Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 89 II 96



89 II 96

17. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 9 avril 1963 dans la
cause Torre et Arts Ménagers SA contre Columbia Gramo- phone Company
Ltd. et The Gramophone Company Ltd. Regeste

    Art. 24 lit. c MSchG. Markenrecht.

    1.  Der Inhaber einer in der Schweiz eingetragenen Marke kann den
Schutz seines Rechtes gegenüber einer ausländischen Marke verlangen, sobald
diese auf dem inländischen Markte erscheint (Territorialitätsprinzip);
sein ausschliessliches Recht besteht selbst dann, wenn die Marke im Ausland
rechtmässigerweise angebracht und gebraucht worden ist; auf die Qualität
der beiden mit derselben Marke versehenen Erzeugnisse kommt nichts an,
und ebenso nicht darauf, ob der schweizerische und der ausländische
Markeninhaber wirtschaftlich miteinander verbunden sind, sofern die
Marke in der Schweiz nur durch den einen von ihnen hinterlegt worden ist
(Erw. 3).

    2.  Nichtigkeit der Markenübertragung.

    a)  Beweislastverteilung.

    b)  Originärer Erwerb einer seit mehr als 5 Jahren gelöschten Marke.

    c)  Ergänzung des kantonalen Tatbestandes in einem nebensächlichen
Punkte (Art. 64 Abs. 2 OG) (Erw. 4).

    3.  Konzernmarke? (Erw. 5).

    4.  Nachahmung einer Marke durch Wiedergabe ihres figurativen Teiles
(Erw. 6).

Sachverhalt

    A.- 1) La société Columbia Gramophone Company Ltd., dont le siège est
à Hayes (Middlesex, Grande-Bretagne), est titulaire des marques suivantes,
enregistrées par le Bureau fédéral de la propriété intellectuelle:

    - la marque verbale "Columbia" no 158 095, déposée le 29 septembre
1955 en renouvellement de la marque no 86 797, déposée elle-même pour la
première fois le 7 octobre 1935;

    - la marque figurative no 107 786, représentant deux doubles croches
(Twin notes), déposée le 15 mars 1944 en renouvellement de la marque no
56 892, déposée elle-même le 30 juillet 1924;

    - la marque mixte no 107 787 (les termes Columbia Grafonola sont
inscrits dans un cercle autour des deux doubles croches), déposée le 15
mars 1944 en renouvellement de la marque no 56 893, déposée elle-même le
30 juillet 1934.

    Ces marques concernent notamment des appareils d'enregistrement
et de reproduction des sons. Les deux dernières avaient été déposées
respectivement les 4 et 9 septembre 1920, sous nos 47 648 et 49 970,
par la société américaine Columbia Gramophone Manufacturing Company,
à Bridgeport (Connecticut), qui les aurait cédées au titulaire actuel
vers 1923, lors de l'achat du capitalactions de sa filiale anglaise
par un groupe britannique. L'enregistrement de 1924 se réfère à une
"Übertragung mit Gebrauchsausdehnung" des nos 47 648 et 49 970.

    2) La société The Gramophone Company Ltd., dont le siège est également
à Hayes, est titulaire de deux marques mixtes composées d'une image
représentant un chien devant un gramophone et des mots "His Master's
Voice", l'une déposée le 8 mai 1943 sous le no 104 922, l'autre le 22
janvier 1959 sous le no 173 841; celle-ci renouvelle la première et protège
expressément, comme appareils d'enregistrement et de reproduction des sons,
les disques de gramophones et les bandes d'enregistrement.

    3) Les deux sociétés ont constaté que les magasins exploités par
la maison "Aux Arts Ménagers SA" et Armand Torre à Genève, Neuchâtel et
Lausanne vendent des disques munis des marques précitées et importés des
Etats-Unis d'Amérique. Elles ont aussitôt réagi, comme elles le firent
dans d'autres cas (cf. RO 85 IV 53). Mais elles se heurtèrent à un refus,
malgré plusieurs mises en demeure.

