Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 88 I 168



88 I 168

28. Extrait de l'arrêt du 19 septembre 1962 dans la cause Chambre genevoise
immobiliére et consorts contre Conseil d'Etat du canton de Genève. Regeste

    Derogatorische Kraft des Bundesrechts. Verhältnis zwischen dem
eidgenössischen und dem kantonalen öffentlichen Recht. Mieterschutz.

    1.  Das eidgenössische öffentliche Recht geht dem kantonalen
öffentlichen Recht ohne weiteres und immer vor. Wenn der Bundesgesetzgeber
auf einem Gebiete des öffentlichen Rechts von der ihm durch die BV
verliehenen Befugnis zur Gesetzgebung in umfassender Weise Gebrauch gemacht
hat, sind daher die Kantone nicht mehr befugt, auf diesem Gebiete Recht
zu setzen.

    2.  Die Art. 34-36 VMK enthalten, was die Beschränkung des
Kündigungsrechts des Vermieters betrifft, eine umfassende und
abschliessende Ordnung. Die Kantone dürfen deshalb dieses Kündigungsrecht
nicht in anderer Weise als das Bundesrecht beschränken.

Sachverhalt

    A.- Le 13 avril 1962, le Conseil d'Etat du canton de Genève a adopté
un règlement concernant la limitation du droit de résiliation en matière
de baux (RLR). Les chapitres I et II de ce règlement précisent en quelle
mesure sont applicables dans le canton de Genève les prescriptions de
l'ordonnance du Conseil fédéral du 11 avril 1961 concernant les loyers et
la limitation du droit de résiliation. Le chapitre IV règle la procédure
en annulation de congé. Enfin le chapitre III, intitulé "Dispositions
générales", contient un seul article, l'art. 3, qui est ainsi conçu:

    "Le congé peut être considéré comme justifié lorsqu'il résulte de la
non-exécution totale ou partielle des obligations contractuelles incombant
au locataire.

    Le congé ne peut pas être considéré comme justifié lorsqu'il est
donné en vue de la démolition, ou de la transformation non partielle
exigeant le départ des occupants, de logements, meublés ou non meublés,
loués ou sous-loués."

    B.- Agissant par la voie du recours de droit public, la Chambre
genevoise immobilière, la Société des régisseurs, l'Association
professionnelle des gérants d'immeubles et la Société anonyme de la Tribune
de Genève requièrent le Tribunal fédéral d'annuler l'art. 3 al. 2 RLR qui,
selon elles, viole la garantie de la propriété, la liberté du commerce
et de l'industrie ainsi que les principes de l'égalité devant la loi et
de la force dérogatoire du droit fédéral. Le Conseil d'Etat conclut au
rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 3

    3.- Selon les recourantes, l'art. 3 al. 2 RLR est contraire aux
dispositions de l'ordonnance du Conseil fédéral, du 11 avril 1961,
concernant les loyers et la limitation du droit de résiliation (OCL). Il
viole donc, à leur avis, le principe de la force dérogatoire du droit
fédéral.

    a) L'OCL, notamment ses art. 31 à 41 relatifs à la limitation du droit
de résiliation, ont leur base légale dans l'arrêté fédéral du 21 décembre
1960 sur les loyers des biens immobiliers et la caisse de compensation des
prix du lait et des produits laitiers, spécialement dans l'art. 13 al. 1
dudit arrêté, qui dispose: "Pour les régions et les catégories de choses
louées qui resteront soumises au contrôle des loyers, le Conseil fédéral
édictera des prescriptions sur la limitation du droit de résiliation. Les
gouvernements cantonaux pourront les déclarer applicables à l'ensemble
de leur territoire ou à certaines communes." Quant à la base de l'arrêté
fédéral précité, elle est constituée par l'additif constitutionnel du 24
mars 1960 sur le maintien de mesures temporaires en matière de contrôle des
prix, dont l'article premier prévoit que "la Confédération peut édicter
des prescriptions sur les loyers et les fermages non agricoles ainsi que
sur la protection des locataires".

    b) En adoptant ces divers actes, les autorités fédérales ont entendu
sauvegarder des intérêts collectifs, relevant de la préoccupation des
pouvoirs publics d'assurer à chacun un logement décent. Ainsi, elles ont
eu en vue principalement l'intérêt public. De plus, les dispositions
de l'arrêté fédéral et de l'OCL sont impératives (cf. art. 67 OCL)
et leur inobservation est sanctionnée par l'amende, le cas échéant
par la dévolution à l'Etat ou au lésé des avantages obtenus de façon
illicite. Elles constituent donc des règles de droit public fédéral (RO
85 I 21). Le règlement litigieux et plus spécialement son art. 3 al. 2
ont été, eux aussi, édictés principalement dans l'intérêt public. Par
conséquent, ils font partie du droit public cantonal.

