Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 86 I 81



86 I 81

15. Arrêt du 1er juin 1960 dans la cause Aulas contre de Seigneux et
Commission genevoise de recours pour la limitation du droit de résiliation.
Regeste

    Art. 4 BV. Willkür.

    Wer gewerbsmässig Wohnungen mietet, um sie an Dritte unterzuvermieten,
kann sich der Kündigung einer dieser Wohnungen nicht unter Berufung
auf die Bestimmungen über den Mieterschutz widersetzen. Der Entscheid,
der ihm gleichwohl den Mieterschutz gewährt, beruht auf einer völligen
Verkennung des Zwecks dieser Bestimmungen und ist daher willkürlich.

Sachverhalt

    A.- Le 15 septembre 1945, demoiselle Tremollières, aujourd'hui dame
Aulas, remit à bail à dame de Seigneux un appartement de deux pièces dans
un immeuble dont elle est propriétaire à Genève. Dame de Seigneux meubla
cet appartement et, depuis lors, le sous-loue. Elle agit de même avec
plusieurs autres appartements, si bien que c'est là son unique profession.

    Le 30 octobre 1957, dame Aulas, qui se plaignait du comportement
du sous-locataire, résilia le bail pour le 15 décembre 1957. Dame de
Seigneux fit opposition. La Commission genevoise pour la limitation du
droit de résiliation et la Commission de recours déclarèrent le congé
injustifié. Le 2 juillet 1958, le Tribunal fédéral rejeta un recours de
droit public interjeté par dame Aulas.

    B.- Le 7 octobre 1959, dame Aulas résilia à nouveau le bail pour le 15
juin 1960. Dame de Seigneux fit derechef opposition. Le 12 décembre 1959,
la commission de première instance déclara le congé injustifié. Saisie
par dame Aulas, la Commission de recours, statuant le 22 février 1960,
confirma cette décision notamment pour les raisons suivantes:

    Dame Aulas prétend qu'elle a besoin de l'appartement litigieux. Ce
n'est cependant ni pour elle-même, ni pour de proches parents, ni pour
un employé, mais uniquement pour pouvoir elle-même le louer meublé à des
tiers. Elle ne saurait dès lors invoquer l'art. 32 litt. b OCL. D'ailleurs,
elle ne prétend pas devoir améliorer une situation financière difficile;
elle cherche simplement à augmenter ses revenus. En revanche, dame
de Seigneux vit de la sous-location. Elle a dès lors un intérêt plus
important à conserver l'appartement. Elle est donc fondée à invoquer
l'art. 31 al. 1 OCL.

    C.- Agissant par la voie du recours de droit public, dame Aulas
requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision de la Commission
de recours. Elle se plaint d'une violation de l'art. 4 Cst. féd. et 6
Cst. gen. (garantie de la propriété).

    La Commission se réfère aux considérants de son arrêt. Dame de Seigneux
conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le présent recours pose essentiellement la question de savoir s'il
est arbitraire de mettre une personne au bénéfice des dispositions sur la
protection des locataires quand elle n'occupe pas elle-même l'appartement
qu'elle a pris à bail, mais qu'elle le sous-loue à un tiers. Le litige
a donc trait exclusivement aux rapports entre le propriétaire et le
locataire. Il n'a pas pour objet les droits que le sous-locataire peut
tirer de l'art. 30 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 28 décembre 1956
concernant le contrôle des loyers et la limitation du droit de résiliation.

Erwägung 2

    2.- Les règles de droit fédéral relatives à la protection des
locataires ont leur origine dans l'arrêté du Conseil fédéral du 15
octobre 1941 instituant des mesures contre la pénurie de logements,
arrêté fondé lui-même sur l'art. 3 de l'arrêté fédéral du 30 août 1939
sur les mesures propres à assurer la sécurité du pays et le maintien
de sa neutralité. Dans son VIe rapport à l'Assemblée fédérale au sujet
des mesures prises par lui en vertu de ses pouvoirs extraordinaires,
le Conseil fédéral a justifié son arrêté du 15 octobre 1941 (FF 1942
p. 322). Des explications qu'il donne, il ressort qu'il a voulu protéger
"les personnes en quête d'un appartement", c'est-à-dire - cela ne fait
pas de doute - les personnes qui recherchent un logement pour y habiter
elles-mêmes, à l'exclusion de celles qui voudraient louer un appartement
pour le meubler puis le sous-louer à des tiers.

    L'arrêté du 15 octobre 1941 n'a été en vigueur que jusqu'au 31 décembre
1953, conformément à l'art. 3 de l'additif constitutionnel du 26 septembre
1952 sur le maintien temporaire d'un contrôle des prix réduit (ROLF 1952,
p. 1081). La protection des locataires n'a pas cessé pour autant. Dans
son message du 2 mai 1952 sur le maintien temporaire du contrôle des
prix, le Conseil fédéral observait au contraire qu'une prorogation du
contrôle des loyers exigeait "le maintien des mesures visant à protéger
les locataires contre toute résiliation abusive des baux à loyers" (FF
1952, 2, p. 84); il avait en vue dans ses explications le locataire qui
occupait l'appartement et que le propriétaire cherchait à expulser pour
obtenir d'un tiers un loyer plus élevé.

