Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 88 I 28



88 I 28

5. Extrait de l'arrêt du 6 juin 1962 dans la cause Schmutz contre Conseil
d'Etat du canton de Fribourg. Regeste

    Art. 45 BV. Entzug der Niederlassung wegen schwerer Vergehen.

    Geltungsdauer des Ausweisungsbefehls. Wann verwirkt ein Kanton das
Recht auf Aufweisung?

Sachverhalt

    A.- Ernest Schmutz, originaire du canton de Berne, a été condamné par
le Tribunal de la Sarine le 10 janvier 1940 à deux mois d'emprisonnement
pour escroquerie, le 25 septembre 1940 à un mois d'emprisonnement pour
vol et escroquerie, et le 11 décembre 1940 à six mois d'emprisonnement
pour escroquerie. Ce dernier jugement comprend celui du 10 janvier 1940,
qui avait été prononcé avec sursis pendant cinq ans, mesure révoquée le
4 décembre 1940. Depuis lors, Schmutz a été condamné encore à diverses
reprises, en particulier par le Tribunal de la Sarine le 26 septembre
1945 à deux mois d'emprisonnement pour escroquerie, le 31 mai 1950 à
deux mois d'emprisonnement pour violation d'une obligation d'entretien
(avec sursis pendant 3 ans, révoqué le 31 octobre 1951) et le 4 mars 1953
à six semaines d'emprisonnement pour la même infraction.

    B.- Le 12 février 1941, la Direction de la police du canton de
Fribourg, se fondant sur l'art. 45 al. 3 Cst. et sur les condamnations
prononcées jusqu'alors, expulsa Schmutz du territoire fribourgeois. La
décision ne fut exécutée que le 19 mars 1946. Entre 1946 et 1956, Schmutz
obtint à plusieurs reprises des sauf-conduits (pour presque toute l'année
1947 et la totalité de l'année 1956). Il lui est arrivé, quand il n'en
avait pas, de pénétrer néanmoins sur territoire fribourgeois. En 1953 et
1959, les autorités fribourgeoises l'ont condamné de ce chef pour rupture
de ban.

    En automne 1956, Schmutz est venu habiter la commune de Givisiez. Etant
sous le coup d'une décision d'expulsion, il fut invité par le Conseil
communal de Givisiez, le 13 décembre 1956, à quitter cette localité le 15
février 1957 au plus tard. Il ne s'exécuta pas. Le 30 mars 1957, le Conseil
communal de Givisiez requit l'intervention du préfet de la Sarine. Le 15
avril 1959, après avoir entendu Schmutz ainsi que les autorités communales
de Givisiez et avoir correspondu avec ces dernières, le préfet invita
Schmutz à quitter le canton le 15 mai 1959 au plus tard. Ce délai fut,
semble-t-il, prolongé jusqu'au 15 juillet. Ce jour-là, Schmutz vint à
Fribourg. Il sollicita un permis d'établissement, qui lui fut refusé. Le
20 janvier 1960, comme il résidait toujours à Friboug, il fut informé
qu'il avait un délai au 1er février 1960 pour quitter le territoire
fribourgeois. Rapatrié dans son canton d'origine, il revint à Fribourg
quelques jours plus tard. Le 9 juin 1961, le préfet de la Sarine ordonna
à la gendarmerie de le reconduire à la frontière.

    Contre cette décision du 9 juin 1961, Schmutz recourut au Conseil
d'Etat du canton de Fribourg. Le 18 novembre 1961, celui-ci rejeta le
recours, en bref pour les motifs suivants:

    Contrairement à ce que soutient le recourant, la décision d'expulsion
du 12 février 1941 a été exécutée. Peu importe que la commune de Givisiez
n'ait pas refusé le permis d'établissement. Elle ne pouvait en tout cas
pas l'accorder valablement du moment que Schmutz était expulsé. Quant
au fait que l'exécution de l'expulsion a été différée et que plusieurs
sauf-conduits ont été accordés, il ne change rien au droit du canton de
Fribourg de ne pas tolérer sur son territoire celui qui en a été expulsé,
même il y a plusieurs années.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public, Schmutz requiert
le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêté du 18 novembre 1961. Il se plaint
d'une violation de l'art. 45 Cst.

    Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

    Le Tribunal fédéral a tranché négativement la question de savoir
si un décret d'expulsion basé sur l'art. 45 al. 3 Cst. est limité dans
le temps et si le canton qui l'a pris est tenu après un certain nombre
d'années d'admettre à nouveau sur son territoire le citoyen expulsé (RO
60 I 423/424). Il considère que l'écoulement du temps ne modifie en
principe pas les conditions d'application de l'art. 45 al. 3 Cst. (RO
60 I 423; cf. RO 51 I 120) et que ni cette disposition ni aucune autre
règle constitutionnelle n'obligent les cantons à soumettre les décrets
d'expulsion à une "prescription extinctive" (RO 60 I 423). Certes,
lorsqu'une autorité cantonale a décidé d'expulser un individu pour cause
de délits graves et qu'elle ne passe à l'exécution que quelques années
plus tard, elle ne doit pas agir arbitrairement; mais elle n'est pas
non plus tenue d'attendre qu'un nouveau motif d'expulsion ait surgi. Il
suffit qu'elle s'appuie sur des faits nouveaux qui, sans constituer une
véritable cause de retrait d'établissement, revêtent néanmoins assez de
gravité pour justifier une expulsion fondée sur l'ancien motif (par exemple
violation d'un engagement d'abstinence posé comme condition à la tolérance
de séjour, RO 53 I 202/203). Il faut cependant réserver les hypothèses où,
en raison soit du temps écoulé, soit d'autres circonstances, l'attitude
de l'autorité cantonale devrait être interprétée comme une renonciation à
faire état du motif d'expulsion (RO 53 I 202/203; cf. RO 54 I 386/387). Tel
n'est pas le cas lorsque l'autorité a accordé des sauf-conduits. En effet,
le sauf-conduit, limité dans le temps, suppose une expulsion maintenue
en principe (RO 60 I 422/423)...

    Au regard des règles rappelées ci-dessus, le recourant ne saurait
soutenir que l'arrêté du 12 février 1941 est aujourd'hui "prescrit". Le
canton de Fribourg n'a pas perdu le droit d'expulser le recourant du
fait qu'il n'a exécuté le décret du 12 février 1941 que cinq ans plus
tard. En 1946, il pouvait en effet invoquer un fait nouveau suffisamment
important, à savoir la condamnation du 26 septembre 1945. Les sauf-conduits
délivrés au recourant entre 1946 et 1956 démontrent que l'autorité
cantonale entendait maintenir en principe l'expulsion. Quant au fait que,
depuis 1956, le recourant est resté presque constamment sur le territoire
fribourgeois, il ne signifie pas que le canton a renoncé à l'expulsion. Le
dossier démontre au contraire que le recourant a été invité à plusieurs
reprises à quitter le territoire cantonal, qu'il a été effectivement
reconduit dans son canton d'origine et que, s'il est revenu à Fribourg,
il y a été condamné pour rupture de ban.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Rejette le recours.