    B.- A la demande de Columbia Gramophone Company Ltd., la Cour de
justice de Genève ordonna le 19 janvier 1959 l'inventaire du stock des
disques américains revêtus des marques déposées en Suisse par la requérente
ou "de tout autre élément essentiel" de celles-ci; elle enjoignit en outre
aux intimés de communiquer leurs nouvelles acquisitions. Ceux-ci formèrent
opposition. L'ordonnance fut confirmée sur le premier point, le 17 avril
1959. Du 24 janvier au 17 février, l'huissier avait dressé l'inventaire
des (5591) "disques concernés", soit des disques "Columbia en stock"; la
liste qu'il a établie en donne les numéros, mais n'indique pas la marque.

    Le 26 mars 1959, la Cour de justice fit droit à une requête identique
de The Gramophone Company Ltd.; son ordonnance fut confirmée dans la même
mesure que la précédente le 18 septembre 1959, malgré l'opposition des
intimés. Du 3 avril au 5 mai, l'huissier avait dressé l'inventaire de 1962
disques His Master's Voice "RCA". Selon les intimés, il s'agit de disques
RCA Victor, dont la marque est quelquefois "malheureusement ... accompagnée
du même petit chien que celui figurant dans les marques HMV".

    C.- Le 21 mars 1959, Columbia Gramophone Company Ltd. a actionné
Torre et Arts Ménagers SA Elle demandait au juge de déclarer illicite
et de prohiber la vente ou la circulation dans le pays de disques
américains revêtus des marques déposées par elle en Suisse ou de l'un
de leurs éléments essentiels, d'en interdire l'importation, de saisir
et détruire le stock existant, de condamner enfin les défendeurs à lui
payer une indemnité de 25 000 fr. Le 25 juin 1959, The Gramophone Company
Ltd. a également ouvert action contre les mêmes personnes et pris des
conclusions analogues (les dommagesintérêts étant arrêtés à 20 000 fr.,
sous réserve d'amplification). Les deux causes ont été jointes.

    Les demanderesses sont des filiales du trust anglais Electric and
Musical Industries Ltd. (EMI). Elles exposent qu'elles n'ont rien de commun
avec les maisons américaines Radio Corporation of America (RCA) et Columbia
Connecticut, titulaires aux Etats-Unis des marques "His Master's Voice" et
"Columbia"; peu importe qu'il y ait eu des échanges de matrices jusqu'au
31 mars 1957, en dehors de tout rapport de Konzern. La société suisse
EMI AG importe les disques fabriqués par les deux filiales anglaises;
elle ne traite qu'avec les maisons Pianohaus Jecklin et Cie, à Zurich,
et Hug et Cie, à Bâle, qui écoulent la marchandise par le canal des
associations de grossistes et de détaillants, à des prix minima.

    Les défendeurs ont conclu au rejet des demandes et,
reconventionnellement, en cessation du boycott et en paiement de 200 000
fr. de dommages-intérêts.

    En cours de procédure, des disques de provenance américaine ont été
produits avec leur emballage. La marque figurative no 107 786 et la marque
mixte Columbia Grafonola no 107 787 n'y sont apposées nulle part.

    D.- Le 26 octobre 1962, la Cour de justice a déclaré illicite la
mise en vente en Suisse de disques américains revêtus des marques des
demanderesses "ou encore de tout élément essentiel" de ces marques; elle
a ensuite ordonné la saisie et la destruction des disques se trouvant
en main des défendeurs (sous réserve de leur expédition aux USA sous
contrôle d'huissier), ainsi que la publication du dispositif de son
arrêt. La Cour a réservé la fixation des dommages-intérêts et commis un
expert; elle n'est pas entrée en matière sur la demande reconventionnelle
(art. 57 de la loi genevoise d'organisation judiciaire).

    E.- Les défendeurs recourent en réforme au Tribunal fédéral. Ils
concluent au rejet de la demande. Les intimées proposent le rejet du
recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    1./2. - ....

