Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 88 II 139



88 II 139

21. Arrêt de la IIe Cour civile du 19 juin 1962 dans la cause W. contre M.
Regeste

    Art. 151 ZGB. Begriff des schuldlosen Ehegatten.

Sachverhalt

    A.- Les époux W.-M. se sont mariés à Lausanne le 26 avril 1940. Ils
ont eu deux filles, nées en 1942 et 1948.

    Le 3 juillet 1953, le Tribunal du district de Lausanne admit une action
introduite par la femme en vertu de l'art. 137 CC (adultère du mari)
et prononça la séparation de corps pour une durée indéterminée. Dans le
même jugement, il rejeta une action en divorce intentée par le mari sur la
base de l'art. 142 CC en considérant que ce dernier était principalement
responsable de la désunion.

    Le 28 octobre 1960, sieur W., invoquant l'art. 148 CC, ouvrit action
en divorce. La défenderesse prit des conclusions reconventionnelles
tendant notamment au divorce et au paiement d'une rente mensuelle
(art. 151/152 CC). Le Tribunal du district de Lausanne prononça le
divorce, mais refusa d'allouer une pension à la défenderesse, celle-ci
n'étant pas l'épouse innocente au sens des art. 151 et 152 CC.

    Le 17 janvier 1962, le Tribunal cantonal vaudois, saisi d'un recours
de dame M., réforma ce jugement et condamna le demandeur, en vertu de
l'art. 151 CC, à verser à son ex-femme une pension mensuelle de 100
fr. jusqu'au jour où il serait libéré de l'obligation de contribuer à
l'entretien de sa fille cadette, et de 200 fr. depuis lors. Selon la
juridiction vaudoise, dame M. est innocente au sens de l'art. 151 CC.

    B.- Contre cet arrêt, sieur W. a interjeté un recours en réforme. Il
requiert le Tribunal fédéral de refuser toute pension à dame M.

    L'intimée conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt
attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le présent recours a pour seul objet la rente allouée à l'intimée
en vertu de l'art. 151 CC. Son sort dépend en premier lieu de la notion
d'époux innocent au sens de cette disposition.

    Selon une ancienne jurisprudence (RO 60 II 392), un conjoint était
innocent dès l'instant qu'aucune cause de divorce ne pouvait lui être
imputée à faute.

    Dans un arrêt subséquent (RO 71 II 52/53; cf. aussi RO 79 II 134),
le Tribunal fédéral a observé que cette première définition était trop
étroite au regard de l'art. 142 CC. C'est pourquoi il a décidé que seule
entraînerait la déchéance du droit à l'indemnité prévue par l'art. 151
CC une faute d'une certaine gravité, savoir un manquement constituant
une cause déterminée de divorce ou objectivement propre à entraîner la
rupture du lien conjugal. Point n'est besoin, a-t-il ajouté, que la faute
ait constitué l'une ou l'autre des causes du divorce prononcé in casu.
Enfin, selon la jurisprudence récente (RO 85 II 11, 87 II 212), la faute,
qui fait perdre à un conjoint sa qualité d'époux innocent, ne doit pas
nécessairement être dans tous les cas d'une certaine gravité. Il importe
au contraire de distinguer suivant qu'elle est ou non en relation de
causalité avec la rupture du lien conjugal et le divorce.

    Lorsque le rapport de causalité existe, le juge doit en
principe refuser la qualité d'époux innocent au conjoint qui réclame
l'indemnité. Cependant, quand les fautes entrant en ligne de compte
sont d'une importance tout à fait secondaire par rapport aux autres
causes de désunion ou qu'elles constituent de simples réactions à de
graves provocations, le juge admettra la qualité d'époux innocent et se
bornera, s'il l'estime opportun, à réduire l'indemnité demandée. A cet
égard, la jurisprudence part de l'idée que l'art. 151 CC n'est qu'un cas
d'application des règles générales valables en matière de dommages-intérêts
(RO 87 II 212). Elle s'inspire en conséquence de l'art. 44

CO, d'après lequel le juge peut soit refuser entièrement, soit se borner
à réduire l'indemnité sollicitée dans les cas où, par son propre fait,
le lésé a contribué à créer le dommage.

    S'il n'y a pas de rapport de causalité entre la faute d'une part,
la rupture du lien conjugal et le divorce d'autre part, le juge admettra
en principe la qualité d'époux innocent. Il ne refusera de la reconnaître
qu'à l'époux dont la faute est grave. Le principe de la bonne foi interdit
en effet qu'un conjoint qui a lourdement enfreint les devoirs du mariage
invoque la faute de l'autre pour obtenir de lui une indemnité. Il en va
ainsi même lorsque le comportement de celui qui réclame l'indemnité n'a
pas causé la rupture du lien conjugal ni le divorce (RO 87 II 212).

    Conforme aux principes généraux régissant les dommagesintérêts et la
bonne foi, cette jurisprudence ne peut être que maintenue.

Erwägung 2

    2.- En l'espèce et selon les constatations souveraines des premiers
juges, la désunion est imputable essentiellement au recourant, mais pour
partie aussi à l'intimée. Il suffit dès lors d'examiner si les faits
retenus à la charge de cette dernière par le jugement de séparation de
corps et celui de divorce constituent des fautes trop minimes pour la
priver de la qualité d'épouse innocente au sens de l'art. 151 CC.

    Ces deux jugements exposent que l'intimée avait des exigences
excessives sur le plan sexuel. Ils ne donnent toutefois sur ce point
aucune indication de fait dont on pourrait conclure à l'existence d'une
faute grave de dame M. Ils relèvent aussi les nombreuses scènes qui se
sont déroulées entre conjoints. Cependant, la façon, certes critiquable,
dont l'intimée s'est comportée en ces occasions, se laissant aller à
des voies de fait sur la personne de son mari, ne s'explique que par la
brutalité dont ce dernier a fait preuve. Il est vrai aussi qu'à plusieurs
reprises, le recourant a dû lui-même préparer ses repas et laver son
linge personnel. Mais la procédure cantonale n'a permis d'établir ni la
fréquence de ces faits ni les circonstances dans lesquelles ils s'étaient
produits. On ne saurait dès lors y attacher une importance réelle. Le
recourant est en tout cas mal fondé à soutenir que le comportement de
sa femme est la cause de l'adultère qu'il a lui-même commis. Assurément,
même après le début de cette liaison, l'intimée n'a pas eu un comportement
irréprochable. Ainsi, elle a parfois verrouillé de l'intérieur la porte de
l'appartement dans lequel W. ne pouvait plus entrer sans sonner. Il lui est
arrivé aussi d'accrocher à l'extérieur de la porte du domicile conjugal les
pantalons de son époux. On ne peut néanmoins guère voir dans ces faits que
les réactions, maladroites sans doute, mais excusables d'une femme trompée.

    Dès lors, les fautes qui peuvent être retenues à la charge de l'intimée
sont en partie d'une importance tout à fait secondaire par rapport à
l'adultère du recourant, et pour l'autre partie, de simples réactions
aux graves provocations constituées par les violences de ce dernier et
sa liaison. C'est par conséquent à bon droit que le Tribunal cantonal a
reconnu à l'intimée la qualité d'épouse innocente. Quant au montant de
la rente, le recourant ne le critique pas, de sorte qu'il n'y a pas de
raison de le modifier.

Entscheid:

               Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué.