Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 89 II 265



89 II 265

35. Arrêt de la Ire Cour civile du 10 mai 1963 dans la cause
T. S. Kollerich et Cie SA contre Ferunion. Regeste

    Internationales Privatrecht. Rechtswahl. Berufen sich beide Parteien im
Prozess übereinstimmend auf ein bestimmtes Recht, so treffen sie damit nur
dann eine Rechtswahl, wenn sie das Bewusstsein und den Willen haben, eine
solche Rechtshandlung vorzunehmen. Die Rechtswahl stellt die Ausnahme dar.

Sachverhalt

    A.- En juin 1956, la société hongroise Ferunion, entreprise
nationalisée ayant son siège à Budapest, a vendu à la société anonyme
T. S. Kollerich et Cie, actuellement à Lausanne (précédemment à Gèneve),
5000 tonnes métriques de ciment Portland, livrables au port yougoslave
de Rijeka, aux frais et risques du vendeur et par lots successifs,
selon la capacité des navires affrétés par l'acheteur. Celui-ci devait,
pour chaque livraison partielle, ouvrir un accréditif irrévocable auprès
d'une banque hongroise. Ce contrat ne prévoit ni le droit applicable ni
le for en cas de litige.

    Une première livraison de 3556 tonnes quitta le port à destination
de Damman (Arabie séoudite), à bord du bateau grec Enosis, le 6 novembre
1956. En garantie du paiement, la Société de finance commerciale Soccom,
à Genève, ouvrit un crédit documentaire irrévocable auprès de la Banque
hongroise pour le commerce extérieur, à Budapest, en faveur du vendeur; cet
accréditif devait être libéré, contre présentation de divers documents, le
10 novembre 1956 au plus tard. L'acquéreur arabe en fit autant, la validité
du nouvel accréditif étant limitée au 15 novembre 1956. Ni l'un ni l'autre
des crédits ne furent utilisés à temps. La crise de Suez rendit nécessaire
le détour du bateau Enosis par le Cap de Bonne-Espérance; le supplément
de fret n'ayant pas été payé, le capitaine vendit la marchandise dans un
port nord-africain.

    Pour sauvegarder ses droits (et, dit-elle, ceux du vendeur hongrois),
la société T. S. Kollerich et Cie fit séquestrer l'Enosis dans le port de
Gênes. La Banque de Rome fournit une garantie et la mesure fut levée. Le
7 mars 1957, la maison suisse, dans une lettre explicative, écrivit à
son vendeur ce qui suit:

    "Wir haben uns bereit erklärt, nach Eröffnung des Suez-Kanals,
d.h. wenn unsere laufenden Geschäfte wieder in Gang kommen, die
Lst. 13.157.4 in Teilraten abzuzahlen. Wir sind aber nicht in der Lage,
Ihnen einen Wechsel für den 13 April 57 zu geben".

    B.- Le 24 juin 1957, Ferunion fit notifier à la société T. S. Kollerich
et Cie un commandement de payer. La mainlevée provisoire de son opposition
ayant été prononcée, la maison suisse a ouvert action en libération de
dette (elle se désista par la suite d'une demande additionnelle tendant
au paiement de dommages-intérêts). La défenderesse a conclu au rejet
de l'action.

    Le 30 novembre 1960, le Tribunal de première instance de Genève a
libéré la demanderesse. La Cour de justice, en revanche, a admis la demande
pro parte, par arrêt du 21 décembre 1962. Bien que le droit hongrois
fût applicable à la vente litigieuse, elle est d'avis que les parties,
en fondant leur argumentation sur le droit suisse sans jamais invoquer
le droit hongrois, ont voulu que la cause soit jugée d'après le droit
interne. Ce dernier serait de toute façon déterminant à titre supplétif,
car la défenderesse n'a pas produit de textes hongrois (art. 5 PC gen.).

    C.- La demanderesse recourt en réforme au Tribunal fédéral contre
cet arrêt. L'intimée a formé un recours joint.

    Priée de préciser ses considérations relatives à l'élection du droit
suisse, la Cour cantonale s'est référée aux mémoires et conclusions des
parties, dont les passages cités se bornent tous à renvoyer purement et
simplement à des dispositions du droit interne ou à la jurisprudence et
à la doctrine suisses.

Auszug aus den Erwägungen:

Considérant en droit:

    1. - D'après les règles du droit international privé suisse, le droit
hongrois régit la vente conclue entre les parties. Le vendeur, en effet,
est domicilié à Budapest. La Cour cantonale partage cet avis. Elle admet
cependant que les parties ont choisi le droit suisse parce qu'elles en ont
requis l'application en cours d'instance pour fonder leur prétention et
que ni l'une ni l'autre n'ont soutenu qu'un droit étranger fût applicable.

    a) Lorsque, dans le procès, les parties invoquent de façon concordante
une législation déterminée, elles ne la choisissent que si elles en ont
la conscience et la volonté et entendent exprimer, par leurs références,
leur intention commune (RO 88 II 326; 87 II 200/201; SCHÖNENBERGER/JÄGGI,
Allgemeine Einleitung, nos 208, 210, 243, 245, 248; NIEDERER, Festgabe
für den schweizerischen Juristentag 1961, p. 68 à 70; LALIVE, ZSR 1962
I p. 168; VISCHER, Internationales Vertragsrecht, p. 76 à 78).

    En l'espèce, le problème de droit international privé leur a
échappé. Du moins, rien ne permet de penser qu'elles se le sont posé. Il
ne ressort ni de l'arrêt attaqué ni du dossier qu'elles aient recherché si
le droit hongrois s'appliquait et voulu, dans l'affirmative, que le juge
s'en tînt néanmoins aux règles, connues, du droit suisse. L'une et l'autre,
au contraire, se sont bornées à citer des dispositions légales ainsi que la
doctrine et la jurisprudence suisses. Dans ces circonstances, on ne saurait
admettre, avec la Cour cantonale, qu'elles ont résolu la question du droit
applicable par un accord conscient et qu'elles ont voulu, par la simple
citation de dispositions légales, exprimer une intention commune. Celle-ci
n'allait pas de soi; on ne peut penser d'emblée qu'une entreprise hongroise
nationalisée renonce à l'application du droit hongrois. La jurisprudence,
du reste, refuse de se fonder sur des hypothèses (RO 78 II 78/79).

    b) La Cour cantonale étaye sa décision par un second argument. Les
parties n'ont pas soutenu que le droit étranger fût applicable; ce serait
l'indice d'une élection de droit.

    Ce raisonnement est erroné. En principe, les règles de conflits
suisses imposaient l'application du droit hongrois. Si les parties
voulaient exceptionnellement, par un choix conscient, vider leur litige
selon le droit suisse, elles devaient le dire. Dans le cas contraire, en
revanche, elles n'avaient à entreprendre aucune démarche, puisque le juge,
normalement, statuait selon le droit étranger; peu importe que la procédure
cantonale demande à celui qui fonde sa prétention sur le droit étranger de
produire les textes légaux dont il fait état (art. 5 PC gen.). Les parties
n'avaient donc l'obligation de s'exprimer - et de le faire clairement -
que si elles excluaient l'application de la législation hongroise. Le droit
international privé suisse ne connaît pas de règle selon laquelle la lex
fori serait applicable si les parties n'invoquent pas le droit étranger.

    2. - En l'absence d'une élection de droit, la cause ressortit donc
à une législation étrangère et le droit suisse a été appliqué à titre
supplétif. Pour cette raison, le recours en réforme est irrecevable
(art. 43 al. 1 OJ). De par l'art. 59 al. 4 OJ, le recours joint devient
caduc.