Erwägung 3

    3.- De par l'art. 24 litt. c LMF, sera poursuivi par la voie civile
quiconque aura vendu, mis en vente ou en circulation des produits ou
marchandises revêtus d'une marque qu'il savait être contrefaite, imitée ou
indûment apposée, pour autant du moins que le public pouvait être trompé
sur leur provenance (RO 86 II 279 et les arrêts cités).

    Interprétant cette disposition, le Tribunal fédéral a abandonné
le principe de l'universalité des marques et s'est rallié à celui
de la territorialité, admis presque partout à l'étranger et dans la
doctrine suisse actuelle (RO 78 II 164; 85 IV 53; 86 II 272; TROLLER,
Immaterialgüterrecht, I, p. 133 ss.; MATTER, Kommentar zum MSchG, p. 50;
DAVID, Kommentar zum MSchG, 2e éd., p. 52). Selon cette jurisprudence, la
marque enregistrée en Suisse confère à son titulaire le droit exclusif de
l'utiliser dans ce pays, la protection étant limitée au champ d'application
de la loi. Si donc l'ayant droit ne saurait s'opposer à l'usage de sa
marque à l'étranger par une autre entreprise, il le peut dès qu'elle
apparaît sur le marché suisse, même si elle a été apposée et utilisée
licitement ailleurs; lui seul jouit en Suisse de la protection légale.

    La fonction de la marque étant de spécifier le fabricant et son
entreprise par une indication de provenance (mais pas celle de l'art. 18
LMF: RO 86 II 277), peu importe la qualité respective des produits
revêtus de la même marque (RO 78 II 172 et les arrêts cités) ou les
liens économiques unissant les titulaires en Suisse et à l'étranger,
si la marque n'est déposée en Suisse que par l'un d'eux.

    Sans doute, un cartel peut-il ainsi recourir au droit des marques
pour imposer de manière efficace la répartition territoriale des
débouchés entre ses membres et conférer à la convention de cartel, à
ses clauses d'exclusivité et à l'organisation de monopoles privés, qui
ressortissent au domaine du contrat et des droits relatifs, le renfort
d'une protection ayant un effet réel. Tel n'est pas l'objet du droit
d'auteur et de la propriété industrielle (RO 85 II 442; 86 II 284). Mais
c'est une conséquence inéluctable du principe de la territorialité,
voulue semble-t-il par le législateur (art. 11 al. 1 LMF). La liberté
économique de droit privé peut d'ailleurs être protégée par des voies de
droit appropriées (art. 28 CC).

    Vu ce qui précède, les intimées, si elles sont titulaires en Suisse
des marques dont elles se prévalent, peuvent s'opposer à leur contrefaçon
ou à leur imitation, quand bien même la marchandise vendue, mise en vente
ou en circulation, serait identique à leurs propres produits, proviendrait
d'entreprises liées économiquement à ellesmêmes ou serait revêtue d'une
marque apposée licitement à l'étranger.

Erwägung 4

    4.- a) Comme dans l'instance cantonale, les recourants invoquent la
nullité du transfert de la marque figurative "Twin Notes" no 107 786 et
de la marque mixte "Columbia Grafonola" no 107 787 à l'une des intimées'la
société anglaise Columbia Gramophone Company Ltd., parce que l'art. 11 LMF,
ancienne teneur, n'aurait pas été respecté (RO 58 II 181; 61 II 61).

