Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 88 II 1



88 II 1

1. Arrêt de la IIe Cour civile du 8 mars 1962 dans l'affaire dame Galtier
contre Fink. Regeste

    Verpflichtung der Ehefrau Dritten gegenüber zu Gunsten des Ehemannes
(Art. 177 Abs. 3 ZGB).

    Anwendung dieser Gesetzesnorm im internationalen Privatrecht. Schliesst
sie die Anwendung ausländischen Rechtes aus, das keine ähnliche Regel
vorsieht?

Sachverhalt

                        Résumé des faits.

    A.- Louisette Galtier, française, a épousé en 1945 un Polonais,
Hermann Solovicz, qui se fit naturaliser français. Les époux divorcèrent
en 1955. Le 14 mars 1952, dame Solovicz avait signé en faveur d'un cousin
de son mari, Albert Fink, une reconnaissance de dette de 40 000 dollars,
qu'elle admettait avoir reçus à titre de prêts.

    B.- Le 1er juillet 1955, Fink poursuivit dame Galtier, divorcée
Solovicz, en payement de ce montant. L'opposition de la débitrice ayant
été levée, celle-ci introduisit une action en libération de dette que le
tribunal de première instance du canton de Genève déclara entièrement bien
fondée. En appel, la Cour de justice genevoise débouta la demanderesse
de ses conclusions pour l'essentiel. Elle considérait qu'en signant la
reconnaissance de dette, dame Galtier avait repris cumulativement une
dette de son mari et qu'au regard de droit français applicable en l'espèce,
elle était valablement engagée.

    C.- Dame Galtier a recouru en réforme contre cet arrêt en concluant
à sa libération; Fink s'est opposé au recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- En soumettant à sa loi d'origine la capacité civile de la femme
mariée étrangère, la Cour cantonale s'est conformée à une jurisprudence
constante qu'il ne se justifie pas de remettre en question (RO 38 II
4, 61 II 17 s., 82 II 172). Les plaideurs n'en disconviennent pas. En
particulier, on ne se trouve pas dans l'hypothèse exceptionnelle où
l'art. 7 litt. b LRDC déroge, en faveur du maintien d'un acte juridique,
au principe de l'application de la lex patriae. C'est donc à la lumière
du droit français qu'il importe de se prononcer sur la capacité de
s'obliger de la recourante. Or il résulte du code civil français, tel que
l'interprète souverainement le jugement attaqué, qu'en qualité d'épouse
séparée de biens, la recourante jouissait de la pleine capacité civile
et que, notamment, elle n'avait pas besoin d'une autorisation officielle
pour reprendre une dette de son mari.

Erwägung 2

    2.- La recourante objecte toutefois qu'en vertu de l'art. 177 al. 3
CC, elle ne pouvait s'engager dans l'intérêt de son mari envers l'intimé,
qu'avec l'approbation de l'autorité tutélaire compétente et qu'il s'agit
là d'une règle d'ordre public, à laquelle l'application du droit étranger
ne saurait faire échec.

    Jadis, le Tribunal fédéral a reconnu d'ordre public les prescriptions
qui doivent être observées en toutes circonstances, parce que reposant
sur des considérations de politique sociale et d'éthique dont les parties
ne peuvent faire abstraction (RO 41 II 142). Depuis lors, il manifeste la
tendance de restreindre la notion d'ordre public, qu'il renonce d'ailleurs
à définir précisément (RO 64 II 97, 84 I 122). Suivant la jurisprudence
la plus récente (RO 84 I 122, 87 I 144), une disposition n'est d'ordre
public que si sa méconnaissance porte atteinte à un principe fondamental
de l'ordre juridique suisse ou blesse d'une façon intolérable le sentiment
du droit tel qu'il existe généralement en Suisse (RO 64 II 97 s.; 76 I 129;
78 II 250; 81 I 145; 84 I 50).

    C'est à la lumière de ces principes posés par la jurisprudence que doit
être examinée la question de savoir si la règle de l'art. 177 al. 3 est
d'ordre public. Sans doute cette règle a-t-elle un but social et moral,
puisqu'elle tend à éviter que, en raison de son inexpérience en affaires,
de son esprit de soumission ou de sa propension au sacrifice, la femme
n'accepte des charges qui compromettent sa situation et, peut-être,
celle de ses enfants. Mais cela ne signifie pas encore que l'application
d'un droit étranger qui ne connaîtrait pas cette restriction du pouvoir
de contracter de l'épouse, porterait atteinte à un principe fondamental
de l'ordre juridique suisse ou heurterait une conception helvétique
dont le respect s'impose impérieusement. Inconnue dans la plupart des
Etats, notamment en France, en Allemagne et en Autriche, ainsi que dans
plusieurs cantons suisses avant 1912 (Zoug, Soleure, Bâle-Ville, Argovie,
Neuchâtel et certains districts de Schwyz), la règle de l'art. 177
al. 3 constitue une exception dans le système du code civil suisse, qui
reconnaît en principe la pleine capacité de l'épouse; en particulier,
elle s'harmonise mal avec l'institution de biens réservés et le régime
de la communauté. Elle semble peu en rapport avec le rôle que la femme
joue de plus en plus dans son ménage et dans la société.

