Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 87 I 87



87 I 87

13. Extrait de l'arrêt du 26 avril 1961 dans la cause Gross contre
Commission fédérale d'estimation du Ier arrondissement. Regeste

    Enteignung.

    1)  Art. 19 lit. a EntG, 684 ZGB. Enteignungsentschädigung für den
Eigentümer eines Herrschaftshauses, in dessen Nähe ein Schiessstand
angelegt worden ist. Übermässige Einwirkungen durch Schiesslärm. Ist
das öffentliche Interesse am Schiessstand zu berücksichtigen bei
der Bemessung der für die übermässigen Einwirkungen. geschuldeten
Entschädigung? (Erw. 2).

    2)  Art. 82 Abs. 1 EntG. Überprüfungsbefugnis des Bundesgerichts
inbezug auf das Gutachten der Sachverständigen (Erw. 3).

    3)  Art. 76 Abs. 2, 88 Abs. 1 EntG. Begriff des "üblichen Zinsfusses";
Beginn des Zinsenlaufes (Erw. 5).

Sachverhalt

    A.- Le 19 décembre 1955, le Département militaire fédéral autorisa
la commune de Lausanne à exproprier, en vertu de la loi fédérale du 20
juin 1930, les immeubles nécessaires à l'installation d'un stand de tir
à VernandDessus. La procédure s'ouvrit le 20 mars 1956 et la commune de
Lausanne prit possession des fonds expropriés le 20 février 1957. Le
stand, qui compte 70 cibles à 300 mètres et 14 cibles à 50 mètres,
fut mis en service en avril 1959. Du 1er juillet 1959 au 30 juin 1960,
il fut occupé pendant 90 jours entiers et 115 demi-journées. Les cibles
ne furent toutefois que partiellement utilisées.

    B.- Louis Gross est proprietaire du Château de Vernand.  Ce bâtiment,
éloigné du stand de quelques centaines de mètres seulement, est une maison
de maître ancienne, entourée d'un jardin et de terrains d'une superficie
de 6000 m2 environ. Il est situé en pleine campagne, à proximité immédiate
de deux exploitations agricoles. Du jardin, la vue s'étend sur le Plateau
jusqu'au pied du Jura. Le château, qui abrita une pension, est actuellement
loué 5400 fr. par an. Quoique habitable, il aurait besoin d'être remis
en état.

    Allégant que sa propriété valait 240 000 fr. et qu'elle était dépréciée
de moitié en raison de l'aménagement du stand, Gross réclama une indemnité
de 120 000 fr. dans la procédure d'expropriation. Le 30 novembre 1959,
la Commission d'estimation du Ier arrondissement lui alloua 15 000 fr.,
avec intérêt à 5% dès la prise de possession. Elle fonda ses calculs sur
une perte de loyer de 50 fr. par mois.

    C.- Gross a recouru au Tribunal fédéral contre cette décision. En
cours d'instance, il a réduit sa prétention à 104 000 fr.

    La commune de Lausanne s'est jointe au recours, en contestant devoir
quelque indemnité à Gross. Subsidiairement, elle a demandé que l'intérêt
soit fixé à 4% dès l'ouverture du stand.

    Les experts commis par la délégation du Tribunal fédéral ont arrêté
la dévaluation de la propriété du recourant principal à 30 000 fr.,
tout en estimant à 200 000 fr. la valeur du château.

Auszug aus den Erwägungen:

Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- L'art. 684 CC protège les voisins d'un immeuble contre les excès de
son propriétaire. La commune de Lausanne soutient qu'en l'espèce, la notion
d'excès au sens de cette disposition doit être interprétée en fonction du
caractère d'intérêt public que revêt le stand de Vernand. La Commission
d'estimation semble s'être placée au même point de vue, en relevant que
l'intérêt privé cède le pas à l'intérêt public. Cependant, ce n'est pas
de cette conception que s'est inspiré le législateur. L'art. 19 litt. a
LEx. attribue à tous les expropriés, y compris donc les titulaires de
droits de voisinage, une indemnité égale à la pleine valeur vénale des
droits expropriés. Or cette valeur est indépendante de la nature de
l'entreprise de l'expropriante. Autrement dit, pour déterminer si la
commune de Lausanne a excédé ses droits, il n'y a pas lieu de tenir compte
du but qu'elle a visé en installant un stand, ni de la rentabilité des
dépenses qu'elle a engagées à cette fin (OFTINGER, Lärmbekämpfung als
Aufgabe des Rechts, 1956, p. 61 et 66).

