Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 89 II 396



89 II 396

51. Arrêt de la Ie Cour civile du 15 octobre 1963 dans la cause
Helvétia-Accidents contre Stragiotti. Regeste

    1.  Die Faktoren des Versorgerschadens sind von Fall zu Fall zu
würdigen. Ermittlung des zukünftigen Verdienstes des Verunfallten, Tat-
und Rechtsfrage. Art. 45 Abs. 3 OR (Erw. 1).

    2.  Möglichkeit der Wiederverheiratung der Witwe.  Auswirkungen auf
die Ermittlung des Versorgerschadens. Abwägung der Wahrscheinlichkeit
der Wiederverheiratung (Erw. 2).

    3.  Genugtuungsanspruch eines Bruders, der mit dem Getöteten nicht
in Hausgemeinschaft gelebt hat (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- Le relieur Bernard Stragiotti est décédé le 21 décembre 1960,
victime d'un accident de la circulation dont la responsabilité civile
incombe uniquement à Herbert Sutter, respectivement à son assureur la
Compagnie Helvetia-Accidents. Le jugement pénal rendu le 8 juin 1961 contre
le détenteur a fixé les indemnités dues à la veuve, Ginette Stragiotti,
et à ses enfants mineurs Chantal et Nicole, en réparation du tort moral
qu'elles ont subi.

    B.- Le 14 avril 1962, la veuve et ses enfants, les père et mère
du défunt et son frère ont actionné l'assureur en paiement de divers
montants. Celui-ci en a versé une partie et a conclu à libération pour
le surplus.

    Pour calculer la perte de soutien, le jugement rendu le 29 mars 1963
par le Tribunal cantonal du Valais constate que le chiffre d'affaires de
la victime a passé de 1953 à 1959 de 11 492 fr. 75 à 21 114 fr. 10 et son
bénéfice brut de 8294 fr. 70 à 14 272 fr. 60. En 1959, le produit net de
l'entreprise s'élevait à 10 772 fr. 60, après déduction de 3500 fr. pour
les frais. Conjecturant l'avenir selon le cours normal des choses,
la Cour cantonale estime que si Bernard Stragiotti, dont l'entreprise
était en constant développement, avait survécu, son chiffre d'affaires
se serait élevé en moyenne, de 1960 à 1969, à 30 000 fr. et le bénéfice
brut à 19 000/20 000 fr.; un montant de 4000 à 5000 fr. étant nécessaire
pour couvrir les frais, le gain servant au calcul de la perte de soutien
peut être fixé à 15 000 fr.

    Ce point étant acquis, la Cour cantonale réduit de 25% l'indemnité pour
perte de soutien, en raison de la possibilité d'un remariage de la veuve.
Celle-ci était âgée de 27 ans lors du décès et l'un de ses deux enfants
est assez gravement atteint dans sa santé.

    Quant à l'indemnité réclamée par Roger Stragiotti en réparation du
tort moral subi, le jugement constate que ce frère, domicilié à Lausanne,
ne vivait pas en ménage commun avec le défunt. Or le choc moral provoqué
par le décès d'un proche, s'il est toujours cruel, est moins brutalement
ressenti lorsqu'on est séparé. Une dérogation se justifie cependant
en l'espèce, car Roger et Bernard étaient les seuls enfants des époux
Stragiotti; ils avaient conservé des relations très vivaces et se voyaient
souvent, presque chaque semaine. Aussi la Cour alloue-t-elle 500 fr. au
survivant.

    C.- La défenderesse prie le Tribunal fédéral de réformer ce jugement,
de fixer à 12 000 fr. le gain servant à déterminer les indemnités en raison
de la perte de soutien, de réduire de 35% celle qui a été accordée à la
veuve et de rejeter la prétention de Roger Stragiotti.

    Les intimés concluent au rejet du recours.

