Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 87 I 186



87 I 186

30. Extrait de l'arrêt du 14 juin 1961 dans la cause Association de
scieries vaudoises et consorts contre Conseil d'Etat du Canton de Vaud.
Regeste

    Obligatorische bezahlte Ferien. Art. 6 ZGB, 2 Üb.-Best. der BV und
31 BV.

    Sind kantonale Bestnnmungen, welche die Arbeitgeber verpflichten,
den Arbeitnehmern bezahlte Ferien von einer bestimmten Mindestdauer
(hier: drei Wochen) zu gewähren, mit dem Grundsatz der derogatorischen
Kraft des Bundesrechts und mit der Handels- und Gewerbefreiheit vereinbar?

Sachverhalt

    A.- Le 15 juin 1959, le parti socialiste vaudois déposa une initiative
visant à introduire un régime de vacances payées basé sur les principes
suivants:

    1.  La durée des vacances doit être au minimum:

    a)  dans l'industrie, le commerce, les arts et métiers, les professions
libérales, la viticulture, la sylviculture, les exploitations maraîchères
et le service de maison:

    de 18 jours ouvrables consécutifs par an;

    b)  dans l'agriculture:

    de 6 jours ouvrables consécutifs dès la fin de la première année de
service dans l'agriculture,

    de 9 jours ouvrables consécutifs dès la fin de la deuxième année de
service dans l'agriculture,

    de 12 jours ouvrables consécutifs dès la fin de la troisième année
de service dans l'agriculture.

    2.  Les règles touchant les modalités et le calcul des vacances doivent
être au moins aussi favorables aux salariés que celles de la loi vaudoise
du 20 décembre 1944 sur le travail dans les entreprises non soumises à
la loi fédérale sur le travail dans les fabriques, dans l'agriculture et
dans le service de maison, actuellement en vigueur.

    3.  Est réservée l'application des lois cantonales, des règlements
communaux et des contrats collectifs de travail, mais seulement dans la
mesure où ils sont plus favorables aux salariés.

    Cette initiative, qui aboutit, fut signée par 18 639 citoyens. Les
3 et 4 décembre 1960, elle fut soumise au peuple, qui l'accepta par 37
652 voix contre 36 247.

    B.- Agissant par la voie du recours de droit public, l'Association de
scieries vaudoises et consorts ont requis le Tribunal fédéral de prononcer
que "l'initiative... adoptée par le peuple vaudois le 4 décembre 1960
est nulle", parce qu'elle est contraire notamment au principe de la force
dérogatoire du droit fédéral et à la liberté du commerce et de l'industrie.

    Le Conseil d'Etat du canton de Vaud conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le présent recours pose la question de savoir si des règles
de droit cantonal obligeant les employeurs à accorder aux salariés
des vacances payées d'une durée minimale déterminée sont conformes
à la constitution fédérale. Tel sera le cas d'une part si elles sont
compatibles avec le droit privé fédéral, en particulier avec les règles
du code des obligations relatives au contrat de travail, d'autre part si
elles respectent les principes découlant de l'art. 31 Cst.

    a) Sur le premier point, c'est l'art. 6 CC qui fait règle. D'après
cette disposition et la jurisprudence qui s'y rapporte, les cantons
peuvent restreindre le champ d'application du droit civil fédéral par
des règles de droit public, pourvu que celles-ci visent principalement
à promouvoir l'intérêt général, qu'elles se justifient par des motifs
raisonnables et pertinents d'intérêt général et qu'elles n'éludent pas
le droit civil fédéral (RO 85 II 375 et arrêts cités). Se fondant sur ces
principes, le Tribunal fédéral a admis à plusieurs reprises déjà que les
cantons - douze d'entre eux l'ont déjà fait - ont la faculté d'édicter
des dispositions instituant, pour l'ensemble des salariés, des vacances
payées obligatoires. De telles règles, a-t-il précisé, sont destinées
à sauvegarder la santé publique; elles sont donc des règles de droit
public au sens de la jurisprudence ci-dessus, dont elles remplissent
toutes les conditions; elles ne sont dès lors pas incompatibles avec le
droit civil fédéral (RO 85 II 375). (Quant à savoir si des lois sur les
vacances sont inconstitutionnelles en raison de la durée de celles-ci,
ce problème relève du principe de proportionnalité et doit être examiné
à propos de l'art. 31 Cst.)

