Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 87 II 7



87 II 7

2. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 24 mars 1961 dans la cause
B. contre B. Regeste

    Gerichtsstand der Ehescheidungs- und der Ehetrennungsklage. Art.
144 ZGB.

    Wohnsitz des Ehemannes, der seinen Wohnsitz im Ausland aufgegeben und
keinen neuen in der Schweiz, wo er sich aufhält, begründet hat (Erw. 2).

    1.  Tatsächliche Aufgabe des frühern Wohnsitzes im Ausland.

    2.  Begriff des Aufenthaltes. Wahl zwischen mehreren möglichen Orten.

    In welchem Verhältnis steht Art. 24 Abs. 2 ZGB zu Art. 7 g Abs. 1
NAG? (Erw. 3).

Sachverhalt

    A.- R. B. est originaire d'Avry sur Matran, dans le canton de
Fribourg. Le 6 avril 1939, il épousa S. di M., dont il eut trois
enfants. Il vécut avec sa famille à Rome, où il travaillait au service
de l'Administration spéciale du Saint-Siège.

    Des dissensions conjugales l'engagèrent à quitter l'Italie pour
s'établir en Suisse. En juin 1958, il démissionna de ses fonctions et
se rendit à Genève, où il loua une chambre le 26 de ce mois. Après
être retourné à Rome le 30, notamment pour faire enregistrer son
départ, il revint à Genève et s'y inscrivit le 9 juillet au Contrôle de
l'habitant. A cette époque, il fit plusieurs voyages d'un ou deux jours
à Paris et à Fribourg. En septembre, il se soigna dans une clinique de
Lausanne. Entre temps, il avait multiplié des démarches dans quelques
villes suisses afin de trouver une occupation. A partir du 1er novembre
1958, il fut employé par une banque de Nyon et, dès le 15 octobre 1959,
par une maison genevoise.

    B.- Le 9 juillet 1958, il intenta devant le Tribunal de première
instance de Genève une action en divorce, qu'il transforma ultérieurement
en demande de séparation de corps. Sa femme excipa de l'incompétence du
for genevois.

    Le 22 septembre 1960, le tribunal saisi se déclara compétent
en l'état. Il considère qu'à l'ouverture du procès, B. avait quitté
son domicile en Italie sans en acquérir un nouveau en Suisse; comme il
résidait à Genève, il était réputé domicilié dans cette ville conformément
à l'art. 24 al. 2 CC et avait dès lors le droit d'y introduire une action
en divorce en vertu de l'art. 144 CC.

    Le 10 janvier 1961, la Cour de justice du canton de Genève confirma
ce jugement, tout en admettant la compétence des tribunaux genevois à
titre définitif et non seulement en l'état.

    C.- Dame B. recourt en réforme contre l'arrêt de seconde instance.

Auszug aus den Erwägungen:

Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- ...

Erwägung 2

    2.- L'art. 24 al. 2 CC répute domicilié au lieu de sa résidence
celui qui quitte son domicile à l'étranger sans en acquérir un nouveau
en Suisse. Il s'agit d'examiner dans le cas particulier si la juridiction
cantonale s'est fondée à juste titre sur cette disposition pour attribuer
à l'intimé un domicile à Genève le 9 juillet 1958, soit à l'ouverture du
procès en divorce.

    On doit se demander d'abord si, à cette date, l'intimé avait quitté
son domicile à l'étranger au sens de l'art. 24 al. 2 CC. Pour remplir
cette condition, il suffit d'abandonner en fait le domicile étranger;
peu importe que ce dernier subsiste ou non en vertu du droit étranger à
titre de domicile légal (RO 68 II 184; EGGER, 2e éd., note 5 ad art. 24
CC). La situation de fait l'emporte donc sur l'état de droit; sinon,
l'application de la loi suisse serait subordonnée à la possibilité de
renoncer à un domicile en droit étranger (HOLENSTEIN, Der privatrechtliche
Wohnsitz im schweiz. Recht, p. 117). En l'occurrence, la Cour cantonale
déduit des circonstances qu'en juin 1958, B. était parti de Rome sans
esprit de retour. Cette constatation, ayant trait aux intentions de
l'intimé, lie le Tribunal fédéral. Elle se justifie d'ailleurs au regard
de l'ensemble des faits retenus par la décision attaquée. C'est en juin
1958 que B. a démissionné de ses fonctions auprès de l'Administration
spéciale du Saint-Siège. Comme il désirait se séparer de sa femme et se
fixer en Suisse, plus rien ne le rattachait à Rome. Il n'importe que sa
démission ait été acceptée immédiatement ou plus tard; ce qui est certain,
c'est qu'il ne l'a pas révoquée. Il est indifférent aussi qu'après avoir
loué le 26 juin une chambre à Genève, il ait reparu à Rome le 30; ce bref
passage, dont il a profité pour faire enregistrer son départ, n'implique
pas un changement d'intention. Dès lors, le 9 juillet 1958, il avait
quitté son domicile à l'étranger dans l'acception de l'art. 24 al. 2 CC.

