Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 88 II 319



88 II 319

43. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 18 septembre 1962 dans
la cause Durafourg et fils contre Cotter et Cie. Regeste

    Unlauterer Wettbewerb.

    Art. 1 Abs.2lit. g UWG.  Fabrikationsgeheimnis. Geheimhaltungspflicht
des Angestellten (Erw. 1).

    Art.2Abs. 1 lit. b und c UWG. Zerstörung von Maschinen, deren
Fabrikationsgeheimnis ausgekundschaftet oder in einer andern gegen Treu
und Glauben verstossenden Weise in Erfahrung gebracht worden ist (Erw. 2).

Sachverhalt

    A.- 1) Depuis 1949, la société en nom collectif Robert Durafourg et
fils exploite à Lausanne une taillerie de pierres pour bijouterie. Au cours
des années, cette entreprise a pris une grande extension; elle employait
140 ouvriers en 1958. Robert Durafourg passe pour un maître. Son fils et
lui ont mis au point des machines et outillages originaux et perfectionné
ce qui existait, sans toutefois prendre de brevets. Il s'agit notamment de
"commandes des broches de porte-pierres" et de "diviseurs automatiques"
d'une part, et, d'autre part, de machines à cimenter, à redresser et à
décimenter les pierres.

    Luc et Marc Cotter et Ami Mayor travaillaient dans la maison Durafourg,
dont Albert Raemy dirigeait l'atelier de polissage. Les frères Cotter
connaissaient fort peu de choses des machines dont ils se servaient;
Raemy pouvait plus facilement s'y intéresser. En été 1955, ces employés
envisagèrent l'installation d'une fabrique concurrente. A cet effet,
ils cherchèrent à surprendre les particularités de l'outillage de leur
employeur par tous les moyens: observations propres, vol et remise de
pièces à des dessinateurs ou à des fabricants. Cela leur fut facilité par
le fait que le fils de la maison fut longtemps hospitalisé et que Raemy
disposait des clés de l'atelier.

    Le 1er janvier 1956, les frères Cotter constituèrent à Vétroz (Valais),
avec Mayor et leur beau-frère Joliat, une société en nom collectif pour
la taille et le polissage des pierres de bijouterie. Insolvable, Mayor
en sortit le 19 février 1957.

    2) Ayant constaté la disparition d'un outillage auquel ils attachaient
une très grande importance, les employeurs déposèrent une plainte pénale
le 16 novembre 1955. L'enquête établit que les accusés avaient volé de
nombreuses pièces, relevé des indications relatives à la construction et
au fonctionnement de divers appareils et fait exécuter par des fabricants
spécialisés des machines analogues à celles de leurs employeurs. Ils
furent condamnés le 1er mai 1958 pour vol, complicité de vol, recel et
concurrence déloyale (art. 13 al. 2 litt. g LCD). Au cours de l'enquête,
diverses machines furent séquestrées dans les locaux de la société;
le juge pénal refusa toutefois de les confisquer et de les détruire,
renvoyant la maison Durafourg à se pourvoir devant le juge civil.

    3) Le 28 mai 1958, le Juge instructeur d'Hérens-Conthey ordonna par
voie de mesures provisionnelles la fermeture de l'usine de Vétroz. Cette
décision fut rapportée le 8 avril 1959 et remplacée par le séquestre des
mécanismes de commande des broches des porte-pierres et des diviseurs
automatiques.

    B.- Le 14 juin 1958, Durafourg et fils a intenté action à Cotter frères
et Cie. La demanderesse reprochait aux frères Cotter d'avoir surpris des
secrets de fabrication d'une manière contraire à la bonne foi, d'avoir
divulgué ces secrets (notamment en les communiquant au fabricant Bunter SA)
et de les avoir exploités en utilisant des machines ainsi copiées. Elle
requérait la fermeture de la taillerie de pierres et l'interdiction
d'utiliser son outillage, qui devait être détruit (sous réserve d'une
entente entre parties); elle demandait en outre une idemnité de 100 000 fr.

    La défenderesse a conclu au rejet de la demande et,
reconventionnellement, au paiement de 200 000 fr.

    Le 24 janvier 1962, le Tribunal cantonal du Valais l'a condamnée à
verser 20 000 fr. et a rejeté toutes les autres conclusions. Se fondant
sur le dossier pénal, qui comprend une expertise très fouillée, et sur
l'instruction civile, au cours de laquelle des experts se sont également
exprimés, il a jugé que les machines séquestrées étaient l'objet d'un
secret de fabrication que les associés Cotter exploitent après l'avoir
surpris par des procédés déloyaux (art. 1er al. 1 et al. 2 litt. g
LCD). Il a néanmoins refusé d'en ordonner la destruction, "pourtant
conforme" à l'art. 2 LCD, car celle-ci est inutile, la défenderesse
pouvant légitimement se les procurer chez Bunter SA, qui a le droit de les
fabriquer; c'est du reste ce qu'elle a fait lorsque le Juge instructeur
permit la réouverture de l'usine tout en séquestrant les deux appareils. La
Cour cantonale a également refusé de fermer l'usine, car celle-ci comprend
d'autres machines acquises licitement, notamment pour cimenter, redresser
et décimenter les pierres, dont les frères Cotter purent découvrir les
particularités en les desservant normalement.

    C.- La demanderesse a recouru en réforme contre ce jugement.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Est réputé concurrence déloyale tout abus de la concurrence
économique résultant d'une tromperie ou d'un autre procédé contraire aux
règles de la bonne foi. Enfreint notamment ces règles celui qui exploite
ou divulgue des secrets de fabrication qu'il a surpris ou a appris d'une
autre manière contraire à la bonne foi (art. 1er al. 1 et al. 2 litt. g
LCD). Le droit subjectif à la sphère personnelle protège aussi le détenteur
du secret de fabrication (art. 28 CC; RO 64 II 169 consid. 6).