    Pour apprécier le sentiment du droit en Suisse à l'égard de cette
disposition légale, il suffit de consulter la doctrine. Si quelques
auteurs en louent les bienfaits (EGGER, Commentaire, 2e éd., note 18
ad art. 177 CC; ROSSEL et MENTHA, Manuel de droit civil, 2e éd., I p.
308) et si quelques autres se montrent indécis (GAMPERT, Les actes
juridiques entre époux, 1924, p. 123; LEMP, Commentaire, note 42 ad
art. 177 CC), la plupart en dénoncent les inconvénients et en proposent
la suppression (SCHUCANY, Der Mitabschluss eines Schuldvertrages durch
die Ehefrau der Vertragsschliessenden, 1916, p. 97; MATTLI, Rechts- und
Handlungsfähigkeit der Ehefrau, 1916, p. 102; GUHL, ZBJV vol. 62, p. 438;
WOLFER, Die Verpflichtungen der Ehefrau zugunsten des Ehemannes nach dem
ZGB, 1927, p. 105; SPILLMANN, Festgabe Solothurnischen Juristen, 1936,
p. 124; TÜRKMEN, Les restrictions apportées au principe de l'égalité
des époux, 1942, p. 67; HORISBERGER, L'intercession de la femme mariée,
1956, p. 107; DESCHENAUX, RDS 1957, II, p. 629 a et 463 a et s.; STOCKER,
RDS 1957, II; p. 353 a).

    Il semble en outre que cette opinion peu favorable à la règle de
l'art. 177 al. 3 CC ne soit pas seulement le fait des juristes, car il
est frappant de constater le nombre très restreint des requêtes adressées
aux autorités tutélaires en vertu de cette disposition légale. Les seuls
chiffres publiés à ce sujet (STOCKER, RDS 1957, II, p. 350 a note 25)
concernent la ville de Zurich, où l'autorité tutélaire ne serait saisie
annuellement que de 50 à 70 requêtes fondées sur les alinéas 2 et 3 de
l'art. 177 CC. Cela laisse supposer qu'à Zurich, et sans doute ailleurs
encore, nombre d'époux ignorent l'art. 177 al. 3 CC, renoncent à s'y
soumettre ou s'efforcent de l'éluder.

    Ainsi, le caractère exceptionnel de cette règle dans le système du
droit suisse aussi bien que l'opinion des juristes et l'attitude des
époux eux-mêmes montrent que l'art. 177 al. 3 CC n'énonce pas un principe
fondamental de l'ordre juridique suisse et que sa non-application ne
heurte pas une conception du droit en Suisse dont le respect s'impose
impérieusement. Elle ne peut donc faire échec à l'application du droit
étranger qui ne la prévoit pas.

    Il est vrai que, dans l'arrêt RO 40 II 322, le Tribunal fédéral déclare
que l'art. 177 al. 3 CC a été édicté pour des raisons d'ordre public et
de morale. Cette décision ne visait cependant que des Suisses domiciliés
en Suisse; elle se rapportait donc à l'ordre public interne et non pas
nécessairement à l'ordre public face au droit international. En 1923
déjà, un auteur relevait que cet arrêt ne paraissait pas déterminant
pour résoudre un conflit de lois international (KNAPP, La nature de
l'ordre public dans les conflits de lois, p. 200). Le fait qu'en droit
interne une disposition légale a la portée d'une règle impérative n'est
pas déterminant lorsqu'il s'agit de l'ordre public suisse face au droit
international (RO 87 I 194). Au demeurant, depuis que le jugement cité
plus haut a été rendu, il s'est écoulé près d'un demi-siècle au cours
duquel, d'une part, le rôle de la femme s'est profondément transformé et,
d'autre part, la notion de l'ordre public en droit international privé
s'est précisée, comme on l'a vu plus haut. L'arrêt RO 40 II 322 ne peut
donc être déterminant, pas plus que les avis des auteurs cités par la
recourante, qui ne font guère que s'y référer (BECK, Commentaire, note 8 ad
art. 7 b LRDC; STAUFFER, Das internationale Privatrecht der Schweiz, p. 76;
SCHNITZER, Handbuch des internationalen Privatrechts, 4e éd., I p. 124).

    Peu importe également que, plus récemment, le Tribunal fédéral ait
considéré que "toutes les règles qui tendent à protéger l'incapable en
justice intéressent l'ordre public au premier chef" (RO 81 I 145). Ce
disant, il avait en vue les interdits, dont la loi restreint à tel
point le droit d'agir qu'elle ne peut se dispenser de sauvegarder leurs
intérêts. La situation de l'épouse, dont le législateur admet en principe
la pleine capacité, est différente.

Erwägung 3

    3.- .....

Entscheid:

               Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    rejette le recours dans la mesure où il est recevable et confirme
l'arrêt attaqué.