    c) Ainsi que l'a déjà jugé le Tribunal fédéral (RO 73 I 53, consid. 4;
64 I 26, consid. 7; 63 I 179/180, consid. 5), le droit public fédéral
prime d'emblée et toujours le droit public cantonal. Si, dans un domaine
du droit public, le législateur fédéral a fait usage d'une compétence
qui lui est attribuée par la constitution et qu'il a posé des règles
exhaustives, les cantons ne peuvent plus légiférer en la même matière,
du moins pour édicter des règles différentes.

    d) Dans le domaine de la protection des locataires, la constitution
donne à la Confédération le pouvoir de légiférer (article premier de
l'additif constitutionnel du 24 mars 1960). L'Assemblée fédérale a délégué
ce pouvoir au Conseil fédéral (art. 13 de l'arrêté fédéral du 21 décembre
1960). Ce dernier en a fait usage en édictant l'OCL. Les art. 31 à 41 OCL
contiennent des règles qui limitent le droit de résiliation. Il convient
d'examiner si ces dispositions sont exhaustives et, partant, si elles
excluent toute réglementation cantonale différente sur le même objet.

    Le chapitre II du titre II de l'OCL (art. 31 à 41) laisse aux
cantons le soin de déterminer, dans certaines limites, d'une part le
champ d'application des règles du droit fédéral dans l'espace et quant
au genre des locaux protégés (art. 31 OCL; cf. RO 88 I 71 ss.), d'autre
part la procédure à suivre pour obtenir l'annulation d'un congé (art. 40,
41 OCL). A cet égard, le pouvoir des cantons d'édicter une réglementation
particulière subsiste.

    Pour le surplus, le chapitre précité vise essentiellement à limiter
le droit de résiliation du bailleur (art. 34 à 36 OCL). Le système qu'il
institue est clair. Selon le principe posé par l'art. 34 al. 1 OCL, le
congé peut être déclaré nul "lorsqu'il ne paraît pas justifié par les
circonstances de l'espèce". En général, l'autorité compétente décidera
donc de cas en cas, après avoir comparé les intérêts du propriétaire et du
locataire. A ces règles, les art. 35 et 36 OCL apportent une dérogation:
ils décrivent diverses situations dans lesquelles soit les intérêts du
propriétaire (art. 35), soit ceux du locataire (art. 36) sont réputés de
manière absolue l'emporter; l'autorité est alors dispensée de mettre en
balance les intérêts en présence. Lorsqu'aucune de ces hypothèses n'est
réalisée, le principe général de l'art. 34 al. 1 OCL retrouve pleine et
entière application: le congé sera maintenu ou annulé suivant que les
circonstances du cas conduisent à protéger les intérêts du propriétaire
ou du locataire plutôt que ceux de l'autre partie au contrat.

    Les art. 34 à 36 OCL forment ainsi, quant aux limites du droit de
résiliation du bailleur, un système complet.

    Loin de présenter des lacunes, ils fournissent aux autorités
compétentes des règles qui sont applicables à tous les conflits se
présentant à elles, et qui leur indiquent dans tous ces cas d'après quels
critères il faut décider si le congé est justifié ou non. Les cantons ne
sauraient par conséquent, dans le domaine de la protection des locataires,
limiter le droit de résiliation du bailleur d'une autre manière que le
droit fédéral.

    L'art. 3 al. 2 RLR s'occupe des limites du droit de résiliation du
bailleur. Il a donc le même objet que les art. 34 à 36 OCL. Il introduit
un cas dans lequel le congé ne peut jamais être considéré comme justifié
et où, par conséquent, l'autorité est dispensée de comparer les intérêts
en présence. Ce cas ne figure pas parmi les exceptions énumérées aux
art. 35 et 36 OCL. En vertu du droit fédéral, il tombe donc sous le coup
de la règle générale de l'art. 34 al. 1 OCL: l'autorité doit prendre
en considération les circonstances de l'espèce et comparer les intérêts
opposés du propriétaire et du locataire. Ainsi, l'art. 3 al. 2 RLR apparaît
comme une disposition de droit public cantonal édictée dans un domaine où
le droit public fédéral a posé des règles exhaustives; il s'écarte des
solutions admises par le législateur fédéral; il est dès lors contraire
au principe de la force dérogatoire du droit fédéral.

    Le Conseil d'Etat ne saurait comparer l'art. 3 al. 2 RLR avec
l'art. 2 bis de l'arrêté du Conseil d'Etat du canton de Vaud concernant la
limitation du droit de résiliation. En effet, cette dernière disposition,
qui vise le congé "donné pour cause de démolition ou de transformation"
de l'immeuble prévoit qu'un tel congé "peut n'être pas justifié". Elle
n'impose donc pas à l'autorité une solution uniforme dans toutes les
situations. Au contraire tout en lui rappelant une interprétation de
l'art. 34 al. 1 OCL considérée comme possible par la jurisprudence
(cf. RO 87 I 514), elle la renvoie pour le surplus à décider selon
les circonstances de l'espèce et après comparaison des intérêts en
présence. Elle n'est donc pas contraire au droit fédéral.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et annule l'art. 3 al. 2 du règlement genevois du
13 avril 1962 concernant la limitation du droit de résiliation en matière
de baux.