    Le jugement attaqué n'a pas examiné si la société, comme elle le
soutient et offrait de le prouver, a acquis la part de l'entreprise
américaine Columbia Connecticut afférente à la Suisse. Il a admis en
effet la validité de la marque par d'autres motifs. On ne saurait donc
dire que la demanderesse a échoué dans l'administration d'une preuve qui
lui incombait, ni que la Cour cantonale, à tort, ne lui en a pas imposé le
fardeau. On pourrait tout au plus reprocher au juge d'avoir fixé les faits
de manière incomplète s'il s'avérait que les motifs de sa décision ne sont
pas convaincants et que le point litigieux fût donc décisif. Comme on le
verra, l'intimée est titulaire des marques enregistrées en Suisse. La Cour
de céans se borne dès lors à noter, par surabondance de droit et contre
l'avis des recourants (cf. p. 6 de l'acte de recours), que le fardeau de la
preuve n'incombait pas à l'intimée. Le transfert des marques est soumis
à des formalités et fait l'objet d'un contrôle par le Bureau fédéral de
la propriété intellectuelle; il est enregistré sur la base d'une pièce
justificative suffisante, dans un registre public (art. 16 LMF; art. 19
du règlement d'exécution). De par l'art. 9 CC, l'intimée est présumée
avoir acquis le droit conformément à la loi et notamment à la suite d'une
transmission, totale ou partielle, de l'entreprise dont la marque sert
à distinguer les produits (TROLLER, op.cit., II p. 1025; DAVID, 2e éd.,
note 4 ad art. 5; MATTER, p. 93). Il suffisait dès lors que l'intimée se
prévalût de l'inscription; il incombait aux recourants de renverser la
présomption en alléguant et prouvant les faits d'où résulte, à leur avis,
la nullité de la marque ou de son transfert.

    b) Quand bien même le transfert intervenu en 1924 serait nul, l'intimée
peut se prévaloir actuellement d'une acquisition originaire, à un double
point de vue. En premier lieu, les marques litigieuses ont été radiées au
nom de la maison américaine en 1924; comme elles pouvaient être déposées
par un tiers pour les mêmes produits cinq ans après la radiation (art. 10
LMF), l'acquisition initiale dérivée, supposée nulle, eût été validée en
1929 (RO 83 II 220 consid. 2 in fine). En second lieu, le renouvellement
demandé en 1944, soumis aux mêmes formalités qu'un premier enregistrement
(art. 8 al. 2 LMF), est intervenu à un moment où l'on pouvait utiliser
la marque radiée (art. 10 LMF).

    Vu la mention du transfert, on ne saurait objecter que la maison
américaine a conservé le droit à la marque jusqu'en 1940 (art. 8 al. 1
LMF); elle a au contraire exprimé sa volonté de ne plus en user. La marque
doit donc être réputée radiée même si, par hypothèse, l'acquisition dérivée
par la maison anglaise était nulle. Du reste, faute de renouvellement,
la marque était disponible en 1945. A ce moment-là au plus tard, toute
acquisition viciée était donc validée.

    c) Il suit de là que les objections visant la validité du transfert
tombent. Il reste à rechercher si, malgré leurs dénégations, les recourants
ont mis en vente des disques revêtus des deux marques nos 107 786 et 107
787 visées par le dispositif du jugement attaqué. Sur cette question
de fait, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de la Cour
cantonale (art. 63 al. 2 OJ), sous réserve de l'art. 64 OJ.

    Les conclusions de la requête de mesures provisionnelles mentionnaient
la marque figurative "Twin Notes" et la "marque - verbale ou mixte -
Columbia"; la seule marque mixte comprenant ce terme est "Columbia
Grafonola" no 107 787. Le jugement attaqué définit l'office de l'huissier
comme "l'inventaire des disques concernés". Le document établi à cette
occasion ne porte pas la marque en regard des titres des disques mais,
lorsqu'il relate les opérations effectuées, se réfère aux "disques
'Columbia' en stock". Le jugement attaqué, qui ne contient pas d'autres
précisions, se révèle donc insuffisant.

    Le point est accessoire, car l'acte illicite vise essentiellement la
marque verbale "Columbia". Aussi le tribunal peut-il rechercher dans le
dossier des constatations complémentaires (art. 64 al. 2 OJ). Il ne s'y
en trouve aucune. Mais dans la discothèque mise à la disposition de la
Cour cantonale, les deux marques ne sont apposées sur aucun des disques
de provenance américaine produits - fût-ce par l'intimée -, ni sur leurs
emballages. (Sur l'étui du disque no 2577, en bas à droite, les deux notes
figurent dans une énumération, en caractères très petits, des marques
utilisées par la maison américaine; la marque du disque lui-même est
"Columbia LP".