    En exécution de l'additif constitutionnel du 23 novembre 1952,
l'Assemblée fédérale a adopté l'arrêté fédéral du 10 juin 1953 instituant
les dispositions applicables au maintien d'un contrôle des prix réduit,
dont l'art. 6 autorise le Conseil fédéral à édicter des prescriptions sur
la limitation du droit de résiliation. C'est en vertu de cet art. 6 que le
Conseil fédéral a promulgué son ordonnance du 30 décembre 1953 concernant
le contrôle des loyers et la limitation du droit de résiliation. Sur ce
dernier point, il n'a rien voulu changer au système en vigueur jusque-là
et visant à protéger les locataires occupant eux-mêmes l'appartement
litigieux. En effet, dans son message du 3 février 1953 relatif à l'arrêté
du 10 juin 1953, il a exposé que la réglementation observée jusqu'alors
avait donné satisfaction et qu'il avait dès lors l'intention de l'insérer
dans les dispositions tendant à assurer l'exécution de l'arrêté fédéral
(FF 1953, 1, p. 316).

    Depuis lors, la situation ne s'est pas modifiée. L'additif
constitutionnel du 26 septembre 1952 a été prorogé jusqu'au 31 décembre
1960 (ROLF 1956, p. 822). L'art. 6 de l'arrêté fédéral du 28 septembre
1956 instituant les dispositions applicables au maintien d'un contrôle des
prix réduit a autorisé le Conseil fédéral à édicter des dispositions sur
la limitation du droit de résiliation. Se fondant sur cette disposition, le
Conseil fédéral a promulgué l'ordonnance du 28 décembre 1956 concernant le
contrôle des loyers et la limitation du droit de résiliation. Les diverses
règles ainsi adoptées correspondent à celles en vigueur antérieurement.

    Ainsi, il ressort de la genèse des textes applicables que, dans la
mesure où ceux-ci protègent le locataire, ils visent le locataire qui
occupe lui-même l'appartement. C'est ce que confirment les dispositions
de l'ordonnance prévoyant les cas dans lesquels le congé est justifié
ou injustifié. Ainsi l'art. 32 litt.a dispose que le congé est justifié
quand la conduite du preneur ou de sa famille donne lieu à des plaintes
fondées. Il ne peut s'agir là que du preneur habitant lui-même les lieux
loués. Il en est également ainsi à l'art. 33 litt.b qui permet d'annuler
le congé quand il a été donné à une famille nombreuse sans autre motif
que le nombre des enfants. L'art. 35 est encore plus clair. Il précise
en effet que "lorsque des circonstances particulières le justifient,
l'autorité peut décider ... que le preneur pourra demeurer dans les locaux
loués pendant six mois ..." (en allemand: "dass der Mieter ... in der
bisherigen Mietsache bleiben darf"). Manifestement, le preneur est ici
celui qui occupe les locaux lui-même.

    Tout concorde ainsi à montrer que l'ordonnance du 28 décembre 1956,
en tant qu'elle s'applique au locataire, ne protège ce dernier que s'il
habite lui-même l'appartement qu'il a loué au propriétaire. Or en l'espèce,
dame de Seigneux ne demeure pas dans le logement dont dame Aulas a résilié
le bail. Elle le remet meublé en sous-location à des tiers, ce qui lui
assure un certain revenu. De toute évidence dès lors, elle ne saurait
se mettre au bénéfice des prescriptions de droit fédéral protégeant les
locataires. En appliquant néanmoins ces règles, la juridiction cantonale
n'a pas cherché à protéger un locataire occupant l'appartement qu'il a pris
à bail contre la résiliation abusive du contrat; elle a voulu permettre
à une personne, qui vit du produit de la sous-location d'appartements,
de continuer à exercer son industrie. Elle a tenté ainsi d'atteindre un
but qui est complètement en dehors du cadre de l'ordonnance du 28 décembre
1956 et de l'arrêté du 28 septembre 1956. Elle a détourné les institutions
créées par ces textes de leur but véritable. Ce faisant, elle est tombée
dans l'arbitraire, de sorte que sa décision doit être annulée.

    Cette solution est du reste conforme à la jurisprudence du Tribunal
fédéral qui a toujours cassé les décisions cantonales appliquant des
dispositions légales à des fins étrangères au but poursuivi par le
législateur. Ainsi, dans l'arrêt RO 68 I 129, le Tribunal fédéral,
constatant que le refus ou le retrait d'établissement prononcé en
vertu de l'art. 19 de l'arrêté du Conseil fédéral du 15 octobre 1941
(cité ci-dessus) ne pouvait être fondé que sur la pénurie de logements,
a annulé une décision cantonale prise en vertu de cette disposition et
retirant l'établissement à un citoyen par le motif que celui-ci était
indésirable. De même, dans son arrêt non publié du 15 octobre 1958 dans
la cause Frischknecht, le Tribunal fédéral a annulé le refus d'un permis
de construire une maison de week-end au bord d'un lac, refus basé sur
des motifs tenant à la protection des sites, alors que les dispositions
légales appliquées ne visaient que la police des eaux (cf. aussi par
exemple RO 48 I 303, 57 I 111/112, 76 I 293).

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral

    Admet le recours et annule la décision attaquée.