    Faute de recours de l'intimée et vu les motifs du recours, dont
la portée est plus restreinte que celle des conclusions, seule reste
litigieuse l'exploitation des machines à cimenter, à redresser et à
décimenter les pierres.

    Constitue l'objet d'un secret de fabrication le mécanisme ou le
procédé original qui n'est pas notoire ni accessible à tout venant et
que le détenteur, en raison d'un intérêt justifié, ne veut pas divulguer
(RO 64 II 170; 80 IV 27 consid. 2 a). Le droit au secret dépend de la
possibilité d'exclure d'autres personnes de la jouissance du bien qu'on
entend leur cacher. Celui qui acquiert de façon licite la connaissance
d'un secret et en a conscience ne doit être discret, pendant la durée de
ses services et après, que si des rapports juridiques spéciaux le lui
imposent; tel est le cas lorsqu'il en a été expressément convenu ainsi
ou lorsqu'on peut inférer des circonstances que l'initiation n'a lieu
que si l'initié ne fait pas usage de la connaissance acquise (clauses
du contrat, formation de l'employé, sa situation, sa rémunération, son
champ d'activité; cf. RO 25 II 527; arrêt Jaccard c. Gueissaz, du 22
juin 1948). Faute de secret, c'est à la protection spéciale du brevet
que l'auteur d'un mécanisme ou d'un procédé original doit recourir.

    La Cour cantonale constate souverainement (art. 63 al. 2 OJ) que
les frères Cotter pouvaient, quand ils étaient employés de la recourante,
découvrir le mécanisme des machines à cimenter, à redresser et à décimenter
les pierres qu'ils avaient pour mission de desservir. Il n'existe pas de
circonstances permettant d'affirmer, faute de convention, que malgré la
connaissance licite qu'ils acquéraient, ils étaient tenus à la discrétion.
Les machines en effet n'avaient pas été installées à l'écart, dans un
local réservé à cet effet et auquel seuls quelques employés eussent eu
accès. Quant à eux-mêmes, ils étaient simples ouvriers: ni les bases du
contrat, ni leur formation, leur rémunération ou leur situation dans
l'entreprise n'impliquaient un rapport de confiance particulier. Ils
étaient d'autant moins tenus de ne pas faire usage des connaissances
acquises que l'employeur n'avait guère la possibilité effective de tenir
secret le mécanisme de ses machines. Peu importe que, l'ayant découvert,
les frères Cotter ne purent le reproduire sans autre: c'est là une
circonstance relative aux conditions dans lesquelles il a été surpris, soit
au second élément de l'état de fait visé par l'art. 1er al. 2 litt. g LCD.

Erwägung 2

    2.- Celui qui, par un acte de concurrence déloyale, est atteint ou
menacé dans ses intérêts matériels en général peut demander la cessation
de cet acte et la suppression de l'état de fait qui en résulte (art. 2
al. 1 litt. b et c LCD). Le jugement attaqué reconnaît que la destruction
des commandes des broches de porte-pierres et du diviseur automatique
est conforme à cette disposition; mais il la croit inutile.

    Constituant en l'espèce la sanction logique et élémentaire de l'acte
illicite, la destruction, prévue par la loi, doit être ordonnée. Qu'elle ne
serve peut-être "à rien", vu la persévérance des délinquants, c'est là tout
au plus une question d'opportunité, non d'impossibilité de l'exécution.
D'ailleurs, si l'intimée ou ses associés font construire des appareils
identiques, ils commettront une nouvelle infraction. Certes, le secret à
été divulgué en tout cas à Bunter SA et le bien protégé à l'art. 1er al. 2
litt. g LCD n'existe plus. Les frères Cotter et leur société toutefois,
eux du moins, ne sauraient persister dans l'usage d'un bien acquis par
un délit sans violer gravement les règles de la bonne foi (art. 1er
al. 1 LCD). Ils ne peuvent se prévaloir de la divulgation, conséquence
de leur infraction: nemo auditur turpitudinem suam allegans. De plus,
en persévérant, ils contrediraient l'interdiction implicitement contenue
dans l'ordre de destruction émanant du tribunal, qui les menacera d'office,
pour le cas où ils refuseraient de s'y conformer, des peines prévues pour
l'insoumission par l'art. 292 CP (art. 40 OJ et 76 al. 1 LPC).

    Vu ce qui précède, on détruira les machines placées sous séquestre et
celles que l'intimée, à en croire le jugement attaqué, a fait fabriquer
pour éluder les effets du séquestre. En raison de la menace créée par la
persévérance des concurrents déloyaux (art. 2 al. 1 LCD), il leur est en
outre interdit d'utiliser à l'avenir aucune machine identique à celles qui
furent séquestrées. La requête de la recourante tendante à cette mesure
est contenue implicitement tant dans la demande de destruction que dans
celle visant la fermeture de l'usine de Vétroz (dite fermeture faisant
obstacle à l'utilisation de nouveaux moyens de fabrication).

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Admet partiellement le recours et réforme le dispositif 3 du jugement
attaqué dans le sens qui suit:

    a) Les machines dites "commandes des broches des porte-pierres" et
"diviseurs automatiques" propriété de la défenderesse, placées sous
séquestre, ainsi que les machines identiques aux machines précitées,
en mains de la défenderesse, seront détruites;

    b) Interdiction est faite à la défenderesse d'utiliser à l'avenir
des machines identiques aux machines précitées, sous commination, en cas
d'infraction à cette interdiction, des peines prévues pour l'insoumission
par l'art. 292 du code pénal.