    Il ne ressort donc pas de la procédure ou du jugement attaqué que les
recourants aient mis en vente des disques américains revêtus des marques
nos 107 786 et 107 787 (qui paraissent avoir été abandonnées en fait). Or
la preuve de l'infraction incombait à l'intimée, au cours de l'instance
cantonale; elle n'a pas été tentée sérieusement ou a échoué. Le refus
opposé par les recourants à l'injonction de ne point vendre "des disques
revêtus des marques Columbia, Twin Notes et His Master's Voice" (contenue
dans la lettre du 5 mai 1958) n'est pas probant, car l'ordre est imprécis
et ne vise pas expressément la marque mixte Columbia Grafonola; de plus,
si l'usage effectif de la marque n'est pas nécessaire quand le défendeur
refuse de s'engager à s'abstenir d'en user et conteste la prétention,
c'est dans la seule hypothèse où le défendeur a fait enregistrer la marque
contestée, dans le but évident de l'utiliser (RO 58 II 172; 84 II 322;
87 II 111); tel n'est pas le cas.

    Il suit de ces considérations que l'infraction visée par l'art. 24
litt. c LMF n'est pas réalisée en ce qui concerne les marques nos 107
786 et 107 787. L'action de Columbia Gramophone Company Ltd. doit être
rejetée dans cette mesure.

Erwägung 5

    5.- Les recourants admettent la licéité de la marque verbale
"Columbia" no 158 095, déposée le 29 septembre 1955 (après un refus du
Conseil fédéral du 16 juin 1922; BURCKHARDT, Le droit fédéral suisse, IV,
no 2158); l'indication géographique évoque principalement dans l'esprit
du public suisse un produit déterminé (hat sich im Verkehr durchgesetzt).

    a) Ils soutiennent en revanche, semble-t-il, que ce public la considère
comme une marque américaine, en raison de la renommée mondiale acquise
par le produit fabriqué aux Etats-Unis; cela exclurait toute protection de
l'intimée. Mais cet avis n'est confirmé, en fait, par aucune contestation
du jugement attaqué.

    b) Les recourants prétendent en outre que des relations économiques
étroites existent entre la société américaine et le groupe EMI; ils en
déduisent que la première bénéficie en Suisse d'une marque "de fait", de
"Konzern". Mais on ne se trouve en tout cas pas en présence d'une marque
collective (art. 7 bis LMF), l'existence d'une personne morale n'étant pas
établie. La faculté de l'art. 6 bis LMF n'a pas davantage été utilisée,
les intéressés, quelles que soient leurs relations économiques, n'ayant
pas déposé en commun une marque. La société américaine n'a même pas fait
enregistrer une marque en Suisse. Il s'ensuit que le moyen des recourants,
malaisé à saisir, paraît dénué de tout fondement.

    c) L'acte de recours se réfère enfin à l'arrêt Philipps c. Radio Import
(RO 86 II 283) et affirme que la vente de disques américains revêtus de
la marque Columbia ne peut induire le public en erreur; tel n'est en
effet pas le cas lorsque la marchandise provient d'un Konzern et que,
dans l'esprit du public suisse, la marque désigne non pas l'entreprise
de son titulaire mais n'importe quelle maison appartenant au Konzern;
or, à en croire les recourants, le disque Columbia est considéré comme
américain, vu la renommée qui s'est attachée d'emblée, dès avant 1924,
au produit fabriqué aux Etats-Unis.

