dispose que "la zone est constituée par une fraction
du territoire à laquelle s'appliquent des conditions déterminées de
construction". Il ne constitue lui aussi qu'une définition. Il n'autorise
pas explicitement les communes à réserver certains terrains pour la
pratique du ski.

    Quant à l'art. 25 LPC, il indique quel peut être l'objet des règlements
communaux. Il ne confère pas non plus expressément aux communes le pouvoir
de créer des pistes de ski. Tout au plus pourrait-on, par la voie d'une
interprétation très extensive, déduire ce droit d'autres facultés données
aux communes par l'art. 25 LPC (création de voies publiques, d'alignements,
réglementation des autres conditions de construction). On a vu cependant
que cela ne saurait suffire en l'espèce, où une base légale claire est
nécessaire.

    En droit vaudois, seul l'art. 168 bis de la loi d'introduction du code
civil (LICC) mentionne expressément les pistes de ski. Il autorise les
communes à "ordonner l'enlèvement temporaire" de clôtures ou à interdire
"l'établissement de nouveaux murs, clôtures ou autres obstacles analogues"
si l'installation "d'une piste de ski d'un intérêt régional" l'exige. Les
pouvoirs accordés aux communes sont ainsi nettement définis. Ils ne
comprennent pas celui d'interdire toute construction sur un terrain
réservé à une piste de ski. L'art. 168 bis LICC confirme donc l'absence
de la base légale claire exigible en l'espèce. Le législateur vaudois
ne l'a d'ailleurs pas ignoré, puisque, lors des débats du Grand Conseil
au sujet de l'art. 168 bis LICC, un député avait suggéré d'ajouter dans
la LPC, en termes exprès, que les pistes de ski devaient être assimilées
aux promenades ou aux voies publiques (BGC, automne 1948, p. 791).

Erwägung 3

    3.- Dépourvu de toute base claire, le plan doit être annulé pour ce
motif déjà et dans la mesure où il grève la propriété du recourant d'une
zone de pistes de ski. Il est inutile d'examiner s'il devrait l'être pour
d'autres motifs encore.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    admet le recours et annule la décision attaquée dans la mesure où le
plan grève la propriété du recourant d'une zone de pistes de ski.