    De plus, il n'avait pas acquis en Suisse de nouveau domicile. Il n'y
résidait nulle part avec l'intention de s'établir, comme l'exige l'art. 23
al. 1 CC. En particulier, s'il avait loué une chambre à Genève et s'y
était inscrit au Contrôle de l'habitant, il n'avait pas fait de cette
ville le centre de ses relations (RO 85 II 322 et arrêts cités). Sans
activité lucrative, il n'occupait pas son logis en permanence. Il s'était
simplement procuré à Genève un pied-à-terre pour trouver un emploi,
là ou ailleurs. Ce n'était pas un domicile.

    Aussi, lors de l'introduction de l'action en divorce, ayant déjà quitté
l'Italie sans avoir encore acquis un domicile en Suisse, l'intimé était-il
censé domicilié, de par la fiction de l'art. 24 al. 2 CC, au lieu de sa
résidence. Telle que la prévoit l'art. 24 al. 2 CC, la résidence suppose
un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce
lieu de rapports assez étroits; un séjour tout à fait éphémère ou de pur
hasard n'est pas une résidence (RO 56 I 454). Mais il ne s'ensuit pas que
seul un séjour prolongé et permanent la constitue. S'il en était ainsi,
certaines personnes se trouveraient dépourvues de résidence et, partant,
privées de domicile. Ce résultat, dont les tiers pourraient aussi pâtir,
serait contraire au but de l'art. 24 al. 2 CC, qui tend à éviter l'absence
de domicile (EGGER, 2e éd., note 4 ad art. 24 CC; HAFTER, 2e éd., note
1 ad art. 24 CC; HOLENSTEIN, op.cit., p. 115). Comme l'a déclaré le
rapporteur de langue française lors des débats du Conseil national sur
le projet de code civil, "il faut absolument que toute personne puisse
être rattachée à un domicile; le législateur lui en assigne un si elle
n'en a pas ou si elle n'en a plus" (Bull. stén. 1905, p. 455). Or, selon
l'art. 24 al. 2 CC, celui qui quitte son domicile à l'étranger sans en
acquérir un nouveau en Suisse ne peut être réputé domicilié qu'au lieu où
il réside. Pour obtenir un domicile, il devra donc nécessairement avoir
une résidence. S'il séjourne tantôt dans un endroit tantôt dans un autre,
il sera tenu pour résidant là où l'unissent les liens les plus forts
(RO 56 I 455). En l'espèce, deux villes peuvent être envisagées comme
résidence de l'intimé: Fribourg et Genève. C'est à juste titre que la
juridiction cantonale a retenu la seconde. Certes, en été 1958, l'intimé
s'est rendu une fois ou l'autre à Fribourg, où habite sa mère et où,
selon la recourante, il aurait reçu de la correspondance. Néanmoins,
désireux de s'employer dans une banque, il avait intérêt à s'établir dans
un centre financier plus important. D'autre part, s'il avait à Fribourg
des parents et des connaissances, ce n'était pas une raison péremptoire
de se fixer dans cette ville plutôt qu'ailleurs. Au contraire, comme le
fait observer la Cour cantonale, il pouvait craindre que les personnes
renseignées sur ses difficultés familiales ne lui facilitent pas toutes
la recherche d'une occupation. En revanche, il avait certaines attaches
avec Genève, où de sérieux motifs l'engageaient à s'installer. C'est là
qu'il avait loué une chambre et, s'il ne l'habitait pas en permanence, il
y revenait régulièrement et s'y faisait adresser du courrier. Au surplus,
il pouvait espérer trouver dans cette ville d'affaires une activité qui
répondît à ses aspirations. En tout cas, il n'avait guère à redouter d'y
être entravé par ses déboires conjugaux. Bref, si Genève n'était pas
encore le centre de ses relations le 9 juillet 1958, c'est tout de même
avec ce lieu qu'il avait alors les rapports les plus étroits. C'était
donc l'endroit où il résidait.

    Il s'ensuit qu'au jour de l'ouverture du procès, conformément à
l'art. 24 al. 2 CC, le recourant était réputé domicilié à Genève. A cette
date, il avait le droit d'y demander le divorce en vertu de l'art. 144
CC. Aussi la recourante décline-t-elle à tort la compétence du juge
genevois.

Erwägung 3

    3.- L'art. 7 g al. 1 LRDC, qui autorise le Suisse habitant l'étranger
à intenter une action en divorce devant le juge de son lieu d'origine,
ne fait pas obstacle à cette solution, comme paraît le croire la
recourante. Son but, c'est de procurer un for suisse au Suisse qui,
n'étant pas domicilié dans son pays, ne peut y plaider en divorce en se
fondant sur l'art. 144 CC. Par conséquent, celui qui invoque l'art. 7 g
al. 1 LRCD doit prouver avant tout qu'il n'a pas de domicile en Suisse
(STAUFFER, Der Ehescheidungsgerichtsstand in der Schweiz, p. 73). Or,
tel n'était pas le cas de l'intimé qui, selon l'art. 24 al. 2 CC, était
censé domicilié à Genève. Au reste, il serait contradictoire qu'un Suisse
ait quitté son domicile à l'étranger conformément à l'art. 24 al. 2 CC
et qu'il y habite encore suivant l'art. 7 g al. 1 LRDC.