Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 87 I 48



87 I 48

8. Arrêt du 1er février 1961 dans la cause Aeberhard contre Broquet et
Cour des poursuites et faillites du Tribunal Cantonal Vaudois. Regeste

    Art. 80 und 81 SchKG. Verhältnis dieser Bestimmungen zu Art. 61 BV
(Erw. 1).

    Art. 59 BV. Der Rechtsöffnungsrichter hat diese Bestimmung von
Amtes wegen anzuwenden, wenn der Betriebene die Zuständigkeit des
ausserkantonalen Richters bestreitet, der über die in Betreibung gesetzte
Forderung entschieden hat (Erw. 2).

    - Gültigkeit einer Gerichtsstandsklausel? (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- Le 7 août 1956, Fritz Aeberhard, commerçant établi à Berne, a
vendu à Hubert Broquet, tenancier d'un bazar à Coppet, deux distributeurs
automatiques de marchandises au prix de 5580 fr. Le contrat de vente,
daté de Coppet, comprend 9 alinéas s'étendant sur une page et demie de
texte. Les deux derniers alinéas, figurant au verso de la page et suivis
immédiatement des signatures, contiennent les clauses suivantes:

    "8. Pour toutes contestations qui pourraient se présenter en vertu
du présent contrat, Berne est reconnu comme for de juridiction.

    9. Ce contrat d'achat est établi en trois exemplaires. L'ache. teur
confirme en avoir reçu un."

    L'exécution de ce contrat donna lieu à plusieurs discussions;
des poursuites et des procédures de mainlevée furent engagées devant
les autorités vaudoises. Finalement, Aeberhard ouvrit action devant le
juge de Berne, en paiement d'un solde de 346 fr. Le 10 mai 1960, eut lieu
devant le président du Tribunal III de Berne une séance à laquelle Broquet
ne comparut pas. Se fondant sur la prorogation de for contractuelle, le
président condamna Broquet à verser à Aeberhard un montant de 346 fr. avec
intérêt à 5% l'an dès le 1er mars 1959, plus les frais de la procédure
s'élevant à 113 fr. 65. Aeberhard ouvrit poursuite en paiement de ces
montants; Broquet fit opposition, en prétendant que la prorogation de for
était nulle en vertu de l'art. 11 de la loi fédérale du 4 octobre 1930
sur les voyageurs de commerce (LVC). Le juge de paix de Coppet prononça
la mainlevée définitive de l'opposition pour le motif que Broquet aurait
dû faire valoir l'exception d'incompétence devant le juge bernois.

    Sur recours de Broquet, la Cour des poursuites et faillites du
Tribunal cantonal vaudois a annulé cette décision et maintenu l'opposition
totale faite à la poursuite. La Cour relève que le refus du juge de paix
d'examiner l'exception avancée par Broquet est contraire à l'art. 81
al. 2 LP. Cependant, l'art. 11 LVC n'est pas applicable en l'espèce, car
la transaction en question n'est pas une vente au détail, puisque Broquet
l'a conclue en tant que commerçant pour l'usage de son bazar. En revanche,
la Cour cantonale estime que les exigences posées par la jurisprudence pour
l'application de l'art. 59 Cst. ne sont pas satisfaites, car la prorogation
de for, insérée entre d'autres clauses du contrat, n'est mise en évidence
ni par sa place, ni par des caractères typographiques différents, ni par
un titre. Cette clause étant nulle, le juge bernois n'était pas compétent.

    B.- Aeberhard a déposé un recours de droit public au Tribunal fédéral,
en concluant à l'annulation de la décision cantonale et au prononcé de
la mainlevée définitive de l'opposition. Se fondant sur les art. 4, 59
et 61 Cst., le recourant estime que c'est à tort que la Cour cantonale
a refusé d'admettre la validité de la prorogation de for.

    C.- Broquet conclut au rejet du recours pour les motifs retenus par
le juge cantonal.

    D.- La Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal propose
également le rejet du recours en se référant aux motifs de sa décision.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Les art. 80 et 81 LP ne font que préciser, pour le cas particulier
de la procédure de mainlevée de l'opposition, l'application de l'art. 61
Cst., selon lequel les jugements civils rendus dans un canton sont
exécutoires dans toute la Suisse. C'est pourquoi, dans la mesure où elle
se prononce sur la validité du jugement au fond, la décision de mainlevée
prononcée en l'espèce par la Cour cantonale peut être attaquée par un
recours de droit public fondé sur l'art. 61 Cst. Dans un tel recours,
le Tribunal fédéral pourra examiner librement les conditions auxquelles
le jugement au fond sera exécutoire (RO 71 I 24).

Erwägung 2

    2.- Broquet a contesté, en procédure de mainlevée, la compétence du
juge bernois qui s'était prononcé sur le fond. Il avait le droit de le
faire en vertu de l'art. 81 al. 2 LP qui prévoit expressément ce cas. La
Cour cantonale a donc eu raison d'examiner l'exception du recourant.