    Cette jurisprudence, constante depuis plusieurs dizaines d'années,
n'est aujourd'hui pas discutée. Ni l'art. 341 CO ni les règles du droit
des obligations sur le salaire ne font douter de son bien-fondé. En effet,
l'art. 341 CO, qui oblige l'employeur à accorder à l'employé les heures
et jours de repos usuels, ne vise pas les vacances; il concerne uniquement
l'horaire journalier et le repos hebdomadaire. Quant aux règles du CO sur
le salaire, elles ne jouent pas de rôle, car les dispositions de droit
cantonal instituant des vacances payées obligatoires interviennent non dans
la fixation du montant de la rétribution, mais dans le mode de paiement
et de répartition de cette dernière au cours de l'année. Les cantons ne
perdraient le droit d'instituer des vacances payées obligatoires que
dans la mesure où ils autoriseraient les travailleurs à réclamer un
salaire relatif à des vacances qu'ils n'ont pas prises. En effet, les
dispositions cantonales sur les vacances sont d'intérêt public en tant
qu'elles contraignent l'employé - au moins indirectement - à se reposer
pour récupérer ses forces et ménager sa santé. Si elles n'impliquaient
pas cette obligation, elles cesseraient d'être destinées principalement
à sauvegarder la santé publique. Du point de vue de l'art. 6 CC, elles
perdraient alors leur justification (cf. RO 85 II 376).

    b) Quant à la liberté du commerce et de l'industrie, elle n'empêche
pas les cantons de légiférer en matière de vacances, pourvu que les règles
édictées ne constituent que des mesures de police au sens de l'art. 31
al. 2 Cst. D'après la jurisprudence, une mesure de police est admissible
lorsqu'elle tend à protéger soit la sécurité, la tranquillité, la moralité
ou la santé publiques, soit la bonne foi commerciale, lorsqu'elle respecte
le principe de proportionnalité, c'est-à-dire ne dépasse pas les exigences
du but visé, et quand elle n'a pas d'effets prohibitifs pour la branche
économique à laquelle elle s'applique (RO 86 I 274, 84 I 110; arrêt Union
des associations patronales genevoises, du 20 mai 1959, non publié).

    Des dispositions sur les vacances sont généralement conformes à la
première condition, car elles visent à sauvegarder la santé publique.

    La question de savoir si elles satisfont à la seconde est
essentiellement une question d'espèce. Sur le plan des règles générales,
il suffit de souligner que le législateur cantonal n'est pas tenu,
en vertu du principe de proportionnalité, d'instituer des vacances de
longueur différente suivant les catégories de travailleurs. Il peut se
borner à prévoir la durée minimale exigée par la santé de l'ensemble des
travailleurs et laisser pour le surplus le soin aux intéressés de régler
par les conventions collectives les situations spéciales qui pourraient
se présenter. Quant à cette durée minimale, elle dépend surtout des
circonstances locales. En 1947, des circonstances de ce genre ont amené
le Tribunal fédéral à juger qu'à Genève, des vacances de deux semaines
n'excédaient pas ce qui était nécessaire pour sauvegarder la santé publique
(arrêt Association suisse des maîtres relieurs, du 25 septembre 1947,
partiellement publié au RO 73 I 228). Aujourd'hui, pareille opinion est
très répandue en dehors du canton de Genève. Elle n'est plus discutée,
pas même par les recourantes. C'est pourquoi, actuellement, la question
qui se pose véritablement est celle de savoir si le législateur cantonal
respecte encore le principe de proportionnalité lorsqu'au lieu d'arrêter
la durée des vacances à deux semaines, il la fixe à trois semaines. En
1959, la Cour de céans a résolu cette question affirmativement dans un
arrêt concernant derechef le canton de Genève (arrêt précité Union des
associations patronales genevoises). Elle s'est fondée principalement
sur la fatigue nerveuse toujours plus répandue découlant d'un travail
sans cesse plus rapide, bruyant et monotone. Elle a estimé que ces faits
pouvaient justifier une augmentation des vacances et que, concernant leur
durée, il convenait de laisser à l'appréciation des cantons une certaine
marge, d'autant plus qu'il s'agit d'une question d'intérêt public, dont
le canton demeure en principe 1c meilleur juge.

    Enfin, d'après la jurisprudence, des règles sur les vacances n'ont
d'effet prohibitif que si le renchérissement des frais de production
qui en résulte met les artisans, commerçants et industriels visés dans
l'impossibilité de réaliser un bénéfice ou de soutenir la concurrence
(arrêt précité Union des associations patronales genevoises).

Erwägung 2

    2.- (Dans ce considérant, le Tribunal fédéral expose que l'initiative
litigieuse est conforme aux principes rappelés ci-dessus et qu'on ne
saurait faire de différence, du point de vue de la question à juger,
entre les cantons de Vaud et Genève.) 4. - Aucun des moyens invoqués
n'étant fondé, le recours doit être rejeté. Il ne s'ensuit pas que
les cantons puissent accorder des vacances de n'importe quelle durée
(RO 58 I 33). Dans les circonstances actuelles, des dispositions qui,
applicables à l'ensemble des salariés, iraient au-delà des lois vaudoise
et genevoise, risqueraient de franchir les limites que les art. 6 CC
et 31 Cst. imposent au législateur cantonal. Ce dernier doit d'ailleurs
tenir compte des circonstances spéciales existant sur le territoire où
s'exerce son pouvoir. En effet, des règles valables pour les cantons de
Vaud et Genève ne seraient pas nécessairement justifiées dans des régions
où les conditions de travail seraient très différentes. Au demeurant,
les dispositions abusives que les cantons seraient tentés d'adopter dans
ce domaine pourraient être annulées par la voie du recours de droit public.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    rejette le recours.