    La défenderesse a formé également un recours de droit public, qui a
été rejeté le 19 septembre 1963.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- De par l'art. 62 al. 1 LCR (applicable dès le 1er janvier 1960:
art. 61 de l'ordonnance sur la responsabilité civile et l'assurance en
matière de circulation routière, du 20 novembre 1959 et art. 107 LCR),
le mode et l'étendue de la réparation ainsi que l'octroi d'une indemnité
à titre de réparation morale sont régis par les principes du code des
obligations concernant les actes illicites.

    Lorsque, par suite de la mort d'un proche, des personnes ont été
privées de leur soutien, il y a lieu de les indemniser de cette perte
(art. 45 al. 3 CO). La réparation se fonde notamment sur le revenu futur
du défunt, dont une part eût été affectée à l'entretien de la personne
soutenue. Selon la recourante, ce revenu se serait élevé en l'espèce à
12 000 fr.

    D'après la jurisprudence, les éléments de la perte de soutien doivent
s'apprécier de cas en cas. Il en est ainsi du gain futur de la victime
et de la part que celle-ci en aurait soustraite pour l'entretien des
personnes soutenues. Le Tribunal fédéral, comme cour de réforme, peut
revoir l'opinion du juge cantonal lorsque celui-ci, pour estimer le cours
futur prévisible des choses, s'est laissé guider par des prémisses erronées
en droit ou par des considérations qu'il ne justifie pas in concreto et
qui sont en contradiction avec l'expérience générale de la vie (RO 72
II 166/167 et 196 consid. 3; 79 II 355 consid. 3; 81 II 42). Les faits
passés et présents, en revanche, sont pour lui constants, sous réserve
d'une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ).

    La Cour cantonale a fixé à 15 000 fr. le gain net moyen des années
1960 à 1969, en tenant compte de frais généraux proportionnels à ceux des
exercices connus (cf. arrêt du 19 septembre 1963 sur le recours de droit
public). De l'avis de la recourante, rien n'étaie cette opinion. Mais
la démonstration s'arrête là. Vu son pouvoir d'examen, il suffit
au tribunal de céans de constater qu'il n'est pas contraire au cours
ordinaire des choses qu'un relieur de 30 ans - le seul du Bas-Valais -,
sérieux, travailleur et compétent, développe aujourd'hui son entreprise,
en constante progression.auprès d'une clientèle étendue et confiante,
de façon à augmenter en dix ans son chiffre d'affaires de 21 000 à 30
000 fr., son revenu brut de 14 000 à 19 000/20 000 fr. et son gain net
de 10 772 fr. 60 à 15 000 fr. environ.

Erwägung 2

    2.- Citant une publication de la Caisse nationale et les Tables
de capitalisation de Stauffer/Schaetzle (1e partie, chapitre V), la
recourante prie le Tribunal fédéral de réduire de 35% (et non seulement
de 25%) l'indemnité pour perte de soutien allouée à la veuve, en raison
des chances de remariage.

    La recourante doit réparer le dommage concret résultant de
la perte de soutien. La réduction demandée ne peut donc se fonder
que sur la possibilité réelle, en l'espèce, d'un nouveau mariage,
et elle se justifie dans la seule mesure où ce dernier améliorerait
sensiblement la situation de la veuve. Cette possibilité dépend surtout
des circonstances particulières (RO 72 II 215 et les arrêts cités;
arrêt Weimer c. Brühlmann et consort, du 23 mars 1960, p. 5). Celles-ci
sont constatées souverainement par le juge le plus proche du justiciable
(art. 63 al. 2 OJ). Ce sont notamment l'âge, le caractère, la condition
sociale, le milieu local, les attaches familiales, la santé, l'attrait
physique et la situation économique. Mais encore faut-il vouloir se
remarier. Cette volonté relève d'une décision éminemment personnelle, qui
repose sur des considérations diverses et, parfois, très intimes. Il suit
de là que les résultats de statistiques, consignés dans des tabelles, et
que les principes valables à d'autres points de vue, notamment en matière
d'assurances (RO 81 II 48 consid. 4), ne règlent pas dans un procès en
responsabilité civile le calcul du capital représenté par la rente due pour
la perte de soutien (arrêt Weimer précité). Ils peuvent tout au plus, faute
de circonstances décisives, aider le juge dans la constatation des faits.