    Cette argumentation ne repose pas sur les constatations du jugement
attaqué. Si l'intimée tolère la vente en Suisse de disques Columbia
fabriqués dans d'autres pays d'Europe sous les marques qu'elle-même ou
le groupe EMI y ont déposées, on n'en saurait déduire que, dans l'esprit
du public, la marque Columbia est celle d'un Konzern mondial, comprenant
également des maisons hors d'Europe. Cela ne ressort pas du jugement
attaqué; celui-ci constate au contraire que l'entreprise américaine ne
vend pas de disques en Suisse et que l'intimée n'a jamais toléré les
ventes isolées qui se sont réalisées. La situation est donc différente
de celle de l'arrêt invoqué, où les titulaires de la marque suisse
eux-mêmes importaient et mettaient en vente, comme le défendeur, des
marchandises provenant d'entreprises Philipps à l'étranger. En l'espèce
au contraire, le marché suisse est fermé depuis plus de trente ans aux
produits américains, ensuite de la cession intervenue en 1924; en outre,
les groupes européen et américain sont distincts et indépendants. On ne
saurait dès lors prétendre que, dans l'esprit du public suisse, la marque
Columbia émane d'un Konzern touchant aussi la fabrication américaine.

Erwägung 6

    6.- Les recourants contestent avoir mis en vente des disques "His
Master's Voice" de provenance américaine. Selon eux, il n'existe que
des disques revêtus de la marque RCA Victor, "qui malheureusement est
quelquefois accompagnée du même petit chien que celui figurant dans les
marques de HMV".

    Effectivement, le procès-verbal de l'huissier, relatant l'inventaire
"des disques 'His Master's Voice, en stock à Genève", mentionne des
disques RCA. Mais les recourants accordent qu'une partie d'entre eux au
moins portent l'élément figuratif de la marque de l'intimée The Gramophone
Company Ltd. Cela est d'ailleurs corroboré par les pièces produites
par la société anglaise, qui établit les avoir achetées au magasin de la
recourante: sur les enveloppes est apposée la marque no 173 841 à côté de
RCA Victor, et l'étiquette des disques porte soit cette marque complète,
soit le plus souvent l'élément figuratif seul. Les recourants ont donc
mis en vente - peu importe en quelle quantité - des disques revêtus de
la marque enregistrée en 1943.

    Cette marque a été déposée pour les appareils d'enregistrement et
de reproduction des sons. Sont ainsi visés, notamment, les disques
de gramophone. On ne saurait objecter que la marque RCA Victor est
"prépondérante"; cela est inexact en fait et sans pertinence en droit,
car l'imitation ou la contrefaçon est de nature à créer une confusion
dans le public, même si une autre marque est aussi apposée. En outre,
le Cour de céans ne peut examiner les faits articulés par les recourants
qui sortent du cadre des constatations du jugement attaqué (art. 63 al. 2
OJ), ceux notamment qui touchent les disques de l'entreprise RCA Victor
et les relations entre celle-ci et le groupe EMI.

    Il convient en revanche de rectifier d'office le jugement attaqué sur
un point de détail. Dans la mesure où seul l'élément figuratif est apposé
sur les disques américains, il n'y a pas contrefaçon, mais imitation
(RO 32 I 702; DAVID, op.cit., note 3 ad art. 24 LMF, p. 267/268). Pour
interdire celle-ci, on ne peut se référer, comme la Cour cantonale, à
"tout élément essentiel desdites marques". L'ordre d'abstention doit
être précis, de façon qu'aucune difficulté ne puisse surgir lors de
l'exécution forcée (RO 84 II 457 consid. 6). Il visera donc en l'espèce
"l'élément figuratif de la marque".

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Admet partiellement le recours et réforme le jugement attaqué en ce
sens que l'alinéa premier du dispositif a la teneur suivante:

    "Interdiction est faite aux défendeurs de mettre en vente en Suisse
des disques de gramophone de provenance américaine revêtus des marques
suivantes:

    - Columbia, enregistrée sous no 158-095 - His Master's Voice,
enregistrées sous nos 104 922 et 173 841, ou encore du seul élément
figuratif des marques His Master's Voice précitées.";

    Confirme le jugement pour le surplus.