    Au cours des instances cantonales, Broquet a invoqué la nullité de la
prorogation de for prévue dans le contrat du 7 août 1956, en se fondant
uniquement sur l'art. 11 LVC. (Il a abandonné - avec raison - ce moyen de
droit dans son mémoire au Tribunal fédéral.) Le recourant considère que
la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal a fait preuve
d'arbitraire et a violé l'art. 4 Cst. en examinant d'office l'application
de l'art. 59 Cst. Cette manière de voir ne peut être admise. La compétence
du juge bernois étant contestée, le juge devait l'examiner également
sous l'angle de l'art. 59 Cst.; s'il avait prononcé la mainlevée sans
tenir compte de cette disposition constitutionnelle, l'opposant aurait
eu la possibilité de déposer un recours de droit public pour violation
de l'art. 59 Cst., même s'il n'avait pas invoqué cet article au cours de
la procédure cantonale. En effet, la jurisprudence (RO 83 I 20 consid. 2)
a admis que le recourant peut faire valoir devant le Tribunal fédéral des
faits et des moyens de droit nouveaux, lors de recours qui sont recevables
sans que les instances cantonales aient été épuisées. Or tel est le cas
en l'espèce, en vertu de l'art. 86 al. 2 OJ. On peut admettre, en outre,
que par le seul fait qu'il a contesté la compétence du juge bernois et
revendiqué son for naturel l'opposant a invoqué implicitement l'art. 59
Cst., même s'il ne l'a pas fait expressément.

Erwägung 3

    3.- D'après la jurisprudence (RO 85 I 150, 84 I 36 et les arrêts
cités), la clause de prorogation de for n'est valable que si son contenu
ne peut pas prêter à malentendu et si elle exprime sans doute possible
la volonté des signataires de se soumettre à un juge autre que celui qui
est normalement compétent. En l'espèce, la prorogation de for contenue
dans le contrat du 7 août 1956 est parfaitement claire; personne ne le
conteste. La seule question qui se pose est de savoir si Broquet en a eu
connaissance lorsqu'il a signé le contrat ou si elle lui a échappé, car
il est évident qu'une clause dont une partie n'aurait pas eu connaissance
ne pourrait exprimer la volonté de celle-ci.

    A plusieurs reprises, le Tribunal fédéral a déclaré des clauses de
prorogation de for non valables, lorsque la partie qui renonçait, selon le
contrat, à son juge naturel avait rendu vraisemblable que cet engagement,
qu'elle avait effectivement signé, lui avait échappé, soit qu'elle ait
été pressée par le temps ou par son co-contractant, soit que la clause
ait été perdue au milieu d'un contrat comprenant de nombreux articles (RO
57 I 11, 52 I 268, 49 I 50). C'est ainsi que, dans le dernier arrêt cité,
le Tribunal fédéral a relevé que la société qui avait prévu la prorogation
de for dans son contrat, aurait dû mettre cette clause en évidence par
des moyens appropriés ou en signaler l'existence au recourant lors de la
conclusion du contrat. Cependant il ne s'agit évidemment pas là d'une
règle de forme à laquelle serait liée la validité de la clause, mais d'un
élément d'interprétation de la volonté des parties. La manière dont la
clause était alors insérée dans le contrat a permis de considérer comme
vraisemblable l'affirmation de la partie qui déclarait ne l'avoir pas
remarquée. Dans le cas présent en revanche, Broquet n'a jamais prétendu,
au cours de toute la procédure cantonale, qu'il n'avait pas eu connaissance
de la prorogation de for; il ne le dit même pas expressément dans son
mémoire au Tribunal fédéral. Il n'y a pas lieu d'admettre, dès lors,
un vice de la volonté qu'il n'invoque même pas.

    Au reste, même s'il avait fait valoir ce moyen, on devrait constater
que la présente espèce est différente de celles qui ont donné lieu aux
arrêts cités: le contrat du 7 août 1956 ne contient que neuf articles,
assez courts; la clause de prorogation formant à elle seule l'alinéa 8
se trouve sur la seconde page, séparée seulement des signatures par une
courte phrase et par la date. En outre, le contrat portant sur une somme
importante a été conclu par un commerçant qui doit avoir une certaine
habitude des affaires. Il serait étonnant que ce commerçant achète deux
distributeurs automatiques valant plus de 5000 fr. sans lire le texte
relativement bref qui lui était soumis.

    Rien ne permettant d'admettre que le contrat signé par Broquet ne
correspondait pas à sa volonté, on doit considérer que celui-ci a renoncé
valablement à la garantie donnée par l'art. 59 Cst. et qu'il ne peut pas
invoquer l'incompétence du juge bernois.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Admet le recours, annule l'arrêt attaqué et lève définitivement
l'opposition formée par le recourant au commandement de payer, poursuite
no 37 471 de l'Office des poursuites de Nyon.