    La manière d'interpréter l'art. 684 CC étant ainsi précisée, il n'est
pas douteux que l'atteinte portée aux droits de Gross est excessive dans
l'acception légale. Le stand de Vernand n'est pas ouvert quelques dimanches
par année comme celui d'un village, mais il sert de place d'exercices aux
tireurs d'une ville importante et à la troupe qui y est cantonnée. Le bruit
qui s'en dégage persiste une grande partie de la journée, durant plusieurs
mois par an. Particulièrement violent, même si le stand n'est qu'à demi
occupé, il met à l'épreuve les nerfs des habitants d'alentour. Il est
en effet plus difficile de s'habituer au crépitement saccadé des balles
qu'à un bruit continu, par exemple au grondement d'un torrent. Or, sise à
quelques centaines de mètres du stand, la propriété du recourant principal
est directement exposée au bruit des tirs. Ainsi que le constate justement
la Commission d'estimation, dès qu'il atteint un certain degré, l'emploi du
stand empêche les habitants du Château de Vernand de séjourner dans leur
jardin et les oblige à fermer les fenêtres de la maison s'ils entendent y
rester. C'est dire que le recourant principal est bien victime d'un excès.

Erwägung 3

    3.- Il s'agit dès lors de déterminer les conséquences de cet excès,
c'est-à-dire la dépréciation que subit la propriété du recourant
principal par suite de l'installation du stand. Les experts ont fixé
cette dévaluation à 30 000 fr. Selon une jurisprudence constante, le
Tribunal fédéral ne s'écarte pas de leur appréciation, à moins qu'elle ne
repose sur une erreur de droit ou ne soit viciée par une contradiction,
une lacune ou une erreur de fait manifestes (arrêts non publiés du 19
mai 1949 dans la cause Hefefabriken AG, consid. 1, du 3 juin 1953 dans la
cause Hasliberg, consid. 5 a et du 9 juillet 1958 dans la cause Wettstein,
consid. 4). Il y a lieu de s'en tenir à cette jurisprudence qui, si elle
n'est fondée sur aucune disposition légale, est dictée cependant par
des nécessités pratiques. En effet, conformément aux art. 80 al. 1 et 82
al. 2 LEx., les experts, que le Tribunal fédéral est tenu de s'adjoindre
dans les affaires d'expropriation, sont appelés à se prononcer sur des
questions exigeant des connaissances particulières. Ainsi, en l'espèce,
ils devaient avoir une vaste expérience du marché immobilier et de la
valeur des propriétés de plaisance sises à proximité d'un centre urbain
déterminé. Comme les membres du Tribunal fédéral ne possèdent pas eux-mêmes
ces connaissances techniques - raison pour laquelle la loi les oblige à
s'adjoindre des experts -, force leur est de s'en remettre en principe à
l'avis de ces derniers sur les problèmes qui nécessitent ces connaissances
spéciales. Cette règle doit toutefois subir des exceptions dans les cas
précités. Il pourrait en aller de même dans d'autres hypothèses, par
exemple si les experts émettaient une opinion manifestement insoutenable,
ou s'il s'avérait après leur désignation qu'ils ne possédaient pas les
connaissances spéciales nécessaires.

Erwägung 4

    4.- (Dans ce considérant, le Tribunal fédéral expose les raisons
pour lesquelles il estime ne pas devoir s'écarter in casu de l'avis
des experts.)

Erwägung 5

    5.- Il reste à se prononcer sur le taux et le point de départ
de l'intérêt afférent à l'indemnité accordée. Alors que la Commission
d'estimation a fixé un taux de 5% dès la prise de possession, la commune de
Lausanne n'entend payer que 4% à compter de la mise en activité du stand.

    L'art. 76 al. 2 LEx. par le de taux usuel, sans autre précision. Jadis,
le Tribunal fédéral a admis celui de 5%, en invoquant l'art. 83 CO ancien,
auquel correspond l'art. 73 al. 1 actuel (RO 20 p. 367; HESS, note 14
ad art. 76 LEx.). Toutefois, la jurisprudence se fonde régulièrement
aujourd'hui sur 4% (arrêt Hefefabriken AG du 19 mai 1949 consid. 9 et
nombre de projets d'arrêts). C'est à juste titre. Le litige en cause ne
relevant pas du droit privé, il ne s'impose nullement d'appliquer les
règles du code des obligations. Mieux vaut adopter, conformément à la
tendance récente, un taux qui soit véritablement usuel (cf. RO 78 I 90;
85 I 185). Or 4% paraît plus proche de la réalité que 5%, surtout si l'on
tient compte qu'il ne s'agit pas d'un intérêt moratoire. Il convient
donc de s'en tenir au chiffre proposé par la commune de Lausanne, son
recours joint étant bien fondé sur ce point. La question de savoir
ce qu'il faut entendre par "taux usuel" au sens de l'art. 88 al. 1
LEx. demeure réservée.

    En revanche, il ne se justifie pas de déroger à l'art. 76 al. 2 LEx.,
qui fait courir l'intérêt depuis la prise de possession. Avant cette époque
déjà, les acheteurs éventuels du Château de Vernand se seraient sans
doute prévalus de l'installation future du stand pour tenter d'obtenir
une réduction de prix. Autrement dit, c'est au plus tard à la prise
de possession, soit le 20 février 1957, que la propriété du recourant
principal a été dévaluée.