    Comme cour de réforme, le Tribunal fédéral intervient lorsque le
droit fédéral est violé, qui oblige par exemple à ne tenir compte que
d'une possibilité sérieuse. Dans le cas particulier du remariage de la
veuve, on peut se demander s'il lui est en outre réservé de faire appel
à l'expérience de la vie, soit qu'il revoie l'opinion que les premiers
juges s'en sont faite, soit qu'il corrige les constatations de la décision
attaquée parce qu'elles ne s'y conforment pas. Peu importe toutefois en
l'espèce que le pouvoir de la cour de céans soit étendu ou restreint. Dans
l'un et l'autre cas, en effet, la solution est claire. La demanderesse
avait 27 ans lors du décès de son mari. L'un de ses deux enfants est
assez gravement atteint dans sa santé. Dans ces circonstances, on ne
saurait préférer une réduction de 35%. Il n'est certes pas contraire à
l'expérience générale de la vie que le juge local, élucidant les faits,
estime que cette veuve de Martigny a, dans son milieu, 25% de chances
sérieuses de se remarier. La faible divergence qui l'oppose à la recourante
est du reste d'autant moins importante que l'on ignore si le nouvel époux
éventuel pourrait subvenir à l'entretien de l'intimée dans la même mesure
que son mari défunt (RO 56 II 126).

Erwägung 3

    3.- De par l'art. 62 al. 1 LCR, l'octroi d'une indemnité à titre de
réparation morale est régi par les principes du code des obligations
concernant les actes illicites. L'art. 47 CO oblige le juge à tenir
compte des circonstances particulières. Comme cette disposition n'est
qu'un cas d'application de l'art. 49 al. 1 du même code, l'atteinte aux
intérêts personnels, et notamment la douleur morale éprouvée, doit être
particulièrement grave. Il est à présumer que la souffrance causée à une
personne par la mort d'un parent est d'autant plus intense que le degré de
parenté était plus rapproché (RO 22 p. 762). En outre, lorsqu'un adulte
quitte la maison paternelle, les liens qui l'unissaient à ses frères et
soeurs se distendent quelque peu, surtout s'il fonde son propre foyer
(RO 66 II 222). Aussi bien, après avoir été plus large (RO 22 p. 763,
34 II 457, pour la demanderesse Bertschi), la jurisprudence en est-elle
venue à n'accorder en principe une indemnité en réparation du tort moral
causé par la mort de l'un d'eux que si le demandeur vivait avec le défunt
(RO 63 II 220; 64 II 62; arrêt Salomon c. La Zurich-Accidents SA et Moret
et Cie SA, du 19 février 1963, p. 10). Dans la négative, elle ne fait
droit à la demande que s'il existait des liens d'amitié et d'affection
tels que la rupture a causé une affliction et une souffrance morale d'une
intensité exceptionelle.

    En l'espèce, la Cour cantonale a alloué 500 fr. à Roger Stragiotti
parce que son frère et lui étaient les seuls enfants de leurs parents,
qu'ils avaient conservé des relations très vivaces et se voyaient
souvent. Ces faits ne permettent pas de conclure que le cas est
exceptionnel. Les familles de deux enfants ne sont pas rares en effet et
il est normal qu'un fils habitant Lausanne visite fréquemment ses parents
domiciliés à Martigny, et son frère par la même occasion. Une réparation
du tort moral n'eût été justifiée que si le juge avait en outre constaté
des attaches particulièrement fortes, fondées sur des indices précis. La
demande doit donc être rejetée sur ce point.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Admet partiellement le recours et, réformant dans cette mesure
le jugement attaqué, rejette la prétention de Roger Stragiotti à une
indemnité pour tort moral.